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dimanche, 16 mars 2014

Êtes-vous voltairien ?

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Dans sa lettre à monsieur Damilaville, datée du premier avril 1766, Voltaire s'exprime ainsi :

Je crois que nous ne nous entendons pas sur l’article du peuple, que vous croyez digne d’être instruit. J’entends, par peuple, la populace qui n’a que ses bras pour vivre. Je doute que cet ordre de citoyens ait jamais le temps ni la capacité de s’instruire; ils mourraient de faim avant de devenir philosophes. Il me paraît essentiel qu’il y ait des gueux ignorants. Si vous faisiez valoir, comme moi, une terre, et si vous aviez des charrues, vous seriez bien de mon avis. Ce n’est pas le manœuvre qu’il faut instruire, c’est le bon bourgeois, c’est l’habitant des villes : cette entreprise est assez forte et assez grande.

Il est vrai que Confucius a dit qu’il avait connu des gens incapables de science, mais aucun incapable de vertu. Aussi doit-on prêcher la vertu au plus bas peuple ; mais il ne doit pas perdre son temps à examiner qui avait raison de Nestorius ou de Cyrille, d’Eusèbe ou d’Athanase, de Jansénius ou de Molina, de Zuingle ou d’Œcolampade. Et plût à Dieu qu’il n’y eût jamais de bon bourgeois infatué de ces disputes ! Nous n’aurions jamais eu de guerres de religion ; nous n’aurions jamais eu de Saint-Barthélemy. Toutes les querelles de cette espèce ont commencé par des gens oisifs qui étaient à leur aise ; Quand la populace se mêle de raisonner, tout est perdu.

Je suis de l'avis de ceux qui veulent faire de bons laboureurs des enfants trouvés, au lieu d'en faire des théologiens. Au reste, il faudrait un livre pour approfondir cette question ; et j'ai à peine le temps, mon cher ami, de vous écrire une petite lettre.

Dans un autre lettre, adressée cette fois à monsieur Tabareau et datée du 3 février 1769, il indique, à propos des gens nés "de basse condition", comme on disait à l'époque :

Ce sont des bœufs auxquels il faut un joug, un aiguillon et du foin.

Mais "le bas peuple" n'est pas le seul inférieur aux yeux de monsieur Arouët, dit Voltaire. Dans l'Esprit des Nations, il fait un sort aux Noirs :

Nous n’achetons des esclaves domestiques que chez les Nègres ; on nous reproche ce commerce. Un peuple qui trafique de ses enfants est encore plus condamnable que l’acheteur. Ce négoce démontre notre supériorité ; celui qui se donne un maitre était né pour en avoir. 

Cela ne l'a pas empêché, à d'autres endroits de son œuvre, de condamner la pratique esclavagiste.

Reste que les Juifs descendent plus bas encore que le peuple de France ou les Noirs :

C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre.

Les catholiques lui paraissent tout à fait ridicules :

Un gueux qu’on aura fait prêtre, un moine sortant des bras d’une prostituée, vient pour douze sous, revêtu d’un habit de comédien, me marmotter dans une langue étrangère ce que vous appelez une messe, fendre l’air en quatre avec trois doigts, se courber, se redresser, tourner à droite et à gauche, par devant et par derrière, et faire autant de dieux qu’il lui plaît, les boire et les manger, et les rendre ensuite à son pot de chambre !

Voltaire, pourtant, était capable d'entrevoir la beauté d'une culture différente de la sienne. D'abord férocement hostile à l'Islam, il qualifie son Prophète d'homme cruel et fourbe. Puis il se calme et finit par considérer en fin de comptes que cette religion est sage, sévère, chaste et humaine : sage puisqu’elle ne tombe pas dans la démence de donner à Dieu des associés, et qu’elle n’a point de mystère ; sévère puisqu’elle défend les jeux de hasard, le vin et les liqueurs fortes, et qu’elle ordonne la prière cinq fois par jour ; chaste, puisqu’elle réduit à quatre femmes ce nombre prodigieux d’épouses qui partageaient le lit de tous les princes de l’Orient ; humaine, puisqu’elle nous ordonne l’aumône, bien plus rigoureusement que le voyage de La Mecque. Ajoutez à tous ces caractères de vérité, la tolérance.

Il mit sa plume au service de douloureuses causes perdues : Le vieux Calas, protestant accusé à tort d'avoir tué son fils parce que celui-ci souhaitait se convertir au catholicisme ; Sirven, un autre père protestant, accusé de la même façon. Et enfin, le charmant petit Chevalier de la Barre, âgé de 19 ans, torturé et brûlé pour avoir soi-disant malmené un crucifix et refusé de saluer une procession. Mais le chevalier fut surtout victime d'une vengeance d'un bourgeois de la ville, qui avait été éconduit par sa tante et tutrice. Il se vengea sur le neveu en concoctant cette accusation.

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Mépris profond de tout ce qui ne faisait pas partie de l'élite bourgeoise à laquelle il appartenait, grands élans en faveur d'une Justice indépendante des passions religieuses du temps, il est difficile de cerner cet esprit vif, capable de courage journalistique comme de la plus grande servilité auprès des princes. La lecture de ses Mémoires nous éclaire sur son seul vrai grand amour : François-Marie Arouët, dit Voltaire.

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