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mardi, 24 décembre 2019

In splendoribus...

Ce soir spécial n'est pas froid comme dans les contes de Noël. C'est un vent presque tiède qui souffle à l'intérieur des écharpes. Il y a deux-mille ans, un nouveau-né surgissait du ventre de sa mère dans une crèche, à l'écart des demeures décentes, sur un continent éloigné. Les demeures décentes n'ont pas changé, on y verse divers vins et des mets de fête. Que fête-t-on ? Ni l'enfant pauvre qui devint le roi du monde, ni le solstice, signe de la terre nue de mystère attendant patiemment les joies du printemps. On fête la fête.

Et c'est triste de répondre à toutes ces questions idiotes, où vas-tu pour le réveillon ? Que fais-tu cette année ? C'est triste d'imaginer les papiers cadeaux déchirés comme des hymens par des enfants repus avant d'avoir goûté la saveur des raretés pleines de sens. C'est triste de savoir que cette femme montre ses dents à l'homme qui vit avec elle et qui tente pourtant de dessiner un beau chemin, de deviner leurs enfants partagés entre les guirlandes clignotantes et les mots durs des parents. La bêtise et la conformité, éternelles accompagnatrices du malheur banal des gens normaux. Mais ce malheur banal parfois parvient à creuser plus avant dans la fente de la pierre et alors c'est la demeure décente qui prend l'eau ou le feu ou le vent. Des orphelins de la décence errent alors dans la vie, loin des salons, des dives bouteilles et des mets de fête, conscients et solitaires, sur les chemins trop sobres des illusions défaites.

 

Sur AlmaSoror :

La clarté dans le péché

Sur la paille (endormi)

Paris neige

samedi, 14 décembre 2019

Les recoins du destin

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Nos enfances sont des châteaux perdus, des taudis abandonnés, des territoires effacés du présent par les bulldozers du temps. De fragiles décors qui paraissaient éternels et que les pas en arrière ne retrouvent plus. Que ton amour de Grand Meaulnes se soit écoulé sur les terres seigneuriales des voisins, au bout du ruisseau d'égoût ou sous les tours implacables de la zone nouvellement construite, il est enterré au même endroit : dans le recoin absout de ton coeur, au bout du chemin sans issue de ton destin.

mardi, 10 décembre 2019

Eléments pour un départ en Bulgarie

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Je vous entendais parler, hier, vous aviez peur des lois qui s’abattent comme la vérole sur le pauvre monde, interdiction de se chauffer au feu de cheminée, interdiction de veiller ses morts chez soi avant l’enterrement. Voici ce que vous murmuriez, dans ces fauteuils usés, l’un tout près de l’autre, vos coeurs étreints par l’angoisse.

Le monde s’est transformé autour de nous, peu à peu. Eléments de surveillance : portiques, gardes, caméras, panneaux informant des interdits de comportements et de circulation. Eléments de ponction économiques : prélèvements automatiques, hausses fiscales, l’argent part plus vite qu’avant, pour un mode de vie de moins en moins confortable. Eléments de corset social et moral : alors que des lois ouvrent des droits à des populations militantes, la personne lambda s’est vue refuser le droit d’être elle-même et ses traditions familiales sont combattues par l’État et par la surveillance collective des citoyens. Eléments de migration : afflux de personnes de plus en plus nombreuses venues de pays lointains et qui s’installent ici et modifient le paysage humain. Les services publics et privés se sont dégradés lentement ; hier, on avait foi en eux. Maintenant, on n’appelle que par obligation, sans trop y croire. Saleté, rats. Agressions sexuelles, viols de rue. Punaises de lit. Brancardiers amateurs qui cassent les os. Répondeurs automatiques des urgences qui laissent crever. Ecoles où l'on n'apprend rien de ce qui pourrait nous sauver.

Dans ces conditions, la Bulgarie ressemble à un eldorado, à un appel d’air pur. Vous vous demandiez : comment partir ? Sans argent, comment devenir bulgare ?

samedi, 23 novembre 2019

L'ombre d'une foi

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Between the bars, le verre d'alcool s'exprime à travers la voix d'Elliott Smith, ce matin je vois le monde en noir et blanc. Le Christ s'est arrêté aux Sables d'Olonne, probablement à cause de la brume poussiéreuse qui balaye les plages et les vagues. Mousse d'écume, musique douce, silhouettes passantes, ordinateurs statiques. Moi intérieur stoïque, sans frontière précise, sans identité définie. Quelque chose de soluble nous mélange ce matin, le monde et moi. Le manque de café, l'amour du rien, l'appel du vide, la voix lointaine des êtres aimés, perdus, s'efface. Comme sont complexes les inextricables liens de la famille et du compagnonnage amical, professionnel. Chaque mouvement du moindre être serre les cordes et blesse les encordés. Au fond des salles de shoot, d'ailleurs, somnolent les souffrances des étouffés. Dans la nuit noire et glaciale de la ville, sous les ponts, demeurent ceux dont les liens ont été tranchés. Délivrés, et, par la même occasion, assassinés. La lenteur de nos morts contraste avec celle de ceux que le destin a frappé plus clairement. Sachons toutefois, sachons-le sans l'ombre d'un doute, qu'à l'intérieur de l'âme, inextinguible, brille une joie.

lundi, 11 novembre 2019

Novembre ou autre

Je n'ai jamais eu envie de fournir un morceau d'amour mort à une femme infirme ou un homme imberbe. Je n'ai jamais cru en autre chose qu'à une bouteille de Pommard qui t'attend au fond d'une cave. J'ai lu plus de mille bandes dessinées, bu plus de dix-mille cafés lyophilisés. J'attends que le sens de ma vie se dévoile sans regarder le ciel par la fenêtre. Il est trop gris. Le mur d'en face est laid. Le cactus survit sans arrosage depuis trois ans.

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NOVEMBRE sur AlmaSoror :

La messe du voisin acnéïque (à onze heures cinquante trois du matin dans cette rue de novembre)

Désir novembre, novembre désirs

Frappé de novembre

Nuits du XVIIème siècle

Le ministère des libertés

Nécrologie bourbakienne

La solitude des champs de blogs

La solitude des champs de blogs II

Au fil des mois et des années

Lammermoor

Suspension

DJ Tricératops

In memoriam Gange

L'énergie du désespoir

Entre deux sentiments

Tristesses de rue

Succomber à une tentation (novembre est ce mois où l'on se doit de boire de la bière)

Le soldat inconnu

Dix allumettes s'éteignent un soir de tempête à Concarneau

Honneur à Caroline

Rock antispéciste

Discours de Dortmund

Mélanie des Vosges (Elle, née il y a presque vingt ans d'un père togolais au chômage et d'une mère lorraine au chômage, par un soir glacé de novembre, au fond d'une cour de Cornimont.)

Apéro-dînatoire chez les voisins

La rencontre du car

dimanche, 10 novembre 2019

Un don doux et amer

andreï tarkovski,le temps scellé

« Le temps d'une vie est une opportunité donnée à l'homme pour prendre conscience de lui-même et de son aspiration à la vérité en tant qu'être moral. Un don à la fois doux et amer. Une vie alors est comme un délai au cours duquel l'homme peut, et a le devoir, de mettre son esprit en accord avec la compréhension qu'il a du but de l'existence humaine. Ce cadre étroit ne fait qu'accentuer sa responsabilité devant lui-même et devant les autres. Ainsi, la conscience humaine est tributaire du temps. Elle n'existe qu'à travers lui. »

Andreï Tarkovski IN Le temps scellé, Chapitre intitulé Fixer le temps
Traduit du russe par Anne Kichilov et Charles H de Brantes – Petite Bibliothèque des Cahiers du Cinéma

 

Tarkovski sur AlmaSoror :

En parallèle

Andreï : fragment d'un cinéaste

Comme un dimanche

Miroirs

Demain, peut-être ?

mercredi, 06 novembre 2019

L'immersion mécatronique

Quand la mécanique, l’automatique, l’électronique, l’informatique, unissent leurs génies en un seul et même système, il s’agit d’un système mécatronique. Ces systèmes interdisciplinaires sont dits autonomes et intelligents. Autonomes, parce qu’ils sont programmés pour réagir par rapport aux événements, sans intervention de l’homme. Intelligents, parce qu’ils s’adaptent et se déclinent en fonction de la demande de l’homme ou de l’événement.

L’autorégulation du système est au cœur de la mécatronique. Des outils rendent possible cette régulation intégrée, comme le correcteur PID (Proportionnel, Intégral, Dérivé), bien connu dans l’industrie, fondé sur un algorithme capable d’agir pour corriger la différence entre la commande et la mesure. La notion de logique floue, quant à elle, est exploitée dans la reconnaissance des formes, dans la météorologie. Les Réseaux de Neurones Artificiels, calqués sur le fonctionnement organique du cerveau, rendent possible dans le domaine de l’industrie l’apprentissage par induction : l’objet ou la machine apprend de ses expériences, accumule son savoir et engendre de nouveaux comportements adaptés.

La mobilité des robots autonomes, la reconnaissance des visages, les estimations boursières ou autres, commencent à adopter ce type de réseaux.

Les systèmes micro-électromécaniques (MEMS), tel le radar à ondes millimétriques qui détecte les objets dans le paysage, mesure la distance et la vitesse de l’obstacle en temps réel et propose des régulations au conducteur, ou bien guident le conducteur afin qu’il se gare parfaitement, permettent de parler de voiture intelligente, d’autoroute intelligente. La vie routière est radicalement bouleversée par ses apports. Les ingénieurs ne cachent pas leur projet de concrétiser le rêve d’une voiture entièrement autonome, au sein de laquelle la seule activité de l’homme sera d’exprimer son désir à la machine.

Le secteur automobile et le secteur aérospatial ont été les phares de l’avancée mécatronique, ainsi que le secteur médical.

lundi, 04 novembre 2019

Le repli et l'ouverture

Une vieille rengaine éculée, agrémentée souvent d’un soupir de mépris, dit que les jeunes Français qui se déclarent en faveur d’une fermeture des frontières, d’un chacun-chez-soi et de la remise en valeur des modes de vie traditionnels et locaux sont les victimes, non innocentes, et même coupables, d’un « repli identitaire ». Ce repli serait négatif, mesquin, voué à une impasse morale et politique, contrairement aux opinions d’ouverture, d’acceptation, de cohabitation et de tolérance qui, eux, seraient de belles attitudes chargées de grandeur et tournées vers l’avenir.

Le mot « repli » évoque, dans ceux qui accusent le repli identitaire, une attitude défiante et fielleuse face à l’avenir inéluctable, une pensée rabougrie incapable de reconnaître la beauté de l’autre et du nouveau.

Mais c’est une analyse un brin condescendante. Un repli, quelquefois, peut permettre de se retrouver soi-même, pour observer la situation sans la subir et décider en conscience de son destin. Tandis qu’une acceptation de l’autre par principe, un accord avec tout ce qui vient et advient, ressemble à un aveu d’incompétence, une lâcheté face aux tâches de discernement et de résistance, une absence de vision volontaire.

Il faut reconnaître que bien souvent, soucis personnels, échecs intimes, déceptions profondes, peuvent aboutir à un repli qui n’a de politique et de collectif que les noms. Mais lorsque les soucis personnels, les échecs intimes, les déceptions profondes et la honte de ce que l’on est atteint une grande masse de gens, comme une épidémie, alors le repli n’est plus le renfermement d’un destin personnel, mais une option politique collective.

Il en va de l’ouverture à l’étranger et de l’adhésion au nouveau comme du repli identitaire : elles peuvent tour à tour constituer une marque de courage ou une démission. Si elles témoignent fréquemment d’une belle qualité de cœur doublée de l’intelligence de la situation, elles traduisent tout aussi bien, et assez souvent, l’excuse publique de la personne ou du groupe qui n’a pas le cran de défendre son intégrité.

En effet, un repli survient lorsque l’avancée ou même le sur-place ne sont plus compatibles avec le maintien de l’intégrité. En cela, il est la conséquence d’un constat lucide, un constat d’impuissance. Constater son impuissance n’est pas honteux en soi. Un individu face à mille hommes n’est pas minable lorsqu’il constate que le rapport de force est à son détriment ; au contraire, il fait preuve de lucidité.

Si nous tremblons de peur devant l’ennemi, avant même d’avoir eu le temps de nous rendre compte que ce sentiment bloque notre esprit, nous qualifions l’ennemi d’ami et nous lui tendons servilement la main, espérant ainsi, vainement, obtenir sa clémence. Nous pouvons même inverser les rôles et nous imaginer que l’ennemi est la victime que l’on doit aider, sauvegardant, par cette inversion, notre stature à nos propres yeux. Pendant ce temps, parmi ceux qui sentent la peur et la regardent en face, certains choisissent d’opérer un repli identitaire. Ils soulèvent ainsi le problème de l’intégrité menacée et augmentent la peur des premiers qui ne veulent pas en entendre parler et qui, furieux face à cette expression tranquille d’une peur qu’ils ont éludée, jettent les anathèmes de la couardise et de la médiocrité sur les repliés.

Dès lors, le débat réel sur les modalités de l’aventure collective d’un peuple n’a jamais lieu. C’est le rapport de forces qui assignera les rôles de vainqueurs et de vaincus aux uns et aux autres.

 

samedi, 02 novembre 2019

Umor Bacchi

« Si aqua désigne l'eau comme objet, unda sera, le plus souvent, l'eau en mouvement, et l'on s'en servira pour évoquer les vagues de la mer : mare plenum undarum, écrira Plaute. Lumpa est l'eau des sources, qui surgit miraculeusement des entrailles de la terre, et qui est d'une grande transparence – d'une grande « limpidité » disons-nous encore. Le terme de lumpa sera, dans l'usage, rapproché du nom grec des « nymphes », elles aussi divines et habitantes des sources. Umor sera l'humidité qui pénètre les plantes et les objets ; ce terme pourra désigner les larmes aussi bien que le « sang de la vigne », la « sève de Bacchus » (umor Bacchi), cette sève qui se dissimule dans le cep, puis passe dans la grappe et devient enfin du vin. Ros se dit de l'humidité sous la forme de gouttelettes : la rosée matinale, mais, aussi, les larmes, qui roulent goutte à goutte sur les joues. Latex, enfin, est l'eau qui sourd à gros bouillons (profluens aqua), mais aussi tout liquide rencontré ou imaginé sous cet aspect. On voit que la notion abstraite de « liquide » doit être induite à partir de différentes spécifications. Est-ce marque de pauvreté, est-ce richesse ? Certes, pour un chimiste, le vocabulaire latin se révélera peu commode, et source de confusions. Mais pour le poète ? Et pour cette sorte de poètes que sont les orateurs ? Encore conviendrait-il de regarder de près la manière dont Lucrèce, qui, lui, a besoin de notions « abstraites », utilise ce vocabulaire, jouant habilement des nuances et des ressources qu'il offre, avec une subtilité et, finalement, une précision que ne saurait approcher notre langage abstrait. Par exemple, ayant à sa disposition, pour exprimer l'idée de chaleur, les deux mots : calor et vapor, il réserve le premier à la chaleur directement perçue par nos sens (à peu de chose près, et précision numérique en moins, notre « température ») et le second à la chaleur comme substance, comme fluide imprégnant les corps ».

 

Pierre Grimal, IN La littérature latine, Chapitre La langue littéraire

mercredi, 23 octobre 2019

Ne pas tomber.

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Suivre le fil du temps qui reste, incertain, mais présent. C'est ce soir que je suis seule. C'est ce soir que je suis ivre. C'est ce soir que je suis libre. Une musique d'ambient m'accompagne. Dans ses silences, se prolonge le silence qui m'entoure. Parce que la route est cachée par des arbres qui se dénudent. Peu à peu, la nuit tombe comme un rêve sombre sur mes pensées. J'aurais voulu écrire, mais l'air est trop intense. Des odeurs d'herbes fines montent jusqu'à la fenêtre. Trois petites lumières douces aménagent ma pénombre. Une folie susurre à mon oreille d'entamer la métamorphose irréversible ; je l'écoute sans succomber à son piège. J'aime cet instant ; j'aime cette instance. Je songe à mes neveux qui s'endorment peut-être, dans de petits lits franciliens. Chacun d'entre eux m'a donné une raison de tenir debout, de chanter, de danser. Toutes les lectures de ma vie ont infusé mon monde intérieur, je suis ce que je suis et ce que j'ai acquis en tournant des pages pleines de phrases. C'est le phrasé d'une vie, le verbe incarné, le rêve descendu de la pensée pour prendre corps. Sa résonance, d'écho en écho, se multiplie à l'infini. Alors que la musique définit un labyrinthe aux formes molles, telles des tubes glissants, l'inspir et l'expir ralentissent et se déploient, comme des vagues qui ne s'arrêteront jamais. Ce soir, dans la verdeur sublime de l'impulsion, je chevauche ma propre respiration.

dimanche, 06 octobre 2019

Ô filiation

J’étais donc seule, seule et seule, à ce dîner brillant, seule à penser qu’une loi qui modifie la filiation en autorisant la procréation médicalement assistée, en préparant le terrain pour la gestation pour autrui, j’étais donc seule à trouver que cette loi est inique.

J’osais à peine le dire et chacune de mes paroles, pourtant ô combien mesurée, faisait l’objet d’un sec rabrouement. Lorsque j’insistais, des rires ridiculisaient mon dire.

Alors je me suis tue. Puisqu’ils possédaient la liberté, l’égalité et la fraternité, puisqu’ils assimilaient toutes mes pensées profondes à une attitude rétrograde, liberticide, méchante et grotesque, j’ai gardé le silence.

J’ai gardé le silence comme un allié ; j’ai gardé le silence comme un trésor.

J’ai gardé le silence comme un frère.

Qu’as-tu fait de ton frère ?

Je l’ai gardé et il m’a protégée.

 

Sur AlmaSoror, il y a six ans : 

Les dictatures douces

jeudi, 03 octobre 2019

Une oeuvre libre avant la fin

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Une œuvre libre

Comme un enfant qui braille

Ou dort ;

Un homme trop grand

Pour haïr ses ennemis ;

La saga-cohorte des nuages

Que le ciel blanc déroule

Depuis la nuit du temps.

 

J'ai grandi dans une liturgie

De pins parasols et de verbes d'antan,

Là-bas.

À l'Ouest où se confondent

Les lignes de terre et d'océan.

Mais le béton armé, comme une torture,

Cachait la vue des cimes

- Béton-pourriture.

 

Poils légers sur la peau d'hommes et de femmes,

Tâches de rousseur des enfances vieillies,

Notes de Chopin dans un bistrot défraîchi,

Voici ma vie.

Voilà venue l'heure des déroutes,

Le poivre dans les cheveux, le sel aux reins.

L'écriture du poème est la dernière porte

Avant la fin de la faim.

mercredi, 02 octobre 2019

Bâtir pour tuer l'espérance : l'architecture d'aujourd'hui

Merci à monsieur Guillaume Blanc pour son article désespéré et lucide sur l'architecture des bâtiments publics d'aujourd'hui et l'état de l'université :

Au cœur d'une université d'excellence.

En gare de Nantes, tout à l'heure, ma compagne de voyage et moi-même soupirions en observant la misère profonde des bâtiments de béton qui poussent d'année en année, de manière désorganisée, sans plan, sans vision... et qui sont si laids qu'ils donnent envie de mourir.
Je me suis souvenue d'il y a quelques années, j'étais avec cinq inconnus dans un compartiment ; arrivés en gare de Paris-Montparnasse, l'un des voyageurs a ricané en évoquant la laideur des immeubles et chacun a acquiescé. Ce fut notre seul échange, après quatre heures silencieuses sur les rails à travers la France.

Une illustratrice de ma connaissance, qui a animé beaucoup d'ateliers dans des écoles des périphéries des villes, m'avait raconté cette fillette pour qui les maisons, les immeubles, n'existaient pas. Pour elle, tout était "des bâtiments". En effet, cette enfant vivait dans un bâtiment, étudiait dans un bâtiment, était soignée dans un bâtiment, sa vie se déroulait au milieu des bâtiments, dans des bâtiments, tous en béton, tous laids, tous désespérants.

Sur AlmaSoror nous avons déjà souffert avec vous, dans des bâtiments, par les bâtiments :

entasser un nombre maximal d'êtres humains

Fascisme, non sans beauté

Laideurs du monde moderne

Errants des mégapoles d'Europe

Le bien-être des porcs

Coches en élevage intensif

Un chariot de lapins blancs

La première porte de garage

Tristesse balnéaire, séniors en culottes courtes

Encore un adieu

Zig-Zag

Mourir, sourire à chaque instant

La belle vie

Cactus sur béton

Cathédrale de plastique

Le flot urbain

Les champs de persil

Par des matins brisés

L'exode urbain et l'art

Autour du périphe

L'homme des mégalopoles

La ville qui vient

de commencements en commencements

samedi, 28 septembre 2019

ND des sept douleurs à Saint-Eugène

Notre-Dame des sept douleurs, messe du 15 septembre 2019, dans cette église Saint-Eugène où le maître de chapelle, Henri Adam de Villiers, propose à ses choristes, paroissiens amateurs, de déchiffrer le matin même un stabat mater de Marc-Antoine Charpentier pour les religieuses, qu'il faudra chanter pendant la longue procession de communion.

Clotilde Cellier entame la partie de soliste et les trois choristes qui sont venues ce matin prennent les strophes en alternance.

Le vicaire est monté en chaire tout à l'heure, il a évoqué divers aspects de la mariologie, insistant sur le fait que la mère du Christ est co-rédemptrice. Puis il évoque les lois dites bioéthiques à venir et les nouveaux modèles familiaux qui ont cours dans la société.

Que penser ? Que le chant sacré nous délivre du profane et que la morale n'est belle que lorsqu'elle est dénuée de moralisme.

Que choisir ? Je n'ai jamais rien choisi. C'est pourquoi, ma voix retenue se mêlant aux deux autres voix, je retiens mes larmes, enveloppée dans le halo du vitrail.

 

Sur le site de la Schola Sainte-Cécile, un article

lundi, 23 septembre 2019

Humus

Tu disais des poèmes aux quatre saisons. Tu n'es plus. Il faut bien que quelqu'un te succède à cette valse de mots.

Alors voici,  après Le vieux majordome, le poème de l'hiver 2017 ;
après Fazil, le poème du printemps 2017 ; 
après Dans la chambrée, le poème de l'été 2017 ; 
après Silentium, le poème de l'automne 2017, ; 
après Héroïne, le poème de l'hiver 2018 ; 
après Tbilissi, le poème du printemps 2018 ; 
après Portrait d'été, le poème de l'été 2018
après Pluie d'étoiles, le poème de l'automne 2018 ;
Après Spectre, le poème de l'hiver 2019 ;
Après Les champs de persil, poème du printemps 2019
;
Après Antigua, poème de l'été 2019,

Voici le poème de l'automne 2019. Il s'intitule Humus.

 

Loin des marrons d’automne, dans la ville qui efface les saisons,

Ton âme monotone consume son poison.

Je te regarde écrire à l’heure des premiers cafés,

Mon regard laconique éveille tes soupçons.

 

Tes soupçons de langueur distillent des effluves

D’angoisse pure.

Ma saison préférée n’a pas cours dans ce quartier

Dont les arbres, bouleaux, érables, ont été décimés.

 

Tout le béton du monde s’étend sous nos yeux.

Qui pourra nous rendre les odeurs campagnardes,

D’étang grouillant de grenouilles et de terre mouillée,

Humides, humbles, d’humus précieux ?

 

Une plante d’intérieur posée sur cette table

Ignore la joie des racines profondes.

Mes parents sont nés dans un monde d’ancrage,

Mes enfants se fabriquent avec des pincettes, dans des éprouvettes.

 

Il faudra cependant oublier Tchernobyl,

Loin, derrière nous, ces écoulements chimiques,

Ces villes dures, ce métal dressé vers le ciel,

Que seule la lune embellit, certains soirs de clarté.

 

Il faudra retrouver le chemin des œillets,

Le sentier immuable des natures secrètes,

La lenteur des maisons sans électricité

Et la nécessité de dormir côte à côte.

 

Malgré la répulsion.