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jeudi, 18 avril 2013

Les dictatures douces

 dictature douce, dictature dure

Voici quelques signes qui peuvent démontrer que vous subissez une dictature douce, dans votre couple, dans votre famille, votre religion, votre société, votre pays.

Certains de ces points concernent aussi les dictatures dures.

Il va de soi qu'éprouver quelques uns de ces ressentis ne transforme pas votre société en dictature douce ! Nous devons tous nous interroger sur notre propre responsabilité. Mais nous devons aussi refuser de porter toute la charge de notre échec lorsque toutes les portes de la société nous sont fermées de façon insidieuse.

Vous avez mauvaise conscience de vos pensées.

Vous avez honte de votre origine, de vos parents.

Vous manquez de volonté à agir dans le domaine professionnel.

Vous éprouvez un sentiment d'échec personnel face à un monde qui semble parfait mais vous est mystérieusement inaccessible.

Vous avez peur de dire des bêtises, de vous laisser aller à parler, d'aller trop loin quand vous vous exprimez avec d'autres.

Vous êtes habité par le sentiment diffus que les places au soleil vous sont inaccessibles, alors que « sur le papier » tout n'est que justice et raison.

Vous n'avez aucune prise sur votre quartier, votre environnement, votre ville.

Vous n'avez aucune maîtrise de l'évolution du monde.

Vous êtes en désaccord avec la majorité des lois, décisions prises, mais n'osez pas trop le montrer.

Vous avez envie que tout s'écroule, vous n'éprouvez aucun respect pour les institutions de la société (école, justice, police, santé...)

 Vous n'avez pas bonne conscience de faire des enfants.

Vous idéalisez un passé où les possibles semblent avoir existé ; vous subissez votre propre absence de capacité à imaginer l'avenir. L'avenir paraît sans saveur.

Vous ne voyez aucun signe extérieur de censure mais vous n'avez aucune place pour vous exprimer.

Vous avez le sentiment que l'héroïsme n'est plus possible (« c'est d'un autre temps »).

 (Dans le cas d'une dictature dure, en général l'apathie et la dépression sont remplacées, soit par une trouille mortelle de lever le petit doigt, soit par une exultation imprudente qui pousse à agir radicalement)

Aucun énorme barrage ne se dresse face à vous, mais vous faites face à de successives petites entraves.

Le « citoyen lambda » a une image détérioré, il ne présente aucun intérêt pour personne. Il est vu comme n'ayant rien à apporter d'autre au monde qu'un fonctionnement normal, non problématique.

Vous rêvez à des temps de guerre, de famine, de « vrais problèmes ».

 (Dans une dictature dure, vous rêveriez à un monde normal, où tout roule)

Vous ressentez la désintégration de l'individu au quotidien (queues aux inscriptions à la faculté, à l'ANPE, queues dans les magasins).

Vous passez par des mini-actions dégradantes pour obtenir votre dû (remplissage de papiers administratifs, déplacements répétés sans but réel, queues).

Vous faites face à l'impossibilité légale de mener votre barque seul, de vous en sortir financièrement seul (entraves administratives et légales, taxes, interdictions d'exercer sans conditions contraignantes, interdiction de faire commerce hors des clous...)

Vous assistez à la multiplication des taxes.

Vous assistez à la multiplication des lois, règlements, etc.

Vous assistez à la multiplication des fonctionnaires et personnes payées par l’État.

Vous assistez à la multiplication des subventions.

(Ces multiplications se vérifient aussi dans beaucoup de dictatures dures)

Des programmes scolaires, que vous avez suivi docilement, vous n'avez retenu aucune connaissance précise (faits, chronologie raisonnée...)

Vous constatez la dégradation de la langue commune (appauvrissement de la syntaxe, réduction du vocabulaire).

Toute plainte de votre part sur ces ressentis est niée, ou ridiculisée par les autres au nom des vraies souffrances que vous avez bien de la chance de n'avoir jamais connues.

La moralisation des opinions augmente : s'opposer au fonctionnement des choses (administratives, scolaires, etc) revient, dans l'esprit général, à vouloir le mal d'autrui : c'est égoïste, inconscient.

dictature douce, dictature dure

 

à lire aussi : Comment s'effectue la traversée d'une époque troublée ?

Commentaires

C'est parfaitement, exactement, minutieusement ce que je ressens Edith, si c'est vous qui avez écrit le texte...

Écrit par : pierre | jeudi, 18 avril 2013

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Moi aussi c'est ce que je ressens, tous les jours depuis longtemps.

Écrit par : Etoile du matin | jeudi, 18 avril 2013

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Oui, c'est Edith qui l'a écrit, par une nuit d'insomnie.

Écrit par : AlmaSoror | jeudi, 18 avril 2013

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Dans « Castration mentale », Bernard Noël parle d'une « oppression délicate ». « Cette nouvelle manière d'opprimer a pour meilleur véhicule la culture », écrit-il. Et plus loin : « Dès lors, sous le vernis d'une culture libre et universelle, il va s'agir de s'emparer à la fois de la totalité du champ culturel et de la totalité de l'espace mental des acteurs culturels transformés en simples spectateurs. [...] C'est que les décervelés sont désormais beaucoup plus rentables que les cadavres parce qu'ils sont de serviles et excellents consommateurs... »
Et un salut à l'insomniaque qui écrit, aux passagers d'Alma Soror qui invertissent la dégradation de la langue et résistent à la multiplication des lois.

Écrit par : Tieri | samedi, 20 avril 2013

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Alors je vais lire "Castration mentale", frère Tieri.
Je t'embrasse, ainsi que N & l'ourson. Son vin dort en attendant qu'il grandisse. Fait-il beau à Arles ?
Ta si petite zone est si enthousiasmante... Mille portes ouvertes, mille soifs étanchées. Luttes en poèmes contre un monde étranglé. ça desserre les liens et ça permet de respirer.

Écrit par : Edith | samedi, 20 avril 2013

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avec qui je vivais, si je gagnais de l'argent, combien, et comment, toi qui voulais savoir si j'avais coché toutes les cases de la vie sociale, toi qui sans pitié m'interrogeais pour chercher mes failles et tâter mon statut social, je te méprisais de toutes mes forces, car je sais que je suis un être humain, avec ma part animale et ma part divine, et que je vaux plus que toutes tes catégorisations.

Écrit par : toi qui m'as demandé sur le boulevard | dimanche, 21 avril 2013

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Pierre combien sommes-nous à ressentir cela minutieusement depuis tant d'années ? Mystère...

Écrit par : Edith | dimanche, 21 avril 2013

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Merci pour ce texte et ces photos.

Écrit par : Hubert | mardi, 30 avril 2013

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Je vous en prie, Hubert. Merci de votre visite.

Écrit par : Edith | dimanche, 16 juin 2013

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