Clemens rector (vendredi, 08 décembre 2017)
Mélodies grégoriennes de Guy de Lioncourt, vous couliez dans la pièce chauffée par un radiateur alors que la pluie tapotait la fenêtre. C’était par un jour de décembre froid et triste. Bertrand et Frédéric, jouaient silencieusement aux échecs à une table. Je les contemplais et ils m'ignoraient. La Normandie me paraissait une terre morose et familière. J’hésitais encore entre l’enseignement du saxophone ou celui de l’histoire et de la géographie. Cette question me causait des inquiétudes qui ne me font même pas sourire aujourd’hui, moi qui n’ai rien enseigné à personne. C’est une troisième voie qui m’a engloutie. Mon cousin chéri était seul, à l’Ouest de la France, dans un hôpital psychiatrique (mais était-il vraiment seul?) et tout ce à quoi j’avais cru, sur les plans politique et intellectuel, s’émiettait.
Tout cela était banal. Comme d’habitude, j’avais froid (car je suis maigre) et comme d’habitude, je regrettais atrocement les saillies et les bêtises que j’avais lancées la veille au soir, de ma voix mondaine, au cours de la soirée festive. Je ne peux parler sans l’aide d’un peu d’alcool mais après un seul verre je suis sous son emprise et cette emprise guide mes mots vers la vulgarité. Comme d’habitude, je décidais que jamais plus cela ne m’arriverait. Seize ans plus tard, je suis assise loin de la Normandie, près d’une autre fenêtre. Cette fois, il n’y a pas de cheminée au bois brûlant qui craquèle. Bertrand vit à Boston, je ne l’ai pas vu depuis six ans ; Frédéric est mort d’un accident de voiture quelques jours avant la date de son ordination sacerdotale. Melchior, mon cousin chéri, a changé d’hôpital psychiatrique. Et j’ai honte de ce que j’ai dit hier soir, dans ce lieu élégant où les soiries mêlaient leurs couleurs caressées par les lustres, sous l’emprise de deux verres d’alcool, deux verres bus pour pouvoir simplement parler et qui ont vulgarisé ma personnalité.
Tout cela est banal, aussi banal qu’il y a seize ans. J’ai trente-neuf ans, j’en avais vingt-trois. J’écoute encore les mélodies de Lioncourt et je lis toujours Tolstoï et Saint-François de Sales. Je me demande ce qui s’est passé réellement durant ces années. Un rêve de brume, une longue traversée du marécage des hésitations et des tentatives. J’ai toujours désiré pouvoir un jour enlever mon masque étrange et incertain.
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Commentaires
Le temps passe ainsi, dénué de sens, puis la mort survient. Et tout s'achève. Le sens est une illusion, à laquelle nous croyons parfois. La vie grouille et les êtres tentent d'êter plus qu'eux mêmes.
Écrit par : Joseph | vendredi, 08 décembre 2017
Feu du passé, cendres du présent.
Écrit par : AlmaSoror | samedi, 09 décembre 2017