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dimanche, 05 avril 2015

Au contre-fil des mois

Aujourd'hui, offrons-nous un petit voyage dans le temps almasororien, en extrayant de la nasse d'articles un billet de chaque mois de son existence.

2015

Mars  : Blue note, Ô lumière de la vieillesse

Février : Le fils de Dieu, l'horloge et l'église

Janvier : Clair-obscur à Alma-Ata

2014

Décembre : La sonate du remords

Novembre : La rencontre du car

Octobre : La roseraie d'Aztlan

Septembre : La vie répétitive

Août : Lu dans les toilettes d'un bar à la station Robespierre à Montreuil

Juillet : Le dernier iftar

Juin : Le ménage moderne

Mai : Dolores, terrae incognitae

Avril : Charte du Mandé, discours de Seattle, pièce de la mort d'Athahualpa

Mars : Liberté d'expression et bienséance sociale

Février : Pink n'est pas punk

Janvier :18 juillet 1573 : Véronèse comparaît devant la Sainte Inquisition

2013

Décembre : Du victimat

Novembre : Sans Domicile Fixe

Octobre : Une enfance littéraire française I et une enfance littéraire française II

Septembre : Profession : auteur

Août : Militants radicaux des deux extrémités

Juillet : Qui a peur des hamacs ?

Juin : Le temps, l'ennui, la mort

Mai : Un dimanche à Avila

Avril : Lorenzo

Mars : Ta demeure

Février : Ouverture de l'Histoire de l'Afrique Noire, de Ki-Zerbo

Janvier : Ces bêtes qu'on abat : une coche assoiffée

2012

Décembre : Position délictuelle

Novembre : Peine de coeur

Octobre : Les poussins refusés

Septembre : L'abbé Suger, maître de l'an 3000

Août : Florent Schmitt, l'éclat de votre musique nous fascine

Juillet : Le journal télévisé d'AlmaSoror

Juin : Pleines de grâce

Mai : John-Antoine Nau et Jean de La Ville de Mirmont : écritures dont la révélation viendra

Avril : La matière du rêve

Mars : Musiques de notre monde

Février : Le dernier rêve

Janvier : L'enfance, la civilisation et le monde sauvage

2011

Décembre : Épuration

Novembre : La solitude des champs de blogs II

Octobre : Beauté des affiches politiques

Septembre : Automnal andantino

Août : Un train ; deux mondes

Juillet : La bêtise et le mépris

Juin : Aime-moi (baise-moi ?) matelot : le seul roman de gare entièrement lu devant une Cour suprême très sérieuse

Mai : Vieilles fringues, vieux clodos

Avril : La traque

Mars : Le désillusionné

Février : L'analyse comptable des rêves

Janvier : Dictionnaire de la délivrance psychique : "autoproclamé"

2010

Décembre : Le ministère de la justice et des libertés

Novembre : À quai, de Sara

Octobre : Dictionnaire de la délivrance psychique : "dérapage"

Septembre : Le catalogue éditorial d'Allia

Août : Soliloques de l'errance

Juillet : L'excommunication des insectes

Juin : La croix du Sud

Mai : Fin d'un amour, rue de Bourgogne à Paris

Avril : Hétérosapiens. Amour, sexe, filiation et liberté

Mars : Lettre d'amour de gauche

Février : Un problème variationnel

Janvier : Jules Vallès, un saisissant portrait par René Lalou

2009

Décembre : Commentaire de Mirimonde sur une vanité

Novembre : L'eau de vie de pomme (et les archives d'AlmaSoror)

Octobre : Rock antispéciste

Septembre : La formation de la société européenne

Août : La ville de perdition

Juillet : Liberté, égalité : au-delà du pride et du phobe

Juin : Le salariat : une aliénation en contradiction avec l'humanisme

Mai : La langue peut-elle être officielle ?

Avril : Libérer l'anima

Mars : SOS virtuel

Février : Sur Lucrèce

Janvier : Une marche humaine

2008

Décembre : 1007-2007 : la fortune d'un mot

Novembre : Mélange de paternités

Octobre : AlmaSoror s'embloguise

samedi, 04 avril 2015

L'incessant son motorisé

 

Ce son effrayant des voitures, le connaîtrai-je toute ma vie ? Avec l'apparition d'Internet, des téléphones portables, j'ai connu déjà des révolutions. Vivrai-je un jour dans un monde où toutes ces routes qui défigurent le paysage seront devenues de belles promenades plantées, le long desquelles passe parfois un tramway silencieux ? Nous regretterons alors ces nuits à glisser sur le bitume dans la lumière des phares, nous oublierons à quel point le monde était déchiqueté, à quel point les enfants n'étaient pas libres de leurs mouvements, à quel point « ne pas se faire écraser », trouver « un passage pour piétons » faisaient partie de notre vie quotidienne, et gâchaient la possibilité des balades. J'attends avec impatience ce monde sans voiture. Il y aura beaucoup plus d'arbres, beaucoup plus de vie sur les « routes », qui ne seront plus des couloirs de béton, mais des chemins de fortune.

 

vendredi, 03 avril 2015

R.I.P. au fond du couloir

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Latitude : la trace photographiée des jours qui passent, dans une vie que j'aurais voulu autre et que je veux même, à mi-chemin entre le songe et la chair, le concret et le virtuel, le temps présent et la fuite.

Latitude, donc.

Dialogue des marcheuses

Es-tu le rayon qui jaillit du trône du juge éternel 
Et fait irruption dans la nuit de l'âme, 
Qui jamais ne se connut elle-même ? 

Sainte Edith Stein

 

- Les gens sont blessés à mort.

- C'est vrai. 

- Ils sont blessés à mort par la vie, par leur enfance. Par la sortie de l'enfance.

- C'est vrai.

- Ne te pose pas de questions. Il y a de la marge avant de sombrer. Navigue à vue, en sachant que le soir viendra vite, et qu'avant la nuit, tout sera terminé. 

- C'est vrai ?

- La vie passe comme une ombre. Aujourd'hui, ta fougue. Demain, tes rides. Souris aux plaisirs du jour et repose ton coeur dans les ténèbres. La liberté est au coeur de l'instant. 

mercredi, 01 avril 2015

La salutation au soleil

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Voix intimes hantant les mémoires des êtres à la tombée du soir ; poussière dansant dans les obliques rayons de lumière ; dernière fête des couleurs avant l'avancée de la nuit. Tu ne milites plus dans une association de rebelles pour abolir le capitalisme : tu l'abolis dans ton cœur pour éteindre tout désir consumériste. Tu cultives la joie de l'instant et le contentement de toutes choses, puisque l'insatisfaction est le moteur de l'achat, tandis que la tranquille paix du cœur t'en détourne.

Qui est ce chien, qui passe, au fond de la rue ?

Je coexiste avec toi, je m'assois au bord de la route et je ne sais pas s'il fait frais ou chaud, je me demande quels sont mes meilleurs souvenirs. Une chienne et sa complicité tendre sur une prairie en pente devant un étang du bocage, ou sur les marches d'un perron dans une capitale. Des jours entiers à méditer les cours de Nicolas Opritescu pour le CNED et à écouter de la musique en regardant par la fenêtre les toits de la rue Daguerre et des rues avoisinantes. Des cigarettes allumées dans des cafés en écrivant et lisant des poèmes, dans tous les quartiers de Paris, et un weekend au milieu des collines du Var, entre un chai, une piscine et le chemin de la rivière.

MONEYWOMAN, tu me ressembles. Presque une sœur. Une alter-ego.

Jour sans substance

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Albertine Sarrazin a encore ses lecteurs qui lisent L'Astragale ou La cavale en écoutant du son binaural à côté d'une fenêtre par laquelle on voit passer des voitures. Ce n'est pas une certitude, non, juste une intuition.

Il ne faut pas avoir peur de se rendre où nos intuitions nous portent. Ou bien il faut en avoir peur et suivre quand même le chemin entrevu.

Ou bien simplement faire une promenade en oubliant tout ce qui peut nuire gravement à la santé artistique.

Ce peut être Albertine, ou une autre, qui nous sauve de l'ivresse blanche par un jour sans substance comme celui-ci.

 

Other voices, other rooms :

Patti Smith sur Albertine Sarrazin

mardi, 31 mars 2015

Quand surgit l'éclat

"Le siècle où une institution apparaît au grand jour, brillante, puissante, maîtresse, n'est presque jamais celui où elle s'est formée et où elle a pris sa force. Les causes auxquelles elle doit sa naissance, les circonstances où elle a puisé sa vigueur et sa sève, appartiennent souvent à un siècle fort intérieure". Ainsi parle l'historien du XIX°siècle, Numa Fustel de Coulanges, dans son ouvrage consacré à la Gaule romaine.

Il en va de même pour les familles, les pays, et toute sorte d'entité dont l'éclat surgit soudain et inonde les contemporains. Hier, alors qu'elle était en gestation, personne ne se doutait de son existence. Demain, cette entité ne sera plus qu'un souvenir.

Le port des Sables.jpg

dimanche, 29 mars 2015

In memoriam CARGO BLOG

Je regrette profondément le blog de cet homme. Ses photographies et images lui donnaient une beauté visuelle époustouflante et miraculeuse. Les textes touchaient beaucoup de gens et semblaient capable d'effectuer la grande traversée du temps. Une pensée haute, puissante, revigorante rafraîchissait mes esprits encroûtés par les miasmes mentaux quotidiens, et le rythme du blog (par le rythme, je parle à la fois de la cadence des publications, du tempo stylistique de l'écriture et de l'ergonomie qui nous aidait à naviguer entre les billets), me nourrissait agréablement, semaine après semaine. Il dégageait de ces textes, des ces images, de ces pensées, de ces rêves, une élégance universelle, intemporelle, ainsi qu'une liberté intégrale qui fascinait le visiteur occasionnel. Un pétillement de vie, d'intelligence, d'interrogations profondes, tout en finesse et en délicatesse, lui conférait un charme insaisissable, une séduction piquante, tandis que sa consistance culturelle, artistique, scientifique et politique nous donnait l'impression qu'il est encore possible de comprendre le monde dans son entièreté et sa vastitude. L'humour qui perçait n'atténuait pas les émotions pures que contenait le propos. J'y allais cueillir de nouvelles manière de voir, de penser, de créer, admirative de cette honnêteté intellectuelle équanime qui planait dans l'espace des phrases. Plutôt que de me contenter de suivre chronologiquement la publication des billets, je parcourais souvent le blog en sens inverse, ou au hasard de ses archives, découvrant ça et là des audaces qui forçaient mon admiration, ou bien une retenue, une sensibilité, une intensité qui allumaient mes imaginations. C'était un blog simple d'accès ; on ne s'y sentait pas étranger, de quelque milieu culturel que l'on était issu, c'était tout simplement chaleureux de se détendre et de s'instruire dans son ambiance chaleureuse, accueillante – et même enivrante.

 

Lorsqu'il a disparu, je me suis sentie abandonnée. J'avais l'impression d'apprendre la mort possible d'un être dont j'ignorais tout, et l'engloutissement de son œuvre dans le trou noir de l'oubli. Etait-je la seule veuve de CARGO ? Je ne me souviens même plus de l'hébergeur du blog, je me souviens juste de mon incompréhension, de ma peine, et de mon envie de créer à mon tour un blog, une succursale de la maison mère disparue, et par avance, je m'excuse auprès de ceux qui ont connu CARGO d'oser relier l'indigne AlmaSoror à la mémoire de sa magnificence.  

samedi, 28 mars 2015

Port de brume : nous ne sommes pas des oiseaux migrateurs

vendredi, 27 mars 2015

Saint Bonaventure et la progression des oeuvres du Christ

Extrait d'une catéchèse de Benoît XVI, aujourd'hui pape émérite, sur Saint Bonaventure. Cette conférence date de 2010 et l'on peut la lire en entier sur le site des frères mineurs capucins de Provence. 

 

"1. Saint Bonaventure repousse l’idée du rythme trinitaire de l’histoire. Dieu est un pour toute l’histoire et il ne se divise pas en trois divinités. En conséquence, l’histoire est une, même si elle est un chemin et - selon saint Bonaventure - un chemin de progrès.

2. Jésus Christ est la dernière parole de Dieu - en Lui Dieu a tout dit, se donnant et se disant lui-même. Plus que lui-même, Dieu ne peut pas dire, ni donner. L’Esprit Saint est l’Esprit du Père et du Fils. Le Seigneur dit de l’Esprit Saint : "...il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit" (Jn 14, 26) ; "il reprend ce qui vient de moi pour vous le faire connaître" (Jn 16, 15). Il n’y a donc pas un autre Évangile, il n’y a pas une autre Église à attendre. L’Ordre de saint François doit donc lui aussi s’insérer dans cette Église, dans sa foi, dans son organisation hiérarchique.

3. Cela ne signifie pas que l’Église soit immobile, fixée dans le passé et qu’il ne puisse pas y avoir de nouveauté dans celle-ci. "Opera Christi non deficiunt, sed proficiunt", les œuvres du Christ ne reculent pas, ne disparaissent pas, mais elles progressent", dit le saint dans la lettre De tribus quaestionibus. Ainsi, saint Bonaventure formule explicitement l’idée du progrès, et cela est une nouveauté par rapport aux Pères de l’Église et à une grande partie de ses contemporains. Pour saint Bonaventure, le Christ n’est plus, comme il l’avait été pour les Pères de l’Eglise, la fin, mais le centre de l’histoire ; avec le Christ, l’histoire ne finit pas, mais une nouvelle période commence. Une autre conséquence est la suivante : jusqu’à ce moment dominait l’idée que les Pères de l’Église avaient été le sommet absolu de la théologie ; toutes les générations suivantes ne pouvaient être que leurs disciples. Saint Bonaventure reconnaît lui aussi les Pères comme des maîtres pour toujours, mais le phénomène de saint François lui donne la certitude que la richesse de la parole du Christ est intarissable et que chez les nouvelles générations aussi peuvent apparaître de nouvelles lumières. Le caractère unique du Christ garantit également des nouveautés et un renouveau pour toutes les périodes de l’histoire".

Benoît XVI, extrait de la deuxième catéchèse sur Saint Bonaventure (10 mars 2010)

 

jeudi, 26 mars 2015

Maestro

 

Vivre heureux sans personne ne le sache ? Avoir l'air très heureux et que personne ne se doute du délabrement intérieur ? Quoi qu'il en soit, dans la lourde grisaille qui nous entoure, dans la monotonie des jours de devoir et des nuits de récupération, tu rayonnes comme un astre. Planent sur ton quotidien la musique la plus raffinée - avec tant d'aisance -, et la nature la plus sauvage : dans les vagues d'eau et de neige, tu enfonces ton corps et ceux qui te regardent envie ce bonheur. La route te connaît, toi qui parcours le monde, accueilli par tes admirateurs et tes amis tout aussi doués et chaleureux que toi. La ville n'a pas de secrets pour toi – ni ses ruelles sombres des samedis soirs impérieux, ni ses brasseries cossues des places d'Armes où déjeunent quelquefois les ministres et les grands avocats. Tu connais, je le sais, la saveur des regards de velours, la joie de la liberté des jours sans chaînes. Les rencontres se suivent et les espaces de silence ne les rendent que plus chargées de sens. L'attente aussi, tu la connais, elle t'a rendu sage, trop sage pour que l'orgueil d'être ce que tu es ne t'emporte au-delà de la décence. Une belle paresse t'enveloppe quelquefois : cela dure trois ou quatre heures, seulement. Soudain tu te lèves et la création à nouveau s'empare de toi, chasseur devant qui les proies viennent succomber par amour. Les hommes libres et l'écriture t'attirent et te font peut-être un peu peur. Tu joues avec ces deux mystères qui tournent autour de toi.

 

mercredi, 25 mars 2015

Les lourdes eaux

L'eau de mer.jpg

Face aux puissances de l'océan, je mesure mon impuissance à soulever mes lourdes eaux. Comment devient-on la fine barque ivre, filant entre les vagues au coucher du soleil ?

mardi, 24 mars 2015

Sur les délits d'opinion et leur dénonciation perpétuelle

Extrait du discours du 11 mai 1791 de Maximilien de Robespierre sur la liberté de la presse.

"Les lois peuvent atteindre les actions criminelles parce qu’elles consistent en fait sensibles, qui peuvent être clairement définis et constatés suivant des règles sûres et constantes : mais les opinions ! leur caractère bon ou mauvais ne peut être déterminé que par des rapports plus ou moins compliqués avec des principes de raison, de justice, souvent même avec une foule de circonstances particulières. Me dénonce-t-on un vol, un meurtre ; j’ai l’idée d’un acte dont la définition est simple et fixée, j’interroge des témoins. Mais on me parle d’un écrit incendiaire, dangereux, séditieux ; qu’est-ce qu’un écrit incendiaire, dangereux, séditieux ? Ces qualifications peuvent-elles s’appliquer à celui qu’on me présente ? je vois naître une foule de questions qui seront abandonnées à toute l’incertitude des opinions ; je ne trouve plus ni faits ni témoins, ni loi, ni juge ; je n’aperçois qu’une dénonciation vague, des arguments, des décisions arbitraires. L’un trouvera le crime dans la chose, l’autre dans l’intention, un troisième dans le style. Celui-ci méconnaîtra la vérité ; celui-là la condamnera en connaissance de cause ; un autre voudra punir la véhémence de son langage, le moment même qu’elle aura choisi pour faire entendre sa voix. Le même écrit qui paraîtra utile et sage à l’homme ardent & courageux, sera proscrit comme incendiaire par l’homme froid et pusillanime ; l’esclave ou le despote ne verra qu’un extravaguant ou un factieux où l’homme libre reconnaît un citoyen vertueux. Le même écrivain trouvera, suivant la différence des temps et des lieux, des éloges ou des persécutions, des statues ou un échafaud. Les hommes illustres, dont le génie a préparé cette glorieuse révolution sont enfin placés, par nous, au rang des bienfaiteurs de l’humanité : qu’étaient-ils durant leur vie aux yeux des gouvernements ? des novateurs dangereux, j’ai presque dit des rebelles. Est-il bien loin de nous le tems où les principes mêmes que nous avons consacrés auraient été condamnés comme des maximes criminelles par ces mêmes tribunaux que nous avons détruits ? Que dis-je ! aujourd’hui même, chacun de nous ne paraît-il pas un homme différent aux yeux des divers partis qui divisent l’Etat, et dans ces lieux mêmes, au moment où je parle, l’opinion que je propose ne paraît-elle pas aux uns un paradoxe, aux autres une vérité ? ne trouve-t-elle pas ici des applaudissements, et là, presque des murmures ? Or, que deviendrait la liberté de la presse, si chacun ne pouvait l’exercer qu’à peine de voir son repos et ses droits les plus sacrés livrés à tous les préjugés, à toutes les passions, à tous les intérêts !"

Robespierre, extrait du Discours sur la liberté de la presse 11 mai 1791

dimanche, 22 mars 2015

Firmus ut Cornu

Ainsi parle le cerf, après des siècles de silence :

 I

An mille. On les voit naître là-bas, en Bretagne, non loin des bois que je hante depuis toujours. Ils me tuent sans doute déjà, à la chasse. Mais ils ne m'ont pas encore élevé au rang totémique. 

II

Premier nom, premières fratries. Vaines occupations des hommes. Et pourtant, quand ils ne se font pas la guerre entre eux, c'est nous qu'ils traquent. 

 III

Un des nôtres avait aussi blessé son fils, un jeune cerf adulte, à mort. Pris de remord il voulut le relever. Le fils croyant que son père voulut l'achever fit un mouvement brusque ; leurs bois s'entremêlèrent. Ils souffrirent trois jours à se débattre sans pouvoir se détacher.
À l'aube du quatrième jour le fils rendit l'âme. Alors le père brama sans fin et mourut de ce brame de douleur qui chantait son affliction. Les bois affligés retinrent cette histoire. Plus jamais les cerfs ne se battirent avec leurs fils, même par grande colère.

 IV

Rarement nous sommes rentrés dans Vitré. En meute, une fois nous vînmes aux abords et nous comprîmes l'orgueil immense de l'homme. Leurs maisons à l'époque étaient si belles que les autres animaux les admiraient.

Aujourd'hui avilis, eux-mêmes ont honte de ceux qu'ils bâtissent.

 V

Entre deux chasses à courre, ils ratifiaient à courre.

Soudain, ils s'en allaient. Tous. Ils partaient dans des pays des cousines gazelles. Nos faons grandissaient en paix.

VI

Ils revenaient. Nous réapprenions la peur.

VII

La dame marchait dans nos bois et contemplait les vols de corneille, sans savoir que ses fils oublieraient que leurs aïeux révéraient les oiseaux noirs. Nos fils, à nous, n'oublient jamais. Notre histoire est dans notre sang et dans nos réactions intuitives. Les mots n'ont pas coupé le fil de la vie qui passe entre les morts.

VIII

Qu'ils étaient beaux, vos châteaux. Qu'ils sont tristes, vos sanglots. Et c'est encore la main du destin qui fait s'entrecroiser les douleurs de vos corps humains et de nos corps cerfs : tous deux chassés de nos terres par les meutes hurlantes hier, par l'argent aujourd'hui. Frères ennemis, nous vous regrettons, car vous nous reconnaissiez comme vos totems. Et nos brames disent : revenez... revenez... revenez... A vos chasses, vous cherchiez quelque fois le danger, et vous saviez accepter d'être quelque fois perdants.

 IX

Vous épousâtes vos femelles ; vous enseignâtes vos petits à nous chasser.

X

Ainsi, ma mise à mort était leur gloire. Ainsi, je suis devenu leur emblème. Vos corneilles ne survolaient nos bois, vos cerfs ne sont pas nos frères, car vos images sont fausses et personne n'a le droit de nous totémiser.

 XI

Nos vies ne diffèrent que parce que vous parlez trop.

 XII

Nous ne reconnaissons pas votre noblesse. Nous ne reconnaissons que l'intrépidité des coureurs et la grandeur de ceux qui meurent sans gémir.

XIII

Leurs prénoms les distinguent entre eux. Nos brames leur paraissent tous semblables. L'homme qui a découvert que l'animal a un visage a découvert bien d'autre chose encore. Le cerf qui a entendu le brame humain sait que l'homme est un animal sauvage.

Vous avez des prénoms. Mais nous aussi nous avons des visages, n'en déplaise à votre marotte de ne reconnaître que ce que vous nommez.

Et que t'importe, homme, que le nom de cette femme te soit inconnu ? N'a-t-elle pas moins de chair, de cheveux et de sang que celles que tu nommes ?

XIV

Nos veuves aussi souffrent. Nos orphelins survivent peu. La vie est un combat, l'amour est un combat, la mort est un combat. Seul le ciel qui nous domine est douceur, quand il donne l'eau pour la langue et la lumière pour les yeux.

 XV

Il y a mille ans les bois recouvraient une grande partie du territoire ; et dans mille ans les bois recouvriront une grande partie du territoire. Les cerfs et les biches feront beaucoup de petits faons et ils oublieront la terreur de l'homme qui colonise.

XVI

Eh, l'homme, tu disparaîtras. Notre mémoire muette te recouvrira de son silence plein de prière, et nous effacerons la trace de tes pas.

Crépuscule.jpg

 

mercredi, 18 mars 2015

Foi et faits

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"Nous croirons à la crise quand les riches se suicideront en masse".

Image tirée de la bande dessinée Jazz Maynard (Raule et Roger)