Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 02 octobre 2015

La nudité

 

Il m'est devenu difficile de m'exprimer depuis que je suis très heureuse. Les secondes passent, mon bien-être varie mais demeure et se déploie. Les perceptions agréables et les sentiments de bonheur se succèdent et ne se ressemblent jamais comme deux gouttes d'eau. J'ai perdu toutes les motivations qui me tenaient et me tenaillaient auparavant : réussir aux yeux des autres, cacher ma honte, ne pas montrer mes failles réelles. Ces motivations occupaient la plus grande partie de ma vie mentale et de mes actions quotidiennes. Depuis que mon bonheur les a chassées, une certaine indécision habite les instants de ma vie, une indécision douce, agréable, comme un vent tiède qui soudain souffle sur notre visage et suspend quelque temps l'activité en cours. J'éprouve tant de plaisir que les quelques sensations d'inconfort qui font effraction dans ma vie, par l'effet de surprise et de changement, deviennent eux-aussi source de plaisir ! Aussi, des jours entiers passent sans que je me départe d'une bienheureuse joie d'être vivante et de ressentir ce que je ressens.

Ce bonheur n'affecte pas que ma vie sensorielle : mes pensées, devenues à la fois plus structurées et plus délicates, m'apportent des satisfactions intéressantes ; elles sont suivies par des plages de silence mental au sein duquel ma concentration physique naît. Alors, j'accomplis les tâches nécessaires avec une sérénité fluviale.

Que m'apporte ce bonheur ? Une décontraction agréable, une concentration efficace, une énergie éclatante, ainsi que la possibilité de tenir ma parole, vis-à-vis de moi-même comme vis-à-vis des autres. Les séquences de vie défilent comme un film mais j'y ressens vibrer chaque parcelle de ma chair, je suis le poisson dans l'eau, je suis l'eau pleine de poissons.

À chaque instant, les sirènes du malheur chantent leur envoûtante mélopée. Elles veulent que je les rejoigne, elles ne supportent pas d'avoir été quittées.

Je l'avoue, mon bonheur est si grand, si beau, si pur que son immensité parfois m'effraye : alors les tentacules de la douleur chronique deviennent si tentantes que je ne sais même pas comment ne pas succomber à leurs désirs d'étreintes.

Pourquoi toujours la souffrance me tente comme le serpent tenta Eve au paradis ?  Ne sais-je plus qui je suis dans cette vie transformée en fontaine de bonheur, de joie et de beauté ?

 

jeudi, 01 octobre 2015

Aurore

 

Tu pars. Tu cries, tu ricanes, tu caches ta souffrance derrière la haine.

J'ai eu des insomnies, des tapages intérieurs, des hurlements assourdissants et des plages de vide. Je reste seule, et j'apprends à mixer.

Une chose est sûre, la vie s'écoule, mais comme je mixe, je peux suspendre l'instant. Suspension dans le temps d'un espace, d'une présence. Distorsion d'une seconde agréable pour effacer les mille secondes déplaisantes qui la précèdent. Jouer avec les signaux de la couleur sonore, de la couleur visuelle, décupler leurs effets sur les tympans, sur la rétine et sur la peau.

Si je meurs (si tu meurs), tu ne m'auras jamais revue, sereine, sous un ciel quotidien du printemps.

Qu'importe ? Disparues les illusions du temps et de l'espace, demeure la rencontre qui a lieu entre deux âmes qui ne s'étaient choisies que dans l'obscure chambre de l'Inconscient, et qui s'étaient subies durant de longues années de soutien mutuel et de féroce envie de destruction.

J'aurai peut-être un jour quarante ans. J'aurai peut-être, un jour encore plus lointain, un visage entièrement ridé. Des enfants partent avant l'âge de sept ans, ils n'ont donné que le meilleur. Ceux qui grandissent et vieillissent augmentent leurs chances de décadence.

J'écrirai peut-être un jour, j'ai eu quarante ans, et cela me paraîtra jeune, comme aujourd'hui trente ans me paraît jeune – mais je me souviens que j'hallucinais d'être aussi âgée.

Je n'ai plus qu'un désir : ne plus avoir de problème. Vivre au bord d'une fenêtre ouverte sur la nature sauvage, écrire des poèmes sur un ordinateur et cuisiner des clafoutis d'été, des pains d'automne, des ragoûts d'hiver et des salades de printemps.

Un enfant et un chien qui jouent pour toujours sur un coin de neige ensoleillé : c'est ma grande espérance. Un temps suspendu, des sons étirés, des jeux d'ombres sur la pente, un mix parfait.

 

mercredi, 30 septembre 2015

Après la pluie le beau temps

20150916_130928.jpg

20150916_185208.jpg

Vivre et regarder vivre, ou bien s'asseoir à côté d'une fenêtre.

En quelques heures, la situation a entièrement changé ; l'inspiration n'est pas la même. La motivation morte est ressuscitée.

Climats de mon cœur, de quoi dépendez-vous ?

Vous dépendez peut-être d'un sourire reçu, d'une promesse tenue - mais surtout à soi-même. D'un reflet dans la vitre, d'un clafoutis aux pruneaux, d'une tendinite qui s'achève.

Vous dépendez sûrement des rêves des enfants que l'on fut, que l'on fera peut-être, peut-être pas.

En quelques heures, le mal de vivre est résolu, par le miracle de la lumière. Pourtant, parfois, blessée par le soleil, c'est la pluie qui m'a ramassée à la petite cuillère.

mercredi, 23 septembre 2015

Un abécédaire

 

Air, celui qu'on respire et celui qu'on sifflote.

Bien-être au quotidien, au moins la plupart du temps.

Calme du cœur, cœur à l'ouvrage.

Dormir quand j'en ai envie.

Élire ceux que je côtoie

Faire la cuisine

Garder les brebis de mon âme

Holistique ma vision du monde

Immensité des étendues naturelles et culturelles

Jouer avec les chiens

Kiko, mon premier bébé

Lumière par la fenêtre, sur la table, sur ta peau

Marées de l'espérance et de l'attente

Naître à chaque étonnement

Ordinateur, compagnon de création et de pensée

Prières le long du jour

Qualité de vie, présence au monde

Rester l'enfant fragile, têtu et tendre (ou bien le devenir)

Saluer ceux qui partent

Tendre le visage vers d'autres êtres

Unir les forces contraires dans un but magnifique

Vent, tu m'enivres

Wagon-restaurant avec vue sur la campagne à perte de vue

Xénon aux lueurs bleues dans mes rêves d'insomniaque

Yi King, grand explicateur des mutations

Zénon, pour la mathématique et les paradoxes qui traversent le temps

 

lundi, 14 septembre 2015

Si je perds ma douleur, que me restera-t-il ?

sables d'olonne

L'amour, l'éclat de rire et la joie du silence.

jeudi, 10 septembre 2015

« Les châteaux rêvés sont les seuls habitables »

Comment savoir si on se ment ? Comment connaître nos rêves profonds ? Comment trouver le moyen de les accomplir ? Comment vivre sa passion, réaliser son rêve - que ce soit l'écriture ou la nature, le sport ou la musique, les animaux ou la prière...

Maurice Maeterlinck écrivait que « Les châteaux rêvés sont les seuls habitables » .

 

I

Pour vivre sa passion et accomplir ses rêves, le chemin le plus évident, c'est de vivre de sa passion, de faire de son rêve son travail. Si l'on y parvient, le risque est qu'ils perdent peu à peu leur aspect passionnel et rêveur à force d'être organisés d'une manière rentable. Pour rendre possible un mode de vie, on essaie de le rendre rentable. Mais si le possible permet le rêve, le rentable le recouvre petit à petit de lourdeur.

Dans les yeux des surfeurs sponsorisés, des apnéistes qui tournent des publicités, des musiciens qui passent à la radio, des alpinistes qui donnent des conférences, des écrivains qui font des résidences d'écriture, on voit parfois passer une lueur qui ressemble au désespoir. La lueur noire d'un rêve enchaîné à la réalité, d'une passion adaptée à la société.

Que reste-t-il du rêve originel ? De même qu'à la sortie de la messe dans les beaux quartiers, l'on voit plein de familles très esthétiques avoir l'air très heureuses, de même sur les estrades des festivals qui célèbrent la culture et la nature, brillent des hommes et des femmes qui attisent l'admiration en ayant l'air libres et vivants.

Toute la magie du monde est contenue dans le silence (peut-être). Tout le bonheur de vivre a lieu à l'extérieur des regards (peut-être). Toute la liberté des hommes est contenue dans leurs absences (peut-être).

 

II

Le rêve devenu réalité, il étouffe, comme n'importe quelle réalité. Le rêve est une porte de sortie imaginaire ; rendre réel un rêve est illusoire. Personne ne vit ses rêves, sauf en fermant les yeux. On ne vit que sa vie. Alors plutôt que de vivre ton rêve, rêve-le, et plutôt que de rêver ta vie, vis-la. Car ainsi ton rêve sera rêve et ta vie sera vie, ils ne seront pas diminués l'un par l'autre. 

Selon Saint Anselme, la foi et l'intelligence se cherchent mais ne peuvent se confondre ni se mêler, car elles sont distinctes dans leurs essences, dans leurs origines et dans leurs fins, même si elles marchent ensemble vers un même but. De même, le rêve aide la vie, la vie aide le rêve, mais leur fusion est impossible. Par essence, la réalité n'est pas un rêve, par essence, le rêve n'est pas réel (à moins de changer la définition de ces mots). Tenter de rendre le rêve réel est illusoire. Comme toutes fusion entre deux entités distinctes, la fusion de ce couple ne peut aboutir qu'à une rupture pleine de haine et d'amertume. Rêve et vie créent ensemble une existence... mais ne font jamais UN.

Nous cherchons la consolation (du latin con-solus, rendre UN), la ré-union, la cohérence (du latin co-haerens, tenir ensemble), nous cherchons la noyade dans le tout. Mais tant que la mort ne nous l'offrira pas, cette quête est vouée à rester inassouvie.

Et peut-être même que la mort, cette faucheuse qui nous offre le dernier baiser, peut-être même qu'elle ne nous accorde pas plus de fusion que la vie. Peut-être que malgré toutes nos espérances, nous restons un et seul après sa caresse létale. 

 

Sur AlmaSoror :

Narcose

Pourquoi écrire ?

Traversée du bitume

La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

Marquetingue

Quelques canettes de bière

La rencontre du car

 

mardi, 08 septembre 2015

Questions qui se posent entre deux hivers

20150108_143131.jpg

Pourquoi ne pratiques-tu pas un sport extrême ?

Est-ce que quelqu'un qui se possède entièrement lui-même désire encore posséder quelque chose ici-bas ?

Est-ce que quelqu'un qui se connaît en profondeur désire encore obtenir la reconnaissance des autres ?

Est-ce que quelqu'un qui ne craint pas la mort ni la solitude, peut encore avoir peur de son prochain, d'une administration ou de la banque ?

lundi, 07 septembre 2015

Un vieux poème twitté

Mémoires de tweets lancés dans la marée cageuse twitosphère au mois de mars 2012 par @EdithdeCL

 

Je vous salue du fond du cœur et de ma cour de Montparnasse...

Poussière et silence s'enlacent au creux de l'aube ; une machine à écrire gît sous le lit. Le café fume ses odeurs noires et douces.

La journée fuit, le soir descend. Violon oriental et harpe celtique en songeant à celle qui dort là-bas. Qui sait encore écrire une lettre ?

Je ne radote pas. Passe la porte du rêve-réel et vois comme la lumière est puissante et délicate. L’insolation, même l’hiver ! par le rêve..

Hector, qui es-tu ? Je ne suis pas Hécube. Nul ne t'a connu. Nul ne t'oubliera. Les fulgurances de ton existence dissolvent les horizons.

Hector nous oublie. Il s'en va vivre une autre vie, au large des rives du temps. Moi, je bois un café noir et j'attends le vent.

Je suis restée près de toi une heure, devant ton visage immobile, qui mouvait autrefois, la nuit, entre deux insomnies…

...quand tu fumais la nuit dans l’entresol entre la cuisine et la cour. Le hamac se balançait dehors. Un verre du soir traînait encore.

La syrah et les roses parfumaient l'air, les cigales s’étaient tues. Ton visage avait gardé quelque chose de l’enfance et tu me fascinais.

La pluie et le sommeil entrecoupaient les conversations silencieuses.

Le fil des jours se dévidait mêlant coulisses et mélancolie dans une histoire qu’on a défait depuis.

Je ne sais même plus parler le wolof et toi tu as oublié le patois vendéen. Mais j’ai gardé ta succulente recette du Sam-à-Dieppe.

Dylan, tu nous donnais la rousseur des soleils, la douceur des enfances.

Dehors la rivière clapotait. Tu faisais la sieste. Dans la pièce à côté j’écoutais Anouar Brahem et son Astrakhan en buvant un café brûlant.

Était-ce à Brétignolles sur Mer ? Tu as vu la mer pour la première fois. Toi, le fils de la vague et le pupille de la nation.

Avec Emmanuelle de Pierre Bachelet, tu apprenais la musique du désir. Et tu te mettais au piano et à la harpe celtique pour chanter les baleines.

Ton verre de jus de pomme, mon verre de Rasteau, Crin Blanc à l’écran. Tu rêvais de chevaux sauvages et je rêvais d’enfances lointaines.

Il pleut des enfants dans le cœur des grands. Je te donne cette force que tu me prêtes, je te prends cette innocence que je te prête.

La rage invaincue reflue parfois en vague ravageuse, mais je reste ancrée au monde. Peut-être grâce à toi ?

Je cherche mon rêve à travers les doigts écartés de mes mains. Je cherche mon rêve tout le long du jour.

J'avais promis de te suivre au jusqu'au bout de ton enfance.

Je te lisais Kropotkine et Swedenborg à voix haute pendant que tu dormais. Les chiens somnolaient dans ta chambre d'enfant.

La dernière brume flotte encore, les gouttes de pluie ne fondent plus. L'aube exige un deuxième tweet.

Le soleil éclaire ta moitié de rue. La mienne boit vos ombres, à toi et tes frères.

La rousseur des soleils, la douceur des enfances, la journée qui m’attend derrière la porte.

C'était le dernier matin glacé avant les torpeurs : une écoute de rock, le café fumant, l'hiver par la fenêtre.

Alors à l’orale heure des aurores l’on oyait ora et labora

 

samedi, 05 septembre 2015

Vision d'un instant

Brouiller les pistes et laisser le sable, la neige, la poussière, recouvrir la trace de nos pas perdus. Avec cette élégance qui consiste à ne peser sur personne et à relever les événements par une épice d'humour, ouvrir quelques fenêtres sur des paysages neufs.

Vivre, penser, mourir, ressentir, tout cela dans le désordre.

Un morceau de heavy métal pour toi, un chant grégorien pour moi. Aucune guitare ne nous manquera plus au paradis des amants mal assortis.

Des enfants autour de nous, qu'on ne ferait jamais souffrir.

Un monde sans médias. Un monde sans administration. Un monde sans meurtre.

vendredi, 04 septembre 2015

Rien que pour aujourd'hui...

 orteaux1.jpeg

Les Orteaux Photo Lau

 

Ma vie n’est qu’un instant, une heure passagère
Ma vie n’est qu’un seul jour qui m’échappe et qui fuit
Tu le sais, ô mon Dieu ! pour t’aimer sur la terre
Je n’ai rien qu’aujourd’hui !…

Oh ! je t’aime, Jésus ! vers toi mon âme aspire
Pour un jour seulement reste mon doux appui.
Viens régner dans mon cœur, donne-moi ton sourire
Rien que pour aujourd’hui !

Que m’importe, Seigneur, si l’avenir est sombre ?
Te prier pour demain, oh non, je ne le puis !…
Conserve mon cœur pur, couvre-moi de ton ombre
Rien que pour aujourd’hui.

Si je songe à demain, je crains mon inconstance
Je sens naître en mon cœur la tristesse et l’ennui.
Mais je veux bien, mon Dieu, l’épreuve, la souffrance
Rien que pour aujourd’hui.

Je dois te voir bientôt sur la rive éternelle
O Pilote Divin ! dont la main me conduit.
Sur les flots orageux guide en paix ma nacelle
Rien que pour aujourd’hui.

Ah ! laisse-moi, Seigneur, me cacher en ta Face.
Là je n’entendrai plus du monde le vain bruit
Donne-moi ton amour, conserve-moi ta grâce
Rien que pour aujourd’hui.

Près de ton Cœur divin, j’oublie tout ce qui passe
Je ne redoute plus les craintes de la nuit
Ah ! donne-moi, Jésus, dans ce Cœur une place
Rien que pour aujourd’hui.

Pain vivant, Pain du Ciel, divine Eucharistie
O Mystère sacré ! que l’Amour a produit…
Viens habiter mon cœur, Jésus, ma blanche Hostie
Rien que pour aujourd’hui.

Daigne m’unir à toi, Vigne Sainte et sacrée
Et mon faible rameau te donnera son fruit
Et je pourrai t’offrir une grappe dorée
Seigneur, dès aujourd’hui.

Cette grappe d’amour, dont les grains sont des âmes
Je n’ai pour la former que ce jour qui s’enfuit
Ah ! donne-moi, Jésus, d’un Apôtre les flammes
Rien que pour aujourd’hui.

O Vierge Immaculée ! C’est toi ma Douce Étoile
Qui me donnes Jésus et qui m’unis à Lui.
O Mère ! laisse-moi reposer sous ton voile
Rien que pour aujourd’hui.

Mon Saint Ange gardien, couvre-moi de ton aile
Éclaire de tes feux la route que je suis
Viens diriger mes pas… aide-moi, je t’appelle
Rien que pour aujourd’hui.

Seigneur, je veux te voir, sans voile, sans nuage,
Mais encore exilée, loin de toi, je languis
Qu’il ne me soit caché, ton aimable visage
Rien que pour aujourd’hui.

Je volerai bientôt, pour dire tes louanges
Quand le jour sans couchant sur mon âme aura lui
Alors je chanterai sur la lyre des Anges
L’Éternel Aujourd’hui !…

 

Sainte Thérèse de Lisieux, le premier juin de l'an 1894

 

Extraits dits par Michel Lonsdale :

jeudi, 03 septembre 2015

Marketingue

 

Tu t'es baigné dans l'océan au soleil couchant ce soir, mais tu n'as pas de compte facebook pour le partager avec tes centaines d'amis.

Personne ne te regardait. Personne ne sait que tu as connu des sensations merveilleuses quand ton corps est entré dans l'eau. Si tu te pinces pour savoir que tu existes, tu ressens une légère douleur au bras, preuve que tu existes en effet au moins un petit peu. Tu détiens une carte d'identité qui prouve que l’État, possesseur et dominateur de tout ce qui bouge, reconnaît ton existence : tu existes encore un peu plus. Mais tant que tu n'auras pas marketé ton bain dans l'océan, et le porto qui l'a suivi et les conversations sympathiques qui ont accompagné le porto avec ces trois hommes appuyés sur leurs planches de surf, ton expérience n'aura aucune retombée sociale positive pour toi.

Pourquoi ne markètes-tu pas ta vie, d'une manière fine et intelligente, sans en avoir l'air, dans ta conversation au jour le jour et sur tes réseaux sociaux ? Par une sorte d'abstinence ? Parce que tu crois que tu abaisserais ton âme à faire semblant de ne pas faire exprès de faire souffrir les autres ? Faire souffrir en étalant ton entourage chaleureux, tes mignons enfants, tes connaissances culturelles et scientifiques, ta pensée radicalement engagée au service des causes justes, ton art de vivre de multiples bons moments dans la vie quotidienne, ta capacité à mener des projets au long cours, ton sens de l'humour, ton sens du partage, ton originalité exceptionnelle bien sûr mais aussi ta fabuleuse capacité à cocher toutes les cases de la réussite sociale, et enfin, ce détachement qui te caractérise et qui te rend capable de communiquer aussi avec le clochard ou l'ermite.
Pourquoi cette abstinence, as-tu peur qu'à force d'interpréter ta vie en public, cette interprétation à son tour influerait ta personne, et te ferait dériver, t’éloignant de toi-même sans que tu en prennes pleinement conscience ?

Le marketingue a envahi presque toutes les parcelles de notre monde mental partagé.

Il ne s'agit pas tant de créer la haine que de susciter l'envie, non cette envie qui galvanise, mais ce désir déjà perdant d'être l'autre, comme l'autre, d'avoir ce qu'a l'autre, de monter à sa hauteur ontologique.

Peut-on faire naître l'amour et l'admiration sans attiser l'envie maladive, peut-on aviver chez l'autre la confiance, le contentement d'être soi, ici et maintenant, tel qu'on est et avec ce qu'on a ? Peut-on provoquer chez autrui, par un acte, par un mode de vie, la paix avec la vie accomplie et envers celle à venir ?

Oui, peut-être, mais en dehors de tout discours sur soi.

Ne marketer ni son bonheur, ni son courage, ni sa peine.

De ce que je lis, partout et tout le temps, tous les discours sont faux. Les discours estampillés authentiques sont de l'authenticité marketée. Voici un homme qui markète son expérience d'isolement dans une plaine perdue de Sibérie. Voici un autre qui markète son cheminement auprès des grands maîtres bouddhistes. Voici encore un autre qui markète le fait d'avoir plaqué son placide et monotone boulot dans un bureau pour courir les hautes montagnes. Voici encore cette dame qui markète sa formidable résilience après avoir découvert la maladie grave de son petit. Tous discourent sur le sens de l'humilité, la quête de l'absolu, la prise de liberté par rapport aux carcans de la vie dans un pays trop calibré, la souffrance intime et son dépassement. Leurs phrases dites et écrites, émoustillent les sponsors, galvanisent les personnes assoiffées de sens, et voilà qu'on murmure leurs noms dans des cercles de plus en plus larges : c'est la reconnaissance des autres qui commence.

Drogue dont on sort très difficilement : l'addiction à la reconnaissance des autres. La souffrance sociale, on peut le mesurer avec des observations cérébrales, active les mêmes zones que la souffrance physique. Il est tentant d'en conclure que la jouissance sociale procure un vrai plaisir au corps. (Du reste, où-peut on éprouver du plaisir ailleurs qu'en notre corps ? Penser, ressentir, sont des activités que l'on ne ferait pas sans corps).

 

A lire (en anglais) sur The Edge : SOCIAL PAIN

 

mercredi, 02 septembre 2015

Arzel ou les sensations de la vie quotidienne

La narration prend toute la place dans nos vies mentales et dans la manière dont nous communiquons avec les petits enfants, et pourtant, certaines choses de l'expérience vécue ne sont pas faciles à narrer.

Ce défi nous poussa (Sara et moi) à créer une petite collection pour tenter de mettre en scène, sans trop perdre de pouvoir sensoriel, les sensations de la vie quotidienne. 

Nous avons créé un petit personnage, nommé Arzel.

Les deux premiers titres de cette collection sont sortis aux éditions La joie de lire : Le vent et Le rêve.

vent.jpg

rêve.jpg

Dans le premier, Arzel découvre la force du vent, qui nous enivre et nous fait quelquefois peur.

Dans le second, Arzel s'adonne à la rêverie au bord d'une fenêtre.

C'est la simplicité de ces expériences : se laisser aller à rêver, jouer dans le vent, que nous nous sommes efforcées de mettre en scène, en les épurant de toute narration superflue.

Quelques phrases, quelques images, pour laisser parler le vent et le rêve.

D'autres titres sont en attente... Arzel éprouve tant de sensations tous les jours de sa vie, dans les moments les plus banals en apparence...

LeVent_Il_court.jpg

vendredi, 28 août 2015

Amalgame salvateur

Sérénité et combat : comment les allier ? La sérénité totale face à tout événement de la vie et face à la mort EST mon combat.

Nuits traversées de crises d'angoisse, aubes troubles, escalade des pentes du moral, contemplation du vide, navigation vers un cap, surveillance des phares, observation des étoiles, et, quand le capitaine du navire de mon esprit baisse la garde, quelques intuitions qui m'éclairent comme la parole d'un dieu oublié, mais tangible et bienveillant.

2015.08.20.LS24.jpg

photo Sara

Sur nos terres inaliénables d'AlmaSoror :

La métamorphée

Leurs visages, leurs nuques

La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

 

mardi, 25 août 2015

25 août 1270

saint-louis, louis IX, saint-antoine des quinze-vingt

Phot Sara - Saint-Antoine des Quinze-Vingts

 

dimanche, 23 août 2015

La première porte de garage

C'est la première porte de garage que je photographie (avec mon téléphone). Elle se trouve dans une toute petite commune au bord de l'Atlantique, en face de l'église (construite en 1200, modifiée en 1600, restaurée au début du XXème siècle), une toute petite commune, donc, dont les anciennes maisons ont été éventrées afin de construire un garage, dont les maisons neuves sont construites en intégrant un garage, bref, dans cette toute petite commune et dans celles qui l'entourent et dans tant de maisons de tant de villes le garage est roi.

20150823_172700.jpg

Du reste hier, c'est dans tout le département que nous avons pu contempler l'ère du garage, au cours d'un périple de 226 kilomètres dans la pauvre Vendée défigurée. Ronds-points, parkings, centres commerciaux, route à double, triple, quadruple voies, aires de stations services, hyper Us, super Us, Hypercasinos, garages, lotissements, ronds-points et parkings. Certes, les marais (et leurs avocettes) ; certes, le bocage (et ses faucons crécerelles) ; certes, son océan (et ses pélicans) ; certes, ses forêts (et leurs chevreuils) ; certes, ici et là, de jolies églises romanes ou de grands logis de maîtres. Certes, parfois, une vieille bourrine qui a oublié de mourir, qu'on a oublié d'assassiner.

Mais dans l'ensemble, ce département est celui du béton et du centre commercial, du parpaing et de la voiture. C'est sans doute ce qui en fait une terre d'asile si accueillante : le solde migratoire de la Vendée casse des briques. C'est un département pratique et le climat y est doux.

La vieille pierre souffre, par ici. La beauté du paysage aussi. Une sublime église romane ? Cent mètres plus loin, autour des chameaux et dromadaires martyrisés par le cirque Zavatta attachés sur un pré boueux et triste entouré de routes, on bétonne encore. Les grues dessinent de monstrueuses figures dans les champs de nuages, prêtes à recouvrir des lopins de terre de béton, de tôle et de parpaing.

Tout est si pratique et fonctionnel ici, que l'âme souffre d'une souffrance indicible, qui n'a pas encore de nom. Elle souffre dans ce monde très pratique comme une plante qui manque d'eau, comme un chameau captif d'un cirque ou d'un zoo, comme un enfant à qui l'on donne tout ce qu'il faut pour vivre - sauf l'amour et le rêve.

J'écoute une femme de 64 ans me raconter le pays de son enfance : là où elle faisait griller des crevettes pêchées sur la dune, il n'y a plus de crevettes ni de dunes, mais du béton. Là où les barrières de bois et les bosquets d'arbres dessinaient les frontières à l'intérieur du bocage, des quatre-voies, du barbelé, des hangars de tôle. Pas seulement ici, mais aussi là, et là-bas, et encore de ce côté. Cinquante ans d'enlaidissement systématique ont enrichi bien des gens et appauvri le bien commun aux hommes et aux bêtes : la beauté et la variété.