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dimanche, 23 août 2015

La première porte de garage

C'est la première porte de garage que je photographie (avec mon téléphone). Elle se trouve dans une toute petite commune au bord de l'Atlantique, en face de l'église (construite en 1200, modifiée en 1600, restaurée au début du XXème siècle), une toute petite commune, donc, dont les anciennes maisons ont été éventrées afin de construire un garage, dont les maisons neuves sont construites en intégrant un garage, bref, dans cette toute petite commune et dans celles qui l'entourent et dans tant de maisons de tant de villes le garage est roi.

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Du reste hier, c'est dans tout le département que nous avons pu contempler l'ère du garage, au cours d'un périple de 226 kilomètres dans la pauvre Vendée défigurée. Ronds-points, parkings, centres commerciaux, route à double, triple, quadruple voies, aires de stations services, hyper Us, super Us, Hypercasinos, garages, lotissements, ronds-points et parkings. Certes, les marais (et leurs avocettes) ; certes, le bocage (et ses faucons crécerelles) ; certes, son océan (et ses pélicans) ; certes, ses forêts (et leurs chevreuils) ; certes, ici et là, de jolies églises romanes ou de grands logis de maîtres. Certes, parfois, une vieille bourrine qui a oublié de mourir, qu'on a oublié d'assassiner.

Mais dans l'ensemble, ce département est celui du béton et du centre commercial, du parpaing et de la voiture. C'est sans doute ce qui en fait une terre d'asile si accueillante : le solde migratoire de la Vendée casse des briques. C'est un département pratique et le climat y est doux.

La vieille pierre souffre, par ici. La beauté du paysage aussi. Une sublime église romane ? Cent mètres plus loin, autour des chameaux et dromadaires martyrisés par le cirque Zavatta attachés sur un pré boueux et triste entouré de routes, on bétonne encore. Les grues dessinent de monstrueuses figures dans les champs de nuages, prêtes à recouvrir des lopins de terre de béton, de tôle et de parpaing.

Tout est si pratique et fonctionnel ici, que l'âme souffre d'une souffrance indicible, qui n'a pas encore de nom. Elle souffre dans ce monde très pratique comme une plante qui manque d'eau, comme un chameau captif d'un cirque ou d'un zoo, comme un enfant à qui l'on donne tout ce qu'il faut pour vivre - sauf l'amour et le rêve.

J'écoute une femme de 64 ans me raconter le pays de son enfance : là où elle faisait griller des crevettes pêchées sur la dune, il n'y a plus de crevettes ni de dunes, mais du béton. Là où les barrières de bois et les bosquets d'arbres dessinaient les frontières à l'intérieur du bocage, des quatre-voies, du barbelé, des hangars de tôle. Pas seulement ici, mais aussi là, et là-bas, et encore de ce côté. Cinquante ans d'enlaidissement systématique ont enrichi bien des gens et appauvri le bien commun aux hommes et aux bêtes : la beauté et la variété.

Commentaires

"Tout est si pratique et fonctionnel ici, que l'âme souffre d'une souffrance indicible, qui n'a pas encore de nom. "
Oui ! oui ! oui !

Écrit par : Martina Martina | lundi, 04 janvier 2016

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