Le trident stochastique
C'est aujourd'hui, premier mai 2016, que j'entame l'écriture de Dimanche.
Dimanche est une suite de tridents écrits chaque dimanche durant trois années. Je crois qu'il y a 52 ou 53 dimanches par an, ce qui fera environ 160 tridents.
Un trident est une forme poétique, inventée par Jacques Roubaud, composée de trois vers ainsi faits :
5 syllabes
3 syllabes
5 syllabes.
Cette suite de tridents respectera ce code rimailleur :
ante /eux/ante
eux /uss/eux
uss / ile/uss
ile /ave / ile
ave/ o/ave
O/ane/o
ane / our/ane
Bref, nous avons compris le système: les deux vers de cinq syllabes riment, le troisième est libre mais la rime de ce troisième formera la rime des deux vers de cinq syllabes du trident suivant.
Le dimanche 5 mai 2019, si Dieu me prête vie, je clôturerai ce poème. Pour l'instant, je ne sais pas de quoi il parle.
Toi : évanescente,
Sous la lampe
À l'huile de menthe,
Moi : comme une estampe
Incisée
Au scalpel de vamp,
Nues dans la rosée
Aurorale
Du ciel irisé,
Nos voix sépulcrales
Psalmodient
L'hymne inaugurale :
"Ô psaumes mal-dits
Du dimanche,
Lèvres de midi !
Sonore avalanche,
Barycentre,
Clenches de nos hanches,
Cautérisez, diantre !
Au moxa,
Nos voix d'archichantres,
Que la nuit luxa !"
Toi navrée,
Toi qui malaxas
Les peaux enivrées
De mes ombres,
Sous tes doigts cuivrés,
Tu connais les combres
De mes veines.
Par ce malencombre,
Une mort soudaine
Surviendra -
Et Croquemitaine
Mon corps enceindra.
Toi, en deuil,
Au milieu des draps,
Tu diras l'écueil
Des nuits à
Clermont d'Excideuil
Sous les mimosas
Du manoir
Port-Dolorosa.
Moi : morte au manoir
Un matin,
Sans fille ni hoir,
Toi : fée de satin,
Veuve blême
D'amour clandestin,
Seuls les astroblèmes
D'un amour
Demeurent quand même
- Chagrin sans humour,
Sourd remord
De nuits trop glamours. (28/8/16)
Salut, triste mort !
Mort prospère,
Sourire qui mord !
Même les vipères,
Au serein,
Disent Notre-Père
En araméen
Et se tordent
Au creux de tes reins... (18 septembre 16)
Sur un clavicorde
Médiéval,
Débute l'exorde...
Maracas ovales,
Requiem,
Mélisme, intervalle, (2 oct 16)
Hymnes anathèmes
Ramagés,
Chants des chrysanthèmes, (9oct16)
Fado ravagé,
Noir cantique,
Plaintes affligées,
Ronces d'as de pique
Dans les cœurs !
Mélopée épique
Des marteaux-piqueurs
Du Silence,
Grand Estomaqueur. (30.10.16)
Salut, triste stance,
Stance amère,
Glas de l'existence ! (6.11.16)
Je ne t'entends guère,
Je suis morte
Au bout de la guerre,
De la guerre accorte
Livrée par
La dernière escorte. (20.11)
La meilleure part
Du festin
Pris sur les remparts,
Ce fut ton instinct,
Mon Pommard,
Le miel byzantin.
Au creux de la mare
De nos restes
Nageait ma simarre (11.12.16)
Au milieu des zestes
D'omble grège
Et d'ail indigeste.
Ainsi saluai-je
Dénudée,
Les premières neiges,
Ainsi dénudée,
Sans attendre
La mort attardée, (1-1-17)
Sans le baiser tendre
D'une étoile
Qui aime à distendre
Le flux de ses voiles
Où s’engouffre
L'air jusqu'à la moelle,
J’approchai du gouffre
Où se mire
Toute âme qui souffre,
Pour y mieux frémir,
En conscience,
Gémir et vomir
La foi et la science
Et la vie
En intumescence. (29.1.17)
J'avais tant d'envie
En instance,
Sans bourses ni vit,
Ton jumeau Maxence
M'aperçut
Les membres en transe,
Aussitôt je sus
- c'était clair -
Qu'il était bissu (19 février 2017)
Et en un éclair
Je saisis
L'enfant crupellaire
L'enfant cramoisi
Que tu fus
Près de ton sosie (5.3.17)
Hé ! Jumeaux confus !
Profusion
D'un trouble diffus !
Sublime érosion
De vos genres
Grâce à la fusion !
Jumeaux unigenre,
Bicéphale
Hominien cisgenre…
Soudain je m’affale
Comprenant
Ces désirs morfales (2/4/2017)
Ces sexuels nanans
Infligés
Par tes doigts traînants.
Soudain ravagée,
Ma mémoire
De corps outragé,
Opulente moire
Au fond d'une
Mystérieuse armoire, (23.4.17)
Discerne les runes
Que tes gestes
Tracèrent en dunes
Au cours de nos siestes
Où se fit
Le long palimpseste. (7.5.17)
Allez, faisons fi
Des chagrins,
Des conflits confits,
Les vergers d’aigrins
Nous attendent
Soyons pérégrins : (21.5.17)
Courons sur la lande
Dans le vent,
Humons la lavande,
Dansons en avent,
En extase,
Au soleil levant ! (4.12.17)
Oublions la stase
qui nous guette -
Le mortel oukase, (11.6.17)
Le tir baïonnette
Qui fera
De moi un squelette
Sous tes yeux d’eyra
Effrayés
Quand ma chair cherra. (25.6.17)
Oui, moi, éployée,
Je suis morte.
Et toi, foudroyée, (2.7.17)
Tu lèves et portes
ma dépouille ;
tu franchis la porte
Puis la grille rouille
du courtil
que la rosée mouille ;(16.7.17)
Nous voilà parties
du manoir -
Adieu consenti !
Ton visage noir,
Ta blessure
A l'écussonnoir,
Ta main demi-sûre,
Ta minceur,
Et mes bouffissures, (6.8.17)
Étrange torpeur
D'Excideuil
À ma dernière heure,
À l'orée du breuil
Où les fanes
Répondent au deuil. (20.8.17)
Demeurent mes mânes,
Mon sourire,
Dans ton cœur qui fane...
Demeurent tes ires,
Tes yeux vairs,
Ta foi et tes rires, (3.9.17)
Demeure l’or vert
Du buis sombre
Au dernier hiver.
Mais à la pénombre
Je descends
Dans l’âtre qu’encombre (17.9.17)
La suie. Je descends,
Fleur de peine,
Fantôme impuissant,
Tu crois voir, ma reine,
Ton reflet :
Spectre de Broken ! (1.10.17)
Souffle le soufflet
Dans les cendres !
Remue le balai !
Tape jusqu'à fendre
Les deux bûches
Et l'ombre pourfendre.
Mon âme débuche
Sous les coups ;
Ta jambe trébuche (22 oct 17)
J’aperçois ton cou
Longiligne
Ton cou de torcou,
J’aperçois ta ligne
Et ta larme,
Blessure bénigne (5 nov 17)
Oui, tombe les armes.
Nul amour
Ne vaut tel vacarme
Oui, tombe le jour.
Nulle mort
Ne vaut deuil toujours. (19.11.17)
Assez de trémor.
Que la lave
Lave l'oxymore (26.11.17)
Du païen conclave.
Que ta joie
Sorte de l'enclave,
Que le feu grégeois
Incendie
Tout ! Place à la joie ! (10.12.17)
La mort m’interdit
Le tapage,
Mais, toi, resplendis ! (17.12.17)
La mort ? Ce naufrage
Et pourtant…
Sans cœur, sans bagage,
Je ressens pourtant…
Quelque chose
Remue par instants… (31.12.17)
Est-ce l’âme ? J’ose
Croire en Toi,
Maître des Osmoses,
Est-ce vraiment Toi,
Dieu du Ciel,
Mon foyer, mon toit, (14.1.18)
Ma tour, mon oriel ?
Ou Ton fils,
Le divin agnel ?
Non ! Torve blandice !
Illusion !
Funeste artifice ! (28.1.18)
Ce n'est que vision,
Que diaprure,
Vaine confusion. (4.2.18)
Dieu n'est qu'une armure,
Pansement
Sur la meurtrissure,
Notre foi nous ment.
Tout est vide,
Vide au firmament. (18.2.18)
Le monde impavide
Se déroule,
Biotope biocide, (25.2.18)
Et pierre qui roule
Forlongée,
Et murs qui s'écroulent
Éthers mélangés,
Chant magique
Totems affligés, (11.3.18)
Cohorte aboulique,
Dégueulis
Apocalyptique !
Dans un vent coulis
Se brisèrent
Nos antiroulis. (25.3.18)
Bref. Sans Dieu le père,
Sans grand maître,
Sans divin repère,
Nous pouvons omettre
de prier
Dieu de nous remettre (8.4.18)
Nos vertus souillées,
Nos péchés,
Nos peaux sigillées.
Je t'aimais perchée
Sur le toit,
Rieuse, éméchée, (22.4.18)
Juchée sur le toit,
Je t'aimais,
Plus soûle que toi
Dix ans je t'aimai,
Ebaudie,
Dix ans de Chimays, (6.5.18)
Dix ans d'acédie
D'Affligem
Et de tragédie, (13.5.18)
Dix ans anabsthème
Dans tes bras,
Rousse aux yeux de gemme,
Dix ans d'apparat
Et de pièges
Dans notre opéra. (27.5.18)
J'ai payé l'amaige
Et j'ai su
Lire ton solfège
Aubade cossue.
Trop de notes,
Trop d'entraperçus. 10.6.18
Éthylique glotte
éraillée
Sonore compote,
Musique éployée,
assassine
vrai art foudroyé. 24.6.18
Belle musardine,
Ô Nadège,
Jolie gourmandine,
Ce jour là que n'ai-je
Détourné
Les yeux de ta neige ?
Fuir l'âme damnée !
Revenir
Vers l'éternité 15.7.18
Du bon sens, du rire,
et de l'ordre,
loin de la vampire.
Il fallait détordre
ma langueur,
Sévère contrordre ! 29.7.18
Je traîne en longueur,
Je lambine,
Dénuée de vigueur,
Ce poème en ruine
C'est à cause
Des essaims de djinns,
Les djinns sont des choses
Dangereuses
En métamorphose,
Cohorte aguicheuse
De la Meuse,
Meute allenjoyeuse, (26.8.18)
Horde d'âmes gueuses,
Diablotins,
Colonne adipeuse,
Essaims trissotins,
Vieux Tartuffes,
Danseurs clandestins, (9.9.18)
Spectres à cucuphes
Grimaçants,
Mâchant leurs pupufs !
Son évanescent,
Glas sélène
Reviens, redescends !
Ma mort est pérenne.
Tes froufrous
Sont calembredaines. (30. sept 18)
Ma mort, peu ou prou,
Fit sauter
Ecrous et verrous
Mort, bête nuisible,
Quand ton dartre
Nous vise et nous crible, (14 oct 18)
Mort, affreux xénarthre
Fouine étrange,
Sémillante martre,
Mort, où sont ta fange,
Ta victoire,
Ton linceul, tes langes ? (28.oct.18)
Où est ta victoire ?
Où est-il
Ton aiguillon noir ?
Mort, poison fertile,
Addictif,
Tare indélébile, (11 nov.18)
Ton fard est fictif.
Et ton fiel
n’est pas disruptif.
Fille naturelle
De la vie,
Tu chantes comme elle. (25.11.18)
Tu chantes à l'envie
Chant macabre,
Rémanence obvie, (2/12/18)
Puis ce chant se cabre
Et s’essouffle
Sous le candélabre
De nos derniers souffles.
Mais je ris !
La vie m'époustoufle, (16/12/18)
Malgré ses scories.
Je triomphe
Des cendres, des bris,
Et des hémigonphes
Et des miasmes
Et des gymnogonphes (30/12/18)
Et des néoplasmes
D'épigastre
Et des pléonasmes.
Notre amour désastre
A fini
Sa rotation d'astre ;
Notre amour honni
Edulcore
Son songe jauni. (20.01.19)
Si je parle encore
C'est à cause
D'un puissant remord
Un regret morose,
évidé,
Et des lèvres closes,
Même décédée,
La souffrance
Psychique bridée
M'oblige à distance,
à parler.
La honte me tance (17.2.19)
On meurt affolé
Quand on meurt
En ayant violé
Un sincère cœur.
Le brasier
De la dernière heure (3.3.19)
A tout purifié,
Les ivraies,
Les grains avariés,
Et sur la coudraie
De l'été
Je me joncherai (17.3.19)
Pour l'éternité.
Toi, sois forte,
Amante éthérée,
De l'enfer, la porte
Si grinçante,
Comme un pianoforte
Aux touches cassantes,
Abîmées,
T'ouvre sa charpente. (7.4.19)
En masque, grimée,
Tu t'imposes
Magique, affamée,
Parée de nécroses,
de gerçures,
De peurs et de roses,
Dans l'entrebaîllure
Du destin
A tête de hure, (28.4.19)
Tous les diablotins
De cette alpe
T'accueillent, hautains.
Alors tu les palpes,
Incertaine,
Et tu vends ton scalp.
Une strophe de plus que prévu, je devais finir le 5 mais nous sommes aujourd'hui même entre le 5 et le 12, le 11 précisément, voici cette cloture définitive. Ouf ! Merci !
(Le 31 décembre 2017 au matin, dans un lit d'une chambre de Charonne d'où l'on entend sonner les cloches de l'église Saint-Jean Bosco, il fut décidé que ce poème se terminerai par Alpe - soit le dernier vers, ce qui sous-entend que je devrai décrocher trois rimes en alpe, la seconde de l'avant-dernière strophe et la première et la dernière de l'ultime strophe, soit la deuxième rime de la dernière strophe, qui restera dans ce cas orpheline).
Écrit par Note Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
Je suis ravi de prime abord, d'arriver sur ce blog; je suis curieux ce qu'il m'apportera ... je viens de lire le poème à la page d'acceuil et je suis ravi de constater que l'auteur, lui non plus, ne sait de quoi il parle ...
Écrit par : sylvain | lundi, 16 janvier 2017
Répondre à ce commentaireCe blog est ravi d'avoir pu vous ravir ne serait-ce qu'un court instant.
Écrit par : AlmaSoror | mardi, 17 janvier 2017
Répondre à ce commentaireDieu te prêtera vie, il ne peut interrompre le tissage des temps en tridents
Écrit par : Henri-Pierre | lundi, 06 février 2017
Répondre à ce commentaireQue Dieu t'entende, cher HP.
Écrit par : AlmaSoror | lundi, 06 février 2017
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