dimanche, 21 août 2016
La croix de Belledonne
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lundi, 15 août 2016
Suspension
Un petite table demi-lune en bois brun, un sac à main bleu turquoise, un ordinateur portable ouvert à mes pensées profondes, dans un studio du douzième arrondissement de Paris ; mais c'est à la montagne que je pense, au chalet que je voudrais retrouver. À la musique de Terje Rypdal en boucle, au souvenir de ma chienne bien-aimée, partie depuis longtemps de l'autre côté du monde, par un weekend triste de novembre. Aux repas du crépuscule à contempler les nuages d'en haut, au désir de ne plus jamais redescendre, à ces bières grand cru qui accompagnaient les fromages du cru.
Mais c'est d'un studio du douzième arrondissement que j'écris. Comme si nos rêves trop frêles ressentaient trop de crainte de se réaliser. Ne veulent-il jamais devenir réalité ? Je me demande ce que pensent les rêves alors que la même musique de Terje Rypdal masque les bruits de la rue – le camion-poubelle de couleur verte, les livreurs énervés par la circulation, une nounou qui hurle au téléphone dans une langue d'ailleurs en poussant un enfant blond au regard perdu...
Entre ciel bleu et terre parisienne, ou plutôt, entre ozone pollué et béton armé, j'ose croire que mon état n'est que passager. Qu'un jour du futur, à nouveau de grands chiens qui marchent auprès de moi, à nouveau les sommets enneigés au grand soleil d'hiver, à nouveau une bière à l'apéritif dans mon chandail chaud, en sachant que le ciel de la nuit sera chargé d'étoiles constellées.
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jeudi, 11 août 2016
Luctisonus
Lugubre est ton concert a capella, chouette effraie. C'est celui que je veux entendre les mille derniers jours de ma vie, avant de rendre l'âme au vent, le corps au limon, ma voix au silence.
C'est ton hululement à l'orée des ifs obscurs que je veux pour dernières agapes sonores, et qu'à la fin de l'été, les grenouilles de l'étang le perturbent de leurs coassements, et qu'au seuil de septembre, le crapaud te réponde au bord du puits.
Il y aura des vignes descendant vers le ruisseau, une cabane à outil que la fouine investit, des enfants qui s'aventurent jusqu'aux portes de la chambre, attentifs et inquiets.
Je n'écrirai plus de poèmes, à l'étage l'ordinateur couvert de poussière aura cessé de bruire depuis longtemps. Je ne prendrai plus le train pour les dîners, les musées, les appels de la ville, retirée dans mon désert de boue, de flaques et de mousse, enveloppée dans un manteau de dépouillement.
Il y aura mon rire dans les regards des chiens, leurs gambades qui font fuir les chevreuils majestueux. Par les claires soirées de lune, un vol de canards au-dessus de la vallée.
Il y aura sa main à côté de la mienne, vieillies nos mains tremblantes et la bouteille de vieux vin sur la cheminée, qui attend patiemment le douzième jour d'avril pour s'ouvrir et livrer sa saveur trop longtemps enfermée.
Il y aura le souvenirs des mères, et des pères, imparfaits, qu'on craignait, qu'on aimait. Leur ombre tutélaires sur nos démarches, leurs sentences dans nos vieilles mémoires, leurs regards de lumière et d'ombre passés un peu au fond de nos yeux.
Il y aura, comme un goût de jeunesse enfuie, le souvenir des conflits, des réconciliations.
Entre le passage d'un chiffon sur une armoire et l'heure qui tourne à l'horloge paysanne, nos dons pour ceux qui nous survivent et se battent sur les routes du monde, nos prières, nos transmissions.
Je n'ai pas peur du noir qui te prendra, qui me prendra, un soir ou l'autre, à l'aube de l'hiver ou dans la saison chaude. Je n'ai pas peur du dernier regard, je n'ai pas peur du dernier souffle.
Il y aura ton cri luctisonus, chouette effraie, un sourire qui dit au revoir, une paix secrète qui descend l'escalier, le seuil de la mort.
Il y aura la naissance, qui clôt toute vie.
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lundi, 08 août 2016
Donzac (Gironde)
Zénith
Le silence et la vigne règnent sur les vallons dorés.
Une buse plane au-dessus de la parcelle de Brissette.
Un feu se distingue sur les hauteurs de Crâne.
Liane, en attendant ton raisin, tu t'enroules autour du fil,
Entortillement répété sur chaque pied -
Sarments chauds, serments-prisons.
Une camionnette traverse le champ labouré ;
Depuis deux siècles, le petit pâtre et son pipeau n'existent plus.
Nadir
Dans la nuit sur la vigne bourdonnent les grillons.
Les souriceaux pleurent leur mère dévorée par l'oiseau de proie.
La cendre au lieu-dit Crâne refroidit sous la Petite Ourse.
Liane, tu respires, tu bruisses dans le vent,
Enroulée aux fils du vigneron -
Feuilles fragiles, sarments éphémères.
Le tracteur dort dans la grange ;
Le descendant du petit pâtre envoie un mail à New York depuis son ordinateur.
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samedi, 06 août 2016
Les grillons
Le chant des grillons monte peu à peu. Un jour il finira par tout recouvrir : les voix des gens et les cris des tourterelles, la maison et les prés, le bois de Saint-Charlot. Je mourrai emportée par le chant des grillons, mon corps sans vie deviendra bourdonnement, il n'y aura plus que le ciel, la terre et des milliards de grillons ici-bas.
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Le craquèlement des sarments
C'était dans la souffrance d'une matinée de soleil. Les vignes immobiles recueillaient la lumière dans leurs feuilles ouvertes. Un sarment quelquefois craquelait dans la chaleur. Le ciel bleu et blanc s'étirait de vallon en vallon, caressant les parcelles inéquitablement. Le silence régnait sur ces terres. Même les oiseaux se taisaient.
Je fermai les yeux pour convoquer la mémoire de la ville, de ses bourdonnements, de ses cris, de son agitation perpétuelle. Je n'y parvins pas. Comme ses habitants, même ceux dont j'avais été le plus proche, la ville s'était presque effacée de mes souvenirs. Je n'avais plus de biographie. Mon corps seul vivait, au milieu de ce monde lent de la campagne profonde, en désaccord avec lui-même comme avec le paysage.
Combien d'années me restait-il encore à exister ? Cette question se mêlait aux senteurs des deux tilleuls qui bruissaient à midi devant la maison.
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mercredi, 03 août 2016
Fragment d'un rivage
« À cette heure là, Maremma est comme morte ; ce n'est pas une ville qui dort, c'est une ville dont le cœur a cessé de battre, une ville saccagée. Si on regarde par la baie, la lagune est comme une croûte de sel, et on croit voir une mer de la lune. On dirait que la planète s'est refroidie pendant qu'on dormait, qu'on s'est levé au cœur d'une nuit au-delà des âges. On croit voir ce qui sera un jour, continua-t-elle dans une exaltation illuminée, quand il n'y aura plus de Maremma, plus d'Orsenna, plus même leurs ruines, plus rien que la lagune et le sable, et le vent du désert sous les étoiles. On dirait qu'on a traversé les siècles tout seul, et qu'on respire plus largement, plus solennellement, de ce que se sont éteintes des millions d'haleines pourries. Il n'y a jamais eu de nuits, Aldo, où tu as rêvé que la terre tournait soudain pour toi seul ? »
Julien Gracq, IN Le rivage des Syrtes
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dimanche, 31 juillet 2016
Nocturne express
à Erika Noulste que j'ai quittée,
à Max Farmsen que j'ai laissé partir.
Aux amours mortes, qui nourrissent d'amertume nos parfaites solitudes.
Il ne faut plus penser au cargo mort. Tu n'es plus près de moi, posant ta main sur mon épaule quand sonne minuit. Tu n'es plus celui qui chante un vieil air de Bourgogne pour répondre aux grenouilles des trois mares. Il ne faut plus penser à l'amour mort.
Il faut rêver encore, malgré le jour gris qui se lèvera à grand peine au terme de cette nuit où brillent, à travers la brume, les Ourses, la grande et la petite. Du salon du second étage, me parvient la musique du miserere d'Allegri, celle que doit écouter le vieil oncle, le menton sur sa main, le coude sur son genou, presque endormi dans la grande bergère tapissée, comme il fait tous les soirs, à cette heure tardive. Il faut rêver encore aux rives bleues du Bosphore.
Nous ne sommes que deux au château. Plus de cousins, plus d'amis : c'est septembre. Plus de jeux, plus de cris. J'ai presque oublié la musique des villes et le son des routes qui y mènent. Je ne quitte plus le Manoir des trois mares. Il ne faut plus bouger. L'ennemi s'approche, les ministres tendent la main au nouveau maître pour de l'argent. Nous ne sommes plus que deux au château, les livres interdits dorment sous les marches de l'escalier, les deux fusils de l'oncle sont apprêtés, je lis un manuel militaire du temps jadis pour apprendre à tirer.
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lundi, 18 juillet 2016
Confidences de ce soir
Je suis née d'une mère folle qui regarde le film India Song en transe, durant des heures, en admirant les miroirs et les silences. J'ai vu les enfants goélands tenter leurs ailes dans des patios bleus aux saisons chaudes. J'ai compris mon destin en entendant des voix. À force de lecture et d'écriture, j'ai oublié les étangs, leurs grenouilles, leurs lentilles vertes.
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dimanche, 17 juillet 2016
Trajet
Le Trident du dimanche, poème partant en vrille.
Latitude, voyage visuel de basse qualité photographique
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samedi, 16 juillet 2016
Amer savoir, celui qu'on tire du palais !
(Tout ici-bas est initiatique)
Il y a quelques semaines, dans mon cher Carrefour Market du boulevard Castelnau des Sables d'Olonne où les produits locaux côtoient les journaux ni subventionnés ni côtés en bourse de l'extrême-gauche fidèle à elle-même, j'ai hésité de longues minutes devant le vaste rayon de bières et j'ai fini par choisir une bouteille que je ne nommerai point, que je goûtai le soir même et qui me laissa un goût amer inconnu dans la bouche. Je ne sais même pas si, buveuse invétérée que je suis, j'ai terminé la bouteille, méfiante, bien que séduite, ignorant si j'aimais ou n'aimais pas, croyant m'être trompée dans mon choix. Il se peut que j'aie jeté le quart restant du liquide dans l'évier, me disant que cela ferait du bien au tuyau (on le dit bien du marc de café). Comme la bouteille était belle, je l'ai gardée, qui me sert de carafe (d'eau) aujourd'hui.
Tout à l'heure, l'intérêt à nouveau suscité par ma jolie carafe au nom de bière, j'ai tenté de rechercher sur Internet quelle était cette bière, choisie avec tant de soin dans ce rayon d'un supermarché vendéen, bue avec tant d'appréhension voire de rejet. Eh bien, de l'avis des spécialistes, c'est un excellent produit, artisanal, amoureusement préparé, à l'occasion de l'anniversaire de création de la brasserie française dont elle provient, une entreprise de brasseurs éclairés, connaisseurs de leur métier, qui furent pionniers en agriculture biologique, qui cultivent eux-mêmes leur houblon, au lieu de l'importer comme l'écrasante majorité des brasseurs. Il a fallu me rendre à l'évidence. Quel que serait mon appréciation réelle de cette fameuse bière si j'étais connoisseuse, il reste évident que l'aspect « bizarre et inquiétant » de son goût ne m'est apparu que parce que mon palais biéral est phagocyté par le « goût industriel », celui là qui m'avait tant marqué à propos d'un « milk-shake » non loin du Panthéon, à Paris. Moi qui ai « découvert » le vin (que je buvais sans le connaître) à trente ans passés, à quoi cela m'a-t-il servi, scrogneugneu ? À trouver bizarre un goût artisanal que je n'ai pas appris à (re)connaître. Un peu comme un pompier qui regarderait une émission de télévision sur les pompiers et s'étranglerait devant les raccourcis et affabulations journalistiques, mais qui, la semaine suivante, avalerait un documentaire sur la Serbie sans aucun esprit critique.
Lorsqu'on se passionne pour un sujet – les langues, le vin, la poésie hongroise, le meuble artisanal, le manga, le chant grégorien, que sais-je d'autre -, le risque est, en même temps que l'on se perfectionne, de devenir une sorte de petit dictateur du goût, méprisant d'emblée ce que les non-initiés ont tendance à aimer, choisissant telle ou telle coterie de la « profession » et se ralliant à ses opinions en se croyant très indépendant. Cet orgueil du faux connaisseur, du demi connaisseur, cet orgueil qui ne pourrait jamais survivre à une vraie intelligence, à un vrai approfondissement, je l'ai connu une fois, au cours de mes études, et je me suis trouvée insupportable. Il n'était pas question de retomber dans le panneau avec le vin : avant même ma première dégustation, la vie m'avait déjà appris à mettre de l'eau dans les vins les plus sophistiqués. À présent que, grâce à cette bière, je suis ravalée au dessous du niveau de la mer de l'humilité, je me propose avec une certaine joie de faire le voyage qui me mènera à la science intérieure de la bière, celle qu'on ne peut atteindre ni en enfilant les bières grand public, ni en lisant les blogs de spécialistes, mais en buvant, à l'écart des condescendances, des bières choisies par intuition, et en tentant de me demander pourquoi je les aime et comment mon goût évolue, sans former de discours intellectuel sur la question. Je participe ainsi à ma mise en bière, mais c'est le cercueil de mon inconscience que je descendrai dans les terres fertiles et humides pour que prospère le houblon.
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vendredi, 15 juillet 2016
Horror
«Femme Narcès : « Comment cela s’appelle-t-il, quand le jour se lève, comme aujourd’hui, et que tout est gâché, que tout est saccagé, et que l’air pourtant se respire et qu’on a tout perdu, que la ville brûle, que les innocents s’entre-tuent, mais que les coupables agonisent, dans un coin du jour qui se lève ? »
Electre : « Demande au mendiant. Il le sait. »
Le mendiant : « Cela a un très beau nom, femme Narsès. Cela s’appelle l’aurore. »
(Jean Giroudeaux, in Électre)
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jeudi, 14 juillet 2016
Emersion
« Le siècle où une institution apparaît au grand jour, brillante, puissante, maîtresse, n'est presque jamais celui où elle s'est formée et où elle a pris sa force. Les causes auxquelles elle doit sa naissance, les circonstances où elle a puisé sa vigueur et sa sève, appartiennent souvent à un siècle fort antérieur ».
Fustel de Coulanges
(dont Ferdinant Lot disait qu'il était "une âme de feu dans une enveloppe de glace").
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14 juillet sur la côte
Ben oui, j'écoute du post rock ambient dans un appart sombre à quelques encablures de la mer bleu scintillante sous le ciel éclatant, une de mes phrases préférées lues sur Internet, c'est ça, « C’est comme tomber sur un disque des Thugs à l’Emmaüs de Saumur en fait, le genre de découverte qui donne tout son sens à l’ennui et à la glande ». Tant pis si tout ça tombe dans l'oubli un jour ou l'autre, je suis là, je savoure l'instant qui pétille, je le savoure à l'écart des bronzants de la plage et des bars du remblai. Pas de planche de surf ici, pas de poste radio, juste l'ordinateur qui devient psychédélique à force que son clavier soit touchoté par mes doigts, à l'ombre de la ville blanche et lumineuse. On ne voit d'ici que les voitures qui passent de l'autre côté du store et c'est un défi lancé aux silhouettes déshabillées qui luisent et profitent et tentent une démarche détendue, relaxée, pleine de bonheur. Mojito, je ne te bois pas, pas plus maintenant qu'hier, je n'ai pas besoin de toi pour danser dans la pièce quand je suis seule et que la vitalité explose en moi.
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lundi, 11 juillet 2016
Croisés et décroisés
Chers cousins qui vivez parmi les cèdres du Liban,
vous avez ces bombes qui explosent sur les ailes de vos palais ancestraux ; nous avons nos bombes intérieures qui font éclater nos familles dans nos appartements urbains. Vous avez les hurlements de vos enfants qui rendent l'âme. Nous avons le silence des nôtres qui ne trouvent plus leur âme. Vous avez vos champs d'oliviers sous la lune, vos prières catholiques pleines de foi à l'ombre des belles mosquées d'où partent les poisons qui vous exterminent. Nous avons nos rangées de platanes le long des autoroutes, nos divorces laïcs et nos tristes familles recomposées, mal recollées. Vous avez l'espoir, peut-être, d'un lendemain sans guerre, et le désespoir féroce des ruines fumantes, des corps calcinés. Nous avons le désespoir des paix vides, des démocraties creuses, et l'espérance criminelle d'une guerre qui nous ferait vous ressembler un peu plus. Ne nous en voulez pas si nous n'avons même plus la force de vous plaindre. Vous vivez des nuits rouges, des jours noirs, là où le soleil se lève ; nous attendons dans la blancheur des cœurs, sous la grisaille du ciel, car ni le jour ni la nuit ne flamboient plus où le soleil se couche.
Sincèrement, avec amour et impuissance,
Vos cousins de Montrouge et de La Roche sur Yon
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