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dimanche, 21 septembre 2014

Le moine-soldat (4)

Mon bonheur n'est pas issu de mes réussites, mais de l'intensité de ma présence au monde.

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Quelle image dort au fond du lit ?

 

samedi, 20 septembre 2014

Nocturne estival II : Dans les vagues de la nuit

{Ce texte fait suite à Nocturne estival I : Sous le royaume des étoiles, que Siobhan publiait ici le 31 janvier 2010}.

 

La matinée

Aucune mélancolie. J'en ai trop éprouvé, trop jeune, croyant à cet âge tendre que j'avais des regrets. Erreur de jeunesse. La jeunesse, cette illusion éphémère, a passé sur mon visage. Les gens m'appellent madame. Je plisse les yeux au bord de cet océan illimité, dont les vagues me prennent et m'emportent. Je m'enfonce dans l'eau sans souci. Je fais confiance à l'instant présent d'être éternel. Il n'y a pas de bande son lors de ce moment, et pourtant c'est comme si une danse m'habite. On chante, on se laisse flotter, l'air n'est plus conditionné.Le jour est si clair qu'on voit la poussière perturber les lignes du ciel. Je n'ai plus besoin de méditation zazen pour planer au-dessus des miasmes du quotidien, pour m'élever vers le vide plein de joie.

La nuit

Et puis la nuit tombe. C'est soudain. Un éclairage noir glisse sur les sensations éprouvées. Les feuilles se balancent subrepticement dans les arbres. Une fillette nommée Nadja s'amuse avec des chiens. C'est un monde sans adultes ni adultère, c'est un monde sans parents ni gronderies impatientées. L'ordre dort ; éveillée à la liberté, je cours nue vers l'onde atlantique.

Les vaguelettes m'accueillent, fraîches, et je pousse des cris. Loin, les lumières de la ville s'éteignent. Mon corps flotte à la surface du reflet de lune. Je ris : je vous oublie. Soucis, qui étiez-vous ? Morts, disparus, effacés, laissez chanter mon rire à travers le courant qui m'entraîne légèrement.

Nudité, liberté, océan. La grande nuit nous attend.

S.H.

 

 

Siobhan Hollow sur AlmaSoror :

Elle est l'auteur de Deltaplane

Elle est l'auteur de Vol libre et planantes guitares fordjiennes

Elle est l'auteur de Figures célestes

Elle est l'auteur de Notes et bulles bleues

Elle est l'auteur de Nocturne estival I : Sous le royaume des étoiles

Elle est l'auteur de Vol de pluie

Elle est co-auteur de Merci, lecteurs

Elle est citée dans Un nouveau message de Siobhan

Elle est mentionnée et citée dans Le retour de Siobhan Hollow

Elle est mentionnée dans Sur Schütz

Elle est mentionnée dans La nuit, la guerre

Elle est mentionnée dans Lancement de la rubrique Vol Libre

Elle est mentionnée dans la Carte du Tendre

Elle est interrogée dans Entrevue avec Siobhan H, deltaplaniste

mardi, 16 septembre 2014

Entrevue avec l'insurgé William-Marie Forêt

 

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Propos recueillis par Max Farmsen,
à la prison du Fort Bastiani, Section de haute surveillance

 
Max Farmsen : William-Marie, il a été difficile d’obtenir l’autorisation de venir vous visiter dans la prison de Fort Bastiani. Vous êtes le chantre de la désadministration. Qu’est-ce que cela signifie ?

Prisonnier William-Marie Forêt : Je vais te dire une chose. Mettre un nom dans un fichier, c’est comme enfoncer un poignard dans le cœur de l’âme humaine.

 

Max Farmsen : Cette vision de l’administration ne vous aveugle-t-elle pas sur les bienfaits de la Sécurité sociale, de la répartition des richesses, qui nécessitent un minimum d’organisation ?

Prisonnier WMF : Je te demande qui décide quelles sont les richesses, avant de les répartir ? Si le fait de vivre sous un ciel bleu est une richesse, l’Etat va-t-il répartir le ciel bleu ?

 

Max Farmsen : Vous vous présentez comme l’ennemi des fonctionnaires et des administrés. Vous êtes donc l’ennemi de tout le genre humain ?

Prisonnier WMF : Quand tu dis ça, j’ai l’impression que ton cerveau a été remplacé par un fichier informatique et que ton cœur est un déchet recyclé. Le genre humain n’existe pas. Il y a des êtres, qui souffrent, qui aiment, qui luttent ou qui se soumettent. 

 

Max Farmsen : N’avez-vous pas l’impression de cracher sur un système démocratique qui assure l’égalité et l’équité entre les citoyens ?

Prisonnier WMF : Lorsque tu me parles ainsi de l’administration je me demande si tu as déjà eu vent de cette inconcevable répartition des êtres humains en dirigeants, cadres, employés, ouvriers, et les liens de hiérarchie et de subordination qui les unissent. Comment oses-tu vanter un système – l’administration – qui fait ouvertement de telles différences entre les individus humains – et comment oses-tu prétendre qu’un système hiérarchique garantit l’égalité entre les hommes ?

 

Max Farmsen : Mais n’avez-vous jamais songé que l’organisation administrative de la vie humaine, pour pesante qu’elle soit, est la condition d’un ordre social, d’une entente entre les hommes, d’une légitimité de chacun, qui nous évite le règne désordonné de la violence ?

Prisonnier WMF : Tu sembles justifier toutes les violences de l’administration en disant qu’elles sont la condition de la paix. Je n’accepterai jamais l’idée que la violence mène à la paix.

 

Max Farmsen : N’êtes vous pas angéliste ?

Prisonnier WMF : Non. Je ne nie pas la violence humaine ; je nie que la violence administrative soit la solution à la violence humaine. C’est tout.

 

Max Farmsen : On a dit de vous que votre ascendance anglaise, qui vous fait voir le monde comme un système de poids et de contrepoids, et votre ascendance française, qui vous conduit à considérer le monde comme un horloger règle minutieusement une horloge, se sont mélangées et que ces deux conceptions contradictoires vous ont mené au désespoir et à la haine de l’administration. Que pensez-vous de cette analyse ?

Prisonnier WMF : Je pense que tu devrais réaliser des recettes de cuisine ou malaxer de la terre glaise. Cela te ferait du bien et t’éviterait bien des égarements intellectuels.

 

Propos recueillis par Max Farmsen, à la prison du Fort Bastiani, Section de haute surveillance

 

dimanche, 14 septembre 2014

Patriciens invisibles

Avertis par les révolutions romaine, française, russe, les patriciens ont appris à dissimuler leur existence.

S'il n'y a plus de têtes à couper, il reste une oligarchie pour empocher. Aussi, plutôt que d'écouter les discours des élus et des responsables politiques, et de jauger s'ils plaisent à notre coeur, nous ferions mieux d'étudier qui paye les beaux parleurs. Car, comme l'avoua Napoléon Bonaparte, "la main qui donne est au-dessus de la main qui reçoit". Or, cette main là est encore plus invisible que la main invisible du marché.

Voici un extrait de l'article d'Hervé Bourgois Enfants de la démocratie, paru sur le site du Grand soir :

"Ces lois que nous respectons sont séculaires, ce sont les mêmes qui permettaient déjà aux patriciens Romains d’empiler des richesses de génération en génération, à la noblesse française de profiter de propriétés acquises par le droit du sang... La différence est qu’aujourd’hui nous ne connaissons plus nos patriciens, ils se cachent derrière ces mêmes modèles qui calculent notre bien-être. Ceux que nous appelons les milliardaires sont ceux qui possèdent le plus d’actions de sociétés cotées en bourse, ce ne sont pas eux qui empilent des richesses de génération en génération. Croyez-vous par exemple que la personne désignée comme la plus riche du monde est plus riche qu’un émir Saoudien possédant 5 ou 10% des ressources pétrolières mondiales ? Et croyez-vous que cet émir soit plus riche que certaines familles de nos démocraties ?

Nous sommes tous coupables de ce conservatisme car nous manquons d’imagination, nous ne comprenons pas que pour survivre il faut s’adapter. Nous avons nos élus qui cherchent à préserver à tout prix les acquis de ceux qui les conseillent. Nous n’avons le droit que d’élire des gens qui ont montré patte blanche dans des partis politiques dont nous ne maîtrisons pas les rouages. Comment se fait-il qu’ils soient amis des plus grandes fortunes et pas des gens du peuple ? Comment se fait-il qu’ils soient influencés par des centres de réflexion financés par des milliardaires ?"

Source : Hervé Bourgois

 

 

Le moine-soldat (3)

Je m'adresse à ce qu'il y a de plus grand en chaque homme.

mardi, 09 septembre 2014

Adieu, Sofia Andreevna !

"...j'ai pénétré dans cet univers enfantin charmant et grave, qui nous contraint, malgré nous, à croire en la vie, en son importance, en sa haute signification."

2014.09.03.ParisRuedeBabylone.jpg

- Edith, puis-je te demander un service ?

Ma sœur avançait vers moi, l'expression hagarde. 

- Que se passe-t-il ?

Elle me tendit un livre.

- Peux-tu, si tu en as le courage, regarder la fin de l'histoire, me dire si tu vois qu'il y a un viol à un moment, de l'héroïne Unna, par un personnage nommé... (J'ai oublié le nom de ce personnage brutal). Je t'en prie.

- Bien sûr, déesse.

J'ouvris le roman.

- Vers la fin du roman, par là. (Elle me montrait les pages qu'il fallait que je feuillette).

Il s'agissait d'un roman de Youri Rytkhéou, cet auteur russe de la nation tchouktche, qu'AlmaSoror a déjà eu l'occasion de mentionner à plusieurs reprises (dans les billets La traduction de l'humanisme, Il était une fois l'animal, La ville de perdition et L'étrangère aux yeux bleus).

Ce roman, c'était Unna.

Je consultais les dernières pages, confirmais à ma sœur, harassée par la noirceur du roman d'un auteur qu'elle admire, que la fin était absolument atroce, et la vis ranger l'ouvrage dans une étagère à une place dont, j'en avais la certitude, il ne bougerait pas avant longtemps.

Eh bien, je comprends ma sœur, et je crois que je vais ranger définitivement le Journal intime de Sofia Tolstoï, dont j'ai lu les six-cents premières pages avec passion. Pourquoi descendrais-je en enfer avec elle, et avec toute la famille Tolstoï ? Pourquoi suivrais-je pas à pas les méandres d'une mesquinerie qui se propage, avalant toute velléité de grandeur, tout vestige de bon sens ?

Avant de poser le gros livre définitivement, je pose ici quelques extraits.

15 septembre 1897 : "Nous constatons que cet infini qui, en notre jeunesse s'étendait devant nous, devant nos aspirations, nos efforts, nos forces intellectuelles et physiques, nos occasions de nous cultiver, cet infini rétrécit et disparaît avec l'âge et à sa place se dresse un mur qui marque la limite de nos forces et de notre existence.
C'est alors qu'il faudrait transférer cet infini au-delà des limites de cette vie-ci, et pénétrer dans le domaine de la vie future".

21 octobre 1897 : "Je me rappelle la semaine que j’ai passée là-bas : la boue dehors, la saleté dans ces deux pièces où Léon Nikolaïévitch et moi avons vécu, les souricières dont le volant se refermait sans cesse sur une souris prise. Des souris, des souris à n’en plus finir ! Une maison froide et déserte, un ciel gris, une pluie fine, l’obscurité, ces allées et venues à la lumière de la lanterne pour déjeuner et dîner chez Liova ; des copies, des copies du matin jusqu’à la nuit ; le samovar qui fumait, l’absence de domestiques, un silence mortel".

2 avril 1898 : "Pourquoi maintenant la vie passe-t-elle si vite, et presque imperceptiblement, comme un rêve ? Si j'étais plus normale, je vivrais de manière plus consciente et plus consistante. Plus tard, avec le temps, regardant en arrière, comme on le fait toujours, je comprendrais tout mon passé, je l'évaluerais et je le regretterais (encore une fois, comme on le fait toujours), je regretterais mon inaptitude à en avoir profité. Ainsi, à de rares exceptions près, la vie se passe en désirs et en regrets".

Ce passage, me rappelle une réflexion de Cosima Wagner dans son propre journal, qu'on trouve ici sur AlmaSoror : « c'est le rêve de la vie ; on est dévoré de nostalgie dans l'attente de quelque chose, et, quand ce quelque chose est atteint, on ne peut plus en jouir »

30 mars 1901 : "Aujourd'hui, j'ai communié. J'ai eu beaucoup de mal à me recueillir. La contradiction entre ce qu'il y a d'authentique à l'église, ce qui constitue son fondement, et les rites, les cris brutaux du diacre, cette contradiction est si grande qu'elle est difficilement supportable et qu'elle donne envie de fuir. C'est cela qui détourne les jeunes.
Hier j'étais à l'église où des aveugles chantaient merveilleusement bien. Je me disais que les gens du peuple se rendent à l'église un peu comme nous allons à un bon concert symphonique. Chez eux à la maison - la pauvreté, l'ignorance, le labeur incessant. On vient au temple, vers la lumière, les chants, le spectacle... Ici, il y a l'art, la musique, et ce qui justifie la distraction, l'état spirituel, la religion approuvée, considérée même comme une chose bonne et indispensable. Comment vivre sans cela ?"

31 décembre 1899 : "Où est le bonheur ? Où est la tranquillité ? Où est la joie ? Mais dans l'univers des enfants, que je viens d'apercevoir en faisant un saut à Grinevka, où j'ai organisé un arbre de Noël ; j'ai pénétré dans cet univers enfantin charmant et grave, qui nous contraint, malgré nous, à croire en la vie, en son importance, en sa haute signification. Et encore : dans la nature calme et pure, au sein de laquelle j'ai vécu à nouveau pendant trois jours, admirant la blancheur infinie des champs et le givre qui luit sous un soleil éclatant, recouvrant forêts et jardins".

 

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lundi, 08 septembre 2014

Ici, Nulle-part.

lost in nowhere

dimanche, 07 septembre 2014

Le moine-soldat (2)

Je ne combats pas mes semblables, je combats mes démons intérieurs.

samedi, 06 septembre 2014

Nostalgie du soir

Il fait nuit. Les passereaux sont endormis dans les arbres. La lune est presque pleine. Ma mère lit un article sur les vieux croyants de l'église orthodoxe et je l'entends murmurer "C'est passionnant... Passionnant..." et plus loin : "Ils sont fous". Silence, puis : "ça maintient des grandes cultures, d'être aussi radical". Ce murmure dont je saisis l'essence, mais pas le sens, ajoute à la poésie du moment. Deux toutes petites lampes éclairent deux petites pièces. La douce musique de Guy de Lioncourt réveille en moi les crises mystiques d'une adolescence écartelée entre le drapeau blanc, le drapeau noir et le drapeau rouge. Désormais je laisse les drapeaux partir sur les bateaux. L'océan ce soir ressemblait à un lac. Les réverbères de la ville diffusaient leurs lumières bleues vers le port, jaune vers le Château d'Olonne, le remblai scintillait de mille feux et les immeubles paraissaient autant de diamants posés sur l'écrin de la baie. La lune presque pleine nous éclairait à peine, ma mère et moi étions seules dans l'océan. Elle pensait sûrement aux bains de minuit de sa jeunesse. Je pensais aux bains glacés de Sofia Tolstoï à Iasnaïa Poliana. On n'y voyait pas très loin, les silhouettes des bateaux au large avançaient majestueusement comme de gros escargots royaux. Il ne faut pas tout dire pour laisser planer du mystère sur les lieux, les événements et les êtres. Au fond, nous ne comprenons pas mieux que les autres animaux ce que nous sommes, d'où nous venons et où nous allons.

La vie répétitive

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Ce qui frappe, dans le journal de Sophie Tolstoï, c'est la répétition sempiternelle des mêmes souffrances, tandis que s'écoulent les jours, les mois, les années, les décennies. Ses souffrances, vis-à-vis de son époux, de ses enfants, de sa vie personnelle, se suivent et se ressemblent. Autant la répétition des douces et belles choses de la vie est agréable, autant celle des douleurs lamine. Dans l'enfer de Dante, les tortures infligées ne varient pas avec le temps : la même torture est répétée à l'infini, et c'est toute l'horreur de cette torture, qu'elle soit répétée, répétée, répétée...

Oui, toute l'horreur de cette torture c'est qu'elle soit répétée. Je m'interroge sur mes propres souffrances répétitives. Je connais la psychanalyse et le shiatsu, le développement personnel et la prière. Pourtant, comme beaucoup d'entre nous, il ne m'est pas facile de sortir de certains miasmes qui viennent m'emporter comme des démons à certains moments et font chuter mon moral au sein d'une vie qui, à tous abords extérieurs, paraît heureuse et intéressante.

Je me suis déjà interrogée sur les fastidieuses classifications entre les maux physiques, moraux et psychosomatiques. Nous sommes encore dans le désert aride de la méconnaissance et ce n'est que notre ingnorance du fonctionnement de notre propre corps qui nous pousse à considérer que le mental n'est pas physique. Si nous pensons, si nous ressentons, si nous éprouvons, ce n'est pas avec quelque chose qui n'existe pas, mais bien avec notre corps, au sein de notre corps. Et sans doute, pour aboutir à des résultats différents, il faut changer à la fois notre mode de vie, notre alimentation, notre exposition à la lumière, nos mouvements physiques, nos pensées, nos considérations sur le monde, nos croyances et nos relations.

Se transformer sans cesse n'est pas aisé ; lorsque nous prenons une décision, nous convoquons les parties de notre esprit, de notre corps, que nous connaissons et savons actionner. Mais quid des parties de notre être qui nous échappent ?

À regarder les gens vivre, on les voit, parfois, fermer la porte à tout ce qui faisait leur vie passée et créer une vie entièrement neuve : une nouvelle famille, un nouveau métier, une nouvelle région... Quelquefois, la personne semble véritablement transformée et son moral, bien meilleur. Mais le plus souvent, passé le moment de la nouveauté, la personne est à nouveau dans toutes les ornières qui l’étouffaient dans sa première vie. Il n'a servi à rien de trancher des liens qui n'ont pas tranché avec la douleur de fond !

Si Sophia Tolstoï vivait aujourd'hui, elle aurait divorcé, rencontré un autre homme, recommencé une famille, créant douleur et ruptures en elle et autour d'elle ; et, quelques années plus tard, le même malheur, les mêmes déceptions, les mêmes combats insurmontables l'auraient occupée et désespérée. En quarante-huit années de vie aux côtés de Lev Nicolaïevitch Tolstoï, le grand auteur de Guerre et Paix, ils ont partagé, moralement et matériellement, les affres de plusieurs divorces et remariages, tous deux ensemble... En quelque sorte, la polygamie actuelle qui consiste à créer une nouvelle famille dès lors qu'une première vie de couple est morte, et ce parfois plusieurs fois, n'est qu'une répétition de ce qu'auparavant, un couple marital vivait ensemble, sur plusieurs décennies : drames et réconciliations. Un long parcours difficile et tortueux qui s'achevait, selon les cas, sur le drame ou la réconciliation finale.

Dans la vie professionnelle aussi, on cherche à vivre des choses exaltantes, à fuir l'affreuse monotonie des jours. Mais si la monotonie est accrochée à notre cœur comme une moule à son rocher, on finira bien par la retrouver, partout, partout, qu'elle que soit l'apparence de notre aventure. 

Il se peut qu'au lieu de rechercher le changement et la nouveauté, on cherche au contraire à s'assurer une sécurité bienfaisante afin de ne plus avoir peur du vide, du combat, de l'échec cuisant, de l'exclusion. Mais le vide demeure. Le combat vient nous chercher au creux de notre salariat empêtré de réveille-matin, de garage pourvu d'alarme, de contrats d'assurance vie. L'échec cuisant se dessine sur notre visage ou celui de nos proches alors même que tout est matériellement prévu, organisé, calibré. L'exclusion n'a pas lieu dans notre vie extérieure : c'est notre propre âme qui est exclue de notre vie, à l'insu de tous.

Comment éviter la douleur répétitive ?

 

vendredi, 05 septembre 2014

Irréalité

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D'où viens-tu blancheur, blancheur extrême ?

Tu fais naître mon chant (au bord du monde)

Voici que je me tiens entre deux eaux.

 

Quand s'arrête l'heure, l'heure qu'il est

Le temps meurt tout d'un coup (le temps s'effondre)

L'espace se déploie sur les deux rives.

 

J'ai aimé quelqu'un, quelqu'un qui pense

J'ai donné mes aïeux (et ma confiance)

Au vent de sa silhouette évaporée.

 

Tu ressembles au frère, au frère enfui

Tu te dissous dans l'air (il est minuit)

Minuit ou bien midi, dans la poussière.

 

Lave-moi blancheur, blancheur entière,

Que j'accouche du monde (adieu les eaux)

Voici que de mon chant naît un enfant.

 

Edith de CL, vendredi 5 septembre 2014 un peu avant 14h50

Les voix et ululements du monde

Je disais un soir à Anne que Sofia Tolstoï décrivait, dans son journal, le ululement du hibou comme un son désagréable. En l'écoutant sur internet, nous l'avons trouvé suprêmement beau. Nous nous sommes dit que dans notre monde où la nature est colonisée par l'homme, où la vie sauvage est réduite et lointaine, où tout est bétonné et chimique, un son d'animal est un trésor précieux. Anne en outre a noté que le cri de l'animal vient de son corps, tandis que le nôtre vient de notre mental, c'est là toute la différence. C'est vrai que notre voix, pourtant naturelle et corporelle, est trafiquée par notre vie mental.

À quoi sert une civilisation humaine qui coupe l'homme de la nature ? Comment faire pour que ma voix naisse du corps, comme celle d'un animal, et que cette voix animale porte le message le plus raffiné que la civilisation puisse exprimer ?

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jeudi, 04 septembre 2014

J'ai nagé tristement dans une brume laiteuse

Une famille bruyante, une promenade à l'écart, le souvenir d'un charmant fils mort un peu avant ses sept ans, et une plume voluptueuse et calme ou excessive selon les jours. Voici Sophie Tolstoï, la fille du médecin du tsar, l'épouse de l'auteur de Guerre et Paix, elle-même auteur de La faute à qui ? et Romances sans paroles.

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Extrait infime :

... En sortant de la forêt du Zakaz j'ai été frappée par le coucher de soleil : une atmosphère translucide, calme, un soleil triomphal et la forêt, qui paraissait particulièrement sombre. Quelle beauté ! J'ai nagé tristement dans une brume laiteuse, et je suis revenue, solitaire, dans une obscurité complète, mais sans crainte. Je m'arrête toujours un instant pour réciter un Notre Père sur le petit tertre de Vanetchka, où naguère il trouvait des cèpes et où nous nous reposions, lui et moi.  A présent quand je chemine toute seule je ne sens pas ma solitude : mon âme est toujours auprès de ceux que j'ai aimés au cours de ma vie et qui ne sont déjà plus avec moi. ...

Sofia Tolstoï, Journal intime, 12 juin 1897

(traduction du russe par D Olivier et F Longueville)

mercredi, 03 septembre 2014

Convulsions

Noire et Blanche 4.jpg

« Tu autem eras interior intimo meo et superior summo meo »

Sanctus Augustinus Hipponensis

 

Miroirs, sur AlmaSoror :

Les litanies de la bonne mort

Les yeux, les tombeaux, l'esclave