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mercredi, 30 juillet 2014

Une année psychédélique en compagnie des belles grues des rues

Notre photo-collaboratrice Mavra tient un monoblog sur les grues depuis le 30 juillet 2013. Un an de passion psychédélique !

Bon anniversaire, blog des grues ! Nous nous souvenons de tes chefs d’œuvre, tel ce mannequin glacé qui aime un inconnu dans le silence d'une rue où soudain, tout s'arrête :

mannequin.jpg

Une seule chose nous importe : c'est que cette passion gruelle ne s'arrête jamais. Comme un rat qui court dans la nuit du béton des villes, le photocapteur de grues n'aime ni les bâtiments finis, ni les rues proprettes, mais il palpe le devenir en attrapant ici et là, du regard ou de l'objectif, la grue qui parle de demain.

dimanche, 27 juillet 2014

Litanie des premiers quartiers de lune

Jules Laforgue

Lune bénie
Des insomnies,

Blanc médaillon
Des Endymions,

Astre fossile
Que tout exile,

Jaloux tombeau
De Salammbô,

Embarcadère
Des grands Mystères,


Madone et miss
Diane-Artémis,

Sainte Vigie
De nos orgies,

Jettatura
Des baccarats,

Dame très lasse
De nos terrasses,

Philtre attisant
Les vers-luisants,

Rosace et dôme
Des derniers psaumes,

Bel œil-de-chat
De nos rachats,

Sois l’Ambulance
De nos croyances !

Sois l’édredon
Du Grand-Pardon !

 

Jules Laforgue

Extrait du recueil L'imitation de Notre-Dame la Lune - 1886

jeudi, 24 juillet 2014

Esprit, qui peut t'enchaîner ?

« Soyez résolus à ne plus servir, et vous voilà libres »
Étienne de La Boétie

«The most potent weapon in the hands of the oppressor is the mind of the oppressed »
Steve
Bantu Biko

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Voici trois extraits du très intelligent texte de Ngugi wa Thiong'o, Décoloniser l'esprit, traduit de l'anglais kenyan par Sylvain Prudhomme et publié en France par La Fabrique éditions.

Page 30 :

Il y avait de bons et de mauvais conteurs. Les bons pouvaient dire et redire la même histoire sans jamais nous lasser. Il arrivait qu'ils reprennent une histoire racontée par un autre : elle semblait aussitôt plus vivante et plus haletante. La différence tenait au choix des mots et des images, aux inflexions de la voix, aux brusques changements de ton. Nous apprenions de cette façon le prix du vocabulaire et des nuances. La langue ne se réduisait pas à une suite de mots. Elle avait un pouvoir de suggestion qui excédait largement sa signification immédiate. Ce goût pour la magie du verbe étaient encouragé par des jeux, des devinettes, des calembours, des proverbes, des allitérations sans queue ni tête que nous débitions pour le plaisir des sonorités. Nous n'apprenions pas seulement le sens de notre langue, nous savourions sa musique. Le foyer et les champs étaient notre seule école maternelle, mais la langue de nos veillées nocturnes, la langue de notre communauté et la langue de nos travaux aux champs ne faisaient qu'un, c'est ce qui importe ici.

Par la suite j'allais à l'école, une école coloniale, et cette harmonie fut rompue.

Page 63 :

Les compradors au pouvoir ne redoutent rien autant qu'un soulèvement ouvrier et paysan. Pour peu qu'un écrivain propage l'espérance révolutionnaire au sein du peuple, il devient subversif. Ses écrits sont une menace, il risque la prison, l'exil ou même la mort. Trêve pour lui d'accolades nationales, d'honneurs, de vœux pour la nouvelle année ; il n'a plus droit qu'aux calomnies, aux diffamations, aux mensonges innombrables répandus sur son compte par la bouche de la minorité armée au pouvoir (c'est-à-dire à la botte de l'impérialisme) qui regarde la démocratie comme une menace. La participation démocratique du peuple à la conduite de sa propre existence, ou ne serait-ce qu'au débat concernant la conduite de sa propre existence, a toujours été considérée comme nuisible au bon gouvernement d'un pays et de ses institutions ; dans la mesure où elles sont celles du peuple, les langues africaines ne peuvent qu'être ennemies de l’État néocolonial.

Page 104 :

Un de mes livres, Détenu, porte le sous-titre "journal d'un écrivain en prison". Pourquoi "d'un écrivain" ? Parce que ma principale occupation sous les verrous fut l'écriture d'un roman. Caitaani Mutharabaini (Le Diable sur la croix) parut en 1980 chez Heinemann. C'était le premier roman écrit en kikuyu.

Au moment de mon arrestation, le 31 décembre 1977, outre mon engagement dans les activités du centre Kamiriithu, j'étais professeur et directeur du département de littérature de l'université de Nairobi. Je me souviens de mon dernier cours. C'était avec mes étudiants de troisième année. Au moment de nous séparer, je leur annonçai mon intention de reprendre l'année suivante une étude de l’œuvre romanesque de Chinua Achebe. Je voulais analyser, des premiers livres aux plus récents, l'évolution de la représentation de la petite-bourgeoisie, professeurs, soldats, policiers, catéchistes, contremaîtres, depuis le début du colonialisme jusqu'à leur accès au pouvoir et à leur responsabilité dans le naufrage du pays. En prévision de ce travail, je demandai aux étudiants de lire deux livres sans lesquels on ne peut à mon avis comprendre la littérature africaine : Les Damnés de la terre, de Frantz Fanon, et L'impérialisme, stade suprême du capitalisme, de Lénine.

Cinq jours plus tard - exactement six semaines après l'interdiction de Ngaakika Ndeenda (Je me marierai quand je voudrai), j'étais enfermé comme prisonnier politique dans la cellule 16 de la prison de haute sécurité de Kamiti. La cellule du 16 allait devenir pour moi ce que Virginia Woolf appelait "une chambre à soi" et qu'elle considérait comme indispensable à l'écrivain. La mienne m'était fournie gratis par le gouvernement kenyan.

 

Décoloniser l'esprit, de Ngugi wa Thiong'o. Traduit de l'anglais kenyan par Sylvain Prudhomme. La Fabrique édition.

dimanche, 20 juillet 2014

Index nominum : C

C

Cagliostro (Joseph Balsamo)

Il est cité dans Comme l'éclatante lumière du midi

Les Calcinés

Ils sont auteurs de Je n'abats jamais

Calélira

Elle est l'auteur de Equihen plage : un petit bout de liberté

Truman Capote

Il est mentionné dans La ville de perdition

Il est mentionné dans Un dimanche à Avila

Il est mentionné dans Mystique littéraire

Il est mentionné dans Moineville : la ville des écrivains

Il est mentionné dans La tourelle du hibou

Celeblog (blogueur)

Il est cité dans Auto(?)censure

Chiquita

Elle est mentionnée dans Mascara

Ceppi

Il est mentionné dans Des thèmes, quelques œuvres (sans être expressément nommé)

Jules César

Il est mentionné dans Intemporalité

François René de Chateaubriand

Il est mentionné dans Dialogue entre deux hommes qui ne se sont jamais rencontrés

Il est mentionné dans la Soirée Rouge Célibat de Maître Ravenswood

Il est cité dans Mélange de paternités

Il est cité dans Éloge de la Mémoire

Il est mentionné dans Auto(?)censure

Il est cité en exergue de L'homme des mégalopoles

Malcolm de Chazal

Il est cité dans Délirium très mince

Olivia Chevalier-Chandeigne

Elle est citée dans Horreo

Frédéric Chopin

Il est mentionné dans la Maternité

Joan Clark

Elle est mentionnée dans Dans l'avenue Desbordes-Valmore

Estelle Claris

Elle est l'héroïne d'Estelle au mois d'avril

Robert S. Close

Il est mentionné dans Aime-moi (baise-moi ?) matelot : le seul roman de gare entièrement lu devant une Cour suprême très sérieuse

Jean Cocteau

Il est mentionné dans Une enfance littéraire française I

André Collinet

Il est cité dans L'après-midi aux Sables d'Olonne

Il est cité dans Il n'arrive point de barrique de sucre en Europe qui ne soit teintée de sang humain

Il est mentionné dans La confrérie de Baude Fastoul

Ry Cooder

Il est mentionné dans La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

Julien Coupat

Il est cité dans Militants radicaux des deux extrémités du centre

Crin Blanc

Il est mentionné dans L'enfance, la civilisation et le monde sauvage

Il est mentionné dans L'âme-soeur et la sœur nourricière

Il est mentionné dans Une chansons, trois films

Il est mentionné dans Alcool, liberté, littérature

Astolphe de Custine

Il est cité dans Le despotisme des bons

 

L'index des noms propres d'AlmaSoror se constitue au fil des heures perdues, des insomnies et des paresses.

Il permet à la barmaid de ce zinc blogal, sur lequel vous venez d'échouer pour la première ou la millième fois, de se ressouvenir des huit années d'existence d'AlmaSoror, d'abord en tant que revue mensuelle en ligne, entre septembre 2006 et septembre 2008, et puis ici même, en blog à chronoposologie libre et variable.

Le temps passe, je vieillis, AlmaSoror vogue et ne sombre pas. Si nous ne servons plus d'alcool de salamandre sur ces terres virtuelles (pour des raisons antispécistes), nous ne manquons jamais d'inventer de nouvelles recettes de cocktails inédits et épicés, frais et alcoolisés, pour nos visiteurs de l'aube à la nuit.

Qui êtes-vous ? Qui suis-je ? Des êtres de passage, assurément. Il n'y aura aucun survivant dans les décombres de notre époque, un jour nous serons poussière et des enfants du futur, peut-être, viendront deviner comment et pourquoi nous avons existé.

Blancheur ! Blancheur ! Blancheur ! La grande blancheur éclate autour de moi. J'ai nagé hier soir dans l'océan brumeux à l'heure où les lampadaires de la ville océane s'allumaient. L'eau était froide.

J'ai rêvé dans la rue qui monte, des corbeaux sur la neige, des arbres à perte de vue, des enfants roux enveloppés dans des manteaux de plume. Une fille d'environ quarante ans me tenait par la main, silencieusement nous contemplions ce paysage.

Immobile et silencieuse, je me suis endormie au bout du tunnel de l'insomnie. AlmaSoror, tu ressembles à mon destin.

samedi, 19 juillet 2014

Aide à vivre

 

Ce silence est un luxe, un appel, parfois presque un étouffement. Quelle quiétude, ces bougies, cette lenteur de vivre, la douce lumière rouge aux lueurs jaunes qui se balance dans la pièce. Dans ce moment où je me sens enfin vivre l'instant présent, qui sait si ce que je ressens ressemble à la caresse de la paix profonde ou à la morsure affreuse de l'angoisse ? Moi, je ne sais pas. Mais tout est si beau et intense quand on ressent la pleine présence du moment, quand on est tout entier à ce qui est. La beauté du lieu dans le soir tombé, la chaleur diffuse et infiniment douce de la lumière aident à vivre.

Motz-Loviet

 

Béatitude

 béatitude, beati mundo corde, persécution

La plus grosse douleur, c'est d'être rejeté du monde. Pour nous, les hommes ; pour les animaux aussi. Loup oméga. Clochard. Prisonnier. Considéré comme coupable, ou pas capable.

 

Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt :
beati pacifici, quoniam filii Dei vocabuntur :
beati qui persecutionem patiuntur propter iustitiam,
quoniam ipsorum est regnum caelorum.

Heureux les cœurs purs, car ils verront Dieu.
Heureux les pacifiques, car ils seront appelés fils de Dieu.
Heureux ceux qui subissent persécution pour la justice,
car le royaume des cieux est à eux.

 

vendredi, 18 juillet 2014

La robe rouge de Dana

Synopsis

 

Chili, années 70.

 

Monsieur Barka est le chef de la police du Chili. Il est père de deux enfants, un fils, fidèle, qu’il ne respecte pas, et une fille Victoria, qu’il a adorée toute son enfance et qui est désormais une opposante acharnée du gouvernement.

Il y a une dizaine d’années, il a emprisonné sa fille Victoria, enceinte, et son gendre parce qu’ils faisaient de la dissidence. Il n’a pas hésité à faire exécuter son gendre et “disparaître“ sa petite fille Isabel, née en prison.

Depuis, Victoria Barka est retournée vivre dans son village, où vit également son amie Dana, universitaire alcoolique. Elle écrit des articles pour un journal contestataire et fréquente des amis proches de la dissidence, ayant renoncé au système.

Mais un jour, Victoria Barka revient dans un article sur les assassins de sa fille et de son mari ; elle n’y cite pas expressément son père, mais personne ne peut s’y tromper.

Après la lecture de cet article, Barka décide de partir rencontrer sa fille. Il veut avoir une explication avec elle, et surtout, lui annoncer la vérité : sa fille Isabel n’est pas morte. C’est lui qui l’a adoptée et qui l’élève. Pendant ce temps, Victoria passe le temps avec Dana et Pierre, un ami de Dana. Pierre, photographe français en visite, se trouve impliqué dans une histoire politique qui ne le concerne pas, et au cours de laquelle il fait face à ses propres démons. Tandis que dans le village trois filles qui rappellent les Erinnyes de la mythologie gréco-romaine, semblent comploter, et il est difficile de savoir si c’est pour le meilleur ou pour le pire.

Lors de la rencontre fatidique entre le père et la fille, Barka est muré dans ces certitudes et Victoria dans sa souffrance. Barka ne révèle donc pas le secret d’Isabel. Déçu, de retour chez lui il organise un coup monté pour ré-emprisonner sa fille. Ce coup politique à des fins personnelles est contré par son propre gouvernement. Mais il s’en sort à temps. Et Victoria reste vivre dans son village, ignorant encore l’existence de sa fille. Jusqu’à quand ?

 

 

Note d’intention

 

A travers l’histoire d’une femme, Victoria, dont la vie est entièrement, implacablement détruite par son père dont elle est l’opposante politique, au sein de la dictature chilienne, surgit la question des choix personnels et des sentiments intimes, et du conflit que leurs oppositions éventuelles peuvent créer.

Trois thèmes sous tendent cette histoire.

J’ai voulu parler de la culpabilité. De la difficulté d’être la fille d’un assassin, d’un suppôt d’une dictature, quand l’amour et la répulsion se disputent au creux d’un cœur d’adulte qui, vis-à-vis d’un père, ne peut qu’être un cœur d’enfant. Ainsi, la culpabilité politique et la culpabilité familiale, dont la résolution est contradictoire.

Le second thème émerge de lui-même du conflit qui oppose les personnages, et concerne deux attitudes-types et antinomiques, face à la vie et à la société. Il y a le pouvoir absolu qui ne veut jamais se remettre en question, parce qu’il représente l’ordre suprême, et il y a la résistance, qui fait la révolution. Et le nécessaire lien qui unit ces deux attitudes, et qui peut se transformer en besoin réciproque et par là devenir un système tournant sur lui-même et pour lui-même.

Mais au-delà de ces rôles-types je me suis demandé quels types d’êtres humains ces attitudes cachaient ou révélaient, et quels sentiments, quelles idées, quelles émotions les dominaient et motivaient leurs choix. Sommes nous des marionnettes destinées à jouer des rôles que nous n’avons pas choisi, dont nous n’aurions pas voulu ? Où se situe notre pouvoir d’action sur notre propre vie ? Quand on est quelqu’un d’entier et qu’on a fait un choix en profondeur, que ce soit celui de la violence ou celui de la résistance, a-t-on les moyens de revenir en arrière ? Quand on a tout misé pour un idéal, revenir en arrière, n’est-ce pas se trahir soi même ? Enfin, quand on a perdu son amour (l’amour de sa fille, l’amour de son père) pour sa cause, la cause n’est elle pas le substitut essentiel et vital de cette perte ?

Je me suis demandée si l’histoire de Victoria et de son père était une déchirure liée à un hasard politique, ou la conséquence d’une trop grande compréhension, d’une fusion telle qu’elle interdit la vie, et que seule la lutte implacable peut briser.

Car au delà de leur opposition qui relève de la tragédie au sens narratologique du terme, le drame du père et de la fille réside peut-être dans leur étrange ressemblance, dans leur identification au rôle qu’ils se sont donnés à eux-mêmes, ou que les circonstances leur ont donné.

La robe rouge de Dana – Dana étant à la fois témoin et symbole, confidente de Victoria telle les deuxièmes rôles des tragédies du XVI éme siècle, dont la présence exacerbe le drame – est un drame familial et politique, à la fois profondément individuel et profondément collectif, qui met en scène la déchirure qu’implique une incohérence entre l’éthique (ici politique) et l’amour (ici paternel et filial). En toile de fond, le débat entre la recherche de l’absolu (l’ordre) et l’acceptation de l’imperfection (le désordre) se trame. Et le scénario se clôt sur la fureur de vivre et de se battre pour la liberté, que rien n’éteint.

 

La robe rouge de Dana

L'homme et la brique

Un père pontier à l'usine à Flins, une mère serveuse à L'oie d'Or, et moi j'ai créé une briqueterie artisanale. Cuite ou crue, peinte ou nue, ocre ou grise, ma brique est terre et elle rendra douce ou mystérieuse l'ambiance où vous ferez grandir vos petits. Murs et murets, tables et bar intérieur de cuisine, voyez tout ce que vous pouvez aménager grâce à notre métier, si ancien, si bien ancré dans notre présent.

Au commencement était l'argile. L'eau de kaolin vient s'y mêler. Le pétrissage, puis le séchage, distillent leurs odeurs et leur poussière, qui hanteront les rêves de mes fils Hugues, Kévin et Bastien quand ils seront grands – quand ils seront vieux. J'ose espérer que l'un d'eux reprendra la maison Pontguillaume. J'ose espérer qu'ils s'entendront toujours aussi bien qu'hier soir, lorsqu'ils jouaient au ballon au coucher du soleil.

Il faut disposer les briques dans le four, et j'aime à voir mes apprentis, au début gauches et hésitants, devenir, avec les mois qui passent, les rois de la cuisson. Ils apprennent à aimer la vision infernale du rougeoiement pendant que les rectangles de terre chauffent, chauffent, chauffent...

Des tuiles ? Quelquefois. Quand les commandes de briques s'effondrent, que la demande en tuiles demeure, oui, nous créons de belles tuiles pour une clientèle amatrice de toits rouges et oranges. Mais la brique reste notre plume de paon.

Nous vivons au bord du fleuve. C'est le signe d'un contact avec l'eau, qui irrigue la terre et la rend ferme et molle et friable. C'est le signe d'un contact avec la lune, qui dirige les élans des eaux de la planète, la Terre.

Je ne parlerai pas des soucis qui rongent mon être. Il suffit de dire que tout n'est pas rose. Les femmes savent faire souffrir, les hommes oublient les services rendus. Mais les enfants qui jouent le soir, le regard aimant du chien, l'odeur des briques, le souvenir du père et de la mère partie trop tôt, tout cela fait de moi un homme qui vous dit : merci.

Micka Pontguillaume

 

Sur AlmaSoror, on peut lire aussi le témoignage de Calélira sur sa ville d'enfance, Equihen.

dimanche, 13 juillet 2014

Le film du dimanche soir : Milton Pluie

Pour terminer ce long dimanche, regardons Milton pluie, par Sara

 

samedi, 12 juillet 2014

Toi

Je dors dans une chambre où le soleil balaie la poussière à la tombée du soir ; j'y bois une tisane au pissenlit au milieu des volutes de guitare électrique qui s'échappent de mon ordinateur. Je revois en pensée l'époque où tu m'accompagnais.

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Vous, les loups

Lorsque les enfants des écoles vont rencontrer leurs grands frères et grandes sœurs des maisons de retraites, et que l'un d'eux commence à raconter une histoire du temps où il avait leur âge, le dernier loup breton remonte à la surface des mémoires et nous rappelle la cruauté et la beauté, des loups comme des hommes.

Ainsi, voici le début d'une histoire trouvée sur Arbannour. Mais celui qui trouvera la suite pourra prévenir AlmaSoror, et recevoir ainsi le plus beau baiser virtuel du monde.

le dernier loup breton

« L'hiver 1865 avait été terrible et toute la région avait souffert d'un froid précoce et épouvantable, au point que nous ramassions les poissons morts le long des berges gelées de l'Odet. Nous n'allions pas à l'école tant le vent d'est sifflait et étouffait le pays sous un un épais manteau de gelée et de brumes.

Le matin, toute la famille restait bien au chaud dans la pièce commune de la grande maison où Jakez et ses cinq frères et quatre sœurs vivaient.

 

Seul Youenn le père se levait de bon matin pour nourrir les bêtes et il allait avec sa brouette jusqu'au village livrer le lait frais.
Ce matin-là, le silence était différent et même le coq restait muet. Seul un petit bruit d'étincel- les qui crépitaient dans la cheminée et une bonne odeur de soupe nous avertissaient que notre mère préparait le petit déjeuner.
Mes sœurs remuaient doucement dans leur grand lit au fond de la pièce et je les voyais à peine.
A gauche, le grand lit clos des parents semblait bailler d'une nuit trop courte.

 

Par les carreaux givrés, je distinguais le gros brouillard qui montait de la rivière avec la marée, et la fumée, qui descendait de la cheminée, paraissait s'ajouter à cette lumière opaque.
Soudain au loin, on entendit le bruit caractéristique des gros sabots ferrés de mon père et la roue cerclée de la brouette sur le petit pont à une centaine de mètres de la ferme. Les bruits nous arrivaient déformés par le brouillard et nous semblaient à la fois proches et loins, forts et doux.

 

A l'ordinaire, l'arrivée de mon père accélérait le lever de toute la famille qui attendait ce moment avec beaucoup d'impatience : le pain frais du matin était notre seule joie de la journée et quoique notre famille n'était pas la plus pauvre, nous mangions presque toujours les mêmes repas : soupe, pain, des oeufs et un peu de viande le dimanche.
Les enfants appréciaient la miche chaude du matin et nous dégustions notre unique tranche comme un gâteau de choix.

 

Mais aujourd'hui, mes frères et mes sœurs ne se réveillaient pas. Étant l'aîné, je me levais souvent un peu avant eux pour aider ma mère à préparer la tablée et à nourrir les poules et les lapins.

 

Aujourd'hui, j'avais dix ans et je me sentais plus responsable et presque un homme ».

 

Le texte est publié (non intégralement, sacrebleu), sur le site d'Arbannour, à cette place exactement...

vendredi, 11 juillet 2014

15

« Car, si toutes connaissances ont l'être pour objet, et finissent là où l'être finit, nécessairement celui qui l'emporte sur tout être échappe aussi à toute connaissance ».

Saint Denis l'Aréopagite, Des noms divins, ch 1, §5.

jeudi, 10 juillet 2014

Le mage

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Le conteur de Bagdad, ou le peintre Wang Fo de Chine, possède le pouvoir d'éblouir les individus dans leur fort le plus intérieur, d'envoûter les foules anonymes. C'est lui dont la parole change les rêves des autres, dont le souffle donne vie, dont les visions transforment les autres en bâtisseurs du monde qu'il a conçu dans la solitude.

Ce pouvoir occulte de l'artiste, il le tient de son rôle de passeur.

Tandis que ceux qui l'écoutent, le regardent, attendant sur la rive, il manœuvre sa barque avec sa rame et glisse sur les vieilles eaux mortes du monde, charriant la poussière des histoires taries et les ruines des nécropoles de notre mémoire commune, pour susciter avec cette vase de nouveaux grouillements de vie.

Nulle science, nulle technique, nulle sagesse n'égale sa puissance. Nulle spéculation n'entrave son cours.

Car le fluide du mage est aussi informe qu'incessible. Venu, peut-être, de la nuée invisible, il est Mystère et Sanctuaire.

Mendiant ou prince, le mage est jalousé, car il est passeur d'images.

Pourtant, parmi l'assistance, celui qui devine le prix de ce don considère aussitôt la barque avec horreur et ne jalouse plus jamais le don du passeur.

(Transmissions des générations, migrations entre les continents, initiations ésotériques, le passeur qui fait payer le passage n'est pas un vrai passeur. Arrière, faquins ! )

Salut !

 

Voici une exhalaison textuelle de Jean Bouchenoire. La nuit quelquefois porte conseil, quelquefois porte mystère et vision.

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Dans un République moribonde qui parle sans cesse d'elle-même parce qu'elle cesse d'être au service d'un projet d'avenir, il est intéressant de se demander quel pourrait être le futur régime de la France, salvateur dans la mesure où il fermerait cette longue coupure entre les deux mondes, L'Ancien Régime et l'après-Révolution, pour les réunir dans une mémoire une et réconciliée.

Une France consolée (un synonyme affectif de réunie, con-solus signifiant rendre un), dans un troisième régime capable de porter quelques siècles d'avenir.

À la longévité spirituelle, morale, esthétique de l'Ancien régime, s'arc-boutera l'invincible liberté de chaque homme, et la légalité légitime du peuple. À l'immuabilité apparente d'un pays sans cesse mouvant se greffera la possibilité perpétuelle du progrès collectif comme celle de l'expérience individuelle aventureuse. Rébellion structurée et structure libre s'épouseront pour former les deux piliers de l'Etat. Les deux autres piliers seront la nature sauvage et la civilisation, une ligne de continuum les reliant sans à-coups ni fracture, fracassant les chaînes qui séparent le cerf des bois de l'homme du Louvre.

Je parle au présent d'un monde qui naît déjà.

Une fédération des régions de France, ouverte à des autonomies et des nouvelles-venues en fonction de l'Histoire et des modes ? Mais comment s'appellera-t-elle, cette fédération héritière à la fois du Royaume et de la République ?

Ce serait un empire qui ne dirait pas son nom, et sa discrétion serait le signe de sa longévité.

La France, cette salamandre, ce coq, ce sanglier, possède un orgueil qui alternativement l'élève au rang de phare ou l'abaisse au-dessous encore du ridicule. Elle n'est pourtant pas morte, bien que maints clairons aient sonné sa fin, et précisément parce qu'ils l'ont sonnée trop tôt, elle a senti un sursaut inconscient au tréfonds de son corps social impalpable. Il faut savoir quelque fois attendre que l'ennemi soit mort pour ne pas favoriser sa résurrection.

France, puisque tu te relèves de ta chute, puisque tu guéris des coups que tu t'es toi-même portée en croyant atteindre d'autres, je t'admire et j'attends de connaître ton nouveau nom, celui que l'on connaîtra encore dans des siècles, et qui paraîtra avoir toujours existé.

Jean Bouchenoire

 

 

 

lundi, 07 juillet 2014

Lien vers un guide précieux

"Ce qui est autorisé aujourd’hui, comment savoir ce qu’il en sera demain ? Les gouvernements changent, les lois et les situations aussi. Si on n’a pas à cacher aujourd’hui, par exemple, la fréquentation régulière d’un site web militant, comment savoir ce qu’il en sera si celui-ci se trouve lié à un processus de répression ? Les traces auront été laissées sur l’ordinateur… et pourraient être employées comme élément à charge.

Enfin et surtout, à l’époque des sociétés de contrôles de plus en plus paranoïaques, de plus en plus résolues à traquer la subversion et à voir derrière chaque citoyen un terroriste en puissance qu’il faut surveiller en conséquence, se cacher devient en soi un enjeu politique, ne serait-ce que pour mettre des bâtons dans les roues de ceux qui nous voudraient transparents et repérables en permanence".

(...)

"Commençons par le commencement.

Un ordinateur, ce n’est pas un chapeau de magicien où on peut ranger des lapins et les ressortir quand on a besoin, et qui permettrait en appuyant sur le bon bouton d’avoir une fenêtre ouverte sur l’autre bout du monde.

Un ordinateur est composé d’un ensemble de machines plus ou moins complexes, reliées entre elles par des connexions électriques, des câbles, et parfois des ondes radios. Tout ce matériel stocke, transforme et réplique des signaux pour manipuler l’information que l’on peut voir sur un bel écran avec plein de boutons où cliquer.

Comprendre comment s’articulent ces principaux composants, comprendre les bases de ce qui fait fonctionner tout ça, c’est la première étape pour comprendre où sont les forces et les faiblesses de ces engins, à qui l’on confie pas mal de nos données".

 

Vous pouvez lire le Guide d'autodéfense numérique, publié sur le site Guide.Boum.org