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jeudi, 11 octobre 2018

Duo pour ouvrir un exode

Il n'y a qu'Haendel pour vous aider à dire adieu aux maisons qu'il faut vendre, malgré la poussière intime des souvenirs qui nous ont constitué. Je ne le savais pas encore il y a cinq ou six ans, lorsqu'il fallait accomplir le deuil du lieu de vie. J'entrai dans l'ère des lieux de survie, où le cœur n'accroche pas aux particules de l'air. Who calls my parting soul from death ?

Cette question à double voix de ténor et de soprane transporte les fluides spirituels intangibles et permet aux organes vitaux de fonctionner à travers les dérélictions.

Ce duo habile comporte les trois strates de la majesté du passé accumulé, de la trahison frémissante du présent et de l'éveil ressuscité des horizons du lendemain. Si les antibiotiques écrasent sans soigner, si les plantes ne drainent plus, si les prières ne sont qu'appels sans réponse et que l'alcool tourne au vinaigre, le duo d'Haendel, comme un veilleur, marche avec son rythme baroque et sa lanterne de son dans les couloirs du désespoir pour guider l'être en exode.

 

Ici, ailleurs :

Quitter les lieux

dimanche, 07 octobre 2018

(Re)naître à la vie légale

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J'ai relu cette nuit ce très beau livre écrit par Laurent Gbagbo, en 1983, alors qu'il était exilé à Paris pour éviter de retourner encore en prison, après la grande purge des enseignants de 1982.

En voici un extrait :

 

« La démocratie suppose la reconnaissance du droit à la différence. En effet, par leurs origines sociales, par leurs éducations, par leurs formations, par les positions qu'ils occupent dans l'appareil de production, par leurs intérêts individuels et collectifs, etc, les citoyens jettent forcément des regards différents sur la société dans laquelle ils vivent et conçoivent ainsi des projets différents pour l'avenir de leur pays. Et ce sont la rencontre, le croisement, le choc, le jeu de ces différences qui font la grandeur, la puissance d'un pays, la richesse créatrice d'un peuple. Vouloir gommer artificiellement ces différences en mettant en œuvre des méthodes de coercition morales et physiques, c'est choisir la voie de la dictature. Face à la dictature, je dis non.

 

La démocratie, c'est aussi un acte d'humilité. C'est la prise en compte de la relativité des intelligences individuelles et des doctrines. C'est le respect accordé à ses concitoyens. Être démocrate, c'est reconnaître qu'on a ni le monopole de la vérité, ni le monopole de la sagesse, ni le monopole de l'amour de son pays. De ce point de vue, alors que le choix de la dictature est toujours un acte de facilité et une marque de manque de confiance en soi-même et dans le peuple, un acte de peur et de fuite en avant, la démocratie est au contraire un acte de grandeur, de confiance et de clarté. Le choix démocratique est la pleine conscience du fait que la politique que l'on mène peut être erronée, ou peut être jugée comme telle.

 

La démocratie, c'est aussi l'éducation politique du peuple. Bien sûr, cette éducation politique a toujours des limites et les quelques pays que nous avons visités nous ont instruit à cet égard. Mais on ne peut pas demander à quelqu'un de jeter un bulletin de vote dans une urne alors qu'il ne sait même pas ce à quoi il s'engage. L'éducation politique d'un peuple se fait par le développement public des idées contradictoires, par l'exposé de plusieurs voies possibles pour résoudre les problèmes nationaux. Ce sont les informations contradictoires, et par là même complémentaires, qui peuvent permettre à notre peuple de se former politiquement et de choisir une politique conforme à ses intérêts. La démocratie responsabilise alors que la dictature assujettit. De ce points de vue, le débat démocratique fait apparaître des hommes politiques alors que la dictature engendre des courtisans. Sans débat politique, un vote est un viol.

 

La démocratie c'est la suppression de la peur au quotidien, la fin de la délation permanente, la fin de la toute-puissance des secrétaires généraux du P.D.C.I. qui écrivent à tort et à travers des rapports sur leurs concitoyens ; c'est la réhabilitation de la justice républicaine. La démocratie, c'est la fin des arrestations arbitraires. C'est la fin de l'auto-censure, la suppression des tabous en matière politique. C'est donc le plein épanouissement moral des individus et de la collectivité.

 

La démocratie c'est la naissance à une vie légale. J'ai déjà indiqué l'implication heureuse qu'une vie légale peut avoir sur l'existence des citoyens qui n'auront plus à craindre d'être incarcérés arbitrairement, au gré de l'humeur d'un homme. La Cote-d'Ivoire a une Constitution. Elle n'est pas très bonne. Mais elle a au moins l'avantage d'exister. Or cette Constitution qui a été écrite et adoptée par le P.D.C.I. N'est même pas respectée par lui. En son article 7 la Constitution de Côte-d'Ivoire reconnaît l'existence de « partis et groupements politiques » ; j'ai montré plus haut le sort qui a été réservé à tous ceux qui ont voulu créer des partis. En son article 6 la Constitution met hors la loi ceux qui font une « propagande particulariste de caractère raciale ou ethnique » ; j'ai montré comment lors de l'affaire Sanwi, de l'affaire Gnagbé et du « complot de février 1982 », Houphouët et le P.D.C.I. Ont mobilisé tous les médias du pays pour lancer l'anathème et jeter le discrédit sur telle ou telle ethnie. En son article 3, la Constitution proclame que la « souveraineté appartient au peuple » et précise qu' »aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'en attribuer l'exercice » ; or depuis l'Indépendance Houphouët s'attribue cette souveraineté du moment que, dans sa tête, le P.D.C.I. c'est le peuple et que lui, Houphouët est le « Père de la Nation ». Non, il faut que la Côte-d'Ivoire » naisse à la vie légale.

 

La Côte-d'Ivoire est un pays sous-développé. Il nous faut donc nous battre contre cette situation que nous ne considérons ni comme une malédiction, ni comme une fatalité. Or l'histoire nous enseigne qu'aucun peuple asservi ne peut faire face efficacement aux défis de l’humanité sans avoir au préalable brisé ses chaînes. Le sous-développement dans la servitude accentue le sous-développement. Nous savons bien que la démocratie n'est pas un remède miracle qui va résoudre par enchantement tous nos problèmes. Mais elle constitue un préalable indispensable. Nous avons une agriculture à repenser pour sortir des pièges que nous a légués l'ère coloniale ; nous avons une politique énergétique à mettre en place et à mener avec constance et raison de façon à créer les conditions d'une industrialisation véritable sur l'ensemble du territoire national ; nous avons à redéfinir le rôle de l'école et l'orientation de la médecine ; en sommes nous avons à combattre la faim, la maladie, l'ignorance, la rigueur du marché international et l'appétit vorace des impérialismes ; bref, nous avons un pays à bâtir. Et cette tâche n'est pas au-dessus de nos forces. L'exécution d'une œuvre aussi gigantesque que la construction nationale exige que chacun se sente concerné ; il faut pour cela que les Ivoiriens soient impliqués dans un débat politique national, qu'ils aient une prise quelconque sur les choix fondamentaux de leur pays ; qu'ils sachent qu'ils ne sont pas des robots à qui l'on demande de produire, rien que produire, sans savoir à quoi (ou à qui) cela sert de produire. Il faut responsabiliser nos concitoyens depuis les paysans jusqu'aux plus hauts responsables de l'administration en passant par les ouvriers et les cadres du secteur privé. Une telle mobilisation implique que les Ivoiriens fassent consciemment et librement le choix d'une politique. À ce niveau, la liberté n'est plus simplement un concept moral ni une donnée politique ; la liberté est le levier le plus puissant du développement économique ».

 

Laurent Gbagbo, IN Côte-d'Ivoire, Pour une alternative démocratique

 

(Zones africaines d'AlmaSoror :

Ouverture de l'Histoire de l'Afrique noire

Un voyage féodal

Où vont les âmes ?

Le trafic à la muette

Un billet sur Mongo Béti ?

Le pouvoir de la kora

Charte du Mandé et autre faux historiques

Lettre d'un Suisse à une Allemande

L'homme des villes, sortie du livre

France-Maroc-Mali, XVIIème siècle

Fragment d'un printemps arabe

La philosophie de la révolution, extrait

Abd-el-Kader : préface de la lettre aux Français

...de commencements en commencements...

Nos papas les états-uniens

Instant banal à Ouaga)

samedi, 06 octobre 2018

Les coulures

Tu apercevras les coulures de lumière dans les feuillages verts des arbres froids. Quand le Maître des forêts sommeille, que l'hiver avance, à la hache, entre les essences végétales qu'il dépouille, tu renais. Enfant des villes, éclot dans le béton vertical, tu nais réellement lorsque ton pied foule la terre mouillée, puante de vers, et s'enfonce.

Fermes abandonnées construites par des mains solides, éparses, attendez la neige et les hommes perdus qui vont réapprendre à souffrir sans gémir, au cours des mois de déshérence. Buissons givrés, terre meuble, cortèges de nuages aux aurores frileuses, vitres fêlées par lesquelles le regard s 'écoule en biais. Porte lourde, de chêne, dont la serrure est naïve et le loquet loquace...

La modernité engloutie ne nous a laissé que des traces. Orphelins, nous redécouvrons notre race à travers celle de nos chiens. Saint Hubert, qui sais tuer ou épargner, guide nos corps débiles de tes gestes sûrs, afin que nous redevenions dignes des sous-bois entremêlés.

mercredi, 03 octobre 2018

for Heav'n hides nothing from thy view

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(Mes photos sont souvent ratées, toujours prises avec mon téléphone portable. Je ne les retouche pas, je les laisse parler de ce que je crois vivre.

 

C'est ici que, dans un dévergondage de compétition sociale, je me vante visuellement de mes expériences. Regardez comme ma vie est belle, oh oui, whisky le soir devant un coucher de soleil urbain en écoutant la guitare de Ry Cooder se promener dans les étendues du Texas. Ou simplement une vague, ne t'inquiète pas si tu t'ennuies dans le métro la boule au ventre en allant au boulot, je viens de la surfer, cette vague bleue de la baie dont je tairai le nom. Sur ces autoportraits je suis une dissidente politique, une écrivain libre, une voyageuse à la parole errante, j'ai des livres, des amitiés, des rendez-vous, et tellement de temps libre - à la mode et irrécupérable. La preuve par images, rien de mieux.
Mais si tu crois un jour que tu m'aimes, reviens de temps en temps poser ton regard sur le vide entre les photos. Tu entendras ma voix, la vraie, sombre, bien plus sombre que celle qui résonne quand j'éclate de rire).

mardi, 02 octobre 2018

Mûre, sur les chemins d'hier

Sur les chemins d'hier, je souriais aux jours à venir. Le blanc n'était pas la couleur de mes cheveux, mais celle de l'écume des vagues. Des vagues qui venaient se briser sur le sable de ma plage quotidienne, à l'époque où la mer accueillait encore mon corps. Je bois toujours des cocktails savants, mais ils ont le goût des choses que l'on paye. Est-ce qu'une autre jeunesse viendra réveiller mon existence et l'éclabousser d'une énergie pétillante ? Le travail et la sagesse m'apportent un peu de paix, mais où cueillir la joie ?

mercredi, 26 septembre 2018

Rêverie d'automne

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lundi, 17 septembre 2018

La meute

Perdue dans la meute, si heureuse de hurler avec les autres et si seule au milieu des autres, amoureuse du croissant de lune blanc, excitée par le noir nocturne, dans l'odeur mouillée de la terre et des arbres centenaires, tu ne penses pas, tu vis, tu sens, tu aimes.

samedi, 15 septembre 2018

"L'image illusionne, à cause de sa manière de ressembler au réel"

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Auto-Interview, de Sara, aux éditions du Sonneur

vendredi, 14 septembre 2018

La traque et l'auto-interview de Sara

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Chère Sara, tu nous offres deux beaux livres pour cette rentrée de septembre. 

La traque, aux éditions Thierry Magnier : un chasseur partant chasser sans son chien.... 

et l'Auto-interview, aux éditions du Sonneur, où tu te houspilles et te racontes en te cachant derrière les vérités que tu mets en avant. 

mercredi, 12 septembre 2018

Vive l'Europe des créateurs, vive la souveraineté des Européens

Les députés européens se sont ressaisis aujourd'hui, après nous avoir fait peur en juillet dernier ; ils ont eu l'intelligence de voter pour la survie matérielle des créateurs européens et la possibilité d'un Internet européen.

Google avait dépensé 30 millions d'euros pour convaincre les députés de détruire le système du droit d'auteur européen et ainsi continuer, avec ses amis Facebook et Youtube, à distribuer gratuitement les contenus artistiques et informatifs qui les rendent si désirables. Cette campagne des Gafam (google-amazon-facebook-apple-microsoft) fut soutenue par le parti Pirate qui représente un nombre infime de citoyens et dont le nom même promeut le vol et l'illégalité.

L'Europe semble vouloir malgré tout rester elle-même et refuser de sacrifier ses enfants aux ogres états-uniens. Merci aux députés !

Il faudra continuer de récupérer notre autonomie, obliger les gafam à payer leurs impôts en Europe, développer des services respectueux des données privées et du droit d'auteur, bref, nous sommes au début d'un chemin d'espérance.

On peut écouter l'appel d'Emily Loizeau.

Et revoir la mobilisation des créateurs d'Europe et l'appel de Murray Head.

 

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Photo strasbourgeoise de Marie Sellier

dimanche, 09 septembre 2018

de commencements en commencements

Les idées de Hassan Fathy (Egypte, 1900-1989) feront des petits. En Europe, bientôt, les architectes (avec ou sans diplôme) bâtiront des maisons inspirées des maisons médiévales européennes, avec des matériaux anciens et neufs, mêlés.

Une architecture qui chante avec le soleil et danse avec le froid.

Demain, pourquoi pas ? Mais cette maison mienne existe déjà, avec ses portes qui attendent d'être poussées, ses cheminées qui attendent d'être allumées. Elle m'attend et j'arrive très très lentement, mais sûrement.

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L'angélus

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6h- midi - 18h

Les croisades du Renouveau se font sans chefs de guerre ni vêtement religieux, disait cette dame habillée en noir au café du douzième arrondissement. L'avenue Daumesnil et son église de brique et de fer paraissaient un décor pour les temps nouveaux. J'écoutais cette voix sage et judicieuse en buvant lentement un chocolat chaud que le serveur mi-basque, mi-peul m'avait servi avec élégance. Toutes ces croix qui reviennent aux cous des gens qu'on ne voit pas aux sorties des églises le dimanche matin. Tous ces trains qui partent vers les campagnes à repeupler. Tous ces chants qui se fomentent dans la moiteur bétonnée des enfances muettes, blanches, déstructurées. Aucune patience n'est trop patiente lorsque la marée monte, aucun ciel n'est trop bas pour la tempête qui vient. 

 

 

De Angelus : 

Je crois vous reconnaître, homme bizarre qui m'évitez

Mourir au bout du chemin

Ta musique, ma disparue

Occident

Nostalgie

Au pays frais des vins et des chansons

samedi, 25 août 2018

(noir du ciel, blanc de la voie lactée)

J'aimerais vivre à une époque sans ordinateur, sans béton, sans pantalons en jean ni sweatshirt, sans crématoriums.

Mon père fut le premier de sa lignée depuis des siècles et des siècles à ne pas descendre dans la tombe. Il est vrai aussi qu'il fut le premier à divorcer et à se remarier, c'est d'ailleurs cette nouvelle femme qui a imposé l'incinération. Briser la tradition de la lignée, pourquoi ? Pour quoi ? Pour suivre la mode, pour éclater une famille, pour se dissoudre dans l'oubli ? Totale coupure. Pourvu que ce ne soit qu'une parenthèse, une erreur, un cul-de-sac isolée dans la lignée.

Je cherche à retrouver le chemin de la tradition, mais le passé ne revient jamais. Il faut réinventer l'enchantement des héritages spirituels, des découvertes naturelles, des saisons.

Dans les films d'Ozu, qu'on peut aller regarder au Louxor en ce moment, j'admire qu'il exige la vérité, sans l'endurcir. La vérité catastrophique des guerres perdues, de la domination culturelle américaine, des modernités castratrices du sens.

J'aimerais vivre à une époque où l'on ne tond pas les pelouses, ni ne souffle les feuilles mortes. Des prairies et des tapis de feuilles rousses, des nuits réelles au-dessus de nos têtes (noir du ciel, blanc de la voie lactée), la possibilité de croire en demain.

 

Hors nos terres

La testostérone du jardinage (sur les souffleurs à feuilles mortes)

Eloge du pissenlit (ou la catastrophique mode de la pelouse tondue)

La pelouse américaine en guerre

samedi, 18 août 2018

La mort de Bismarck racontée par Bülow

« Fin juillet le bruit se répandit d'une aggravation inquiétante de l'état de santé du prince. Le 30 juillet, à 11h du soir, il entrait dans l'éternité. Une dame, amie de lui et de sa famille, qui assista à ses derniers moments, m'a raconté que, dans son délire, le prince de Bismarck avait nommé la Serbie, la Russie et l'Angleterre, crié à plusieurs reprises : « Au secours ! Au secours ! » et gémi : « Mais, hélas, l'Allemagne, l'Allemagne, l'Allemagne ! » Les anciens avaient raison de croire qu'en une dernière vision les dieux montrent au mortel le malheur imminent, les périls prochains. Quand le fondateur de l'Empire, mourant, cria : « Hélas ! L'Allemagne ! Au secours ! » et nomma successivement la Serbie, la Russie, l'Angleterre, vit-il se dresser à ses yeux les écueils, contre lesquels sa création se brisa vingt ans plus tard ? Le dernier mot perceptible de Bismarck fut : « La raison d’État. » À Sainte-Hélène, les pensées de Napoléon mourant planaient sur le champ de bataille : « Tête de l'armée », furent ses dernières paroles. Les derniers sentiments, les derniers vœux et soucis du prince de Bismarck allèrent à l’État, qu'il avait servi comme pas un ».

 

Extrait des Mémoires du Prince Chancelier von Bülow,

Tome des années 1897-1902.

Traduction (trop rapide ?) de Paul Roques et Henri Bloch

bernhard von bulow,prince de bismarck

 

Bernhard von Bülow avait déjà égayé nos insomnies blogales :

Quatre gros livres près de la table de nuit

Fraîches étaient les forêts du Taunus

mardi, 14 août 2018

Jeux d'enfants

Dans vos petites mains, je lis l’espoir du Nord, je lis l’espoir du Sud, je lis notre avenir. Vous marchez en pensant, courez dans le jardin, sautez sur le ruisseau avec les chiens. Dans notre salon brut, résonne la kora qu’un ami africain nous offrit autrefois. C’est lui qui nous apprit, par ses mots profonds et purs, qu’il faut s’aimer soi-même pour tendre la main à celui qui viendra. Il est mort maintenant et son corps repose dans un cimetière fleuri à Lomé, tout là-bas. Dans vos cheveux châtains et blonds, je passe mes longs doigts et je prie pour qu’un jour vous deveniez parents, et je prie pour que ce jour le pays soit redevenu lui-même. Je vois un champ d’étoiles sur un pré de glaïeuls, là où aujourd’hui des barres d’immeubles abritent ceux qui veulent vous cracher dessus, à cause de vos grands yeux plein de ciel, à cause de la douleur de leurs pères.

J’espère que la vie de vous éloignera pas trop l’un de l’autre, j’espère que l’amour toujours sera plus fort que les rancœurs indicibles. Je vois la lune éclairer de blanc les rides de vos visages devenus vieux. Maintenant vous dormez, tout-petits, essoufflés et ravis, en ce jour estival vous n’avez pas compris la peur qui nous assaille quand résonnent les cris des racailles de l’autre côté de la route. Vous n’avez pas compris l’urgence dans les yeux de votre mère quand elle plante les semences de l’an prochain ; vous n’avez pas compris la pression dans les yeux de votre père qui érige le bardage isolant pour l’hiver. Vous avez ri avec votre tante qui faisait semblant de croire à vos jeux. Je vois demain ou après-demain les rires du soulagement, je vois les hêtres qui s’alignent et se saluent jusqu’à l’océan, éternel, incertain.

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Sur AlmaSoror :

Le pouvoir de la kora

Le sacrifice

Dernier voyage en Amérique