dimanche, 07 mai 2017
Le trident dominical
Le trident dominical se poursuit tant bien que mal, vaille que vaille, et son sens s'éloigne de nos sens pour mieux les ébaudir - ou les énerver.
Il se lit en entier par là-bas, voici toutefois les plus récentes strophes :
Soudain ravagée,
Ma mémoire
De corps outragé,
Opulente moire
Au fond d'une
Mystérieuse armoire,
Discerne les runes
Que tes gestes
Tracèrent en dunes
Au cours de nos siestes
Où se fit
Le long palimpseste.
Allons si le cœur nous en dit voir la page du Trident dominical
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vendredi, 28 avril 2017
Vestiges d'une épure
I
C'était en Ariège, dans la patrie maternelle d'Hugues, lors d'une semaine de sessions musicales, entrecoupées de balades sauvages à travers les montagnes et les cours d'eaux qui tortillent le long des escarpements.
Le massif de Tabe à l'aurore : découverte du silence pour cette jeunesse urbaine. Les visages s'étaient fait graves, absents aux soucis du monde, perdus dans un lointain qui prenait des saveurs différentes pour chacun. La naissance du soleil scintillait sur les herbes jaunes. Des mouflons dévalaient la vallée fumante de brume.
Il partagèrent les escarpements rocheux menant aux abris pyrénéens ; des bœufs musicaux sur les soulanes au coucher du soleil ; un déjeuner dans un restaurant de la ville de Foix. Ce déjeuner, on l'aurait voulu éternel tant fut douce la perfection de l'amitié, de la cuisine, du vin de Corbières. L'aïgo bullido ouvrit le palais ; l'azinat cuisinée par des mains chargées d'une expertise ancestrale ; le bamalou jeta un pont entre le plat et les tendres flocons d'Ariège qui closirent le repas.
Ils montèrent ensuite en Languedoc, où l'Aude prend sa source, pour redescendre en kayak jusqu'au canal de la Robinne.
A Narbonne la truculente, soûlé de vin de Banyuls, Michel avait écrit un poème intitulé Loup de Foix, inspiré des campagnes militaires médiévales du fils bâtard de Raimond-Roger de Foix et d'Ermengarde de Narbonne. Destiné à devenir un opéra, Loup de Foix n'avait jamais vu le jour, mais dans la perfection de ces journées en pays catalan, qui aurait pu prédire que leur amitié vivait ses dernières heures ? De Narbonne ils étaient rentrés à Paris par un vieux train qui cahotait sur les rails.
II
Au cours de la soirée, ils écoutèrent en boucle une belle interprétation du poème symphonique Dans les Steppes de l'Asie Centrale, de Borodine. Saylor Géraud l’avait programmée pour passer treize fois. Ils eurent l'impression d'être tous trois nus dans un sauna de sons où leurs cœurs se dilataient. Lorsque la musique se tut, ils revinrent à eux et au monde, peu à peu, et ne se parlèrent plus. Dans ce silence ils se sentaient en pleine communion. Les bruits de la rue – cris de jeunes gens excités, freinages brusques de voitures, sirènes de la police et du Samu – leur venaient adoucis et leur paraissaient musique, continuation de la musique. Au lieu de rendre les sons criards du quotidien plus laids encore à leurs oreilles, la musique profonde et mystérieuse de Borodine leur avait ouvert la porte de l'amour de chaque son, de tous les sons.
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samedi, 22 avril 2017
La vie tranquille de Marc-Alexis, frère de Dylan-Sébastien M-T
La nuit, tu t'exerces à disparaître de l'Internet, à fuir les espions informatiques qui te traquent. Ensuite, tu écoutes la musique de Paris-Texas en sirotant un punch, tu respires les effluves du cannabis que tu as planté par principe dans ton petit jardin, mais que tu ne fumes jamais (par principe).
Et puis tu dors, à l'étage.
Le matin, tu paresses au lit avec un café.
A midi, tu pars avec ton pan bagnat dans ton sac. Le vélomoteur t'emporte derrière le lac, au milieu des pins.
Tu tends la sangle entre deux troncs et tu t'exerces à marcher en équilibre, tu déjeunes assis dans les épines, exactement là où le soleil traverse la clairière.
L'après-midi (14h-19h30), tu travailles au bar du Temps.
Tu passes chez Alphonse et Marie sur le chemin du retour, vous jouez de la musique quand la mer est plate, vous glissez sur les vagues lorsqu'elles vous appellent à grands cris de houle. Souvent, ils t'invitent à dîner.
Tu rentres chez toi un peu après l'arrivée de la nuit, en cette entre-deux-saisons. Tu allumes ton ordinateur.
Et tout recommence.
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jeudi, 13 avril 2017
Enalsinior ! Avril défile.
Écriture à quatre mains d'un ouvrage semi-biographique, semi-apologétique : voix d'une mère, plume d'une fille.
Fabrication, dans le ventre d'une jeune femme à la hanche tatouée, d'un neveu dont j'espère l'amitié.
Célébration (avec des coupelles en cristal, des verres rouges, un plat mystérieux) de la rencontre, un douze avril 2013, entre une louve et un oiseau, ou, pour être plus précise, entre une étoile et une chienne.
Écoute de Coil, de sa musique industrialo-planante. Personne ne me voit descendre les escaliers du son pur.
Trois films m'attendent, me poursuivent, me harcèlent, me torturent : Caravaggio de Derek Jarman, Thérèse, d'Alain Cavalier et Teresa el cuerpo de Cristo de Ray Loriga. Italie, France, Espagne, les pervers et les saints.
Un certain mois d'avril auprès de l'océan Atlantique.
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lundi, 10 avril 2017
Kévin
Qui es-tu, Kévin ? Je marche à côté de toi.
Tu es beau soudain quand tu parles de toi. Nous nous sommes rencontrés il y a quelques années, nous avions échangé quelques phrases, banales, dans un café, après l'exposition des photographies de Josef Sudek. Tu étais un ami d'amis d'amis et ta manière de regarder les images m'avait plu. Tu ne t'exprimais pas beaucoup, tu souriais calmement. Tu semblais réservé.
Ce soir, sur la plage, te revoilà, comme sorti d'un film ou d'un conte. Nous avons fait quelques pas après que nos regards se sont croisés, il faut du temps pour se reconnaître quand on ne s'est vu qu'une seule fois, il y a déjà plusieurs années. Je me suis retournée, en même temps que toi. Un sourire, des mots gênés, le souvenir des noirs et blancs du photographe tchèque.
La raison de ta présence sur cette plage, loin de Paris, semble floue. La mienne est évidente, ne présente que peu d'intérêt. Nous marchons vers le phare, nous traversons les ruelles du port, nous observons les silhouettes des bateaux dans la nuit.
Tu ressembles à quelqu'un, mais je ne sais pas qui.
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vendredi, 07 avril 2017
La Parole attendue
Esmerine ta musique coule dans la maison au bord de la route et accompagne mes aspirations en déroute.
Sainte Thérèse d'Avila, deux ou trois phrases de toi lancinent mon cœur, oscillation de ton océan spirituel inaccessible.
Louis XVII, tu ressembles aux enfants d'aujourd'hui qu'on suicide et qu'on bat dans le silence feutré des appartements. De temps en temps, l'un de vous meurt et l'on fait un procès qui retentit dans le fatras pouilleux des médias officiels, et puis voilà.
Étoile, mon étoile, tu es partie dans ton village natal, où les tracteurs escaladent les collines pour toucher les vignes proches du ciel.
Âme, mon âme, personne n'a pu encore démontrer ton existence.
Frère, sœur, devenus adultes vous vous êtes éloignés de moi, où pétillait l'intimité retentit désormais votre part de mystère et vous ne pleurez plus sur mon épaule.
Mon fils, tu n'es pas (encore) né.
Couvent de ma retraite, je ne t'ai pas encore trouvé.
Mes premiers cheveux blancs il y a quelques jours, cachés pour l'instant sous les autres cheveux.
Je cherche la Parole, qu'elle soit tienne ou divine, je cherche la voix qui me sauvera, ou qui me consolera.
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dimanche, 02 avril 2017
Comme un souffle trop fragile
Et dans ta boite mail au premier janvier tu reçois, de tes cousins et cousines, des lettres de vœux qui se ressemblent toutes.
Par exemple, celle-ci, puisée au hasard dans la récolte des vœux et que tu m'as transmise tout à l'heure :
"Chère Famille, chers amis,
Eric se joint à moi pour vous souhaiter une sainte et heureuse année 2017 ! Que cette année qui vient vous apporte une abondance de joies et de belles rencontres !
C'est l'occasion pour nous de vous demander pardon de n'avoir pas donné beaucoup de nouvelles, au cours de cette année qui, comme les précédentes, à été très riche.
Notre petite famille continue de bien se plaire dans l'Ouest. La Bretagne s'est montrée si clémente cet été, que les enfants ont bien pu profiter de la piscine, et, nous l'avouons, nous aussi ! A l'ombre des tilleuls qui la bordent nous avons pu profiter de ces moments familiaux sans kways ! Cela nous a fait du bien, après un long hiver, entrecoupé toutefois par une croisière dans les îles espagnoles et par notre traditionnel séjour à "Serre-Che".
Nous profitons de ce nouvel an pour vous donner des nouvelles des enfants, qui ont bien grandi.
Gonzague, du haut de ses dix ans, s'ennuie en CM2 où il estime que les devoirs que sa maîtresse lui donne sont trop faciles. Heureusement, les weekends sont consacrés aux louveteaux. Il espère bien rejoindre bientôt les scouts marins et marcher ainsi (ou plutôt courir, puisqu'il est arrivé second au cross de son école), dans les traces de son papa ! C'est un grand frère souvent impatient, mais attentif, qui tache avec cœur de corriger les petits défauts dus à son impulsivité. Il poursuit le piano au Conservatoire, et a commencé cette année sa première classe d'orgue.
Ombeline (8 ans), prend ses marques à l'école comme aux louvettes, sans oublier le violon qu'elle travaille tous les soirs sans rechigner. Elle a une tendance marquée pour la lecture, et en oublierait presque que le bon air et le sport sont excellents pour la santé. Heureusement, sa fratrie se charge de la tirer de son fauteuil et de ses romans favoris, de gré ou de force !
Ferréol (6 ans) a bien besoin de se dépenser. C'est une véritable boule d'énergie... Et de joie de vivre ! Il fait le bonheur de toute la famille, mais cause bien du souci à sa maman qui doit sans cesse passer derrière lui, sans compter les innombrables paires de chaussettes à raccommoder... Il n'en est pas moins très sage à l'école, et très bon camarade. L'abbé Ramieux, directeur de l'école, l'a même surnommé "le petit champion des BA" tant il aime à venir en aide à ses camarades moins débrouillards que lui. Il est un bon frère et admire beaucoup son papa, qu'il imite tant qu'il peut !
Enfin, notre petit Jean-Bosco savoure son statut de chouchou de la maisonnée. Il rit et pleure, consolé sans arrêt par sa grande sœur qui lui sert de petite maman quand la vraie est trop occupée !
Eric est toujours très pris par son travail, surtout depuis qu'il a été nommé directeur du pôle régional. Il apprécie énormément ses nouvelles responsabilités et s'entend très bien avec ses chefs comme avec ses subordonnés, qui apprécient son calme. Le tennis et la voile ne sont pas pour rien dans son équilibre, sans compter le rugby avec les anciens des scouts marins, chaque premier jeudi du mois !
Eric et moi nous continuons notre engagement dans les équipes Notre-Dame, ainsi qu'à la Fraternité Saint-Vincent de Paul, où j'ai pris des responsabilités à l'accueil tandis qu'Eric s'occupe de la trésorerie de l'antenne locale. Ces rencontres et ces oraisons partagés avec d'autres couples nourrissent notre réflexion commune. Notre engagement auprès des plus démunis, nous rappelle à quel point nous avons de la chance. Et même si ces activités nous prennent du temps, denrée rare pour une petite famille comme la nôtre, c'est : "Dieu premier servi !"
Quant à moi, je poursuis mon travail deux jours par semaine à l'Institut Notre-Dame, où je m'occupe du protocole et de la prise en charge des invités. Cela me permet, les autres jours de la semaine, de m'occuper de mes enfants au quotidien, de leur développement scolaire et psychologique bien sûr.
Que cette petite lettre de nouvelles soit pour nous l'occasion de vous assurer de notre amitié. Vous êtes les bienvenus à la maison, pour un thé auprès de la cheminée l'hiver, ou un apéritif au bord de la piscine dès les beaux jours ! Nous vous souhaitons à tous une très belle année 2017 et vous embrassons avec beaucoup d'affection.
(En pièce jointe, des photos de la famille, aux quatre saisons !)
Eric, Dauphine, Gonzague, Ombeline, Ferréol et Jean-Bosco.
Rarement les saintes familles ressemblent à la Sainte Famille. Elles se reproduisent dans leurs belles maisons là où Joseph et Marie faisaient naître le petiot dans une étable. Elles fuient comme la peste les pécheurs et les marginaux quand Jésus s'entourait de prostituées et de célibataires.
A lire sur AlmaSoror, la prière du daron suprême
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mercredi, 29 mars 2017
28 mars : Fichier "TES", la surveillance est généralisée
Les données biométriques de chaque Français vont être réunis en un seul Grand Fichier. En dépit des critiques, venant même d'institutions étatiques, nous voilà pris dans les mailles du filet. C'est un grand jour que celui d'hier, un jour triste, et tout le monde s'en fiche, car la vie médiatique occulte ce qui a vraiment lieu et ce qui a vraiment lieu ne passe pas la barre de la visibilité médiatique.
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mercredi, 22 mars 2017
Fazil - poème du printemps 2017
Puisque désormais j'ai pris la suite d'un poète mort, puisqu'il me faut écrire un poème à chaque saison, puisque le printemps est là, voici Fazil, le poème du printemps 2017.
(Le vieux majordome, poème de l'hiver 2017, est lisible par ici.)
Fazil
C’est dans ce printemps français que je me souviens de toi,
ton visage à Istamboul, ton visage triste,
ton regard à Alemdar, ton regard fier.
Dans ce rayon de soleil sur la rue Saint-Nicolas,
un makam anatolien surgit d'une guitare,
je me remémore les mots échangés au café antique,
entre deux portes, entre deux rues, entre deux imprévus.
Ton profil se détachant sur la colline dans la voiture
Tes mains mates conduisant vers l’aéroport
Tes mains moites qui ne me toucheraient plus.
Le chien dormait derrière nous, sage et calme, sûr de sa place en ton cœur.
Et j’ai souvent chanté depuis nos chants des rives de la Corne d’Or
Et j’ai souvent pensé qu’un fils aurait pu naître
J’ai souvent désiré réécouter ta voix
J’ai souvent regretté mon choix.
En ce printemps français, je me détourne un instant de Paris
Le faubourg Saint-Antoine bruyant, l’hôpital des Quinze-Vingts derrière les murs,
les bourgeons qui vont naître dans un jour, dans une semaine.
Dans l’air tiède qui caresse la rue Saint-Nicolas
je retourne en pensée une dernière fois
vers un bonheur perdu il y a presque dix ans, vers l’appartement d’Hasnun Galip Sokak.
Edith de CL
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lundi, 13 mars 2017
Dialogue avec celle qui me pourchasse
Mon angoisse, qui es-tu ?
Je suis ton enfant interdit.
Pourquoi es-tu venue me tourmenter hier soir, alors que je rentrais par la rue de Charenton ?
Parce que tu ne pensais à rien et j'ai voulu que tu penses à quelque chose.
Est-ce toi qui tiens les fils de mon destin ?
Tu n'as aucun destin, juste une volonté.
As-tu prise sur ma volonté ?
Jamais.
Me veux-tu du bien ?
Je ne te veux ni bien, ni mal.
Que me veux-tu ?
Je ne te veux rien.
Que cherches-tu, lorsque tu tournes autour de moi, lorsque tu m'attaques ?
Je cherche à exister.
Pourquoi exister à travers moi, et pas à travers d'autres ?
Parce que je suis ton angoisse.
Qui t'a créé ?
Je me suis créée toute seule.
Qui te nourrit ?
Ne crois pas que tu me nourrisses. C'est moi qui me nourris de toi.
Es-tu un parasite ?
Les fantasmes ne sont pas des parasites.
M'es-tu utile ?
Ce n'est pas mon but.
Quel est ton but ?
Survivre.
Pourquoi faire ?
Parce que je t'aime.
Pourquoi m'aimes-tu ?
Parce que je te connais.
Et si demain tu ne me reconnaissais plus ?
Je t'attaquerais jusqu'à ce que tu redeviennes celle que je connais.
Et si je ne le redevenais jamais ?
Je mourrais.
Meurs !
Tu ne m'as pas encore assassinée.
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vendredi, 03 mars 2017
Ta semi-folie inconsciente
Sans raison apparente ni explication aucune, tu nous a plongés dans un cauchemar, de temps en temps nous faisons semblant de l’oublier pour pouvoir vivre, un jour peut-être, nous sortirons de ce tunnel noir pour accéder, nous tous ensemble, à la lumière ?
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mardi, 28 février 2017
Matines
Le matin a cassé ma colère,
le matin l’a brisée en mille morceaux de douceur.
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Fenouil braisé aux deux carottes et à l'orange confites
C’est ainsi que je fis braiser dans de l’huile d’olive, un bulbe de fenouil. Lentement.
Plus tard (ma cuisinière étant petite, ma poêle unique), j’ai fait confire dans du beurre, du curcuma et du paprika, deux carottes et une orange (coupée en lamelle, avec la peau).
J’ai déposé l’ensemble dans un plat que j’ai enfourné un quart d’heure. Au dernier moment, j’ai déposé deux crottins de chèvre qui ont fondu quelques minutes supplémentaires.
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samedi, 25 février 2017
À jamais inconnus l'un à l'autre
Un temps qu'il fait, une bière, une musique, un roman, un état d'âme. C’est ce que je voulais partager avec vous hier. Vous étiez beau, dans votre chandail gris clair, en laine chaude. Vous sembliez absorbé par une contemplation dont j’aurais voulu connaître la cause. Le climat doux et frais réjouissait mon âme – et la vôtre ?
Je buvais une bière blanche de Belgique et vous restiez debout au comptoir, sans porter aucun verre à vos lèvres. La radio du bar diffusait une musique sans caractère mais j’avais entendu le matin même le requiem d’Howells, et je savais que le soir, j’assisterais à un concert de Nils Petter Molvaer. Vous m’avez demandé : « avez-vous terminé l’écriture de votre roman ? » et je ne sus que vous répondre, mais j’aurais voulu vous demander qui vous préfériez parmi les personnages de Guerre et Paix, et quel roman vous emporteriez pour un trop long voyage en train.
Je n’éprouvais qu’un contentement impatient d’être là, en présence de vous, et vous, quel était votre état d’âme ? Vous parlez si peu de vous, vous parlez si peu. Je parlais de tout et de rien et vous répondiez d’un air vague.
Depuis deux ans, combien de fois n’ai-je pas réussi à vous rencontrer ? C’est dommage, car j’aime vous voir enfourcher votre moto dans la ville hivernale, et j’ai souvent rêvé de me hisser derrière vous pour filer dans les latitudes des après-midi perdues.
Lire encore sur AlmaSoror :
Angélisation lente, Extrait du journal de Kevin Motz-Loviet
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dimanche, 12 février 2017
Comme un dimanche
Je descends dans une zone de brume depuis ce matin, je m'enfonce à chaque seconde. J'essaie en tâtonnant des mains dans la tourbe rouillée de trouver des racines, de les arracher pour m'en nourrir à travers ces moments indistinctement laids. J'aurais besoin d'une attelle pour mon âme, d'une assistance respiratoire pour mes relations interpersonnelles. J'aurais besoin d'un grand chien noir qui marche à côté de moi.
Je m'asphyxie avec de la poudre anesthésiante. Des sons dans mon oreille ressemblent à des cloaques. J'ai mal à l'insuffisance émotionnelle de mes reins. Je vous regarde passer, vous tous qui vivez dans un monde structuré, là-bas, dans cet espace si clair où les gens se lèvent le matin, se rassemblent le soir et suivent des règles communes. Immuable, ce sentiment d'une chair en incapacité d'adaptation.
Comme c'est drôle : bonnes et mauvaises nouvelles se confondent en une lente contusion des sens. Je délaisse l'Evangile de Jean, je délaisse les films de Tarkovski. Les formes du monde se défont, la nasse se dessine et je vogue immobile, transie, pétrifiée, à l'abandon.
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