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samedi, 28 octobre 2017

Soigner mes dimanches

Ni diagnostic clair, ni pronostic pour l'avenir, ni ordonnance ni prescription, juste une recherche de la bonne posologie pour que mon foie, ma bile, mon cerveau, ne cessent pas de fonctionner le dimanche, dès le matin, quand les cloches sonnent de loin mais que je n'ai pas de paroisse, que les familles vont au jardin et que les amis grasse-matinent chez eux, que les tartes brûlent au four parce que c'est dimanche.

C'est dimanche et mon cœur se ferme. C'est dimanche et ma vie s'enferme. C'est dimanche.

Dominicale langueur, dominicale terreur, dominicale torpeur.

Il fait frais. Il fait froid. Des étudiants révisent leur droit.

La personne que l'on aime ressemble à un reproche, la sœur ne téléphone pas, le frère joue avec ses chiens dans une maison très loin, le père s'ennuie avec une femme inconnue, la mère nettoie son petit appartement entre deux chapitres d'un gros livre. C'est dimanche et rien ne se passe, c'est dimanche et la vérité apparaît lentement.

L'alcool est interdit avant six heures du soir, sans quoi je serais ivre au milieu du bazar, dans cet appartement qui ne m'appartient pas. Quelqu'un connaît-il l'aspirine du dimanche, le lexomil à prendre quand on flanche, l'ail des ours qu'on mêle au cocktail de l'espoir ?

C'est dimanche et je n'existe pas.

mardi, 24 octobre 2017

La voix d'Ondine Frager

La voix d'Ondine Frager coule dans mes veines, nettoie mes poumons et vidange mon foie, cela faisait trois mois que je n'avais pas eu ma sophrodose en direct et cela commençait à s'encrasser partout à l'intérieur de moi, tout à l'heure à Montparnasse tout s'est remis en place, l'air circule, le foie fonctionne, les poumons se déploient. La belle et doulce dame va repartir exercer dans les Landes mais bientôt elle reviendra pour sa semaine parisienne.

Le site de Sophrolandes

Non

(Extrait du journal de T.S.)

A la sortie de la jeunesse, non, les révoltes ne s’apaisent pas : elles sont écrasées comme l’armée écrase la fronde, parce que l’individu sent qu’il est incapable de se vivre. A la sortie de l’ivresse de la jeunesse, ce n’est pas le goût du vin qui fait défaut ; c’est la peur de ses effets, sur le regard que les autres nous portent. Combien de désirs d’amour et d’aventure se sont mués en volontés de mariage et de sécurité, aux portes de l’âge adulte, lorsque les solutions s’amenuisent, et que les espoirs et les rêves vous narguent, avec méchanceté, et s’éloignent vers d’autres cieux, d’autres élus, d’autres jeunesses.

Toute ma vie j’ai voulu, j’ai tenté d’appliquer ces instructions entendues dans mon enfance : Veillez… Veillez et priez… Veillez et priez, car vous ne savez l’heure et le jour… Et je veille toujours, et quand je veux m’effondrer ou renoncer je me prends, d’une main, par l’autre main et je relève le regard et ravive la flamme. L’heure et le jour… L’heure et le jour. J’attends. Je veille et j’attends. J’espère qu’une heure, qu’un jour viendra vraiment.

Nous savons comment nous sommes ici, mais nous ne savons pas pourquoi. Pour quelle raison, pour quelle cause, pour quel but sommes-nous jetés au monde, bouts d’êtres déjà déchirés, qui devront avancer au milieu des vents contraires, en souriant, en mentant, jusqu’au bout de l’incompréhensible voyage. Quand la mort nous vient, quand la mort nous tient, quand la mort nous prend, savons-nous enfin la seule chose que nous ignorons et qu’il faudrait savoir pour vraiment vivre ?

Veiller, au milieu de la foule grouillante et des atermoiements des sociétés, veiller sans faillir, parce qu’on ignore le jour, l’instant de la réponse. Mais les années passent et la veille se fatigue. On ne veille plus, on se distrait, on vit autre chose que la vie puisqu'on ne regarde plus la mort.

 

Oh mort… Oh mon amie. Quand hier reviendra, quand tous les beaux souvenirs se mélangeront pour faire un présent parfait, quand je n’aurai plus peur, quand tu n’auras plus peur de moi, quand nous pourrons nous parler franchement, faire le point tendrement, converser en silence, alors je laisserai toutes mes vieilles rancunes, toutes mes rancœurs et tous mes regrets, pour partir avec toi.

 T.S. JOURNAL.1998

mercredi, 11 octobre 2017

Johannes Ockeghem, vu par Lucien Rebatet

Dans Une histoire de la musique, dont l'édition corrigée par l'auteur date de 1973, Lucien Rebatet (un méchant) taille un charmant portrait du compositeur Johannes Ockeghem (XVème siècle).

Johannes Ockeghem (vers 1420-1495), malgré son nom, était Hennuyer, c'est-à-dire natif du Hainaut. On pense toutefois qu'il fit ses études à Anvers, puisqu'on l'y trouve chantre de la cathédrale en 1443 et 44, ce qui fait supposer aussi qu'il avait des parents en Flandre. Ecclésiastique, il rentra en 1452 au service de Charles VII, qui lui accorda la charge très fructueuse de trésorier de l’abbaye de Saint-Martin de Tours. Il fut maître de la Chapelle Royale sous Louis XI et Charles VIII qui l'avaient en grande estime et lui confièrent des missions peut-être diplomatiques en Espagne et dans les Flandres. Il partageait son temps entre Paris et Tours, où il mourut en 1495 ou 1496.

Dans cette époque où la musique est en pleine croissance, il est naturel qu'Ockeghem marque une étape sur Dufay. Les dernières traces de raideur médiévale s'effacent – une raideur qui n'est pas sans charme, redisons-le, pour nos oreilles modernes – la teneur s’assouplit de plus en plus et tend à prendre le rôle de thème conducteur. Nous voyons les organes de la musique se perfectionner de vingt ans en vingt ans comme ceux du phonographe et de l'automobile de nos jours, leurs constructeurs obtenir d'eux des performances qui stupéfient les contemporains. Ockeghem écrit ainsi un Deo Gratias à trente-six voix (quadruple canon à neuf parties), il fait chanter dans une de ses messes deux canons différents par quatre voix marchant deux à deux.

Mais quelle est sa personnalité artistique ? Sur ce point, les historiens divergent, alors qu'ils s'accordent presque tous depuis soixante-dix ans à reconnaître le génie de Machaut et de Dufay. Les uns en font un mécanicien du contrepoint, les autres un génial précurseur du romantisme...

À notre sens, il convient d'abord de faire deux parts dans ses ouvrages. La part profane, la plus restreinte, dix-neuf chansons seulement, est loin d'offrir les mêmes attraits que chez ses prédécesseurs. Sans doute, cela tient un peu à ce qu'Ockeghem est porté à la nostalgie, que l'on ne retrouve pas chez lui la verdeur rythmique de Machaut, Binchois ou Dufay. Mais pour ne parler que qualité musicale, des morceaux célèbres comme la chanson Petite Camusette, la bergerette Ma bouche rit et ma pensée pleure, Ma maîtresse et ma plus grande amie, le rondeau Fors seulement sont bien languissants, sans aucune variété dans leur immuable coupe strophique, d'une substance mélodique assez falote. C'est déjà l'académisme élégant mais plat qui s'installe dans ce domaine encore tout neuf.

Ockeghem devait être une nature beaucoup plus profondément religieuse que Dufay, et qui ne passait pas avec la même aisance des exercices dévôts à l'assaut des belles. Aussi est-ce dans sa musique sacrée, d'une étendue bien plus considérable, puisqu'elle ne compte pas moins de quinze messes, qu'il a mis son cœur et le meilleur de son talent. Dans son esprit, ses innombrables prouesses techniques concourent à magnifier le service de Dieu. Le brillant contrapunctiste n'a rien de systématique. Il est constamment à la recherche de dispositions, d'effets inédits. La teneur abdique de plus en plus chez lui son rôle de soutien pour en prendre un autre qui deviendra par la suite celui du thème conducteur. Sa messe de Requiem est doublement intéressante, parce que c'est le premier office pour les défunts qui nous soit parvenu, le Requiem de Dufay ayant été perdu. Il s'y efforce d'être aussi expressif et coloré que le permettaient les habitudes de l’Église. Son motet Gaude Maria fait alterner les voix élevées et les voix graves, ce qui est d'un extrême modernisme pour son temps : tout au long de l'histoire de la musique, on rencontre de ces innovations qui auraient dû aller de soi depuis longtemps et n'ont vu cependant le jour qu'après des siècles, en passant pour des traits de génie.

Johannes Ockeghem était un excellent homme, charitable, affable, hospitalier, un professeur de premier ordre, qui accueillait les débutants avec une paternelle familiarité, leur prodiguant son temps et son savoir. Il eut de très nombreux élèves, dont probablement Josquin des Prés, Pierre de La Rue, Brumel, Loyset Compère, Alexandre Agricola, Heinrich Isaak. Sa mort consterna l'Europe musicale et lettrée. Erasme lui consacra un « tombeau » en vers latins.

Nous avions déjà donné des passages de cette formidable Histoire de la musique de Rebatet, qui réjouit, instruit et passionne tout au long de ses huit cents et quelques pages :

Sur Schütz

Passages sur Verdi

Sur trois des cinq Russes

dimanche, 08 octobre 2017

L'écriture minimaliste – ou répétitive. Suite de poèmes répétitifs pour hautbois.

L'écriture minimaliste - ou écriture répétitive, s'est attaquée à nous (Edith de CL et Edith M, miroirs l'une de l'autre), le premier matin du mois d'octobre 2017 aux Sables d'Olonne, dans un second jour de l'appartement du rez-de-chaussée, aussi sombre que la lumière dehors était éclatante - mais je restais dans le second jour. Voici donc le premier opus de la Suite de poèmes répétitifs pour hautbois.

I Il était une fois.

Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Porte de pierre. Il était une fois. Porte de bois. Il était une fois. Porte de pierre. Il était une fois. Porte de bois. Guitare ! Guitare ! Guitare ! Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Porte de pierre, porte de bois. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Porte de pierre, porte de bois. Hautbois. Hautbois. Hautbois.

Et si c'était un rien, une idée, une esquisse, une magie dans les vagues idéales de l'oubli...

Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Porte de pierre, porte de bois. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Porte de pierre, porte de bois. Clarinette ! Trompette ? Clarinette !

Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois, encore une fois. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois, une autre fois. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois, encore une fois. Il était une fois – sucre, étoile, louve. Il était une fois. Guitare, guitares, hautbois.

vendredi, 06 octobre 2017

Séries (écriture, consommation)

Sommes-nous des écrivains ? Parfois on nous révoque ce titre, parfois on l'invoque pour parler de nous. Peu importe. Ce qui est certain, c'est que nous écrivons. Nous écrivons toute la journée. Nous racontons des histoires. Nous inventons des personnages, des dialogues, des paysages, nous faisons sonner les mots, nous mélangeons les styles ou bien, au contraire, nous respectons les clichés du genre dans lequel nous écrivons.

Nous ne sommes que des scénaristes. Mais ce n'est qu'un mot, ces mots d'écrivain et de scénariste sont de vains mots puisque leur sens échappe même à ceux qui écrivent toute la journée.

Je n'ai jamais écrit de romans et je n'ai jamais écrit de bible de série. Je ne suis qu'un ouvrier à la chaîne au service de fictions industrielles balancées sur les millions d'écrans d'un public de masses. Adolescent, il m'est arrivé d'écrire des poèmes, mais ce procédé très personnel m'amenait à des poncifs particulièrement éculés, alors qu'au sein de ces séries grand public, par cette écriture hyper-codée, j'ai l'impression de m'exprimer d'une manière originale. Je ne regarde pas les séries sur lesquelles je bosse, je regarde les autres.

J'adore, par exemple, Relax et flip et et j'aurais adoré y participer. Cela m'aurait détendu car les épisodes sont courts et donc plus rapides à écrire, même si l'exigence est haute : l'idée doit être bonne, on ne peut pas colmater une idée moyenne avec de bons dialogues ou une atmosphère fascinante. J'avoue que j'ai candidaté à deux reprises pour cette série, mais me suis fait retoquer parce que je viens « d'un univers différents ». C'est une réponse débile, car si je viens d'un univers différent c'est bien qu'on m'a permis de commencer quelque part. C'est une question d'opportunité, qui n'a rien à voir avec la réalité de mes goûts et de mes choix personnels en matière de fiction. Mais, bon joueur, je ne rate pas un épisode et en regardant, j'apprends. Des fois qu'on m'autoriserait à changer d'univers, un jour ou l'autre !

(D'ailleurs, il suffit de regarder les séries auxquelles j'ai participé pour balayer cette idée d'univers particulier. Il n'y a absolument pas le moindre rapport, tant en termes de thèmes, d'ambiances, de narration, de personnages, et même de public ! entre Ceux du fleuve et 13, boulevard du Détail. Sans compter Profil : suspect.)

Je regarde avec passion, et ce depuis deux saisons, L'arche blanche. Vraiment, j'admire la délicatesse avec laquelle sont traités les deux familles que l'on suit tout au long des épisodes. La narration est rondement menée, ce qui nous empêche de nous ennuyer, mais les personnages sont fouillés, leur psychologie détaillée en profondeur, ils sont multidimensionnels et paraissent accessibles et humains, ce qui gomme l'aspect archétypal des personnages de séries (même si dans L'arche blanche, les archétypes sont là, sans quoi ça ne fonctionnerait pas... C'est cette propension à humaniser l'archétype qui attise mon admiration).

Et puis, comme tout le monde, je gobe des dizaines et des dizaines de séries américaines, tant pour m'inspirer que pour le plaisir. C'est bien aussi d'être spectateur, sans complexe, ça détend et ça ressource.

J'ai 37 ans (eh oui). Que penserai-je de ma carrière dans vingt ans ? Tout dépend, bien sûr, des vingt années qui viennent ! J'espère que je ne regretterai pas mon choix de vie. On croise parfois, dans des dîners,des scénaristes plus âgés qui paraissent quelque peu amers, parce que nombre des séries sur lesquelles ils ont travaillé sont tombées dans un certain oubli ; d'autre part, lorsque ils ont enchaîné les séries sans jamais participer au projet de départ, à l'écriture de la bible, on sent une légère déception, comme si l'argent régulier (en général ils ont pu s'acheter leur 4 pièces parisien de 80 m2 ou leur super loft d'Ivry de 150 m2 avec terrasse sur le ciel et la Seine), la considération de leurs pairs et la possibilité de mener une vie familiale ou du moins personnelle agréable (temps libre, vacances, sorties culturelles régulières) ne suffisaient pas à pallier à la frustration de l'exécutant. Pour l'instant, je n'éprouve pas ce type de sentiment. Mais il est vrai que l'ajout des ans peut faire pencher la balance du côté sombre. Et même si ces amertumes dont je parle n'ont jamais été exprimées devant moi, je les ai clairement ressenties, à des tournures de phrases, voire à une légère agressivité envers les jeunes comme envers... les créateurs de bibles. Mais je ne veux pas déblatérer plus que ça sur des personnes au demeurant très sympathiques et fort cordiales la plupart du temps.

Kévin Motz-Loviet

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mercredi, 04 octobre 2017

Douche tiède

Affreuse procrastination qui me pourchasse l'âme depuis plusieurs jours, je rêve de devenir quelqu'un d'autre, je passe mes jours à décider de tout ce que je ferai demain, pour ne pas sentir qu'aujourd'hui je ne fais rien, mais « demain on rase gratis ». Certes les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent... Mais dans mon cas, je suis le barbier et le client du barbier, celui qui promet et celui qu'on berne. Oui, la procrastination naît de la dichotomie entre celui que je suis et celui que je crois être, ou bien entre celui que je veux être et celui que je ne peux pas m'empêcher d'être. Bref, j'ai beau avoir épuisé mes doigts à jouer Bartok sur le clavier ce matin, j'ai beau passer un disque d'extraordinaire musique de post-rock ambient lent et puissant qui transforme mon appartement poussiéreux en vaisseau spatial intergalactique, j'ai beau avoir décidé hier qu'aujourd'hui serait formidable, je suis en train de renoncer à travailler pour me contenter de décider que ce sera surtout demain qui sera bien. Tomorrow never comes, disait mon oncle californien Nathan Smith-Durand et je commence à croire ce vieux fou que je n'ai pas rencontré plus de trois fois dans ma vie.

La petite ville de province où je suis venu vivre pour tenter de me défaire des soirées trop poudreuses et trop sonores de la région parisienne me paraît plus morne que jamais. Au bord du lac, des vieux couples se promènent sans rien se dire. Toujours cet éternel ancien militaire d'une quarantaine d'années avec ses trois chiens malinois et son air hagard. Et moi qui cours et ne parviens même pas à faire le tour du lac. Le souffle court, je fais demi-tour, je rentre m'enfermer dans cet appartement, que j'aime ou que je hais en fonction de la lumière que le soleil y envoie et de l'état de mon travail. Aujourd'hui, je n'éprouve aucun sentiment pour cet appartement. J'attends que l'inspiration veuille bien revenir, car chaque fois que j'ouvre un document de mon ordinateur pour tenter de terminer un épisode inachevé, les phrases écrites il y a quelques jours me dégoûtent et j'ai l'impression bizarre que reprendre ces textes revient à réingurgiter mon propre vomis (pardonnez-moi cette image précise mais laide). Procrastination, donc, pour aujourd'hui. Les cinq séries sur lesquelles je travaille actuellement m'inspirent autant que le plat de coquillettes froides qui traîne à côté de l'évier depuis hier soir. Je ne vais reprendre une sempiternelle douche chaude puis froide puis chaude puisque même ces douches ne me réveillent plus de ma torpeur. Il est déjà 18h12, il ne s'est rien passé de productif aujourd'hui chez moi. Et comme je suis enfermé dans cette coquette ville de province entourée de forets je ne peux prendre un RER pour rejoindre une fête ou une exposition ou un dîner et m'abîmer dans des mondanités vénéneuses mais addictives. Non, rien que le vide, la musique ambient lente et lourde, l'ordinateur qui me hait et, peut-être, une visite au supermarché Carrefour pour acheter des sushis sous vide et des bières pas assez brassées.

Kevin M-L

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lundi, 02 octobre 2017

Vivaldi remixé fait trembler les meubles d'un antre solitaire

Le matin je joue les études de Chopin quand je suis en forme, le petit livre d'Anna Magdalena Bach quand j'ai mal dormi ou bu la veille. L'après-midi, je passe en boucle, sur ma chaîne hifi puissante, les quatre saisons de Vivaldi remixées façon techno. Le salon devient un espace festif dans lequel personne ne danse, ma silhouette voûtée au bureau se lève parfois pour sauter en levant les bras jusqu'au réfrigérateur de la cuisine attenante, c'est tout. Les basses binaires ajoutées aux Quatre saisons distordues emplissent l'air et moi j'écris. J'écris sur commande en espérant que mon épisode sera accepté, j'écris en avance ou en retard, j'écris et j'éprouve une satisfaction proportionnelle au prix que m'est payé l'épisode une fois que je l'ai enfin terminé – et envoyé, presque certain qu'il sera accepté. Car j'ai appris à déceler les marottes et les goûts des directeurs d'écriture névrosés, qui tournent à la cocaïne et aux poncifs.

Au-dessus de ma table, une affiche (qu'il faudrait que j'encadre) des quatre cavaliers de l'apocalypse, dessinés par mon pote Énoch Dreyermeer. Je l'adore, elle me rappelle cette amitié qui m'exalte, les romans de fantasy de mon adolescence et les chevaux du château de Chantilly, que ma grand-mère m'emmenait voir tous les mercredis après-midi quand j'étais môme.

Mais salut, je vous laisse, Vivaldi décapé par la techno émet ses sons fous et je fois finir un épisode qui rassemble à la fois un premier baiser, la révélation d'un géniteur autre que le père officiel et des soucis professionnels naissants. À bientôt.

 

K. L-M

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samedi, 30 septembre 2017

Avertissement illégitime

AlmaSoror est un bar blogal et à notre zing virtuel poussiéreux nous servons toutes les bières, même celle que la réglementation interdit ou surtaxe ! Par delà les frontières idéologiques, nous cherchons la beauté et, si nous en sommes capables, l'intelligence. Nous avons soif d'une eau qui ne donne plus jamais soif, mais en attendant l'ultime conversion de notre cœur, nous nous désaltérons aux spiritueux littéraires naturels, non trafiqués, surtout s'il n'y a pas de codes barres sur leurs bouteilles.

jeudi, 28 septembre 2017

Un appartement non loin d'un lac

J'écris ces histoires de personnes qui habitent le même immeuble et se parlent tous les jours et partagent de grands laps de vie et s'entraident et s'entraiment et s'entredétestent, mais moi je ne connais pas le prénom de mes voisins, nous nous saluons sans même nous regarder. Et pourtant nous n'habitons pas un immense immeuble d'une mégapole, mais un petit immeuble provincial, dans une ville en bordure de forêt. Telle est ma vie de scénariste, qui scribouille des histoires rocambolesques et chaleureuses en menant une vie monotone et dépouillée.

Chaque après-midi, je sors marcher. Je fais le tour du lac des Rémiguières, pour fuir l'atroce semi-obscurité de mon bureau et la luminosité obsédante de mon ordinateur. Je prends un bain de lumière qui vivifie mes yeux, ma peau, mes muscles. Puis je rentre me connecter à mes mails professionnels et je reprends l'écriture des épisodes de séries que je dois rendre sous peu.

Telle est ma vie de scénariste qui fait courir les personnages dans des vies variées, rocambolesques, fascinantes, assis voûté face à l'écran qui avale ma vie, à écrire des histoires qui un jour bougeront sur d'autres écrans pour happer la vie de millions de téléspectateurs qui ne connaissent pas mon nom.

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Revoir sur AlmaSoror : Patio

et

Le dogme littéraire de Max Farmsen

mercredi, 27 septembre 2017

Frater

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"Seigneur ! Toute notre vie, nous attendons une seule chose : qu’hier revienne. Hier, que nous avions fui pour toujours".

Frère Emmanuel de la S.C.

dimanche, 24 septembre 2017

Silentium

(Ami défunt qui écrivais un poème pour chaque saison, il fallait bien que quelqu'un prenne ta suite. Il y eut le poème de l'hiver 2017. Il y eut le poème du printemps 2017. Il y eut le poème de l'été 2017). Voici celui de l'automne, qui vient de commencer).

 

Silentium

Je te cherche à travers la rousseur,

Silence qui ressembles à la paix.

Froide, la main qui écarte les persiennes,

Douce la plante brune de l'oubli.

 

Filles et garçons dansent dans le hangar ;

J'ai passé l'âge de ces ébats.

Des enfants sommeillent au creux des chambres,

Baptisés de prénoms insolites.

 

Crépuscules d'automne matinaux,

Vos fumées grises comme des tombeaux

Alimentent l'âme jusqu'aux feux vespéraux.

 

Je range ma connectique numérique.

Aux crailles des corneilles, mes pas nus se traînent

Vers les feuilles mortes de mes idéaux.

 

Les saisons 2017 :

Hiver, Le vieux majordome

Printemps, Fazil

Été, Dans la chambrée

mercredi, 20 septembre 2017

Délirium très mince II

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Qui a pu nous plonger, tous, dans l’illusion de la séparation ? Le temps !

Nous avons des rides et que nous allons mourir parce que le temps tel un miroir nous renvoie cette image. Mais c’est lui ! C’est lui qui est vieux. C’est lui qui est laid. C’est lui qui meurt à chaque instant, et nous demeurons vifs et puissants. Le temps jaloux s’ingénie à nous faire croire que nous sommes vieillissants à son image. Pauvre temps. Tu ne nous berneras plus longtemps ! Nous ferons tomber ton masque et tu t’enfuiras seul.

Si nous expérimentons le temps, alors lui aussi nous expérimente. Rien ne se passe qui n’est pas réciproque. Nous sommes noyés dans la danse du temps, du mouvement et de l’espace. Les horloges croient emprisonner, posséder, émaner le temps. Pourtant, la nature intime du temps est à trouver au plus profond de l’expérience.

 

On peut lire Delirium très mince I par ici.

samedi, 09 septembre 2017

Extrait du journal de Kevin Motz-Loviet

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Extrait du journal de Baude Fastoul (entrée du 23 septembre 2012) de Kevin Motz-Loviet. La confrérie de Baude Fastoul, créée en 2012, se dévoile par ici.

 

« Je me suis éveillé tôt ce matin, ou plutôt pas trop tard pour quelqu'un qui s'était couché tard, après une soirée arrosée chez Florence Nimorfman et Servan Rassoir, au bout de la rue Godefroy Cavaignac. Éveillé tôt, mais resté deux ou trois heures au lit sans le courage de me lever. Je me sentais mal à cause d'hier soir : ces mondanités me pèsent, la brutalité de Florence, la passivité de Servan, m'ont déprimé. Sensation d'avoir raté ma vie, qui est ma « gueule de bois » à moi, si fréquente les lendemains des dîners en ville.

Aussi ne suis-je pas sorti de la journée, malgré le beau temps et mon amour de l'automne. Je dors en ce moment dans la pièce qui me sert de bureau parce que Judicaël est à Paris et peut rentrer dormir à tout moment, autant lui laisser mon grand lit ; par ailleurs, des travaux sur le toit nécessitent des échafaudages juste devant la fenêtre de ma chambre.

J'ai vu Élisabeth, Sergiane et Judicaël au cours de cette journée, qui m'a apporté quelques satisfactions 

Après le dîner, Élisabeth et moi écoutâmes le Miserere d'Allegri en priant pour Véronique des Echasses, notre voisine et amie, qui meurt doucement d'un cancer, croyons-nous, bien que « doucement » soit le contraire d'un adjectif approprié. Je dis « croyons-nous » parce que la famille ne se rend peut-être pas compte, ou ne le veut pas, de l'état de gravité du mal. Ce moment de méditation partagé avec Élisabeth m'a fait un bien profond. La musique du Miserere est d'une beauté profonde et l'enregistrement que j'ai trouvé est inspiré : parfait techniquement, cependant la technique n'est là que pour servir la musique et la beauté du recueillement.

Ce soir, une grande pluie m'a remplie de vie, j'en ai filmé un peu de cette averse, dans la petite cour avec mon caméscope, et la bougie qui vacillait dans sa « petite maison » sur la table de jardin emplissait la nuit pluvieuse de beauté et de rêve. Mais je bougeais beaucoup je crois en tenant la caméra.

Je me souviens de ma jeunesse. Je me sentais très malheureux alors mais avec des moments d'exaltation, de rêve, d'enthousiasme, et même de colère pure, que je ne connais peut-être plus. La vision des enfants hier soir (la petite Luna et la petite Philippine) et la fierté des couples parentaux ou tout simplement mon mal-être m'ont donné la nostalgie.

J'ai beaucoup soupiré d'un air las, et commencé des débuts de dépression que j'arrêtais net par un effort de volonté, du fait de l'atmosphère d'hier soir...

Pourtant, en rentrant du dîner d'hier en métro avec Ernesto Ökraf, cet homme profond et mystérieux m'a initié à l'astrologie, que j'avais toujours considérée de très loin, sans préjugé ni attirance... Et maintenant je veux ouvrir cette porte ».

 

Sur AlmaSoror, un autre extrait du journal de Kevin M-L.

Et puis encore un autre extrait.

vendredi, 01 septembre 2017

Septembre

Septembre, poème de Georges Chennevière (1884-1927)

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La ville tout doucement crie.

Ô murmures le long des rues.

Une femme lave du linge

Dans une cour qui s'assombrit.

 

C'est déjà la nuit de sept heures,

Celle qu'on avait oubliée,

Qui s'avançaient depuis des mois

Sous les beaux soirs qu'elle rongeait.

 

Mais qu'importe le flux de l'ombre !

Je t'adore, charme rompu.

La fin du jour s'emplit de cris

Qui se gonflent comme des muscles.

 

La ville dans le noir des plaines

Brille de sa lumière à soi,

Et mes yeux gardent le trésor

De toutes les fleurs de l'été.

 

Des visages nouveaux s'allument

Aux devantures des boutiques,

Le moindre regard que l'on croise

Est si doux qu'il serre le cœur.

 

Georges Chennevières

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