dimanche, 05 avril 2020
La vie exposée
« Ce que nous avons sous les yeux aujourd'hui, c'est en effet une vie exposée comme telle à une violence sans précédent, mais précisément dans les formes les plus profanes et les plus triviales. Notre époque est celle où un week-end produit plus de victimes sur les autoroutes d'Europe qu'une campagne militaire ; mais, parler, à ce propos, d'un « caractère sacré des glissières de sécurité » n'est, bien sûr, qu'une antiphrase.
De ce point de vue, la volonté de donner à l'extermination des juifs une aura sacrificielle à travers le terme d'« holocauste » relève d'une démarche historiographique aussi aveugle qu'irresponsable.
Le juif, sous le nazisme, est le référent négatif privilégié de la nouvelle souveraineté biopolitique et, comme tel, un cas flagrant d'homo sacer, au sens où il représente la vie qu'on peut ôter impunément mais non sacrifier. Son meurtre, comme on le verra, ne constitue ni une exécution ni un sacrifice, mais seulement l'actualisation d'une simple « tuabilité » inhérente à la condition de juif comme tel. La vérité, difficilement acceptable pour les victimes elles-mêmes mais que nous devons pourtant avoir le courage de ne pas recouvrir d'un voile sacrificiel, est que les juifs ne furent pas exterminés au cours d'un holocauste délirant et démesuré, mais littéralement, selon les mots mêmes de Hitler, « comme des poux », c'est-à-dire en tant que vie nue. La dimension dans laquelle l'extermination a eu lieu n'est ni la religion, ni le droit, mais la biopolitique ».
Giorgio Agamben, IN Homo sacer, Seuil entre la deuxième et la troisième partie
Un article intéressant sur Homo sacer et particulièrement sur ce passage : Retour sur le camp
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dimanche, 22 mars 2020
cella mihi caelum
La cellule est pour le religieux le lieu de l’étude, de la prière et d’un saint repos. Il est seul à y pénétrer. Selon l’adage ancien, « cella mihi caelum », « la cellule est pour moi un ciel ». Ce lieu solitaire et silencieux, ce petit désert, est le lieu de la présence de l’âme à elle-même, « la cellule de la connaissance de soi » (Sainte Catherine de Sienne), car il n’est rien pour la distraire.
Un article de la fraternité Saint-Vincent Ferrier, à lire ici dans sa belle complétude
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samedi, 21 mars 2020
قسنطينة poème du printemps 2020
Tu disais des poèmes aux quatre saisons. Tu n'es plus. Il faut bien que quelqu'un te succède à cette valse de mots.
voici, Le vieux majordome, le poème de l'hiver 2017 ;
voici Fazil, le poème du printemps 2017 ;
voici Dans la chambrée, le poème de l'été 2017 ;
voici Silentium, le poème de l'automne 2017, ;
voici Héroïne, le poème de l'hiver 2018 ;
voici Tbilissi, le poème du printemps 2018 ;
voici Portrait d'été, le poème de l'été 2018,
voici Pluie d'étoiles, le poème de l'automne 2018 ;
voici Spectre, le poème de l'hiver 2019 ;
voici Les champs de persil, poème du printemps 2019 ;
voici Antigua, poème de l'été 2019,
Voici Humus, poème de l'automne 2019.
Voici Je descends l'escalier du temps, poème de l'hiver 2020
Constantine
Sur tes ponts suspendus, Constantine,
Les soleils se couchaient en murmurant à l'âme
Les arcanes d'un présent perpétuel,
Et dans tes rues et dans tes ruelles,
Le silence descendait en menace constante.
Au fond des maisons et des cours,
A travers les feuillages fragiles,
Se glissait un secret que nous n'entendions pas.
Il se faufilait par tes toits,
Ville de l'attente, Constantine !
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vendredi, 20 mars 2020
Maraï, persona non grata en pays communiste
« J'ai l'impression que les communistes s'imaginent que je devrais me couper la tête, étant donné que la culture à laquelle j'appartiens et que, dans une modeste mesure, je représente peut-être dans le champ littéraire, est pernicieuse ; ensuite, il faudrait que j'attrape une bonne touffe de cheveux pour soulever très haut ma tête coupée et qu'ainsi, je prononce un grand réquisitoire contre ma classe et moi-même, en insistant sur la légitimité exclusive de la culture ouvrière. Après m'être exécuté, je pourrais me débarrasser de ma tête sur le tas d'ordures.
Un projet intéressant mais un peu difficile à mener sur le plan technique ».
Sandor Maraï, Journal, années 1943-48, traduction de Catherine Fay
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jeudi, 19 mars 2020
Étranges jours d'Europe
(Étranges jours d'Europe, dont le mystère est absent)
Premier jour
... chut !
…
Second jour
Seigneur, Ô maître des moissons, créateur du temps. Dans le silence qui s'installe, je me souviens que des vieilles personnes m'avaient parlé de vous.
J'étais enfant, je les croyais. Mais leurs paroles punitives et menaçantes m'ont révoltée. J'ai rejeté ce vin amer.
Je vous ai relégué dans ce pays imaginaire de l'inexistence.
Troisième jour
Voici que le silence des hommes avance à chaque seconde, voici que leurs machines se taisent. Les oiseaux soudain recommencent à chanter.
Désœuvrée, je me tourne vers vous.
Vous qui n'existiez plus.
Quatrième jour
Vous ?
Dieu.
Que me direz-vous ? Je vous attends.
« Ne crains pas le silence ». La réalité finit de s'enfuir. Nous sommes assis. Nous attendons le dernier rêve.
Cinquième jour
Les paupières se closent imperceptiblement. Monte un air de guitare espagnol, et soudain, palpite à nouveau le temps présent.
Quel est ce souffle qui gronde à quelques mètres de moi ? Peu importe que ce soit la bonté puissante de l'océan ou la rage désordonnée des machines roulantes.
Ferme les yeux, que revienne à la conscience, comme une vague lente et bleue perlée d'écume, le paradis perdu.
Sixième jour
Une à une, lentement, je descends les grandes marches du port de Port Saint-Rêve des Morts. Des fanions fanent aux persiennes fermées ; d'une maison de calcaire, s'évapore un fumet délicieux, de thym, de poisson frit, de légumes d'entre deux saisons.
Au loin, à peine visible, de l'autre côté de la mer sans autre bateau que le dragueur éternel du soir, scintille la baie ovale de Saint-Jean, où les réverbères de Saint-Jean en Ville viennent de s'allumer, tous ensemble, à l'instant.
Septième jour
Et dans ces jours brûlants, sans négoce, sans agitation, sans activité, où l'ennui s'étire comme un gros chat sur la pierre chaude, l'âme s'interroge sur sa propre innocence, dont elle pressent qu'elle est factice. Ô souffrance ! Tu ne donnes aucun passe-droit vers l'absolution.
Des petits enfants ramassaient des cailloux et les rangeaient dans leurs poches il y a quelques mois, quand il n'étaient pas tous enfermés à l'intérieur des maisons.
Huitième jour
Et sous ces nuits glacées, que le sommeil visite en amant infidèle, où l'angoisse s'étend comme un empire antique sur des friches d'enfance, le corps visite sa propre chair, dont il entend l'appel de mort. Ô vacance de la joie ! Tu fais de l'être un linceul pensant.
Noix, pommes, œufs, en rémission d'une fête de cuisine, frissonnent dans le vent léger de la porte entrouverte, trésors précieux au renouvellement inassuré.
Neuvième jour
Mendiant de l'aurore, tu cueilles l'ozone et le bouton d'or des prés, tu déambules à travers les zones désertées par la foule. Mendiant de la douleur, tu ramasses les fardeaux oubliés.
Dixième jour
Le dixième jour est celui de l'espérance. Nous quittons l'ère de la déploration. Surgissent les vagues de l'amour. Rayonnent les astres du lendemain. C'est parce que nous avons renoncé à marcher et accepté de mourir que la mort a quitté son masque de menace.
Elle n'est plus qu'une compagne de vie, comme la vie est compagne de mort, elles ne sont plus que les deux faces de notre sourire raffermi dans la joie éphémère.
Onzième jour
Je tourne autour du polynome sans discerner sa trace, je glisse sur des vagues d'algèbre, surf aux écumes poétiques, en quête de Dieu.
Maître, seigneur des empires, père des individus. Dans le chant des pinsons, je crois me souvenir qu'on entend un peu de Vous.
Douzième jour
Ulysse navigue autour de la galaxie en son vaisseau de plexiglas.
Le jour a éventré la nuit, la nuit se casse.
Treizième jour
Et nous nous enfonçons dans le temps arrêté, arrêté dans l'espace.
Quatorzième jour
L'espace a mangé toute la place ! Le temps devient une toute petite bille, un point, une particule, et hop ! Disparaît.
Il n'y a plus d'heures pour flotter dans la poussière, il n'y a que la lumière et l'absence de lumière, il n'y a que les ténèbres et l'absence de ténèbres.
Quinzième jour
Fils de Dieu, assis à la droite du maître de maison, dans la salle du banquet, donne-nous ta leçon de ténèbres. Immobiles, nous marchons vers Pâques, qui n'est ni un lieu, ni un jour, mais le redressement du monde.
Silencieux, au milieu du silence, nous écoutons les éperviers interrompre le silence.
Seizième jour
Comme une biche essoufflée recueille la rosée, ainsi ma vie te cherche, toi, la Joie.
À l'ombre de la croix des bras de la fenêtre, je lis ce même livre, vieux comme Adam peut-être.
Dix-septième jour
Fils de l'homme, ou fille, debout face aux toits de la ville, sur la courte terrasse fleurie, regarde les hirondelles nicher sur les cheminées ! Constate que les maisons les plus douces aux humains le sont aussi pour le duvet de l'animal sauvage.
Immobiles, au milieu des latences, nous contemplons l’œuvre du vent sur les feuillages.
Dix-huitième jour
On ne sort plus dehors.
Dehors, les uniformes détruisent les vies fragiles par abus de pouvoir, ils jouissent et chaque passant doit faire profil bas. Il n'y a plus de foule, ni de groupe, des humains isolés comme des loups omégas cherchent à passer entre les mailles du filet.
Le filet de la dictature policière.
Dix-neuvième jour
Les grosses bouches des ministres vomissent des phrases malformées dans les écrans des maisons.
La langue française a fui la bassesse du pouvoir, elle chuchote en secret dans les greniers.
Vingtième jour
À travers tes yeux plissés, accoudé au pan de la fenêtre, vois la procession des enfants qui portent le buis en chantant : Bénis soit Celui qui vient, hosanna dans les hauteurs !
Vingt-et-unième jour
Vogue, vaisseau de l'oubli, dans les célestes corridors de l'invisible.
Vingt-deuxième jour
Plane, éternel enfant, parmi les nuées roses et grises.
Vingt-troisième jour
Tu es reine pestilentielle, ô bacille de la délation, qui ne meurs ni ne disparais jamais, attendant patiemment dans les armoires etc, mais lorsque tu reviens ce n'est pas l'entraille du rat que tu colonises, mais le cœur de l'homme.
Olfactive ? Si peu... Ta pestilence est absconde.
Vingt-quatrième jour
De l'autre côté des façades, dans les patios cachés, fraîchement repeints, les écrans meurent, les lois d'exception s'oublient, l'état d'urgence se ridiculise, les verres s'emplissent à demi et se sirotent dans la lenteur. La douceur des patios vaincra l'algocratie.
Vingt-cinquième jour
Résipiscences, vous n'êtes qu'hypocrisie.
Vingt-sixième jour
Voix bretonnes, voix tchèques, voix albanaises, voix germaniques, voix qui s'intriquent en une plainte contrapuntique, et mon ouïe française qui flanche d'angoisse.
Vingt-septième jour
Et mon cœur français, qui bat la cadence de la honte.
Vingt-huitième jour
Mon cœur ? Il pompe le sang.
Ma honte ? Elle prééxiste. C'est elle qui prépare les êtres à toute soumission à venir.
Vingt-neuvième jour
Il est midi depuis quelques heures dans cette ville atlantique silencieuse.
Trentième jour
Soudain minuit sonne. L'ombre nous voile. La lune rit.
Les antennes frissonnent sous la nuit en impulsion.
Trente-et-unième jour
Quand le jour reviendra, nous serons en prison.
Incarcérés à domicile, entre fascination et répulsion.
Trente-deuxième jour
Attendez-moi, houlques laineuses qui valsez dans les champs ! Je viendrai mourir libre au milieu de vos froufrous !
Trente-troisième jour
Tilleuls, vous exhalerez vos parfums du soir.
Trente-quatrième jour
Je courrai à en perdre haleine dans les hautes herbes vierges.
Trente-cinquième jour
Je mourrai en riant.
Trente-sixième jour
Les psaumes me suivront.
Chantés par des hommes aux voix graves, les psaumes m'absoudront.
Trente-septième jour
Mon cerveau, confiture d'oublis.
Trente-huitième jour
Mon corps, rouille aux articulations.
Trente-neuvième jour
Mon sternum bisexuel désire et la dame de pique et le valet de cœur.
Quarantième jour
Au quarantième jour, la quarantaine s'achève. S'ouvre l'ère du combat, pas encore perceptible.
Il était une fois, dissimulés dans des corps flasques, toutes les grandeurs des hommes qui s'éveillaient secrètement à l'évolution qui vient.
Quarante-et-unième jour
Léthargie, léthargique essence de l'être en dissolution, noyade dans les couleurs de Schoenberg.
Quarante-deuxième jour
Endormissement, éblouissement, droguée par la fête des belles eaux de Messiaen.
Quarante-troisième jour
Non. Non... Non ! Nooooon ! Noooon ! Non !
Quarante-quatrième jour
Éclats d'obus sur mon cortex, je vacille, je ressuscite.
Quarante-cinquième jour
Voici venir le soir et l'espérance du salut.
Quarante-sixième jour
Douce grâce, stupéfiant Amour. Nous tournons les yeux vers vous, nous, serviteurs de l'invisible. Armée de solitudes, dans nos uniformes de la banalité. Touchez notre mutisme, regardez notre attente. Nos bras levés vers vous, union inaccessible.
Quarante-septième jour
Marcher après l'immobile terreur, tomber dans la pluie sur le béton sale.
Quarante-huitième jour
Le sol se troue, la rue tombe, le fleuve surgit.
Quarante-neuvième jour
La ville vogue sur les trombes d'eau réjouie.
Cinquantième jour
Les vers n'éclosent plus depuis que la matrice a prononcé en silence le jugement sur mon œuvre.
Cinquante-et-unième jour
En mai, fais semblant de ne pas faire ce qu'il te plaît. Ainsi tu plairas aux policiers et ta liberté, intacte, s'éveillera en secret.
Cinquante-deuxième jour
Sursis du végetal, tandis que Cassandre raconte les horreurs qui s'avancent vers nous, je contemple à travers mon rêve ces feuilles de diffenbachia qui dilatent leur verdure au-dessus des fougères, le béton est mort, vive la chlorophylle !
Cinquante-troisième jour
Se frapper soi-même pour ne pas tuer les gens qu'on aime et ainsi les faire souffrir un simili-martyr sans hématome.
Cinquante-quatrième jour
Noirceur incolore, blancheur élégante, arc-en-ciel fugitif, tout vacille aux dernières secondes de l'entendement.
Cinquante-cinquième jour
Étranges jours d'Europe !
Cinquante-sixième jour
Étranges jour d'Europe, dont le mystère est absent. Vous défilerez comme des fenêtres sous nos yeux souffrants. Étranges jours d'Europe aux mystères immanents. Vous transformerez nos malêtres en perpétuel changement.
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dimanche, 01 mars 2020
Le rêve marocain
Voici un fragment de Lyautey l'Africain, sorte de biographie de Lyautey par Jacques Benoist-Méchin, publiée en 1978
« Cette plage extrême de l'Occident sur laquelle ont déferlé Oqba el Nafi et ses cavaliers venus de la lointaine Arabie est d'une richesse insoupçonnée. C'est un pays de montagnes, de pâturages et de plaines qui semble né du mariage de la neige et du feu. Il contient des espaces désertiques, dévorés par le soleil ; des palmeraies profondes, pleines d'ombres et de fraîcheur, mais aussi des villes où l'on perçoit, d'une façon presque physique, la densité des siècles.
Il y a d'abord Fès, « demeure de la foi, de la science et de la sagesse », dont l'université a attiré depuis sa fondation les plus grands penseurs de l'Islam : Ibn Khaldoun, Aben-Zohar, Averroès, d'autres encore... Orfèvrerie de pierre, d'albâtre et de faïence, ivre de musiques et de parfums, c'est une ville savante et pieuse dont le visage a la pâleur d'une passion trop ardente, brusquement refoulée.
Il y a Meknès, la capitale de Moulay Ismaïl, avec ses quinze minarets carrés dressés comme des tours de guet au sommet d'une colline, son palais cyclopéen et son jardin abandonné, que hantent les fantômes de la majesté et de la mélancolie.
Il y a Rabat et Chella, aux portes massives ; Salé, repaire de corsaires audacieux ; Mogador, où somnolent sur une terrasse crénelée de gros canons portugais braqués sur l'Océan.
Et puis il y a Marrakech, cette ville couleur de miel, de cuivre et de flamme, d'une sauvagerie raffinée, où l'art arabe semble avoir voulu rivaliser avec la grandeur romaine ; Marrakech, ceinturée d'une immense palmeraie, dont les panaches de bronze se découpent sur la blancheur des neiges et qui enclôt, dans ses seize kilomètres de remparts, la Koutoubia, sœur jumelle de la Giralda de Séville, et des palais plus vastes que les thermes de Caracalla.
Mais il n'y a pas que les villes. Il y a les plaines du Sous, de la Chaouïa, du Gharb et de la Moulouya, d'une incroyable fertilité, pour peu qu'on les irrigue. Il y a les forêts de chênes-lièges, de cèdres et d'eucalyptus. Il y a des phosphates et du fer, du plomb et du manganèse. Enfin, il y a les hauts plateaux et les pentes de l'Atlas, réserves quasi inépuisables de guerriers et de cavaliers superbes, chez qui le chant et la danse sont un prolongement du combat. »
Le Maroc d'AlmaSoror :
France, Maroc, Mali, XVII ème siècle
Jacques Benoist-Méchin sur AlmaSoror :
Jacques Benoist-Méchin sur AlmaSoror :
Il est cité dans Le désillusionné
Il est mentionné et cité dans La fabuleuse plume de Jacques Benoist-Méchin
Il est cité et mentionné dans Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin
Il est mentionné et cité dans Trois esthètes du XX°siècle : Rolland, Benoist-Méchin, Vaneigem
Il est cité dans Épuration.
Il est cité dans Fragment d'un printemps arabe
Il est cité dans Invasion de l'Europe - Année 700
Il est cité dans Isteamar de l'intérieur
Il est cité dans Plume d'or sous un manteau d'étoiles
Il est cité dans Une longue mélopée
Il est cité dans Les sirènes du port d'Alexandrie
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Entre deux pluies
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mardi, 25 février 2020
Gérer sa vie privée pour rendre son enterrement supportable
Quand les gens baisent avec n'importe qui dans des bas-fonds (ou dans les hauts-fonds) et que leurs amis font comme eux, tout va bien. Leurs enterrements ressemblent à des messes du contre-pouvoir, pleines de fraternités et de signes inconnus dans les appartements des bourgeoisies calmes.
Quand ils respectent des codes sociaux et moraux précis, plus ou moins contraignants, tout au long de leur vie, et qu'ils disent comment il faut vivre et vivent à peu près comme ils disent, il n'y a pas de problèmes. Leurs enterrements sont calibrés par le rite social et les larmes ont leur place, les rires aussi pour la brioche qui suit la cérémonie.
Quand les gens détruisent ce qu'ils construisent et s'accrochent à la fois à l'apparence de la civilisation officielle et à la vérité basse de leurs pulsions, alors rien ne va plus. Leurs enterrements sont des cauchemars pour les familles officielles qui découvrent ou font face à la face cachée. Momentsde drame pour les relations interdites, pour ceux dont personne ne connaît l'existence et qui se retrouvent seuls, inconnus aux yeux de tous alors qu'ils ont partagé les heures intimes du disparu.
Quand certains construisent puis délaissent puis reconstruisent et ainsi polygament et poly-procréent tout en faisant toujours comme si ils étaient monogames et bien sous tout rapport, croyant qu'on peut épouser plusieurs personnes ici-bas au lieu de vaquer librement de l'un à l'autre ou d'être fidèle à un engagement, ils compliquent tout pour les familles décomposées-recomposées, ainsi réunies autour de celui qui n'est plus là pour faire tenir l'ensemble debout.
C'est pourquoi, je vous le dis, soyez francs du collier dans la norme comme dans l'anorme, amusez-vous ou respectez les règles mais ne vous amusez pas, soit à avoir une double-vie, dont l'une est cachée, soit à empiler les constructions de couple, de familles, de relations, d'achats, car tout votre édifice s'écroulera autour du cercueil ou pendant la brioche.
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jeudi, 20 février 2020
Les sirènes (du port) d'Alexandrie
Encore un extrait de Bonaparte en Egypte ou le rêve inassouvi, de Jacques Benoist-Méchin.
« Lorsque Bonaparte jeta les yeux autour de lui, ce qu'il aperçut le déçut profondément. Nourri de Suétone et de Plutarque, il s'attendait à trouver une cité gréco-romaine mirant dans la mer le marbre de ses palais. Or, ce qu'il voyait ne répondait en rien à son attente.
La ville dont Alexandre avait tracé le plan en répandant sur son sol des traînées de farine blanche que des nuées d'oiseaux étaient venus picorer, et où Antoine et Cléopâtre avaient mené, trois cents ans plus tard, leur « vie inimitable », avait, hélas ! beaucoup déchu depuis l'arrivée des Arabes et, plus encore, depuis 1518, date à laquelle le Sultan Sélim l'avait rattachée à l'Empire ottoman. Son phare célèbre s'était écroulé ; son port s'était ensablé ; ses palais avaient disparu. Le nombre de ses habitants, qui dépassait le million au temps des Ptolémées, était tombé à huit mille et la ville s'éait encore rétrécie à l'intérieur de ses remparts. Comparée à la métropole antique dont elle perpétuait le souvenir, l'Iskanderyeh des Turcs n'était plus qu'une misérable bourgade.
Bien que les descriptions de Volney et de Savary eussent mis Bonaparte en garde contre l'incurie musulmane et les ravages du temps, il ne s'attendait pas à une transformation aussi radicale. Pourtant, malgré son état de délabrement et d'abandon, Alexandrie dégageait encore un charme prenant. Ses rues étroites bordées de murs d'une blancheur éclatante, ses maisons à terrasses qui semblaient dépourvues de toits, les touffes de palmiers qui dressaient de loin en loin leurs panaches vers le ciel, les flêches grêles des minarets qui portaient une balustrade dans les airs, tout avertissait Bonaparte qu'il était dans un autre monde.
Cette impression était encore renforcée quand ses regards descendaient à terre pour contempler la foule qui animait les places et les marchés. À mesure qu'il avançait à travers les rues, il croisait une multitude d'êtres à la silhouette étrange. Leur langage chantant et guttural, leurs visages basanés, leurs longs vêtements flottants, leurs têtes coiffées de turbans et leurs cafetans multicolores formaient un tableau pittoresque dont les moindres détails se gravaient dans son esprit. Là, une file de chameaux s'avançaient, chargés de fardeaux énormes ; plus loin, un petit âne sellé et bridé transportait légèrement un cavalier en babouches ; ailleurs encore, un homme accroupi sur une natte faisait griller des brochettes sur un petit lit de braises. La ville entière semblait s'adonner à une turbulente oisiveté. Et sur le tout planait une odeur indéfinissable d'huile rance et de cuir, de menthe et d'aromates. Oui, c'était bien l'Orient, cet Orient dont il avait rêvé sur la jetée d'Ancône et dont Malte ne lui avait apporté qu'un simple avant-goût.
Mais dès qu'on quittait l'enceinte sarrasine on se trouvait devant un immense champ de ruines où reparaissait le visage de l'Antique Alexandrie. La colonne de Pompée et les obélisques de Cléopâtre témoignaient encore de sa grandeur passée. Mais ils n'étaient pas les seuls. Vers la porte de Rosette, cinq colonnes en marbre blanc signalaient l'emplacement d'un temple romain. Aux abords du môle, des fûts granitiques couverts d'hiéroglyphes servaient d'assises aux maisons consulaires et des mosquées arabes s'exhaussaient sur un péristyle égyptien. À chaque pas, l'on rencontrait des murailles pendantes, des chapiteaux mutilés, des statues tombées de leur piédestal et renversées dans le sable. Car le désert, dont rien ne retenait les envahissements, s'était jeté sur Alexandrie comme sur une proie. Il avait enterré les pilastres, recouvert les colonnades, rongé les chapiteaux, comblé les aqueducs et stérilisé la campagne, jadis si verdoyante. Ces débris grandioses d'une époque révolue dégageaient, nous dit Volney, une mélancolie si poignante que ceux qui les voyaient pour la première fois en éprouvaient une émotion qui passait souvent aux larmes ».
Jacques Benoist-Méchin, Bonaparte en Égypte ou le rêve inassouvi.
Sur AlmaSoror :
Mon frère, je contemple ton visage
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mardi, 18 février 2020
Une longue mélopée
Un extrait de Bonaparte en Egypte ou le rêve inassouvi, de Jacques Benoist-Méchin.
« Le trajet était long, les journées monotones et il était difficile d'occuper constamment les équipages. Ceux-ci ne savaient toujours pas où on les conduisait. Entassés les uns sur les autres dans un espace trop restreint, ils se plaignaient de la chaleur suffocante qui régnait dans les entreponts, du manque de distractions, de la nourriture insuffisante et tuaient le temps en jouant aux cartes, mettant en jeu tout ce qu'ils possédaient, jusqu'à leurs montres et leurs chaussures. Il en résultait souvent des disputes et des rixes. La nuit seule apportait une trêve à ces violences. Alors, sur les vaisseaux les mieux partagés, la musique guerrière, si belle au milieu du calme des eaux, exécutait un hymne républicain que les soldats reprenaient en choeur. Sur les bâtiments privés de musique, un mousse, armé de son flageolet, montait gravement sur le cabestan et égrenait une longue mélopée.
Tous les soirs, sur le pont du vaisseau amiral, Bonaparte tenait ce qu'il appelait « un petit Institut ». Entouré de Monge, de Berthollet, de Caffarelli, de Brueys, il s'entretenait avec les savants et les artistes de sa suite. Il se faisait montrer par Quesnot les planètes et les constellations, parlait chimie avec Berthollet et physique avec Monge, surprenant ses interlocuteurs par l'étendue de son savoir. Ou encore, il se livrait devant eux à de longs monologues sur l'avenir des religions et l'immortalité de l'âme. Ses propos étaient entrecoupés de longs silences, pendant lesquels on n'entendait plus rien que le bruissement des flots déchirés par les étraves et le clapotis des vagues contre les flancs des navires. Alors Bonaparte, grisé par l'aventure et comme haussé au-dessus de lui-même par ses visions d'avenir, semblait suspendu entre une mer phosphorescente et un ciel fourmillant d'étoiles. »
Jacques Benoist-Méchin sur AlmaSoror :
Il est cité dans Le désillusionné
Il est mentionné et cité dans La fabuleuse plume de Jacques Benoist-Méchin
Il est cité et mentionné dans Le style immense et plein de pensée de Jacques Benoist-Méchin
Il est mentionné et cité dans Trois esthètes du XX°siècle : Rolland, Benoist-Méchin, Vaneigem
Il est cité dans Épuration.
Il est cité dans Fragment d'un printemps arabe
Il est cité dans Invasion de l'Europe - Année 700
Il est cité dans Isteamar de l'intérieur
Il est cité dans Plume d'or sous un manteau d'étoiles
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lundi, 17 février 2020
Confidence de Napoléon au cours d'un voyage en traîneau
Voici, tirée des mémoires de Caulaincourt, une confidence de Napoléon Bonaparte à lui-même, au cours d'un célèbre voyage en traîneau.
Suite à une tentative de coup d'Etat parisienne, l'empereur Napoléon et son Grand Ecuyer quittèrent la campagne de Russie et des milliers de soldats pris par l'hiver, sans nourriture, sans vêtements, chauds, pour traverser l'Europe à vive allure et regagner Paris. Quatorze jours en traîneaux qui firent et font encore jaser : un abandon épouvantable que Tolstoï raconte avec majesté dans La guerre et la paix. Jusqu'ici l'empereur demeurait sûr et certain de son jugement, de sa bonne étoile, de sa grande armée.
C'est au cours du voyage en traîneau, dans le froid et une certaine privation, qu'il commence, vaguement, par instants, à douter.
« Cette guerre de Russie est une mauvaise affaire, me dit l'Empereur, en me cherchant amicalement l'oreille pour me la tirer. Je me suis trompé, M. le Grand Écuyer, non sur le but et l'opportunité politique de cette guerre, mais sur la manière de la faire. Il fallait rester à Witepsk. Alexandre serait aujourd'hui à mes genoux. La séparation de l'armée russe, après le passage du Niémen, m'a ébloui. Les Russes n'ayant pu nous vaincre nulle part, et Kutusof ayant été imposé à Alexandre à la place de Barclay, qui valait mieux que lui, j'ai cru que des gens qui ne savaient pas se battre et un souverain qui se laissait imposer un mauvais général se décideraient à faire la paix. Je suis resté quinze jours de trop à Moscou. Le résultat fera dire que les Russes sont invincibles chez eux, à cause de leur climat, et on se trompera car, avec plus de prévoyance, si j'avais suivi mon premier plan, ils étaient perdus ».
Napoléon sur AlmaSoror :
Où il y a jugement, il y a injustice
Le lycée parisien, un personnage secondaire de choix
Exterminer avec compassion et pitié
La mort de Bismarck racontée par Bülow
1007-2007 : bourgeois, la fortune d'un mot
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dimanche, 16 février 2020
Rouge, rouge, rouge
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samedi, 15 février 2020
Où je m'achève, série culte II
Souviens-toi des anciens téléphones ! Souviens-toi des machines à écrire... Souviens-toi des cognacs au bord des fenêtres, quand les persiennes à demi ouvertes filtraient la suave couleur du couchant.
Souviens-toi du clavecin de Tante Martheline. Elle jouait chaque après-midi entre cinq et sept heures, seule, dans le salon de l'étage.
Souviens-toi des lettres oubliées, des lettres mortes, des lettres des amis de collège et des lettres des ancêtres, toutes lettres en vrac, sous la poussière du grenier.
Mais tu ne te souviens pas, tu ne pleures ni ne ris, tu marches. Tu attends. Concentré sur ton ordinateur, tu gobes les images et les mots de l'écran.
Lorsque Swann déserte la terrasse, que tu ne peux plus contempler ses mouvements gracieux, que tu baisses ton regard vers le flot de voitures qui s'écoule vers la banlieue, que le rock grégorien s'achève sur le bord du silence, alors tu éprouves, quelques instants, l'impression que tu pourrais recommencer à vivre ?
Mais tu sais, c'est juste que tu es un peu soul, un peu groggy.
Car tu viens d'avaler le deuxième épisode d'une série culte.
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vendredi, 14 février 2020
L'immanence des vents chauds
L'immanence des vents chauds m'élève dans les hauteurs d'une transe de sensations extraterrestres.
Oui. L'immanence des vents chauds.
L'excellence des cognacs approfondit l'amour qui m'unit à la Terre.
Oui. L'excellence des cognacs.
L'insolence des enfants adoucit la sagesse des vieillards endormis.
Oui. L'insolence des enfants.
L'indolence des ramages amollit mon corps mince vers la fin des jeunesses.
Oui. L'indolence des ramages.
L'évidence des adages guide mon esprit sage vers la haute convention.
Non. L'évidence des carnages.
L'immanence des vents chauds descend dans les entrailles d'une transe infraterrestre.
Oui. L'immanence des vents chauds.
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dimanche, 09 février 2020
Ma trompette fait la gueule
« Ma trompette fait la gueule. Alors je la laisse tomber et je bois. C’est dur d’être un musicien. On est des poètes du sable, à la moindre vague notre œuvre est détruite, effacée à jamais. On balance du vent dans les oreilles des gens et ils nous remercient en ne comprenant pas le fond de notre âme. On zone, on boit, on crève jusqu’à l’aube, on se réveille avec une mélodie qui pince le cœur. Alors on attrape la trompette, on souffle nos douleurs dedans et y’a un voisin qui crie : «Ta gueule ! » Mais on continue quand même.
La rue est belle, les poubelles aussi sont belles, tout peut être beau quand on a les yeux remplis de ciel. Ma musique, mon amour, tu m’entraînes loin des hommes, alors parfois je te hais. Puis je me souviens que si tu m’entraînes si loin des hommes, c’est pour m’emmener plus près des étoiles ».
Dernière lettre de Miles Yufitran – 24 décembre 2002
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