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samedi, 06 septembre 2014

La vie répétitive

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Ce qui frappe, dans le journal de Sophie Tolstoï, c'est la répétition sempiternelle des mêmes souffrances, tandis que s'écoulent les jours, les mois, les années, les décennies. Ses souffrances, vis-à-vis de son époux, de ses enfants, de sa vie personnelle, se suivent et se ressemblent. Autant la répétition des douces et belles choses de la vie est agréable, autant celle des douleurs lamine. Dans l'enfer de Dante, les tortures infligées ne varient pas avec le temps : la même torture est répétée à l'infini, et c'est toute l'horreur de cette torture, qu'elle soit répétée, répétée, répétée...

Oui, toute l'horreur de cette torture c'est qu'elle soit répétée. Je m'interroge sur mes propres souffrances répétitives. Je connais la psychanalyse et le shiatsu, le développement personnel et la prière. Pourtant, comme beaucoup d'entre nous, il ne m'est pas facile de sortir de certains miasmes qui viennent m'emporter comme des démons à certains moments et font chuter mon moral au sein d'une vie qui, à tous abords extérieurs, paraît heureuse et intéressante.

Je me suis déjà interrogée sur les fastidieuses classifications entre les maux physiques, moraux et psychosomatiques. Nous sommes encore dans le désert aride de la méconnaissance et ce n'est que notre ingnorance du fonctionnement de notre propre corps qui nous pousse à considérer que le mental n'est pas physique. Si nous pensons, si nous ressentons, si nous éprouvons, ce n'est pas avec quelque chose qui n'existe pas, mais bien avec notre corps, au sein de notre corps. Et sans doute, pour aboutir à des résultats différents, il faut changer à la fois notre mode de vie, notre alimentation, notre exposition à la lumière, nos mouvements physiques, nos pensées, nos considérations sur le monde, nos croyances et nos relations.

Se transformer sans cesse n'est pas aisé ; lorsque nous prenons une décision, nous convoquons les parties de notre esprit, de notre corps, que nous connaissons et savons actionner. Mais quid des parties de notre être qui nous échappent ?

À regarder les gens vivre, on les voit, parfois, fermer la porte à tout ce qui faisait leur vie passée et créer une vie entièrement neuve : une nouvelle famille, un nouveau métier, une nouvelle région... Quelquefois, la personne semble véritablement transformée et son moral, bien meilleur. Mais le plus souvent, passé le moment de la nouveauté, la personne est à nouveau dans toutes les ornières qui l’étouffaient dans sa première vie. Il n'a servi à rien de trancher des liens qui n'ont pas tranché avec la douleur de fond !

Si Sophia Tolstoï vivait aujourd'hui, elle aurait divorcé, rencontré un autre homme, recommencé une famille, créant douleur et ruptures en elle et autour d'elle ; et, quelques années plus tard, le même malheur, les mêmes déceptions, les mêmes combats insurmontables l'auraient occupée et désespérée. En quarante-huit années de vie aux côtés de Lev Nicolaïevitch Tolstoï, le grand auteur de Guerre et Paix, ils ont partagé, moralement et matériellement, les affres de plusieurs divorces et remariages, tous deux ensemble... En quelque sorte, la polygamie actuelle qui consiste à créer une nouvelle famille dès lors qu'une première vie de couple est morte, et ce parfois plusieurs fois, n'est qu'une répétition de ce qu'auparavant, un couple marital vivait ensemble, sur plusieurs décennies : drames et réconciliations. Un long parcours difficile et tortueux qui s'achevait, selon les cas, sur le drame ou la réconciliation finale.

Dans la vie professionnelle aussi, on cherche à vivre des choses exaltantes, à fuir l'affreuse monotonie des jours. Mais si la monotonie est accrochée à notre cœur comme une moule à son rocher, on finira bien par la retrouver, partout, partout, qu'elle que soit l'apparence de notre aventure. 

Il se peut qu'au lieu de rechercher le changement et la nouveauté, on cherche au contraire à s'assurer une sécurité bienfaisante afin de ne plus avoir peur du vide, du combat, de l'échec cuisant, de l'exclusion. Mais le vide demeure. Le combat vient nous chercher au creux de notre salariat empêtré de réveille-matin, de garage pourvu d'alarme, de contrats d'assurance vie. L'échec cuisant se dessine sur notre visage ou celui de nos proches alors même que tout est matériellement prévu, organisé, calibré. L'exclusion n'a pas lieu dans notre vie extérieure : c'est notre propre âme qui est exclue de notre vie, à l'insu de tous.

Comment éviter la douleur répétitive ?

 

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