vendredi, 23 février 2018
France
Une opinion politique que l'on ose pas dire à table. Pourtant elle nous tient à cœur, plus que tout.
Tu sais qu'un jour, elle pourrait devenir à la mode et alors les mêmes qui t'exclueraient aujourd'hui la reprendraient à leur compte, s'imaginant qu'ils lui sont attachés depuis toujours.
Car celui qui suit le mouvement ne sait jamais ce que sera sa pensée intime du lendemain ni ne se souvient de ce qu'il défendait la veille.
Il avance au gré du vent, mutant insconscient de ses propres mutations. La mode idéologique change, la condamnation morale demeure. Tout passe, sauf l'exclusion.
J'aime un pays aux contours hexagonaux, j'aime son relief, ses eaux, son histoire. J'aime les gens qui la peuplent depuis toujours, car... il est toujours, sur toute terre, une fraction attachée comme une souche indéplaçable... et ceux qui toujours se déplacent en sont inexorablement jaloux.
Indestructible est la racine profonde, si mêlée au sol qu'elle est le sol, mais, attaquée de toutes parts, ses blessures cicatricent en renforçant la souche.
Les mobiles se vantent de leur mobilité, dépourvus de mobile intérieur, et l'immobilité de ceux qui restent est le mouvement le plus lent et le plus profond du monde.
Je ne suis ni celle qui reste, ni celle qui part, je ne méprise ni les mobiles sans mobile, ni l'éternel mobile des immobiles, je doute et je sais.
Je vous regarde et je crois.
Je vois et je prie. La terre, le silence, le chant et la vie.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
samedi, 10 février 2018
Ô bourgeois, d'où viens-tu, où vas-tu, est-ce que tu existes encore ?
Ci-suit un texte de Régine Pernoud, tiré de son Histoire de la bourgeoisie en France, datant de 1960 (l'ouverture du premier chapitre en fait).
Mais auparavant, voici la liste des billets de ce blog s'intéressant à cet être insaisissable, envié, haï, qui souvent ne se reconnaît pas lui même, le bourgeois.
Le bourgeois à travers des billets almasororiens :
Puissance et décadence de la bourgeoisie
1007-2007 : La fortune d'un mot
Caste, classe : le théâtre de la distinction sociale
Le monde des lettres françaises au XIXème siècle, décrit par Romain Rolland
Vanité des arts, vides esthétiques, vacuité des audiences
A propos d'Hommes sans mères, de Mingarelli
La triste et tendre vie de Franz Schubert
Ultra-conservateurs et ultra-libérés, vos enfants ne connaissent-ils pas la misère intérieure ?
Fleuve littéraire, tu nous emportes
Apéro-dînatoire chez les voisins
Jules Vallès : saisissant portrait par René Lalou
La recherche de l'absolu et son inversion contemporaine
Ainsi débute le premier chapitre de L'histoire de la bourgeoisie en France, de Régine Pernoud :
« C'est dans une charte de l'an 1007 qu'apparaît pour la première fois le mot : bourgeois, burgensis, promis à une si étonnante fortune. Ce terme qui deviendra typiquement français, au point que ses traductions dans les langues étrangères ne seront jamais qu'approximatives (l'Allemand Sombart dut se résigner à intituler Der Bourgeois sont étude sur le sujet) a une racine germanique. Durant le Haut Moyen Âge, le burg, c'est le lieu fortifié, et de là vient burgensis, celui qui habite un burg, une place forte ; mais déjà au XI°siècle, le burgensis, bourgeois, n'est plus que : l'habitant de la ville, et la ville n'est plus nécessairement un lieu fortifié. Le terme a pris les deux sens qui lui seront conservés dans notre langue : celui de cité fortifiée ou au contraire de groupe d'habitations situées en dehors des remparts, - autant dire qu'il désigne déjà ce que le français bourg devait désigner par la suite : une agglomération urbaine, petite ville ou gros village, un faubourg.
Il est curieux de pouvoir ainsi assigner une date de naissance à un mot dont l'évolution devait être par la suite à la fois si riche et si troublée, au point que ses définitions retiennent aujourd'hui l'attention des sociologues et des historiens et que des études entières lui sont consacrées. Cette date n'est évidemment fixée que de façon très provisoire et selon l'état actuel de la documentation ; la découverte d'actes plus anciens peut la faire reculer. Ce n'en est pas moins, à quelques années près, un jalon dans notre histoire sociale. Elle est contenue dans une charte émanant du comte d'Anjou Foulques Nerra qui, en l'an 1007, établit un « bourg franc » auprès de l'abbaye de Beaulieu, près de Loches ; cela signifie qu'il déclare inviolable un territoire défini aux confins de cette abbaye, qu'il affranchit ses habitants de toute servitude, interdit à l'abbé de les soumettre à une taille, c'est-à-dire à un impôt quelconque, et fixe d'autre part les amendes qu'encourent les habitants de ce bourg s'ils viennent à s'insurger ; c'est dans ce dernier paragraphe qu'il est question des bourgeois : « Si contra monachos burgenses insurrexint..., si les bourgeois s'attaquent aux moines ou à leurs serviteurs et s'emparent de leurs biens, ils paieront une amende de soixante livres ». (Note : cité par Henri Pirenne dans son étude : Villes et Institutions urbaines)
Ainsi, la première fois que le bourgeois fait irruption dans un texte, ce texte est destiné à prendre des garanties contre lui : « « Si contra monachos burgenses insurrexint..., si les bourgeois s'insurgent contre les moines ». Visiblement, on ne le considère pas sans méfiance, et l'on prévient des réactions violentes de sa part. Sans vouloir forcer les conclusions, il faut bien admettre que l'arrivée dans la société féodale d'un être dont le mode de vie tranchait sur ce que l'on connaissait alors ne pouvait que poser des problèmes. L'histoire de la bourgeoisie à son origine est fait précisément des solutions diverses qu'on a données à ces problèmes.
Ceux qui comptaient mettre à profit les bonnes dispositions du comte d'Anjou et devenir « bourgeois » de Beaulieu, qui étaient-ils ? Que voulaient-ils ? Et pourquoi les menaçait-on d'une amende au cas où ils s'insurgeraient ? Nous avons vu le cas d'un Godric quittant la maison et la terre paternelles pour gagner sa vie dans le commerce, celui d'un Lanstier d'Arras, primitivement attaché à l'abbaye de Saint-Vaast, faisant des opérations pour son propre compte ; combien d'autres, à leur exemple, ont cherché en cette époque de forte natalité à gagner leur vie autrement que par le travail de la terre, soit en exerçant un métier, soit en vivant de l'échange et non de la production directe. Tous ces êtres, quels qu'ils fussent, avaient un trait commun : leur place n'était plus, ne pouvait plus être sur le domaine seigneurial où leurs parents avaient vécu, où eux-mêmes étaient nés. C'est à leur intention, par eux, ou en tout cas pour eux que se créaient les « bourgs francs ». Avec eux s'instaurait une économie nouvelle, différente de l'économie domaniale qui caractérise le Haut Moyen Âge et qu'il faut d'abord connaître pour apprécier ce qu'apportait de nouveau l'existence du bourgeois ».
Régine Pernoud, Histoire de la bourgeoisie en France - des origines aux temps modernes. 1960 Editions du Seuil
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
vendredi, 09 février 2018
L'hospitalière
Soeur, ma soeur de Béthléem, je passe souvent devant les murs qui t'enserrent, ceux que tu nommes : "ma délivrance". Ta prison, tu l'intitules : "la liberté que j'ai choisie". Ta monotonie, c'est, dis-tu, "une grande joie, chaque jour renouvelée". Quelquefois je te crois. A d'autres moments, je me demande ce que valent les mots.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
vendredi, 02 février 2018
Hivernale soirée
Nous sommes déjà morts, assurément fascinés par le futur proche d'un avenir béant, ou, quelquefois, adoucis par une épaisse senteur qui reste, qui imprègne, un lourd parfum, un goût acre.
Nous naissons, but de toute mort. Une nuit certaine, tout ressurgit sans nous et nous nous éveillons devant des murailles cloutées. De l'autre côté, on devine chaque geste qu'il nous faut accomplir. Les nuits ressemblent à des mères, dont les maris ailés nous observent en fumant. Des plaisirs s'interposent au sein de notre propre mort, comme une posthume respiration.
Les plaisirs, c'est ce qui continue de parler pour toujours.
Dans le bêlement du troupeau, assis sur les fauteuils du lucre, unis dans le désistement, pour les siècles des siècles contenus dans chaque instant.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
mardi, 30 janvier 2018
Matin d'hiver
Nous sommes toujours en vie, le plus souvent ennuyés par l'instant présent du quotidien écrasant, ou, quelquefois, stupéfait par une légère beauté qui passe, qui souffle, un éclat pur, un goût de joie.
Nous mourons, but de toute naissance. Un jour ou l'autre, tout disparait pour nous et nous disparaissons des horizons partagés. Entretemps, on ne sait pas très bien que faire. Les jours sont lourds à porter, ils trépassent et on les regrette. Des soucis s'interposent entre la vie et nous, gênant la respiration.
Les soucis, c'est la seule chose qu'il faudrait faire taire à jamais.
Seul face à la vie, sans la béquille des soucis, seul face à la respiration, à l'existence des choses mobiles et immobiles.
| Lien permanent | Commentaires (3) | |
Facebook |
Imprimer |
dimanche, 28 janvier 2018
en toi écho et résonance
« Si dans Récoltes et Semailles je m’adresse à quelqu’un d’autre encore qu’à moi-même, ce n’est pas à un “public”. Je m’y adresse à toi qui me lis comme à une personne, et à une personne seule. C’est à celui en toi qui sait être seul, à l’enfant, que je voudrais parler, et à personne d’autre. Il est loin souvent l’enfant, je le sais bien. Il en a vu de toutes les couleurs et depuis belle lurette. Il s’est planqué Dieu sait où, et c’est pas facile, souvent, d’arriver jusqu’à lui. On jurerait qu’il est mort depuis toujours, qu’il n’a jamais existé plutôt — et pourtant, je suis sûr qu’il est là quelque part, et bien en vie. Et je sais aussi quel est le signe que je suis entendu. C’est quand, au delà de toutes les différences de culture et de destin, ce que je dis de ma personne et de ma vie trouve en toi écho et résonance ; quand tu y retrouves aussi ta propre vie, ta propre expérience de toi-même, sous un jour peut-être auquel tu n’avais pas accordé attention jusque-là. Il ne s’agit pas d’une “identification”, à quelque chose ou à quelqu’un d’éloigné de toi. Mais peut-être, un peu, que tu redécouvres ta propre vie, ce qui est le plus proche de toi, à travers la redécouverte que je fais de la mienne, au fil des pages dans Récoltes et Semailles et jusque dans ces pages que je suis en train d’écrire aujourd’hui même »
Alexandre Grothendieck, IN Promenade à travers une œuvre qu’on peut lire par ici.
Ailleurs dans AlmaSoror :
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
jeudi, 25 janvier 2018
Héroïne - Poème de l'hiver 2018
(Ami défunt qui écrivais un poème pour chaque saison, il fallait bien que quelqu'un prenne ta suite. Il y eut le poème de l'hiver 2017. Il y eut le poème du printemps 2017. Il y eut le poème de l'été 2017. Il y eut le poème de l'automne 2017.
Voici celui de l'hiver 2018).
Petits enfants de lune qui ne voient jamais l’astre auquel ils rêvent,
vieillards aux dents d’or, aux cheveux d’argent,
femmes qui veulent oublier le viol consenti,
hommes qui tentent de dénoncer le vol de leur enfant,
la pluie drue transperce la ville froide à cet instant.
Et j’ai voulu donner au monde une sève, une écriture, une structure.
Mais la mathématique a obstrué mon esprit
et l’orgue de l’église a occupé des heures
quand je montais ses marches pour exercer mes doigts
dénuée de don, dénuée de partition, dénuée de foi,
comme d’autres se piquent d’héroïne ou de sauver le monde.
Et je n’ai jamais pu finir une phrase, achever une présence.
Car il y avait au cœur de ma vie cet être nu, l’Absence,
vêtue de probité invisible et tachée de vin blanc.
Des mains m’ont caressée certains soirs de janvier,
après la mort d’un père ou le deuil d’un enfant,
j’étais épouvantée par ma déviante langueur.
Et les années passaient sans délester leur beurre.
La pluie froide traverse le ciel jusqu’au trottoir.
Un mensonge a vieilli ton regard philosophe.
Je ne connais plus rien des jeunesses qui éclosent.
Tu es mon étranger, mon amour indifférent.
J’aurais voulu t’aimer un peu mieux, plus longtemps
Et l’hiver s’éternise aux heures des amants.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
mardi, 23 janvier 2018
... de grandes exilées de l’histoire des idées...
« J’ai commencé d’écrire ce texte comme on part en voyage vers un pays inconnu mais dont le nom a résonné à notre oreille intérieure, je m’y suis lancé à seule fin d’en explorer le titre, juxtaposition ou alliance de mots qui s’est imposée au fil du temps comme le résumé abrupt sinon abstrus de difficultés récurrentes ou ressassées et cependant, d’une certaine façon, ignorées. Une première constatation, ou thèse, comme on voudra, est que les mathématiques sont parmi les grandes oubliées de l’histoire des idées au vingtième siècle, malgré les apparences, malgré les malentendus, les trop bien entendus aussi. Affirmation paradoxale, j’en conviens, et qu’il n’est pas simple d’étayer mais qui du moins, si on la prend au mot, ouvre d’étonnantes perspectives. Oui, les mathématiques ont été de grandes exilées de l’histoire des idées depuis déjà plus d’un siècle et demi. Et cette expression d’‘histoire des idées’, délicieusement désuète par certains côtés, rappelle par ailleurs Michel Foucault, lui-même précieux interlocuteur de Paul Veyne qui se reconnaissait dans le mot d’ordre de son ami et collègue au Collège de France: l’histoire des idées ne commence véritablement qu’avec l’historicisation de l’idée philosophique de vérité. Je ne reprendrai pas telle quelle cette maxime bien difficile à étendre aux mathématiques, et pourtant elle m’accompagnera tout au long, ou nous accompagnera puisqu’il ne m’a pas semblé inutile ou impossible de proposer ce voyage à une lectrice, à un lecteur. A supposer que les mathématiques aient été en quelque façon éxilées’, où l’ont-elles été ? Réponse: Au Paradis. Ou plutôt en toutes sortes de paradis, qui perdent leur majuscule en se multipliant; le paradis du synthétique a priori, le paradis cantorien beaucoup plus tard, d’autres encore. Des paradis qui d’une certaine manière – qu’il conviendra d’élucider soigneusement –, les ont préservées, ces mathématiques, et de la « réalité », et par exemple du « travail », cette grande affaire du dix-neuvième siècle ».
Pierre Lochak, IN Mathématique et Finitude
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
dimanche, 21 janvier 2018
Ilyès
L’orgue et la mathématique, mes deux mains, les deux pôles de mon cerveau. Oui, et pourtant, depuis une semaine, que sont ces passe-temps devenus ? Je ne pense plus qu’à toi, Ilyès, à ce lit rempli de sang sur lequel tu gisais, mort déjà, quand Clarisse t’a trouvé. Et personne ne comprend. Une rupture récente, oui, un problème de travail, oui, des parents lointains, oui, mais rien d’original à tout cela et tant d’amis autour de toi ! Le grand écart entre l’islam de ton père et le catholicisme de ta mère, oui, mais il y avait les semaines de printemps à Taizé et les sourates que tu récitais à table. La langue turque, la langue arabe, la langue française, Balzac et Marceline Desbordes-Valmore, la musique baroque de Lully et celle, électronique, de ton ami Fazil, toute la beauté des couleurs de ton appartement petit mais charmant de la porte d’Orléans… Depuis ton affreux acte, je ne dors pas beaucoup, je ne monte plus les marches qui mènent à l’orgue de la cathédrale de Senlis, je n’ouvre plus le livre de Pierre Lochak, Mathématique et finitude. Je pense à moi, je pense à Clarisse, je pense à la mort. Ilyès, je pense à toi.
| Lien permanent | Commentaires (1) | |
Facebook |
Imprimer |
vendredi, 19 janvier 2018
L'or tranquille
L'amertume et le désir ont en commun d'avoir d'incessantes et incessibles ramifications. Aucune satisfaction ne les apaise, aucun soulagement ne les fait cesser au-delà de quelques instants, quelques jours, quelques semaines. Ces deux sentiments bardés de tentacules qui repoussent quand on les coupe, empoisonnent nos vies et détruisent tout le bien de notre cœur. L'amertume, comme le désir, distordent notre vision du monde, et se déversent sur les paysages qui s'offrent à notre vue avant même que nos yeux aient pu les découvrir. Se débarrasser du sentiment d'amertume et du désir sans fin, éliminer les joies et les peines trop dépendantes des circonstances extérieures, c'est le premier pas vers la sagesse, vers cette sagesse invisible à l’œil nu, qui permet à la personne d'accueillir le bonheur quand il vient, de surmonter la douleur et la déception.
L'amertume et la frustration (ou le sentiment de manque, d'incomplétude), causent de si grandes souffrances en nos cœurs qu'il faut savoir les abandonner définitivement. Mais en les laissant partir, on perd tant de choses chères : le souvenir d'un rêve, un espoir de revanche, une occupation qui comble les ennuis. Oui, car amertume et frustration stimulent nos cerveaux : que faire, sans elles ?
Je souffle sur mes désirs et je les laisse vivre sans suivre leur cours. Lorsque les sensations de frustration, de manque, débarquent à la surface de ma conscience, je les observe. Elles m'attaquent. Je les contemple et je les transforme en quête, en chemin, en pelle pour creuser la terre de mes couches d'être et descendre au fond de ma mine, là où se trouve le métal qui délivre : l'or tranquille.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
mercredi, 17 janvier 2018
Des lettres
Dans cette vieille sacoche de cuir, des cartes postales sans intérêt, un carnet qui date de 1990, c'est à dire d'il y a 27 ans, puis des monceaux de lettres en vrac. Des lettres, des lettres, des lettres. Celles d'une femme mariée à un brave homme et maman de deux petits enfants adoptés en Asie, qui mentionne à son amant ses envies d'être fouettée, dominée, battue, pénétrée par tous les orifices le plus violemment possible ; celles d'une petite fille qui envoie des nouvelles enjouées à son papa en quémandant des réponses. L'amant et le papa, sont la même personne. La femme, je crois l'avoir vue plusieurs fois, il y a vingt ans. La petite fille, c'est moi.
« Est-ce ainsi que les hommes vivent »...
Mais pourquoi est-ce que cela me fait pleurer aujourd'hui ? Je suis grande, pourtant, j'ai trente-neuf ans et demi. Je n'avais jamais reçu de réponse à ces lettres. Il faut dire qu'elles étaient bêtasses. Presque fausses dans leur joie feinte. Ça ne valait pas, en effet, l'autre prose contenue dans la sacoche. Cette autre prose qui suscitait des réponses, des réponses en vers et en prose, en coups de fouet et en invitations au restaurant.
Quand les vieux hommes meurent, bien souvent, ils ne sont plus que de vieux hommes, qui ont cessé depuis longtemps d'être des amants. Sont-ils toujours des pères ? Je ne sais pas vraiment. Ils furent, c'est sûr, des enfants qui grandissaient trop tristement.
| Lien permanent | Commentaires (3) | |
Facebook |
Imprimer |
Une bibliothèque Cornulier - La littérature orale quechua
(La bibliothèque dont on vous parle fut créée, trente ans durant, dans un appartement au fond d’une cour du 13 boulevard du Montparnasse, avant de devenir une bibliothèque éparpillée).
Titre : La littérature orale quechua
de la région de Cuzco - Pérou
Auteur : César Itier (et les personnes dont il a recueilli les propos)
Editeur : Karthala
Genre : ethnologie et linguistique
Date de parution : 2004
Pays de l'auteur : France (Pérou pour les personnes dont César Itier a recueilli les histoires)
Nombre de pages : 230
Exergue :
Anteschà kay pacha paqarimuypi riki... Autrefois, à l'aube de notre monde...
Arrivée dans la bibliothèque : 2004 (acheté à Paris)
Première phrase :
"Dans les hautes terres du Sud du Pérou, les récits concernant l'origine de la société ont généralement pour protagonistes des êtres appelés "gentils" (hintil, de l'espagnol gentil "gentil, païen").
Première phrase de la page 70 :
"A travers ce reniement exemplaire, l'étoile exprime et impose le point de vue des gens de la vallée : les enfants d'une telle union ne pourront tirer un parti positif de leur double héritage génétique et écologique. Fils d'un homme de la puna et d'une femme-étoile-oiseau de la vallée, ils ne pourront prétendre être des hommes de la vallée mais seront des oiseaux de la puna".
Dernière phrase :
"Papanpiwan chay Tumaspiwan tayta kurakama kapunku, ari. (Elle rit). Chayllatan Luciaqa willarquyki".
Lui et son père étaient tous deux curés, oui. (Elle rit). C'est tout ce que Lucia peut te raconter.
COMMENTAIRE
Comme d'habitude avec les travaux des linguistes, des ethnographes, des sociologues, des anthropologues, ils nous ouvrent la grande porte sur des civilisations inconnues et chargées de magnificence, mais nous en donnent un tableau dénaturé par leur "analyse".
Une bibliothèque Cornulier : les titres
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
mardi, 16 janvier 2018
T 21
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
samedi, 13 janvier 2018
Esthétique inaccessible
Parmi les éléments essentiels de l'écriture (d'un billet de blog, d'un roman, d'un article de réflexion), viennent avant tout la beauté et la pérennité. La beauté, parce que l'esthétique est un des fondements de l'éthique. La pérennité, parce que la force d'un texte provient de ce qu'il peut conserver sa beauté, son pouvoir d'attraction et d'inspiration, son intérêt intellectuel, des décennies et même des siècles après avoir été écrit.
Que nécessite alors un texte pour être beau et durable ? Pour être beau, il faut que les phrases ne soit seulement fonctionnelles, mais qu'elles marient le style et le fond de façon harmonieuse et inventive. La durabilité s'obtient en s'élevant au-dessus des modes de langage, au-dessus des pensées à la mode, en se délivrant des détails dus à l'époque pour toucher aux aspects universels du sujet. Il faut faire attention aux ellipses : souvent, l'on considère comme évident ou connu du lecteur, des éléments qui ne sont connus qu'à nos contemporains. Un texte trop elliptique, ou un texte bardé de références à des choses de l'éphémère présent, ne gardera pas la même force aux yeux des générations de l'avenir, parce qu'elles ne pourront deviner ce qu'évoquent les allusions. Les plus motivés devront se renseigner énormément pour recomposer le contexte dans lequel fut écrit le texte, tandis que le grand nombre des démotivés laissera tomber.
Tout a-t-il déjà été écrit ? Relire les Anciens, c'est se rendre compte qu'ils avaient tout pensé, malgré l'ignorance dans laquelle ils étaient de l'évolution du monde après leur disparition. Qu'écrire, après Aristote, Epictète, les évangélistes, Sénèque et Sophocle, Virgile ?
Kevin Mozloviet
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |
mercredi, 10 janvier 2018
Ravins de soufre
Terakaft résonne dans l'appartement, une seule lampe allumée, une seule, toute petite, corps de boulier, abat-jour rouge. La bouteille de Côtes de Bordeaux du domaine de Lavialle me fait marrer avec son bouchon de traviole, mais c'est peut-être parce que je l'ai consciencieusement finie. Il y a une tour Eiffel à droite qui rayonne un halo bleu toutes les cinq minutes, un drôle de mur blanc un peu gondolé à gauche, un reste de riz au lait de chèvre sur ma langue et une prière au bord de mon cœur. Des appels amicaux ont rythmé ces jours et les nuits reviennent comme des vagues blanches de vide. J'ai vu la nuit orange aux lueurs enneigées (caresses allant aux peaux des seins avec verdeur), la stabilisation des racines jaunies et la mort verte et bleue des cristaux enchanteurs.
Ah ah ! Tu savais dire les mots en rafales et tu meurs sans rien croire, comme un lynx endormi, blessure déjà pourrie à la patte démise, poumons récalcitrants depuis l'enfance soumise.
Deux heures ont passé. Calme profond des cœurs troués. Une sonate au clair de lune est tombée dans le silence de la nuit. Mon neveu crie quand on le couche et babille quand on l'embrasse, à l'orée d'un petit village où paissent encore des chèvres (quelques unes), non loin de la très grande ville.
Reste auprès de moi, toi, même si tu n'existes pas, ne me quitte pas. J'ai besoin de ton image pour exister. J'ai besoin de cette voix que tu chantes en moi pour me réchauffer l'âme dans cet océan de lait caillé. J'ai besoin de ta carrure de bouvier des Flandres pour m'accompagner sur ce fleuve qu'on appelait jadis l'Achéron.
Ô ! que mon rire éclate ! Ô sur la terre amère !
Tu étais riche et tu es nu, vidé de ton sang. C'est elle qui t'a sucé, la petite sangsue, les plus grands arbres abdiquent parfois devant des mauvaises herbes. Et tu dansais à l'intérieur de toi, immobile, dans les fêtes foraines. Et tu souriais à l'ange de Fatima.
Mais je divague. Rien n'a bougé, pas une ligne de mon front, pas une ligne de mire, pas une ligne du livre. Rien n'a changé à la surface de la mer. C'est la saison du cœur : il pleut des ivresses sur les prés fauchés.
| Lien permanent | Commentaires (0) | |
Facebook |
Imprimer |