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mardi, 27 janvier 2015

D'Angers la nuit

angers.jpg

Angers la nuit - photo de Sara

 

Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
Ou comme cestuy-là qui conquit la toison,
Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
Vivre entre ses parents le reste de son âge !

Quand reverrai-je, hélas ! de mon petit village
Fumer la cheminée, et en quelle saison
Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
Qui m'est une province et beaucoup davantage ?

Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
Que des palais Romains le front audacieux :
Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine,

Plus mon Loire Gaulois que le Tibre Latin,
Plus mon petit Liré que le mont Palatin,
Et plus que l'air marin la douceur Angevine.

Joachim du Bellay - Les Regrets - 1558

lundi, 26 janvier 2015

Homme sacré

 

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Tu étais assis à cette terrasse de café au soleil face au parking qui, lorsque je te vis, me parut aussi beau qu'un océan, avec ses vagues de capots et son ballet d'allées et venues sur les étendues de macadam. Tu étais presque bien rasé, tu portais une chemise sans caractère et tu contemplais l'inconnu. Sur ta table étaient posés deux livres : les Confessions de Saint-Augustin et Homo Sacer, de Giorgio Agamben.

T'apercevoir, me donna l'impression neuve de vivre. Je devais rejoindre un petit groupe dans le centre culturel du bout de la route mais je m'assis à une table, non loin de celle où tu attendais tranquillement que rien ne se passe. Nos regards se croisèrent une seconde et tes lèvres sourirent vaguement, puis retournèrent à leur expression réfléchie et rêveuse.

Ce n'est que bien longtemps après que j'ai appris ton nom : Anne-Pierre Lallande, et ta foi : l'enfance. Tu étais mort déjà et mon âme t'aimait pour toujours.

 

Ailleurs sur AlmaSoror :

Ma rencontre avec Anne-Pierre Lallande, chrétien, anarchiste, antispéciste

Autobiographie (tentative sérieuse)

 

Extrait final du discours de Dixippos aux volontaires...

..."Il est beau de nous pénétrer de l'image de notre patrie telle que nos aïeux l'ont faite, d'offrir par notre courage et notre amour de la liberté un exemple aux Grecs et de jouir auprès de nos contemporains et de la postérité d'une gloire impérissable, en montrant par des actes que, même dans le désastre, la résolution des Athéniens ne peut être entamée. Prenons comme mot d'ordre nos enfants et nos biens les plus chers, puis marchons au combat en invoquant les dieux qui nous protègent".

 

C'était la fin du discours que prononça en langue grecque Dixippos (rejeton de la grande famille des Keryces, clercs voués aux mystères d'Eleusis), aux volontaires athéniens, après la prise d'Athènes en 267. Le discours entier ou, tout au moins, le fragment qui nous est connu, peut se lire sur le site de Theatrum Belli.

dimanche, 25 janvier 2015

Carita

 

"Tu donnes du pain à celui qui a faim. Mais mieux vaudrait qu'il n'ait pas faim, et que tu n'aies rien à lui donner".
"Par le fait que tu donnes, tu parais être le supérieur de celui auquel tu donnes.
Souhaite qu'il soit ton égal, afin que tous les deux, vous soyez dans la dépendance de celui auquel on ne peut rien donner."

Saint Augustin

 

"Il te faudra beaucoup d'amour pour te faire pardonner le pain que tu leur donnes."

Saint Vincent de Paul

 

(Merci à Paul, à Samuel et à Emmanuel)

 

 

 

samedi, 24 janvier 2015

Nos vaillances sociales

 

Je me connecte, je laisse défiler des informations, une photographie apparaît, je vais visiter ta page. Je reçois de tes nouvelles, j'observe la distinction intangible mais inéluctable de ton apparence.

Un lieu bercé dans la nature, au milieu de vieilles pierres. Une activité agricole élégante. Un fils à qui transmettre.

Une religion pour les rites.

Une ancienne mémoire des lieux, des éléments ancestraux.

 

Mon cœur s'étreint à l'idée de tout ce qui me manque. Mais voilà que surgissent maintenant des images d'une modernité de premier cru, des villes riches à l'autre bout de la planète. Des gens beaux commentent en plusieurs langues tes semences virtuelles et tu réponds – en plusieurs langues. Tu as déjà un pied dans le monde de demain ; il ne te fait pas peur. Il t'invite, il t'accueille, vous vous aimez mutuellement.

 

L'agilité sociale induit une hiérarchie qui ne se classe pas selon une taxonomie claire et établie, mais se soupèse et se resoupèse au gré des jours et des ans qui passent.

L'individu participe à la confection de son statut social via les réseaux sociaux. Il s'agit, l'air de rien, de devenir le scénariste d'une belle histoire – sa propre histoire. S'il n'est pas stupide, il prendra garde à insuffler du noir et du blanc, des hauts et des bas, des moments de pure paix et d'autres de violente révolte, tout en imprégnant son « personnage public », d'un climat général séduisant. Il fera en sorte que sa personnalité réelle ne soit pas en totale contradiction avec celle qu'il créée sur ses réseaux, afin que l'illusion ne s'effrite jamais aux yeux des autres, ni même à ses propres yeux.

En apparence bon enfant et anodines, ces fréquentes publications qui racontent à notre sujet une si formidable histoire, parviennent à créer chez les autres des sentiments d'échec personnel qui atteignent les tréfonds des puits les plus profonds. Même quelqu'un dont la vie est agréable et consistante, en phase avec ses désirs profonds, aura du mal à ne pas se sentir ébranlé face à l'avalanche de faits positifs recensés par une personne.

Que recherche-t-on lorsqu'on parle de soi, ou qu'on cherche à ce que d'autres le fassent ? Un statut social bon pour l'ego de notre vivant ? La gloire incomparable que connaissent encore Homère et Sophocle ? Ou tout simplement la sortie de l'anonymat... Car l'anonymat ici et maintenant s'apparente à une inexistence, tandis que la reconnaissance par les autres donne l'impression de donner plus de poids et de valeur à notre existence.

Le mot « consistance » est intéressant. Nous essayons d'avoir de la consistance, à nos propres yeux et au regard des autres. Il faut s'interroger sur le type de consistance que notre être doit prendre pour se rapprocher de notre rêve existentiel.

Quelquefois j'essaie de te, de vous concurrencer. Si je réussis, je ne m'en rends pas compte : je ne mesure pas les coups portés au coeur des autres, je ne peux que contempler l'abîme de ma frustration.

Je me déconnecte. Je regarde autour de moi le béton mal peint, la pluie qui tombe sans romantisme sur une plante malade, la pile accumulée de papiers administratifs à remplir. La cafetière renversée, la tasse ébréchée, la guitare dont je ne joue plus.

 

Comme d'autres, j'aimerais bien que notre monde s'écroule et qu'une autre vision surgisse de ses ruines.

 

 

Ailleurs sur AlmaSoror :

Caste, classe : le théâtre de la distinction sociale

L'échec social, la mort et la biographie personnelle

Puissance et décadence de la bourgeoisie

L'homme des mégalopoles

 

 

mercredi, 21 janvier 2015

Le moine-soldat (12)

Aller vers ce que l'on déteste avec le plus de foi, c'est s'approcher dangereusement du vrai soi-même.

(#moine-soldat)

mardi, 20 janvier 2015

Témoignage

Les anges de l'hiver ont des visages trop aimés. Ils ont des corps enfuis, des âmes qu'on ne veut pas abandonner. Ils ont des secrets au creux des ailes, leur chanson brame encore au milieu de nos nuits hagardes, leur piano tinte un peu dans nos oreilles qui oublient sans vouloir oublier. Leur absence est bleue, comme une note de jazz noyée dans un air trop classique. Et leur souvenir est cuisant.
Mais nous les rejoindrons. Nous passerons chacun notre tour la porte qu'ils ont déjà franchie. Ils seront là, nous tendant leurs bras lumineux pour l'étreinte des retrouvailles. Ainsi va la vie, si proche de son ennemie mortelle.

(En souvenir d'un billet de Crescent consacré à un jeune homme enfui)

lundi, 19 janvier 2015

Toxico

Tu viens chercher ici ta came quotidienne ? Il n'y en a plus. Les caves sont vides. Nous avons bu les fonds de bouteilles. C'est la dèche.

Je sais que tu es en manque, que ton corps a besoin de nourriture, que ton âme hurle à la mort. Moralement, tu te vautres sur les planchers, tu rampes en quête d'une poudre d'absolu. Mais je ne peux t'offrir que ce que je possède - plus rien.

Quelque chose de profond manque à ton bien-être, une algue substantielle qui teinterait de vert l'océan de tes pensées, une lueur intérieure, une flamme vibrante, une flemme nonchalante, un flegme élégant qui t'aiderait à sortir dehors, à tenir debout.

Il fut un temps où je dispensais à tout va mes matières premières d'amour, de révolte et de bizarrerie. J'ai trop puisé à mes ressources, j'ai vidé mes puits. Tu reviens aux lieux de jouvence mais tu les trouves séchés, détruits.

Ta plainte m'énerve comme une fourchette grinçant sur l'assiette. Tu n'as qu'à t'en aller chercher plus loin, là où les Carmina Burana mués en vaisseau de son flottent dans les éthers. Laisse-moi tranquille.

Tu dépérissais et je te guérissais sans le vouloir, par la vitale présence de mon souffle. Le voilà, mon souffle, approche-toi pour sentir sa maigreur. C'est le souffle des sécheresses et des néants du coeur.

Meurs dans d'atroces souffrances si tu peux, ou végète en regrettant le bon temps, car ton dealer de came ferme boutique.

dimanche, 18 janvier 2015

Feux électriques

 

Grâce à Tieri, j'ai feuilleté il y a quelques jours un roman d'Alex La Guma, dont l'atmosphère m'habite encore par moments, par vagues. Et, en me souvenant de cette ambiance à peine lue, j'écoute le Lux aeterna de Ligeti. Ceci dans une chambre d'une ville tranquille située au bord de l'océan Atlantique. Presque pas de vent ce soir – qui pourrait croire que la nuit dernière tonnait sous la tempête ?

Dans le train, l'autre jour, un jeune homme très bien habillé et très sérieux travaillait sur son joli ordinateur portable, et j'ai vu son nom s'afficher sur son écran alors que je ne le souhaitais même pas. Prise ensuite d'un voyeurisme que je trouvais moi-même insupportable, mais incapable de me retenir, j'ai tapé son nom sur le moteur de recherche « google » de l'écran de mon téléphone. Effrayée par cette attitude inique quoiqu'invisible, j'ai tout de même, en quelques secondes, réalisé où il avait grandi, effectué ses études... Quelle horreur que la modernité, me disais-je, pour rejeter la faute de mon immorale indiscrétion sur la modernité. Mais l'époque ne fait que refléter ceux qui l'habitent, et les techniques ne font qu'obéir aux humains qui les utilisent. Quoi qu'il en soit, le jeune homme au bout d'une heure a éteint son ordinateur et sorti un livre : le portrait de l'aventurier, de Roger Stéphane. Je me suis souvenue alors assez confusément de ce livre, et très précisément de la préface de Jean-Paul Sartre, présente également dans l'édition de mon voisin « auditeur financier» dans un cabinet international. Sartre, ce grand menteur, cet idéologue plein d'intelligence, de morgue et de bassesses, y détaille brillamment les personnalités de l'aventurier et du militant – que tout oppose.

Et moi, à cause d'événements récents de l'actualité, bien que l'actualité n'existe pas, l'actualité n'est qu'une proposition indécente de voir telles choses du monde, d'une telle manière, tous ensemble, et de croire que voici l'histoire qui défile, moi donc, je m'interrogeais sur le profil du rebelle. Celui qui refuse de n'être qu'un rouage du système, quel que soit le niveau du rouage, l'importance sociale qu'on lui donne.

Le rebelle individuel, qui se dresse contre le système, est broyé en moins de temps qu'il ne faut pour qu'il comprenne l'inanité de son geste héroïque et inutile.

Le rebelle enrôlé, quant à lui, dans quelque combat collectif, a plus d'espoir, plus de soutien, et s'il peut finir lâché par ceux de sa cause et broyé, il peut également vivre une vie de combattant au long cours, ou même devenir ministre à la place du ministre si la révolution qu'il sert a lieu.

Mais, même si la cause est perdue, le rebelle engagé savoure quelques bienfaits qui ne sont pas donnés à celui qui se soumet ou qui vit sans s'en faire, dans l'adaptation totale au monde. En effet, il prend du recul par rapport au système, menant une double vie ; il est soutenu par une idéologie forte, qui lui permet de traverser les coups durs, privés comme sociétaux ; il reçoit une préparation physique, mentale, intellectuelle et technique qui l'aide à se construire, à progresser, à élever ses enfants s'il en a. Il connaît la joie des réseaux parallèles, et garde le temps de son engagement de goût de liberté et de bravade que l'on ne connaît souvent qu'à l'ère courte de la jeunesse, et dont le malaise intérieur de l'adolescence nous empêche trop souvent de profiter. Si le rebelle se sacrifie à sa cause, il connaît une gloire, payée le prix fort, et devient le héros d'une communauté (diabolisé par le système, mais le regard qui compte pour lui est celui de la communauté).

Mais ce qui est amusant, c'est que Ligeti s'est tu depuis longtemps. J'ai eu Laurence P au téléphone et nous avons parlé de l'amour, de l'argent, des bébés, de la jeunesse qui passe et de la fête qu'il faut continuer, et puis nous avons raccroché. Elle, rue de la Roquette, moi, à quatre heures de train de Paris, vers l'Ouest. Time is a liar, chante une voix d'homme faussement douce, une voix de crooner qui m'emporte loin de Ligeti mais dans laquelle il reste un peu des atmosphères d'Alex La Guma.

 

samedi, 17 janvier 2015

Comme la colombe inaperçue

 

Savoir que nous sommes baignés aujourd'hui dans une lumière qui va s'éteindre, et qui est née, qui a grandi sans que personne ne la remarque, dans des lieux porteurs, encore inconnus, vers lesquels seule l'intuition guidait des êtres hors normes. Ces lieux pouvaient être physiques et géographiques ou intellectuels, artistiques, politiques, visuels, mentaux. Ce qui portera les esprits des gens demain existe aujourd'hui dans la plus parfaite indifférence. Les modes vers lesquelles nous nous tournons sont déjà mortes. L'influence, nous sommes sous influence, sous une influence qui disparaît, qui s'efface. Demain nos cerveaux, nos corps, notre monde seront portés par des conflits, des aspirations, des images que seuls quelques uns d'entre nous commencent à appréhender. Toi qui marches dans la gloire illuminée, ton ombre bientôt s'éteindra. Toi qui peines dans l'obscurité, ta splendeur demain resplendira.

 

vendredi, 16 janvier 2015

Les sans-maîtres

Dans la rue, dans les dîners, sur les blogs, à la messe lors de la prière universelle, dans les rassemblements politiques anticapitalistes, dans des endroits que tout oppose, j'entends des gens que rien ne rassemble utiliser sempiternellement le même vocabulaire : "les élites", "les experts", "nos gouvernants".

Que signifient ces expressions soumises ? Pourquoi cette communion dans la soumission ?

Nous ne devrions laisser personne gouverner les institutions. "Nos gouvernants" devraient être de simples exécutants d'une volonté générale très fréquemment mise à jour. Quant aux "élites", qui sont-elles réellement ? Des gens que nous acceptons de payer très cher pour qu'ils se servent eux-mêmes, ou pour qu'ils servent d'autres maîtres que nous ?

Si un homme est libre, qu'il dirige lui-même sa vie et participe à la guidance de sa Cité en commun avec les autres personnes qui forment la société. Tout le reste est dictature, quels que soient les mots écrits aux frontons des mairies ou le nom du régime dont les accapareurs de pouvoir se réclament.

jeudi, 15 janvier 2015

"Je t'adore à l'égal de la voûte nocturne"

sables d'olonne

"Il s'accouda à la balustrade et fuma se première cigarette en regardant les oiseaux tomber sur le sable", écrit Romain Gary en incipit de sa nouvelle, Les oiseaux vont mourir au Pérou.

sables d'olonne, romain gary, les oiseaux vont mourir au Pérou, soleil couchant

Mais toute la littérature ne commence ou ne finit pas au bord de la mer. Dans les hôpitaux, meurent des personnes qui ont rêvé de la Nouvelle-Orléans. En réalité elles n'y sont pas allées. En vérité, elles ont fait vivre cette ville plus intensément que beaucoup de gens qui y sont véritablement nées. C'est du moins ce que pense l'homme à qui j'ai parlé dans le bar qui jouxte la rue des Crabes. Il a lu Tennessee Williams, il a lu Truman Capote. Il a eu deux labradors, Tennessee et Truman. "Ils sont au paradis des chiens", m'a-t-il dit.

sables d'olonne, romain gary, les oiseaux vont mourir au Pérou, soleil couchant

"Un jour, écrit Truman Capote en préface à sa Musique pour Caméléons, je me suis donc mis à écrire, ignorant que je m'enchaînais pour la vie à un maître très noble mais sans merci. Quand Dieu vous donne un don, il vous gratifie aussi d'un fouet ; et ce fouet est strictement réservé à l'autoflagellation." Ce passage est cité dans un film d'Almodovar, par un jeune homme de dix sept ans qui vit ses dernières heures, et l'ignore. 

sables d'olonne, romain gary, les oiseaux vont mourir au Pérou, soleil couchant

Toute vie est lumière, tout instant est intense. Ici et là, dans le couloir sombre d'un bâtiment gris, ou devant ces mers éternelles - des gens trouvent, des gens sont la lumière. Le temps d'une pensée, d'un éclair dans l’œil, le temps d'une prise de liberté.

mercredi, 14 janvier 2015

Accepter de vivre et de mourir

Sur son blog Slate Star Codex, Alexander Scott, médecin psychiatre à l'hôpital, aux États-Unis, évoque la mort inhospitalière à l'hôpital. Il rappelle que beaucoup de médecins sont moins jusqu'au boutistes lorsqu'ils sont eux mêmes malades que lorsqu'ils doivent soigner les autres. Un choix fait en connaissance de cause, une connaissance très professionnelle.

Voici un extrait de son article Who by very slow decay, un titre extrait de la chanson de Leonard Cohen Who by fire.

"I was sitting in an ICU room yesterday where a patient’s body had just been brought out after their death. My attending was taking care of the paperwork in the other room, and I was sitting there reflecting, and I started thinking about what it would be like to die in that room. There was a big window, and it was a sunny day, and although I mostly had a spectacular view of the hospital parking lot, a bit further in the distance I could see a park full of really big trees. And I knew that if I were dying in that room my last thought would be that I wanted to be outside.

I think if I were very debilitated and knew I would die soon, I would want to go to that park or one like it on a very sunny day, surround myself with my friends and family, say some last words, and give myself an injection of potassium chloride.

(this originally read “morphine”, but just today the palliative care doctor at my hospital gave an impassioned lecture about how people need to stop auto-associating morphine with euthanasia, because it makes it really hard for him to offer morphine painkillers to patients who need them without them freaking out. So potassium chloride it is.)

This will never happen. Or if it did, it would be some kind of huge scandal, and whoever gave me the potassium chloride would be fired or something. But the people dying demented and hopeless connected to half a dozen tubes in ICU rooms aren’t considered scandals by anybody. That’s just “the natural way of things”.

I work in a Catholic hospital. People here say the phrase “culture of life” a lot, as in “we need to cultivate a culture of life.” They say it almost as often as they say “patient-centered”. At my hospital orientation, a whole bunch of nuns and executives and people like that got up and told us how we had to do our part to “cultivate a culture of life.”

And now every time I hear that phrase I want to scream. 21st century American hospitals do not need to “cultivate a culture of life”. We have enough life. We have life up the wazoo. We have more life than we know what to do with. We have life far beyond the point where it becomes a sick caricature of itself. We prolong life until it becomes a sickness, an abomination, a miserable and pathetic flight from death that saps out and mocks everything that made life desirable in the first place. 21st century American hospitals need to cultivate a culture of life the same way that Newcastle needs to cultivate a culture of coal, the same way a man who is burning to death needs to cultivate a culture of fire".

 

Who by very slow decay, par Scott Alexander. L'article entier est sage, intéressant et invite à la réflexion. Le blogueur nous invite ensuite à lire l'article How doctors die, sur la manière dont les médecins eux mêmes font face à leur propre fin.

 

mardi, 13 janvier 2015

Rypdal sur fond de vents coulis

Terje Rypdal, c'est ta musique qui peuple l'appartement de la ville maritime encore aujourd'hui, sous le ciel blanc, alors que des vents coulis s'engouffrent entre les murs du béton des années 1950. Un livre interrompu somnole sur une table depuis plusieurs semaines, écorné : l'histoire de l'Irlande et des Irlandais, par Pierre Joannon. Une ampoule cassée n'est toujours pas jetée. Des stores rouges attendent d'être installés le long des trois fenêtres. Plusieurs images défilent dans ma mémoire. Des vacances à quelques dizaines de kilomètres de Marseille, à vingt ans, dans la très belle propriété de la famille d'une lycéenne du lycée Montaigne nommée Raphaëlle. Le Larcomar de Lima, noyé dans la brume, et les péruviens qui sirotent leurs cocktails entre deux achats face à la mer triste et grise, l'hiver, au mois d'août. Un petit hameau de Bretagne et sa vieille maison de pierres où l'on se gèle en buvant du cidre blindé de pesticides. Des lectures en anglais et en espagnol, à l'époque où les langues étrangères osaient passer par ma bouche. Des exercices de grammaire nahuatl et des textes de Nemesio Zuñiga Cazorla appris par cœur. Il faut bien que jeunesse se passe. Peu à peu, l'apprentissage de la normalité érode les formes de la personnalité. Il faut bien que jeunesse se lasse. Je contemple une chapka qui n'a jamais connu les neiges de la Finlande. Il paraît qu'il ne faut jamais citer une phrase sans l'avoir lue dans son contexte. Cela paraît intelligent, évidemment. La recherche du contexte perdu, c'est le fil d'une pensée à rétablir entre deux ondes d'émotions agrémentées de mille milliards de citations. Rimbaud effrayé par une jeune fille se décrivait « effaré comme trente-six millions de caniches nouveaux-nés », mais je n'ai pas lu la lettre complète. Dans ce contexte exactement, celui qui vous a amené sur ce billet de blog almasororien, je confirme être avide de calme comme trois hippopotames allongés au soleil au bord d'une eau gabonaise. Mais, pour l'heure, les heures passent, peu à peu des pans entiers de ce jour s'effacent, loin de Paris je cherche un sens unidirectionnel à ma vie démantelée en écoutant la musique de Terje Rypdal.

 

Le musicien Terje Rypdal sur AlmaSoror :

Il est mentionné dans La vie tranquille de Dylan-Sébastien M-T

Il est mentionné dans La trace de l'archange

Il est mentionné dans Musiques de notre monde

 

La langue nahuatl sur AlmaSoror :

In Tlicuilitl, poème nahuatl

Villa Montsouris

Sommaire de la dernière messe

La roseraie d'Aztlan

Mélange de paternités

Dans l'avenue desbordes-valmore

La liberté mentale en Europe

lundi, 12 janvier 2015

Deux de l'adolescence

 

Dans mon adolescence, j'ai eu accès à deux œuvres qui ont marqué ma pensée en construction.

La première fut le film Une journée particulière, d'Ettore Scola. C'est notre professeur d'histoire qui nous l'a passé, par un après-midi d'hiver, au lycée Buffon. Ce film raconte la rencontre entre un homme et une femme, seuls individus à être restés dans leur groupe d'immeubles alors que la ville entière défile sur les grandes artères, derrière le Duce Mussolini, en hommage à un homme d'Etat étranger en visite à Rome.

Quant à la deuxième œuvre, il s'agit d'une petite nouvelle, qui était insérée dans mon livre bilingue de nouvelles allemandes. Il s'agit de Mein trauriges Gesicht, mon visage triste en français, une courte nouvelle de Heinrich Böll. Un homme erre solitaire dans la ville, quant un policier l'arrête : il a le visage triste alors qu'aujourd'hui est jour de fête nationale, et que les citoyens doivent donc être joyeux. L'on apprend ensuite que dix ans auparavant, l'homme avait été condamné pour le même genre de délinquance.

 

Je suis contente d'avoir eu accès à cet âge tendre à ce livre et à ce film, non pas pour recevoir un message de leur part, mais parce que ce sont des œuvres pleines de beauté et de profondeur, des œuvres qui installent des espaces dans notre être intérieur, espaces à partir desquels naissent de nouvelles attentes, de nouvelles pensées (peut-être aussi de nouveaux silences).