samedi, 26 novembre 2016
Les silhouettes des fermes isolées
Écrire sans inspiration, sans envie, pour la simple raison qu’il y a des décennies l’enfant qu’on n’est plus a décidé d’écrire. Raconter n’importe quoi, comme cette mâchoire bloquée depuis quelques semaines. Une mâchoire qui se bloque le soir, demeure crispée toute la nuit, puis ne se desserre plus pendant les premières heures du jour. Je n’ai pas souvenir du premier jour de cette crispation qui empire.
Mâchoire serrée sur la route nocturne en Bourgogne. Le bitume dans la lumière des phares, les arbres le long de la route, les silhouettes des fermes isolées. Mon esprit liquide se coule dans la route, seules les mâchoires ne se coulent pas. Je me souviens d’autres routes, dans d’autres coins de France.
Mâchoire bloquée dans l’aube bleue des confins du Berry et de la Sologne, alors que tous les autres dorment. L’association vivra son assemblée générale tout à l’heure, pour l’heure, yeux clos, portes closes, rideaux tirés, persiennes fermées. La grande salle du petit-déjeuner n’est pas encore ouverte, j’ai faim, je contemple les armées de nuages qui passent au loin. Au-dessus des fils électriques, les passereaux dansent un ballet alors que les paquets de brume sombre ne se sont pas encore dissipés dans la lumière naissante.
Mâchoire contrainte dans cette petite gare perdue qui voit passer ses derniers trains. Bientôt, elle deviendra désaffectée, repère d’un maillage effacé par la rentabilité, repaire de fêtards lobotomisés par le tempo binaire des musiques abrutissantes, sur les bords des rails traîneront les restes de poudre de rails sniffés par les bienheureux temporaires. Le train s’arrête, trois passagers épars enjambent le marchepied, bientôt ce voyage là se fera en voiture, ou ne se fera plus.
Mâchoire fermée dans l’espace de méditation au fond de la banlieue mi-chic, mi-pauvre, sous la voix calme et monocorde du maître récemment converti mon corps se détend, sauf mes mâchoires qui ne se détachent pas l’une de l’autre. Que m’arrive-t-il ? Ce n’est pas grave. Personne ne le voit. Je fais illusion à tous, sauf à moi. L’éclat de mes yeux détourne l’attention, personne ne remarque l’étendue du blocage des joues. J’inspire, j’expire, doigts de yogi sur mes genoux, je repense à ma chienne qui savait courir comme une folle à la moindre occasion.
Où suis-je, à cet instant ? J’ouvre à peine les yeux. À la campagne, ou en pleine ville, je ne le sais pas encore. Des lectures anciennes, des odeurs nouvelles, un matin particulier au milieu d’une vie.
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mardi, 22 novembre 2016
Insomnia mundi
Le monde est insomnie. Musique, images immobiles, images mouvantes, danse des corps, logorrhées ordonnées, les arts puisent à la grande fatigue de ne pouvoir dormir. Le temps de la souffrance est irréductible, celui de la rédemption, imprescriptible. Perspicace, je ne me lasse plus des quelques vers de Baudelaire qui décrivent le lendemain de l'illusion. Chaque renoncement m'ouvre une porte de liberté. Demain, je serai loin.
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lundi, 21 novembre 2016
Le dernier mix
Dernier mix dans la petite ville de l'Ouest pour Siobhan H, qui quitte ce soir la côte par le train de nuit.
La deltaplaniste s'est envolée une dernière fois, il y a quelques instants, alors qu'un coup de tabac secouait la côte. Elle a emporté sa machine à mixer dans le ciel, pour un dernier opus qui mêlera, comme à son habitude, les cris des oiseaux, les sons du ciel, de la mer et de son vol avec les rythmiques lancinantes aux tempos chevauchés qu'elle affectionne. Pour ceux qui s'ennuient au boulot ou chez eux et qui en ont la possibilité, on peut se brancher sur Radio Apsyaï et suivre ainsi en direct sa création des hauteurs.
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mercredi, 16 novembre 2016
Ce sentiment
Tu as raison. Dès que le moral remonte, j'aime cet appartement qu'auparavant je haïssais. J'aime sa sombre ouverture sur une route passante, l'écrasement de ne pas voir le ciel, la longueur du couloir et la cour rectangulaire. Ce sentiment qui m'a plombée, qui pourrait trouver sa place dans le Dictionnaire des chagrins obscurs, se métamorphose en une sensation qui s'inscrirait sur la pierre ingravée des joies secrètes. Particulièrement quand la voix grave du chanteur nord-américain des années 1980, noyée dans des flux et des reflux de notes synthétisées, s'écoule comme un fleuve rauque dans l'espace du salon.
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mercredi, 09 novembre 2016
Les petits refus
Tous ces petits refus pour essayer de rester quelqu’un qui décide son destin.
Refuser d’être un numéro, un membre d’un troupeau, cela commence au magasin d’habits du Faubourg Saint-Antoine, quand la vendeuse goguenarde, qui vous a donné un numéro de métal « 2 » pour indiquer vous avez pénétré dans la zone d’essayage avec deux articles en vente, frappe à la porte : « mesdames, vous n’avez pas le droit d’être deux dans la cabine ». Indiquer à ma mère que je ne prends pas les chandails et sortir sur le champ du magasin.
Cela continue au Grand Magasin de la rue de Rivoli ou du boulevard Haussmann, où vous faites demi-tour lorsqu’on vous demande à l’entrée d’ouvrir votre sac et votre manteau.
Cela se poursuit lorsque vous refusez la promotion alléchante de la SNCF qui vous enjoint à acheter votre billet entre telle heure et telle heure pour bénéficier d’un rabais, ainsi vous affirmez votre désir d’un « juste prix ».
Il faut encore renoncer à regarder une vidéo si une publicité s’impose au commencement.
Tous ces renoncements aboutissent à une vie aride. Ils peuvent apparaître comme des caprices de mauvais coucheur. Ils forment la trame quotidienne d’une affirmation du statut de personne libre, digne de respect et de confiance.
Voter avec les pieds (détourner les talons quand on veut vous fouiller), voter avec l’argent (payer des objets dont on approuve le processus de fabrication), voter avec l’esprit, en opérant des choix qui ne suivent pas les règles que tout un chacun adopte par convention – voir tel film, se mettre en couple, détester tel personnage public -, bien sûr que cela ne sert à rien.
À rien d’autre que de se dire à soi-même : « tu vis ton aventure humaine parce que tu es libre et que ton cheminement, unique comme ton visage, vaut la peine d’être respecté ».
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mardi, 08 novembre 2016
Hors-piste
À notre époque « médiatique », il est difficile de penser par soi-même. Le commentaire médiatique s’impose et impose les sujets du jour, reléguant au domaine de l’ineptie ou de l’inexistence tout ce qu’il ne prend pas en charge.
Aussi, parler d’une littérature non médiatisée, c’est comme ne pas parler de littérature du tout aux yeux de beaucoup de gens, pour lesquels ce qui existe est ce qui est prescrit.
Les contre-cultures, sous-cultures et autres paracultures suivent elles aussi ce jeu de la reconnaissance, même si la médiatisation reste confidentielle et leurs aficionados, un cercle restreint.
Un peuple d’individus fichés par l’Administration, surveillés par le commerce (pistage des comportements sur Internet), dont les goûts et les couleurs sont guidés par l’appareil médiatique, voilà ce que nous ne voulons pas devenir.
Comment reprendre le pouvoir de penser par soi-même, de se créer ses propres idées sur le monde, de se balader à travers les forêts vierges d’œuvres non médiatisées ?
Il faut pour cela accepter la solitude mentale, une solitude si dure à vivre…
Être réduit au silence et à la sous-existence sociales, pour penser et choisir en conscience.
Sur cette route délaissée, méprisée, les rencontres sont rares, mais elles sont inoubliables.
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mercredi, 02 novembre 2016
Extrait d'une lettre trouvée dans une poubelle de ma rue
« Votre oncle jugeait chaque être humain sans aucune considération de nom, de diplôme, de statut, de style, de beauté, mais simplement comme un être immense, enfant unique et chéri de Dieu, qui accomplit son destin hors de toute sociologie. »
Cette lettre était déchirée, parmi tant d'autres lettres qui semblent dater de quelques dizaines d'allées, jetées là, dans un bac vert.
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lundi, 31 octobre 2016
Des flambeaux pour la Vierge Noire
Écoutez ! La Vierge Noire de Rocamadour est arrivée ! Elle est arrivée aux Sables d'Olonne.
Elle a fait bon voyage, sur un bateau à voiles, encadré par les pêcheurs sur leurs chalutiers ! Et pour l'accueillir à Notre-Dame de Bon Port, une procession l'attendait sur le quai Guiné.
La fanfare en habits, des sablaises et des sablais en costume traditionnel, coiffes et sabots, et puis les confréries, des étendards, les Chevaliers et les Dames de l'Ordre de Malte, des joueurs de cornemuse, et toutes les dames, tous les messieurs, tous les enfants portant des flambeaux, à travers la rue de la Patrie.
Et les prêtres en aube et messeigneurs les évêques avec leurs belles mitres et leurs crosses. Ô Vierge soyez reine chez nous... Soyez la bienvenue, reine noire d'Occitanie, dans notre petite ville maritime du Bas-Poitou.
Vous serez notre reine, vous convertirez nos cœurs, vous nous arracherez des larmes de tendresse. Regardez ces petits, avec leurs baskets et leurs maquillages d'Halloween, ils attendent, depuis plus d'une heure ils attendent, pour voir passer la procession et vous saluer, jolie petite Vierge portée en triomphe par un peuple infidèle et aimant.
Nous allons vous couronner, Ô notre reine, avec une couronne de verre pour vous, et une couronnette pour votre petit garçon, et vous ferez un miracle, encore une fois, s'il vous plaît ! S'il vous plaît !
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mardi, 25 octobre 2016
Ar c’hoad
Je m'éveillais en bordure de forêt. Des oies groupées se dandinaient vers un flot de lumière. Les âmes celtiques, près des fontaines druidiques, chantaient dans une langue que je ne connaissais pas. Oies spirituelles, guidez-nous vers les forêts de l'abondance et de la fidélité.
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jeudi, 20 octobre 2016
Inattendu d'automne
Je dois lui demander le code pour entrer dans l’immeuble où j’ai grandi et vécu jusqu’à 35 ans. Je passe devant le marronnier planté par mon petit frère lorsque il avait sept ans, marronnier toujours si chétif, à jamais maigre et nain, toujours si mignon, émouvant, dans le bac en bois qu’il avait construit avec le voisin qu'il admirait. Une douleur me perce le coeur. Derrière l’arbre-arbuste, nos fenêtres, et des rideaux blancs. Nos fenêtres ? Non, elles sont refaites, modernisées. J’aperçois dans l’ombre un bout de la pièce. Mon coeur pleure mais je ne ralentis pas le pas, je me détourne.
Je repars sans me retourner.
Je ne me retourne pas sur l'immeuble de Montparnasse comme la femme de Loth changée en pierre. Notre appartement est métamorphosé, donc il n’existe plus. Je savais bien que tout ce que nous avons aimé vivre là-bas n’a plus lieu, la joie des voisins, les dîners ensemble dans la cour, mais j’ai revu ce marronnier si particulier, qui n’est jamais devenu adulte et qui continue de vivre avec une tranquille obstination.
Si j’avais un enfant, est-ce que je l’emmenerais dans cette cour en lui disant, c’est ici, mon petit, c’est ici que j’ai grandi, aimé, souffert, pleuré, c’est à ce lieu que je me suis identifié, c’est ce lieu que je n’ai pas su quitter quand les gens de mon âge partaient vivre ailleurs, c’est de ce lieu qu’on m’a bannie, c’est ce marronnier que mon petit frère a planté. Ou bien est-ce que je lui dirai, c’est ici, mais ce n’est pas là. L'immeuble dont je te parle, n’existe plus que dans mon coeur. L’enchantement nous a suivi, l’enchantement est dans les rires d’aujourd’hui, dans ta main qui tient ma main.
Mais aucun enfant ne me tient la main.
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lundi, 10 octobre 2016
Octobre
Phot Lau
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vendredi, 07 octobre 2016
Immobile
Une vie, c'est à la fois une errance et une construction. Les deux vont de pair.
La vie, à la fois une apparence et une profondeur. Les deux se reflètent quelquefois, quand une eau trouble recouvre leurs surfaces.
Comment enregistrer l'expérience intérieure face à un soleil sur mer bleue ? En la vivant intensément, profondément, peut-être...
Et comment apprendre à aimer réellement la pluie, le froid et la grisaille ? Et le vide, et la lenteur, et l'attente et le rien...
Savoir demeurer immobile sans se figer.
L'immobilité est un équilibre endogène, tandis que la fixité n'est pas maîtrisée, mais subie. L'immobilité d'un être ne peut être parfaite, elle touche à la perfection.
L’immobilité est une quête, tandis que la fixité est un résultat.
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jeudi, 06 octobre 2016
Saul dans la ville atlante
Il sortit pour marcher dans l’air vivifiant de la nuit. A mesure que le grand ascenseur aux parois de verre descendait les quarante-deux étages, l’atmosphère s’épaississait et se chargeait de chaleur et de vie. L’air de la rue bariolée le gonfla de bonheur. Il suffoqua presque d’hyperventilation et se souvint que cela faisait quelques jours qu’il n’était point sorti, n’avait point aéré. Il reprit son équilibre et s’élança sur l’asphalte.
« Et voilà qu’un spleen se déverse sur la ville comme un vent léger. Je risque d’attraper le spleen ». Mais la ville l’attirait. Oublieux de sa santé morale il s’engagea gaillardement dans l’allée des Oliviers Grecs.
Saul pensait à son roman en cours : le style et l’histoire ne parvenaient pas à s’épouser.
A l’école, les professeurs avaient tellement répété des contraintes de style que Saul avait mis beaucoup de temps à oser écrire ce qu’il voulait. Parfois, seul dans sa boîte du 42ème étage, il prêchait aux professeurs et aux académiciens, gardiens de la culture et de la Beauté de l’Humanité :
Laissez la langue parler, leur disait-il, laissez-la inventer des mots, déborder de ses sens et de ses formes, s’enchevêtrer, laissez-la mourir un peu ici, se transformer là-bas, car ainsi et seulement ainsi pourra-t-elle porter nos doutes, nos peurs, nos rêves pour des siècles et des siècles. Laissez la langue se noyer dans sa propre beauté, s’étouffer dans ses propres pièges, mais laissez-là aussi se prolonger dans tous les sens, exprimer le neuf, l’ancien, l’inexprimable , porter nos rires, nos enthousiasmes, laissez-la se soulever, extravagante, ou bien se taire.
Mais la langue l’interrompait, frémissante, et le faisait taire par ses cris rauques : Je me noie dans mon insolitude, dans mon infirmance, faméliques paroles coulées de vos gorges baignées de peurs et de chaleurs vivantes, frémisseuses, amourantes, beauté des consumences du feu, qui pourra m’aliéner ? Mes amoureux me traduiront toujours, et les savants ne m’enchaîneront jamais, car les chaînages cliquètent comme de beaux bijoux exotiques, dictant de nouvelles façons de m’habiter, qui vous échappent, vous échappent, vous échappent.
Je suis la langue et j’habite dans vos bouches, dans vos rêves, je suis presque votre peau. Ne me méprisez jamais car j’exprime toujours, et vous possède toujours. Ne m’enchaînez jamais car j’en mourrai. Je veux qu’on m’invente sans cesse, se souvenant de mes plus vieilles perles et m’en créant de nouvelles.
Je suis la langue. Parlez-moi profondément du fond de vous-mêmes, parlez-moi et parfois… Taisez-vous… Taisez-moi et laissez-moi vous habiter, influencer vos rêves, déplacer votre intelligence. Laissez-moi pénétrer langoureusement tout votre corps et me répandre, couler en vous comme un fleuve, je suis lasse et m’ennuie enfermée dans vos cerveaux étroits. Laissez-moi descendre le long de votre cou, glisser dans votre dos ; je veux tomber dans vos fesses, rebondir, remonter dans votre ventre, emplir vos seins, votre poitrine, de mes milliers et mes milliers de mots, de sons, de plaintes qu’il ne faudra pas séparer, pas détacher, car ils ne sont qu’un souffle décliné cent mille fois.
Je veux être animale. Je vous offrais le flux et le reflux et le mouvement ; vous m’avez enfermée dans une cérébralité arrogante, inutile et monotone. Je voulais être le bel atour d’une animalité parmi tant d’autres, on a fait de moi le parangon de la différence humaine. Je veux me déployer, explorer vos corps, participer à la danse et réunir ce qui était séparé, classé, analysé.
Je suis la langue : dans l’ultime démonstration de ma splendeur, je vous ramènerai au bercail de la perfection innocente et vaste de l’animalité, loin de la Destruction.
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mercredi, 05 octobre 2016
Ancienne prière, prière vive
En ces temps où le Dieu des chrétiens a été enterré vivant sous des strates d'athéisme, on n'a pas toujours le cran de bigoter en se signant face à une église vide ou en récitant le Notre-Père avant d'entamer en compagnie un repas sans gluten dans un restaurant cher du onzième arrondissement de Paris.
Une tactique judicieuse consiste à le réciter en langage crypté. Les connaisseurs pardonnent, les béotiens se convertissent illico.
Voici par exemple :
Notre daron qui crèches au ciel,
que ton blase soit sanctifié,
que ton règne aboule,
que ton zirdé soit fait sur la basse comme aux Champs-Elysées.
Abèque aujourd'hui notre artie quotidien,
Scuse nos offenses, comme nous remettons l'ardoise à ceusses qui nous ont traités,
Ne nous asticote pas avec la tentation,
Et démaque nous du Mal.
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mercredi, 28 septembre 2016
Quatre gros livres près de la bouteille d'Armagnac
J'ai acheté il y a quelques années, dans une brocante des Sables d'Olonne, les quatre tomes des Mémoires du Chancelier Prince de Bülow, diplomate allemand, traduits par Henri Bloch. Ces mémoires s'écoulent de 1849 à 1819. Dans le second tome, le Prince y décrit un rassemblement patriotique organisé par les pouvoirs publics français au début de la guerre de 1914-18. Des ecclésiastiques de plusieurs confessions chrétiennes, de confession musulmane et de confession juive mènent en quelque sorte le bal. Décrivant cela, le prince regrette ensuite que les Allemands ne soient pas capables d'union entre catholiques et protestants même lors des combats au front.
Voici la description de la scène française :
« Pendant la Grande Guerre, on organisa à Paris une grande fête au Trocadéro. L'archevêque de Paris, un pasteur de l’Église réformée, un autre, luthérien, un rabbin et un iman prononcèrent des allocutions. Le public applaudit ces discours patriotiques ; tous les cinq vinrent devant la rampe ; l'archevêque au milieu tenait dans sa main droite celle du luthérien, dans sa gauche celle du calviniste, ce dernier avait pris le rabbin par la main et le luthérien, le musulman. Le public se leva et entonna la Marseillaise, ce chant de la guerre de la Révolution. Les ecclésiastiques sur l'estrade mêlèrent leurs voix à l'hymne ».
Cela n'a pas beaucoup de rapport, encore qu'il s'agisse des mêmes Mémoires, que cela rappelle la guerre... Un passage du premier tome m'avait déchiré le cœur. Car il faut le lire en sachant que le prince ignorait tout de ce qui se passerait des décennies plus tard... Un poème y est cité, l'air de rien, alors que le prince relate un déplacement de Guillaume II à Nuremberg.
« De Würzbourg on partit le 2 septembre 1897, jour de Sedan, pour Nuremberg.
Si quelqu'un doit connaître l'Allemagne,
Si quelqu'un doit aimer l'Allemagne,
On lui nommera Nuremberg, ville remplie des nobles arts.
Guillaume II avait un plaisir particulier à séjourner dans cette superbe ville ».
Je cherche l'auteur de ce poème, que j'aimerais connaître en entier. Une amie qui avait visité Nuremberg il y a quelques années me disait que les constructions du troisième Reich, gigantesques et magnifiques, y étaient à l'aube de la ruine, lieux maudits de cette ville désormais maudite, et que des fous romantiques les hantaient de leurs regards brûlants de rage.
Descendre l'escalier du passé jusqu'aux caves de nos mémoires perdues, par la lecture de textes d'époques, secondaires, oubliés, c'est s'autoriser à retrouver le fil d'une histoire interrompue par l'orage et la sidération intellectuelle qui l'a suivi.
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