lundi, 28 janvier 2019
Le bonheur fait payer d'avance
En décembre de l’année 2016, dans le vestibule d’un mastodonte de béton du vingtième arrondissement, sur le comptoir où les habitants de l’immeuble déposent à l’intention des autres les livres dont ils veulent se séparer, je ramassai celui-ci. En voici l'ouverture et la fin !
L’ouverture :
Il pleut sur la route, une pluie fine, droite, implacable, qui paraît éternelle ; une route longue, noire, monotone, infinie. Un homme marche sous cette pluie, sur cette route. Il est las, maigre, affamé, frissonnant. Il y a si longtemps qu’il va ainsi, sans but maintenant ! Il a tout perdu même le désespoir, même le sens de la haine et de la vengeance. Jour après jour, de borne en borne, il effeuille ce qui lui reste de semelles au ras de la route. Il oublie d’où il vient. Il ne va nulle part. Plus de tête, plus d’esprit, plus de pensées : deux pieds qui martelaient et maintenant râclent le goudron pesant.
La fin :
- Je crois, quant à moi, qui suis arbitre, intervient la voix souriante et détendue de Marie-Solange, que vous devez considérer le match comme nul et oublier résolument un passé difficile. On m’a toujours dit que le Bon Dieu faisait payer d’avance. Le bonheur aussi, j’en suis sûre. Vous l’avez bien gagné. Acceptez-le comme il vient, sans chercher si l’un de vous deux est responsable de son éclipse pendant près de dix ans.
« Et je sais un chalet du hameau des Granges tout prêt à abriter un roman d’amour que j’envie mais que je suis vraiment heureuse de voir naître après toutes ces vicissitudes ».
Un double sourire reconnaissant salue ces vœux, Martine oubliant l’ultime surprise, relative à son sacrifice, après l’avalanche des autres, son émotion ayant atteint son paroxysme dans cette journée si chargée. Et tandis qu’on l’emporte vers l’hôtel, sa main toujours blottie dans celle de son mari elle ferme les yeux sur sa joie enfin retrouvée.
Josiane Juillet – Collection Amor Amor – éditions Stael. 1950
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samedi, 26 janvier 2019
Rue du dernier évangile
Le dernier train, le dernier bus, la dernière trottinette électrique jusqu'à la rue du Dernier évangile, dans ce pays mi-flamand, mi-absent, où vous vivez sans fracas, sans trop de soucis. Du moins c'est ce que j'ai cru déceler lors de ma visite. Nous n'avons rien en commun vous et moi, nous et vous, mais nous sommes reliés par un lien de famille indéfinissable. Il n'y a qu'avec vous que je me comporte ainsi et c'est étrange mais il n'y a qu'avec vous qu'une certaine partie de moi-même, qui n'est pas moi mais qui vient des miens, s'exprime enfin.
C'est cette ronde de morts qui nous lie, ces prénoms désuets, cette vie sobre, confinée, merveilleuse.
Toutefois, dans le train du retour - le premier train -, l'âme vacille. Comment survivre aux quarante ans des rêves brisés ?
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vendredi, 25 janvier 2019
Spectre
Tu disais des poèmes aux quatre saisons. Tu n'es plus. Il faut bien que quelqu'un te succède à cette valse de mots.
Alors voici, après Le vieux majordome, le poème de l'hiver 2017 ;
après Fazil, le poème du printemps 2017 ;
après Dans la chambrée, le poème de l'été 2017 ;
après Silentium, le poème de l'automne 2017, ;
après Héroïne, le poème de l'hiver 2018 ;
après Tbilissi, le poème du printemps 2018 ;
après Portrait d'été, le poème de l'été 2018,
après Pluie d'étoiles, le poème de l'automne 2018...
...voici le poème hivernal de 2019 :
Spectre
J'ai passé la nuit dans le jardin du mal avec des fantômes bien habillés
Sous une une mer d'étoiles d'apparat.
Au travers des fauteuils de velours nappés d'incarnat,
Des mains glacées, des carafes en cou de cygnes, des ruisselées d'Armagnac.
Il est loin le temps où les poèmes respectaient les vers,
Où les vers concordaient les temps.
Il est loin le temps où je dormais la nuit,
Où je souriais au temps.
Rue La Fayette à Paris, cinquième étage, immense appartement,
Ou villa d'Olonne, quand l'Atlantique trompe le vent.
En bas résille avec des diplomates et des contrôleurs financiers,
Ou en jean fatigué avec les garagistes et leurs amants.
Il s'approche, l'instant où elle viendra me chercher,
Gantée, parée de chaînes, sur sa moto aux dix cylindres,
Pour m'emporter sans un mot dans ses bras éternels
De l'autre côté du néant.
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jeudi, 24 janvier 2019
Ultra violence
Pourquoi donc les extrêmes politiques gagnent du terrain dans les esprits ? Parce que la politique des gouvernements devient de plus en plus extrémiste. Radicale, implacable, sans pitié, avec un sourire lisse et dynamique et des effets pervers à retombées interminables.
Le mode de gouvernance actuel, c'est l'ultra-violence. Une ultra violence qui n'exige pas du violent qu'il assume sa cruauté ; il l'exerce en souriant, en serrant des mains, en écrivant des phrases sur un ordinateur. Pourtant, le résultat n'est pas moindre qu'une salve de kalashnikov, bien qu'il soit plus confus. La fermeture d'une usine rentable, pour des raisons obscures de gestion des coûts, a des conséquences en cascades : alcoolisme, divorce, misère, destruction des familles, errance des jeunes, sinistrose d'une ville... Un décret qui passe inaperçu va se traduire en crise de larmes, nuits d'angoisses, scènes de désespoir, renoncements à en crever le cœur, chute du niveau de vie et de l'espérance, et ce dans des centaines, des milliers, des dizaines de milliers, parfois des centaines de milliers de foyers.
On entend ici et là des gens de bonne volonté dire : attention aux extrêmes ! Ne votez pas extrémiste ! Mais nous avons déjà voté extrémiste et nous payons le prix fort de l'extrême. Mercredi matin, une femme de 70 ans et sa fille d'environ 40 ans, avec des tas de valises autour d'elles et un matelas de fortune, dans une rue du vingtième arrondissement. A force de copier les manies financières des anglo-saxons, nous aboutissons à jeter dans les rues et les "centres sociaux" invivables des gens qui, en France, il y a dix ans, n'y auraient jamais abouti.
"J'assume totalement cette politique", dit le bel homme souriant, de sa chaleureuse voix calme. Il est doux. Il respecte les droits de l'homme. Il refuse le fascisme, l'antisémitisme, le racisme, le sexisme et l'homophobie. Il n'a sans doute jamais frappé personne. Son ultra-violence est douce comme une pluie de chlore dans des millions de poumons humains.
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La solitude au milieu des hystéries
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mardi, 15 janvier 2019
Soir d'hiver
Deux voix au loin chantent en breton, une voix masculine, une voix féminine, qui se mêlent et se démêlent. Je ne sais pas si c'est le disque qu'écoutent les voisins où l'écho qui demeure dans mes capricieuses oreilles. Je sais que dans l'appartement de Saintes, mes amis se disputent. L'un désire ardemment la Révolution qui vient ; l'autre estime que ce désir est criminel. Leur amitié survivra-t-elle à ces mois de révoltes des ronds-points ? J'entends qu'ils se haïssent presque, eux qui s'aiment tant pourtant. Eux qui s'aiment tant depuis les années passées à Niort, entre le gymnase et le terrain de football et le lycée aux hauts murs blancs. Il est difficile de rester calme quand la politique descend jusqu'au fond des âmes. Ici, je suis seule. À ma gauche, les tours du vingtième arrondissement dissimulent celles de Bagnolet et de Montreuil. La nuit fausse les enveloppe, cette nuit des villes zébrée de lampadaires aux halos blancs et oranges. J'ai vu des écrivains tout à l'heure et derrière leurs sourires, j'ai senti la concurrence, la jalousie, la fatigue. Devant moi, le vieil ordinateur de mon père mange ma concentration. Mon père n'existe plus : délivrance des délivrances, fin des faims. Quand le chant Han Hini a Garan s'estompe, le silence prend place. La chambre est dépouillée, une petite lampe faible et son halo, un futon au sol, la moquette avalée par l'obscurité, mes murs vides. Des habits suspendus ; mes cahiers, mon téléphone. Moi, je ne me dispute plus à propos de politique. Je l'ai tellement fait dans ma jeunesse ! Ma jeunesse qui s'attardait... J'émets quelques idées ; mais dès lors que quelqu'un semble agacé, je les retire aussitôt. Les gens qui sourient, peut-être, n'ont pas perdu d'ami à cause d'une cause. Une cause qui n'a servi personne. Les voitures circulent dans les rues des alentours, leurs moteurs et leurs phrases fendent la nuit, fente sonore, fente visuelle. Chacun oublie des choses du jour. Dans certaines familles, le chagrin, la révolte et l'injustice inondent l'instant qui passe. Dans certaines solitudes, le désespoir pique plus que d'habitude. Je me demande si un jour je serai vieille comme ma grand-mère, assise sur un fauteuil tapissé, à lire un livre déjà lu ou à dire un chapelet. Il ne me reste presque rien des illusions de ma jeunesse. Je ne crois plus beaucoup en l'avenir radieux. Mais j'ai plus de facilité à apprivoiser les événements et les possibles. Si je pouvais aller à la rencontre de la jeune fille que j'étais, pourrais-je réussir à la convaincre de s'engouffrer sur le chemin le moins difficile ? Sûrement pas.
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lundi, 14 janvier 2019
Ces jours et ces nuits
Ces jours creux, ces étoiles mortes, ces attentes sans espérance,
où l'on regrette cette femme à qui l'on parlait, ce lieu dans lequel on se rendait.
Ces inactions, ces remords mous, ces étoiles artificielles,
Ce jour sans arbres, long comme une vie, et ces nuits par la vitre de la baie, nuit de lumières qui clignotent et trompent la noirceur du ciel.
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Demain, peut-être ?
Les fatigues morales quotidiennes (choses pénibles à faire, changement d'adresse administrative, envoi de contrats, photocopies et autres réjouissances) voudraient nous faire oublier les temps de grande exaltation.
Cela fait trop longtemps que je n'ai pas vu un peuple de bouleaux à moitié mangé par la brume.
Y a-t-il des périodes de ma vie, qui sont enfuies pour toujours, et que je regrette avec nostalgie ?
Non, même si je sais que je n'entendrai plus jamais la voix de mon père, que l'éloignement d'Athénaïs invite à la mélancolie du souvenir de nos fous rires et tendres conversations du passé. Un corbeau, sur une branche de l'arbre nu, observe avec circonspection les poubelles vertes et jaunes au sol, les voitures glissant sur le macadam et le béton des façades.
Cela fait trop longtemps que je n'ai pas marché sous un champ d'étoiles à la fraîche.
La Dedication to Tarkovski d'Artemiev donne à cette matinée finissante un parfum mélodique d'ailleurs. Le seul moyen de s'extraire des répétitives anxiétés de chaque jour est de devenir quelqu'un d'autre.
Je marche plus lentement que le temps qui court sur ma vie. Cela fait trop longtemps que je n'ai pas dormi, les pieds réchauffés par le corps d'un gros chien affectueux.
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vendredi, 11 janvier 2019
Stance
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dimanche, 06 janvier 2019
Poème en x d'un ciseleur élitiste
Ses purs ongles très-haut dédiant leur onyx,
L'Angoisse, ce minuit, soutient, lampadophore,
Maint rêve vespéral brûlé par le Phénix
Que ne recueille pas de cinéraire amphore
Sur les crédences, au salon vide : nul ptyx,
Aboli bibelot d'inanité sonore,
(Car le Maître est allé puiser des pleurs au Styx
Avec ce seul objet dont le Néant s'honore.)
Mais proche la croisée au nord vacante, un or
Agonise selon peut-être le décor
Des licornes ruant du feu contre une nixe,
Elle, défunte nue en le miroir, encor
Que, dans l'oubli fermé par le cadre, se fixe
De scintillations sitôt le septuor.
Stéphane Mallarmé
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samedi, 05 janvier 2019
Philippe-Jean Catinchi et La traque de Sara
C'est parce que je savais qu'il parlait de Sara, de son auto-interview et de sa traque (à partir de la 36ème minute) que j'ai regardé l'émission de RCJ où Philippe-Jean Catinchi livrait à Josyane Savigneau ses coups de coeur en livres jeunesse.
J'ai découvert des albums qui m'ont semblé magnifiques et j'irai demain en cueillir quelques uns dans les librairies de la ville.
Philippe-Jean Catinchi avait déjà produit cette petite critique dans le Monde des Livres
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vendredi, 04 janvier 2019
Puisqu'il faudra mourir,
nous contemplons parfois, tantôt pleins d'ivresse, tantôt assaillis par la mélancolie, les arbres qui mènent au grand lac. Le vendredi nous faisons maigre, avec le maquereau aux herbes de Provence, le bouillon de poireau et les pommes cuites à la cannelle et au gingembre. Et le samedi nous faisons gras ! En passant par l'arrière du village, on entend les moines qui chantent dans leur abbaye close. Nous cueillons les dernières mûres de l'année. Nous nous souvenons du temps où nous vivions à cent à l'heure, dans la ville, au milieu des gens qui passent et des choses qui tournent. Mais nous ne saurions plus aujourd'hui y rester trop longtemps, par peur, peut-être, de voir tout ce que nous ne savons plus être.
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jeudi, 03 janvier 2019
Le tiers-lieu
Lorsqu'un livre me tombe des mains parce qu'il me paraît trop difficile, mais qu'il me plaît au-delà de cette difficulté et que j'adorerais avoir le courage de le lire, je le dispose sur une petite console (parfois formée d'une pile de livres) dans mes toilettes. Et chaque fois que la vie m'oblige à passer plus de dix secondes assise sur ce trône de faïence, j'attaque un chapitre ! C'est ainsi que j'avais lu L’œuvre au noir, de Yourcenar. Cela m'avait pris de très nombreux mois. J'avais adoré cette très confidentielle et spéciale lecture. Au vu de la difficulté que semblent me proposer Pantagruel, Gargantua et le Tiers-livre de Rabelais, les voici installés, en une unique édition, dans mon incontournable cabinet de lecture.
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mercredi, 02 janvier 2019
L'Iliade intérieure
Quel est le contraire de la médiocrité humaine ? L'élévation de l'âme et l'excellence des gestes.
Le médiocre, c'est celui qui vend exprès des vieilles pommes de terre pourries sur le marché, celui qui loue le plus cher possible des studios dans lesquels il investit le moins de frais possible, celui qui critique l'autre à qui il souriait à l'instant dès lors qu'il tourne le dos, celui qui se plaint d'une conséquence dont il chérit la cause, celui qui se victimise outrancièrement, celui qui manipule d'un air candide, celui qui tue le chien du voisin en son absence, celui qui réfléchit aux moyens de ne pas payer ce qu'il doit payer, celui qui déteste qu'on se comporte avec lui comme il se comporte avec les autres...
Mais la première des médiocrités c'est ne pas être excellent dans ce que l'on fait ou ce que l'on est.
Une femme de ménage excellente ou médiocre, un plombier excellent ou médiocre, un enseignant excellent ou médiocre... La médiocrité consiste à laisser passer les trucs qui ne vont pas par commodité ou paresse. Plus c'est fréquent, plus grande la médiocrité.
Donc pour ne pas être médiocre...
Il faut bien faire son travail, en traitant les détails avec précision, vers un but clair.
Il faut traiter, économiquement, socialement, professionnellement, commercialement, autrui, comme on voudrait qu'il nous traite.
Croire que l'honnêteté constitue aussi une cause sûre d'enrichissement ; croire que la qualité et la fiabilité constituent aussi une cause sûre d'enrichissement.
Accepter d'investir dans les lieux, dans la beauté, dans la sécurité des autres et de soi, pour un monde plus fiable.
Se comporter de la manière la plus claire et intelligente possible au quotidien, user d'une courtoisie qui ne s'arrête pas aux rapports extérieurs mais se poursuit même en pensée. En somme, s'approcher de la cohérence entre les pensées, les paroles et les actes.
Privilégier la gratitude à la plainte, le pardon à la rancœur, l'humour à la morosité.
Être ferme et clair sur la manière dont on veut vivre et être traité ; poser des limites en amont !
Savoir réagir face à la manipulation, l'agression, la drague... avoir prévu un arsenal efficace de défense, de repli, de combat.
Accepter de payer pour la collectivité, accepter la circulation des richesses, de l'affection, des émotions.
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mardi, 01 janvier 2019
Sur Isaac
Dans ta lettre, tu me parles d'Isaac :
« ce que j'en pense, de ce jeune homme, tellement plus jeune que moi (vingt ans de moins!), c'est qu'il est extraordinairement capable. Excellent violoniste, chanteur remportant des premiers ou seconds prix de chants lyrique, multilingue, voyageur autonome dans des contrées peu touristiques, sympathique, séduisant, beau, fort physiquement, bon cavalier, bon nageur, toujours adéquatement et élégamment habillé, que ce soit pour une exploration en montagne ou une soirée à l'opéra, audacieux, intégré à merveille dans la vie familiale, amicale, estudiantine et déjà professionnelle...
J'aurais adoré être comme lui, il représente la face réussie de tout ce que j'ai raté : études, reconnaissance par les autres, pratique des langues, musique de haut niveau, sport, voyage réel et constructif.
Je l'avoue à regret, j'ai la tentation médiocre de vouloir qu'il rate ou qu'il ne « donne » pas ce qu'il promet, pour pouvoir me satisfaire de mes propres échecs. C'est mal de ma part, et, quoi qu'il en soit ce n'est qu'une tentation, comme lorsqu'on ressent l'envie primaire de gifler un enfant ou d'insulter un contrôleur de train mais que la volonté s'oppose immédiatement, fermement, à cette voie douteuse. Je ne valide pas mes sentiments mesquins, mais rien se sert de les refouler. Autant les analyser pour les surmonter et les dépasser.
Je note toutefois, chez ce jeune homme, une sorte de morale hors de toute souffrance personnelle. Il exprime régulièrement de la compassion, que je crois réelle, mais c'est une compassion impersonnelle, pas un vécu douloureux partagé, comme s'il ne traversait jamais d'expérience sombre ou comme si ce n'était de toute manière pas acceptable ».
Je te réponds que les personnes ainsi très adaptées au monde tel qu'il est dans sa meilleure version, peuvent interpréter, utiliser, mais rarement apporter un regard neuf, d'où la frontière étrange qui se tisse entre eux et nous. Cette ligne qui nous sépare n'est pas due à leur mépris, ni à notre humiliation, ni à leurs formidables capacités, ni à l'évidente incapacité qui nous caractérise en comparaison. Elle est tracée par leur cuirasse de compétences, qui s'interpose entre eux et les coups durs de l'expérience.
Il est le fils prodige ; il voudrait être l'homme vrai. Il ne peut pas. Ou bien il est l'homme vrai autant que toi ou moi mais il nous domine trop pour que nous sachions voir sa vérité.
Sur AlmaSoror :
L'air nécessaire pour commencer à vivre
.........................vrai...............................
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lundi, 31 décembre 2018
Samedi de décembre dans l'Ouest
Une petite mer de nuages blancs et roses sur l'océan atlantique à travers la pinède qui nous sépare de l'eau. La sangle est tirée entre deux arbres et je ne peux pas parler : je suis ulcérée par moi-même et par certains éléments de ma vie quotidienne. Mais peu à peu la marche sur la sangle, le silence sage des pins, le calme du ciel en cet après-midi hivernal me réapprennent à respirer tranquillement. Des oiseaux dont je ne discerne pas l'espèce s'envolent d'un haut pin en gloussant furtivement. Laurence effectue un aller-retour sans tomber, puis jongle pendant que je monte à mon tour. Nous ne parlons pas depuis quarante minutes. Au retour, nous rencontrons, dans la ruelle qui monte de l'océan à notre rue, une chienne terre-neuve aux pattes blanches, comme des gants de fourrure. Elle est énorme, affectueuse, câline et seule son éducation raffinée l'empêche de nous sauter à la poitrine . Son maître est fier d'elle. J'interroge Laurence sur l'escalade, sa pratique à l'intérieur des salles parisiennes. Le soir tombe tôt, quelques jours après le solstice d'hiver.
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