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jeudi, 24 mars 2016

Chambres, salons

Je n'aime pas les chambres. Je préfère les salons. Les chambres ont des placards tristes et des chaussures qui traînent, l'intimité y est blanche comme un long dimanche du mois de l'ennui. Les grands lits ressemblent à des pas de portes bien tenus, à des moquettes propres, à des pelouses tondues, tandis qu'au fond des salons, les canapés des alcôves disent la chaleur infusée des secrets. Il y a des tapis rouges dans les salons, des livres en pagaille et les places sont tournantes, jamais réservées. Mais dans les chambres, tout dort sauf l'âme triste au milieu de la nuit. Les livrent mentent sur la table à côté du lit ; chacun sait où est sa place sur l'oreiller.

C'est seulement les jours de fête, quand on dit aux invités d'aller poser leurs manteaux en vrac sur le lit de la chambre au bout du couloir, qu'enfin, dans l'obscurité, la chambre connaît le bonheur fabuleux des fouillis d'amis.

samedi, 27 février 2016

Extrait d'un rêve

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Phot Sara

 

Pas d'incartade, chers amis, pas d'incartade

La cellule du couvent s'ouvre sur les palais marins de la Barbade

Personne n'a peur vingt-cinq jours après la chandeleur

Aux lupercales un centaure a fécondé les troupeaux de ratons laveurs.

Je reste au pieux, je reste à l'abri des cieux

J'attends le jour où le Fort Bastiani sera pris

J'attends que se guérisse la mélancolie

Alors nous partirons

Nous traverserons mon amour des pays d'eaux salées, de musées,

Nous grimperons

à pied jusqu'au village perché couvert de neige blanche

Au milieu du froid et des dimanches

Au milieu des épicéas, des chèvres, des avalanches

Je t'offrirai notre palais.

 

mercredi, 20 janvier 2016

Axiomes égarés

1

Or, pour résister aux enfumages, il faut que le cerveau du récepteur soit inaliénable. Nos productions d'écriture et de paroles ont pour vocation de le rendre digne et libre : c'est-à-dire de lui donner le sens de sa grandeur, de structurer son intelligence pour qu'elle discerne entre le vrai et le faux. Ce que nous opposons à Coca-Cola, c'est une vision du monde prophylactique.

(Ce propos est l'inversion phrase par phrase de celui qu'avait tenu le patron de la chaîne de télévision TF1 Patrick Le Lay en 2004 dans l'ouvrage "Les dirigeants face au changement" : « Or pour qu'un message publicitaire soit perçu, il faut que le cerveau du téléspectateur soit disponible. Nos émission ont pour vocation de le rendre disponible : c'est-à-dire de le divertir, de le détendre pour le préparer entre deux messages. Ce que nous vendons à Coca-Cola, c'est du temps de cerveau humain disponible »).

 

2

Que nous resterait-il en désir de vivre et de créer si Google et le téléphone portable n'existaient plus soudainement pour nous - si tous les autres y avaient encore accès, tous sauf nous, sauf moi ! Sans ces dispositifs de concurrence, d'identité, de partage d'informations, d'où naîtrait mon énergie et vers quoi tendrait-elle ?

 

3

Le visage de Maria Chwalibog au cinéma est un antidote au visage néo-américain vers lequel nos traits tendent à force de téter les mamelles culturelles officielles et contestataires des États-Unis.

 

4

Dans cette ville de province où la majorité des habitants est à la retraite, j'ai eu l'impression de perdre ma vie dans une expérience austère, loin des fêtes et de la gloire parisiennes. Et pourtant je songeais aux lendemains de fêtes, si violents, destructeurs, et à la possibilité inestimable d'une fête intérieure en tout lieu.

 

5

En art, les idées surgissent en même temps dans plusieurs cerveaux, et le traitement des idées obéit à des lois artistiques formelles extérieures ; la seule chose inimitable est un regard personnel sur le monde. En effet, celui qui imite le contenu du regard n'a pas la force de l'intériorité de celui qu'il pompe, et celui qui imite en donnant comme son modèle un regard personnel aboutit par nature à quelque chose de différent.

 

Sur nos terres virtuelles d'AlmaSoror :

In Tlicuilitl

Multinationales de la Mort

Richesses et misères des comptes et des coeurs

Mémoires d'une voyouse

Violence

Leurs visages, leurs nuques

Mon frère, je te contemple

Rock antispéciste

Le ministère des libertés

La crise d'angoisse

Gange

mardi, 05 janvier 2016

L'air nécessaire pour commencer à vivre

Notre société est organisée savamment en vue de te faire sentir que tu as raté (sur le plus grand nombre de domaines possibles : familial, diplôme, catégorie socio-professionnelle ; finances).

Tu as raté pour deux raisons paradoxales.

D'un côté, tu as « raté » parce que tu ne te distingues pas : rien ne te distingue de la masse obscure et informe.

De l'autre côté, tu as « raté » parce que tu ne te conformes pas : tu n'as rien coché des cases familiale, professionnelle, financière et académique de base, nécessaires à obtenir non pas la considération mais le simple droit au respect.

La première des résistances est de ne pas souscrire à cette conclusion, ni pour toi-même, ni pour les autres. De te rendre compte que si tu en viens, à ton propos ou à celui d'un autre, à de telles considérations, c'est que tu es au sommet d'un échafaudage intellectuel ni fait ni à faire, à partir duquel tu ne pourras bâtir qu'un Sam Suffit de béton qui ne passera pas le temps et ne remplira même pas son office d'abri.

Ce paradoxe de conformisme et de distinction, c'est le lieu même de l'imposture. Face à l'imposteur, tu as raté, car il feint d'avoir matérialisé son bonheur conforme et sa brillance particulière : ton décalage et ton insignifiance éclatent au grand jour et tu as honte.

Face à l'imposture parfaite, tu as honte de ton authenticité imparfaite.

Ce n'est pas quand les critères de conformité et de distinction de la société sont enfin atteints, que la liberté intérieure et la puissance personnelle se déploient ; mais au contraire, elles commencent à pouvoir naître là où ces critères n'ont pas cours et n'existent pas.

Là où ne soufflent pas les vents miasmatiques de la conformité et de la distinction, liberté et puissance peuvent sortir leurs premières tiges.

Dans ce lieu pur, il n'y a pas de rivalité, car la petitesse et la grandeur sont comme la marguerite qui éclot et le soleil qui brille : deux miracles qui se reconnaissent et qui s'aiment.

 

Unité, poème de Victor Hugo :

Par-dessus l'horizon aux collines brunies,
Le soleil, cette fleur des splendeurs infinies,
Se penchait sur la terre à l'heure du couchant ;
Une humble marguerite, éclose au bord d'un champ,
Sur un mur gris, croulant parmi l'avoine folle,
Blanche épanouissait sa candide auréole ;
Et la petite fleur, par-dessus le vieux mur,
Regardait fixement, dans l'éternel azur,
Le grand astre épanchant sa lumière immortelle.
«Et, moi, j'ai des rayons aussi !» lui disait-elle.

 

Sur AlmaSoror :

Honni soit qui mal y gère

Marketingue

Tentative de webdésintoxication

Quelques canettes de bière

Présence

Maestro

Blue note, ô lumière de la vieillesse

Vivre nos métarêves

Dimanche de poussière et de soleil

L'échec social et la mort

La quête du courage

Au fond de quel fort Bastiani ?

Magnitude d'une éclipse invisible

Nos vaillances sociales

Les conversations courantes

Un moine-soldat

Mon pays

 

Ailleurs sur la Grande Toile :

La quête de reconnaissance : un nouveau phénomène social total

Axel HONNETH et la théorie de la reconnaissance

lundi, 04 janvier 2016

Bon an mal an, le bel an nous attend

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L'enfant de l'hôpital Necker ou le militant sous surveillance, l'amant délaissé ou le frère plongé dans le silence, l'ami de la beauté qui pleure au milieu des lotissements, l'animal attaché qu'on ne regarde pas, le rêveur qui n'ouvre pas la lettre de la banque, l'ami qu'on ne rappelle pas ;

Au fond du miroir, les yeux qui se teintent de gris, dans l’hémicycle les droits qui se bradent à grands cris, sur la terre toutes ces vies qui naissent et se forment doucement ;

je t'aime, je vous aime, et je corrigerai les écarts de mon cœur en observant mieux les étoiles et les sourires.

MMXVI

lundi, 28 décembre 2015

Trêve de lectures

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Puisque c'est la trêve des confiseurs, je partage mes dernières lectures : le premier tome de L'identité de la France, de Fernand Braudel, paru dans les années 1980. J'en retiens cette idée que le massif central est le point d'équilibre d'une France complètement diverse, et participe ainsi à son unité, d'autant qu'il en est sorti une très grande immigration vers les quatre coins de l'Hexagone. J'en retiens encore qu'à divers degré (organisation de la famille, modes de culture, langues) la France contient sur son territoire plusieurs civilisations, qui se sont unies par le joug de l’État, dans la douleur, et irriguent encore nos joies et nos rancœurs internes.

J'ai terminé les Souvenirs pieux de Marguerite Yourcenar, et malgré mon admiration pour la hauteur de vue et le maniement de notre langue de cette femme, je lui trouve un ton faux dans ce triptyque qu'elle a consacré à sa famille (Archives du Nord ; Souvenirs pieux ; je n'ai pas encore lu Quoi ? L'éternité). Ici, cette hauteur que j'admire ailleurs est forcée, et sa manière de nous démontrer à chaque page qu'elle méprise le mode de vie des grandes familles wallonne et flamande ressemble à un aveu de fierté mal dissimulé. Elle redevient la grande Yourcenar quand elle nous donne une belle phrase sur Saint-Hubert, originaire de la région de Liège : « Nous sommes au pays de Saint Hubert, mais le tueur qui se convertit pour avoir vu s'avancer vers lui le cerf en larmes, portant entre ses bois Jésus crucifié, est devenu, par un renversement dont nul ne sent l'ironie, le patron des chasseurs et de leurs équipages, un peu comme le crucifix prit place au prétoire du côté des juges ».

J'ai dévoré le deuxième tome du Journal de Hélène Hoppenot, la femme du diplomate Henri Hoppenot. Le journal de cette épouse de diplomate nous emporte à Pékin, dans le quartier des légations si prestigieux, sorte de paradis terrestre des ambassadeurs à une époque bien révolue. Nous rentrons en France avec elle, et nous voyons avec horreur et impuissance monter la seconde guerre mondiale (1939-45), en pleine incurie des élites européennes. Les résonances à nos temps d'aujourd'hui éclatent à chaque page malheureusement. Sara entendant ce nom se souvint d'un mouvement de femmes catholiques de la bourgeoisie de « madame Hoppenot ». Cela ne peut être Hélène Hoppenot, athée et peu cléricophile, mais en me renseignant je constate qu'il s'agit de sa belle-soeur Marguerite, mentionnée dans le Journal, et que cette Marguerite est la mère de Dominique Hoppenot, l'auteur du Violon intérieur, bel ouvrage consacré à la défense d'un apprentissage du violon délivré de sadisme, où l'exigence n'est plus synonyme de contrainte.

Je lis lentement, très lentement, La peur exponentielle de Benoît Rittaud, un livre intéressant sur l'entremêlement de la mathématique et de la société, qui me met face aux limites de mon esprit. J'ai du mal à comprendre ce qu'il dit, je sens bien que les phrases glissent sur ma caboche, et que ce n'est pas de son fait, mais du mien. Je me rappelle mon désespoir lors des cours de comptabilité du Centre de Formation Agricole de Beaune. Pourtant adulte, je retenais mes larmes dans la salle de classe en me rendant compte que malgré les efforts de l'enseignante et les miens, je ne parvenais pas à réussir les exercices. Épouvante que vivent bien des « mauvais élèves » et qui peut mener à des souffrances psychiques graves. Quand un grand nombre de matières scolaires sont concernées, et que l'individu ne trouve pas de parade (le sport, un clan amical, une passion vivifiante...), le désespoir est forcément au rendez-vous.

 

 

dimanche, 27 décembre 2015

Le prieur du désert

« Quiconque aspire à la prière véritable et se met en colère ou garde de la rancune fait preuve de démence. II est semblable à un homme qui voudrait avoir la vue perçante et qui s'arracherait les yeux ».

...

« Avec les séculiers les démons luttent en utilisant surtout les choses extérieures. Mais avec les moines, c'est le plus souvent en utilisant les pensées, car il n'y a pas beaucoup de choses extérieures dans la solitude.

Il est plus facile de pécher en pensée qu'en action. Aussi le combat intérieur est plus difficile que celui qui se fait par les choses extérieures. Car l'intelligence est quelque chose qu'il est difficile de retenir sur la pente des imaginations interdites ».

Evagre le Pontique

(345-379)

samedi, 26 décembre 2015

La diète

Je m'en vais dans la musique qui m'emporte ce soir, je m'en vais dans l'Armagnac et dans une autre histoire. Tycho ton hurlement quand nous avions vu les loups derrière le bosquet d'arbres à l'orée de Rämen, c'est tout ce qui me reste de ta voix. Tu dors aujourd'hui sous la neige, sous une croix rigoriste. Autour de moi plus personne qui t'ait connu. Silence et solitude, solitude et absence, le bruit du frigo, du vent dans la cour, pas d'oiseaux, dans le four un gâteau, et la nuit qui descend, et Schubert et Low Rear. L'ours et le loup reviennent dans nos contrées, disent les médias, mais je vis trop loin des forêts pour être dévorée. Ainsi s'effacent année après année les années passées. Demain, mon premier cheveu blanc. Après-demain, l'attente d'une porte, d'un passage. Manger, pourquoi ? Le corps a ses besoins dont la raison se lasse. Boire, parce que cela réchauffe, à chaque gorgée, la trachée. La musique est mon linceul, enveloppée en elle je respire encore. Tycho, à quoi aurait ressemblé notre enfant ? (Son visage imaginaire me hante.)

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(Décembre en 2014

Décembre en 2013

Décembre en 2012

Décembre en 2011

Décembre en 2010

Décembre en 2009

Décembre en 2008)

lundi, 14 décembre 2015

Adieu skieurs revoilà les siffleurs d'Aas


langage siffle Aas par sibilinguae

vendredi, 11 décembre 2015

L'ombre fantôme

Une ombre s'envole à l'apparition des phares d'une voiture, puis d'une deuxième voiture, tandis que sa silhouette mère demeure plantée dans le mur.

mardi, 01 décembre 2015

L'individu immobile rattrapé par les temps qui courent

C'est un fait que ce soir là, aux Sables d'Olonne, tu dînais d'une mousse de mogettes à la menthe, accompagnée d'un verre de muscadet, rompant avec ta tradition plus hivernale de la soupe aux mogettes, oignons et raisins secs servie avec un Armagnac. C'est un fait que tu te rendis compte soudainement que depuis deux jours tu ne recevais plus de textos de personne. Soudain tu te demandas pourquoi ce silence. C'est un fait que tu voulus te connecter aux sites internet habituels, mais qu'ils fonctionnaient mal, ou qu'une partie de leur contenu avait disparu. Ainsi commença ta solitude, d'abord lente et floue, puis totale et palpable. Dehors, dans la rue, et cela t'apparut subitement, les voitures ne passaient plus sans cesse devant tes fenêtres. Les rares passants entraient et sortaient furtivement des magasins. C'était comme si, tout d'un coup l'homme réel que tu étais se trouvait projeté dans un monde de fantasmes et d'absences. Ou bien, comme si l'homme irréel que tu avais toujours été rencontrait brutalement la réalité.

dimanche, 29 novembre 2015

Le dimanche, l'hiver et la mort

Il faudra bien vivre un dernier hiver. Souffrir du froid une dernière fois. Chercher la chaleur des bougies en haut des escaliers dégradés. Regarder les silhouettes difformes des humains et des voitures longer le ravin où poussent des orties.

Il faudra écrire une dernière phrase. Anodine ou profonde, anodine et profonde peut-être, tant l'essence de la vie épouse la banalité des moments de chaque jour.

Il faudra boire un dernier verre de vin, sans le savoir, peut-être, en croyant encore au lendemain.

La vie est courte, les après-midi sont longues : paradoxe du sentiment humain.

Certains se préparent à la mort. Comme c'est sage. Apprendre à se retirer, à dire Adieu sans se presser ni traînasser, à mettre en ordre son cœur et sa maisonnée pour partir un beau jour sur un chemin d'éternité. Ou, si l'on croit que la mort est la fin de l'être, comme une lampe qui s'éteint définitivement, apprendre à scintiller une dernière fois et à entrer dans le noir sans s'inquiéter.

 

Le dimanche ressemble quelquefois à la mort, dans son absence de vie, dans son silence, dans sa lenteur qui fait croire à la suspension du temps. Le dimanche a ses petits gâteaux de vide, ses thés de rien, ses guirlandes d'ennui, surtout quand il est posé au milieu de l'hiver. J'ai envie parfois de me noyer passionnément au fond de la fascinante déréliction d'un dimanche d'hiver dans une petite ville de province au climat semi-sévère, entre deux arbres morts et des maisons fermées.

 

 

Sur AlmaSoror :

Entre deux sentiments

Encore un adieu

La rencontre du car

vendredi, 27 novembre 2015

Les miettes succulentes du drapeau riant de la France

Quel est le drapeau réel de la France, celui qui survécut, survit et survivra à tous les régimes politiques ? Celui qui fait vibrer les voix de la Gaule et de la Navarre depuis des siècles et des siècles sans discontinuer ?

Pardi !

C'est une belle nappe tâchée de graisse et de vin rouge, ventrediou !

S'il faut agiter du tissu par la fenêtre, que ce soit pour faire pleuvoir des jolies miettes sur les badauds !

Qu'on se le dise !

jeudi, 26 novembre 2015

Harfang

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Le soir fait tomber la mélancolie sur la petite ville de province. J'ai besoin de retrouver ce tendre rock inuit que nous écoutions en boucle au temps où je conduisais ta voiture. J'avais froid presque tous les soirs. Nous cuisions des pâtes. Nos rêves étaient encore intègres, et malgré la méfiance de ta grand-mère, nous ne nous droguions pas à d'autres substances qu'au rock inuit et aux bières brunes. Il y avait bien la littérature mais je ne sais même plus ce que nous lisions. Des polars au kilo, et tout Victor Hugo dans le désordre des chapitres. Il serait ridicule de dire que nous nous aimions, car aucun de nous ne se connaissait soi-même. Il y avait dans nos mains accrochées la solidarité des épaves qui voguent ensemble sur le flot de l'errance. Et je regrette ces époques encore bleues où l'ignorance ressemblait à l'innocence. Je cherche ton nom sur Internet, je vois que tu vis toujours dans la ville du Nord-Est, je vois que tu es resté fidèle aux chansons venues de terres étranges. Je vois que tu ressembles encore à celui que j'appelais "Harfang".

Sérénade en reggae

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C'était ce fou qui jouait la sérénade de Schubert en reggae au bord de sa fenêtre au premier étage au-dessus du bar de l'amitié là-bas dans la ville océane où les vagues attiraient les glisseurs du monde entier vagabonds sans chaussures et sans peur de la mort mais moi c'est une étoile qui m'éclaire de nuit comme de jour et loin de ce village sur lequel elle n'avait jamais brillé je me souviens de ma vie d'alors à sa lumière d'aujourd'hui c'est fou c'est vrai ce qu'on change et ce qu'on subit ce qu'on découvre et ce qu'on oublie c'est fou le vent d'hier et le soleil de demain la nuit qui se prolonge le lait les olives et le pain c'est fou l'amour flou comme un paysage à travers la buée d'un train qui file vers l'Ouest c'est doux le souvenir de l'été mais voici que l'automne a bien avancé tellement qu'il est déjà trop entamé pour le saluer les feuilles rousses ont chuté voilà l'hiver qui vient son visage blanc ses sortilèges ses chants d'antan et ses cendres les lendemains de fête en attendant laissez-moi vous écrire un poème oiseaux de passage vous le porterez aux amis du monde entier avec mes mots de chagrin de désir et de paix.