mardi, 04 juin 2013
Le Temps, l'Ennui, la Mort
3 extraits sur le Passage du Temps, une photo de Sara, une musique de Biosphere
Ainsi s'écoule toute la vie ; on cherche le repos en combattant quelques obstacles et si on les a surmontés le repos devient insupportable par l'ennui qu'il engendre. Il en faut sortir et mendier le tumulte ; car ou l'on pense aux misères qu'on a ou à celles qui nous menacent. Et quand on se verrait même à l'abri de toutes parts, l'ennui de son autorité privée ne laisserait pas de sortir du fond du coeur où il a ses racines naturelles, et de remplir l'esprit de son venin.
Ainsi l'homme est si malheureux qu'il s'ennuierait même sans cause d'ennui par l'état propre de sa complexion. Et il est si vain qu'étant plein de mille choses essentielles d'ennui, la moindre chose comme un billard et une balle qu'il pousse suffisent pour le divertir.
Blaise Pascal - Pensées (Divertissement, IX, 168)
Plus je vais, plus je m'aperçois que la seule chose essentielle pour les hommes, c'est de tuer le temps. Dans cette vie dont nous chantons la brièveté sur tous les tons, notre plus grand ennemi, c'est le temps, dont nous avons toujours trop. A peine avons-nous un bonheur, ou l'amour, ou la gloire, ou la science, ou l'émotion d'un spectacle, ou celle d'une lecture, qu'il nous faut passer à un autre. Car que faire ? C'est là le grand mot.
Alfred de Vigny - Journal d'un poète
L'étude d'un vieillard, s'il lui en reste encore à faire, est uniquement d'apprendre à mourir, et c'est précisément cela qu'on fait le moins à mon âge ; on y pense à tout, hormis à cela. Tous les vieillards tiennent plus à la vie que les enfants, et en sortent de plus mauvaise grâce que les jeunes gens. C'est que, tous leurs travaux ayant été pour cette même vie, ils voient à sa fin qu'ils ont perdu leurs peines. Tous leurs soins, tous leurs biens, tous les fruits de leurs laborieuses veilles, ils quittent tout quand ils s'en vont. Ils n'ont songé à rien acquérir durant leur vie qu'ils pussent emporter à leur mort.
Jean Jacques Rousseau - Rêveries du promeneur solitaire (Troisième Promenade)
Lire sur AlmaSoror,
A propos d'ennui et de la quête lascive d'un bonheur inaccessible :
Le désillusionné (sur Abderramane III)
à propos de Vigny :
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Commentaires
Déjà je ne puis plus offrir
Une seule parcelle des trésors de mon âme.
Qui en voudrait ?
Écrit par : Tieri | mardi, 04 juin 2013
Répondre à ce commentaireMoi.
Écrit par : Edith | mardi, 04 juin 2013
Répondre à ce commentaireToi, tu es si différente. Âme sœur secrète et lointaine.
Écrit par : Tieri | mardi, 04 juin 2013
Répondre à ce commentaireEt je me suis dit que ça pouvait t'intéresser :
le 40ème texte sur nerval.fr, 7ème semaine pour le magazine fictions en ligne
avec Benoît Vincent, à propos du livre de Arno Bertina "La note orpheline", paru en 2016
http://nerval.fr/spip.php?article47
Écrit par : Tieri | mardi, 04 juin 2013
Répondre à ce commentaireMerci Tieri. Oui, cet article que tu me mets en lien m'intéresse et je suis ravie de découvrir ce site nommé d'après le si romantique Gérard...
Ingen, je n'ai jamais réussi à lire trois phrases de suite de Heidegger, hélas. Alice détective privée est plus de mon niveau !
Michel, vous trouvez ? Wikipédia nous dit : "Dans l'art et dans la littérature, le macabre est le caractère d'une atmosphère sombre et lugubre, étant toute imprégnée de symboles de la mort". Après tout nous allons tous vers la mort et il faut bien y songer de temps en temps, pour autant je crois qu'aucun de ces trois auteurs ne tombe dans l'amour obsessionnel de la mort au détriment de la vie, même pas l'étrange Pascal.
Écrit par : Edith | mercredi, 05 juin 2013
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