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lundi, 10 août 2009

L’amitié

 

 

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Phot Sara


Pourquoi l’amitié est toujours reléguée derrière l’amour ?


Quelqu’un qui se met en couple, dans notre société, a tendance à faire imperceptiblement (ou parfois très perceptiblement) passer le partenaire de couple avant les autres personnes qui l’accompagnent. Cette hiérarchie des relations, mise en avant par le modèle social qui émerge du fouillis des médias, de la culture populaire, des publicités, ne me parait pas justifiée.
Le sentiment d’évidence encore une fois n’est souvent que le résultat d’une campagne idéologique.

En quoi une relation amoureuse impliquerait l’union quasipermanente, économique, sociale, amicale, des deux amants ?
En quoi fonder une famille ensemble impliquerait la désagrégation de deux vies personnelles au profit d’une fusion qui ne laisse pas la place aux projets personnels, aux grandes amitiés individuelles ?

Cette primauté du couple, qui n’a rien à voir avec la vie amoureuse, est une norme sociale étouffante qu’on met en avant. Elle n'a rien à voir avec la liberté ou l’amour. Et ne pas être en couple, au regard de beaucoup, est un manque à combler, la marque d’un échec. A l’instar de la publicité, l’opinion courante créée une pression en associant le couple avec la liberté et l’amour, l’individu célibataire avec la solitude et la frustration. Lorsqu’une personne est seule, il semble que tout l’entourage s’accorde à penser que c’est parce qu’elle n’a pas trouvé quelqu’un. Pourquoi un tel idéal de couple ?

Le couple économique et amoureux (un foyer, un lit double), censé mélanger, comme mon amie Mathilde Felix-Paganon me l’exprimait un jour, le sel de l’amour fou hollywoodien et le beurre de la PME fleurissante, trouve à mon avis sa source dans l’accomplissement du capitalisme.

Virginia Woolf décrit bien dans Orlando cette petite-bourgeoïsation de la société européenne, qui apparaît au XIXème siècle, avec le tourisme, les classes moyennes, la société industrielle et qui regroupe les gens par deux. Un foyer, deux adultes qui partagent le lit.
Ce n’est plus vraiment une alliance économique, car le rêve de l’amour fou est là. Ce n’est pas non plus une histoire d’amour libre, car des considérations économiques et sociales pèsent largement.
C’est donc une norme morale et sociale économicoaffective. Une norme qui atténue la libération de l’individu en lui accolant un partenaire sous peine de passer pour un échec. Une norme qui atténue la vie collective parce qu’elle relègue les enfants et surtout les vieux sur un plan second (les premiers doivent quitter le nid familial dès que possible pour fonder leur couple si possible, se démerder tous seuls sinon, les seconds ne sont pas invités à vieillir chez leurs enfants mais doivent partir en maison de retraite).


Les publicités des banques, des assurances, des marques mettent en scène des couples amoureux.
Les publicités gays le font aussi. La militance homosexuelle s’attarde beaucoup à mettre en valeur le couple et contribue à imposer cette domination de l’assemblage binaire (économique, affectif, social) des gens.
Il semble que l’imagerie générale s’est mise au pas du ménage type Insee. Et si l’on remet beaucoup en cause l’hétérosexualité du couple, on évoque rarement la possibilité de créer d’autres formes d’alliance, de familles et de modes de vie que celles fondée sur le couple.

Pourtant… Sur les rives de l’amitié il y aurait tant d’aventures à vivre.

L’amitié est plus libre car elle n’est pas prise d’assaut par la publicité. Elle ne figure pas en première place du kit que toute personne ayant réussi socialement doit être en mesure de brandir.

L’amitié est belle aussi parce qu’elle peut s’insérer dans les relations familiales et amoureuses. Il y a de belles amitiés entre mère et fils, entre frère et frère, entre amants.
Un ami, c’est une histoire d’amour et de fraternité
Pourquoi ne pourrait-on pas adopter un enfant avec un ami ?
Se pacser avec un ami pour le faire hériter ?

Je ne vais pas commencer à demander de légiférer l’amitié (prônant, par exemple, l’amicoparentalité, le mariage amical…), parce que justement toute la beauté de l’amitié réside dans le fait que l’administration et les médias de masse ne l’ont pas encore découpée, mesurée, asservie.
Je voulais juste mettre en scène le fait que nous sommes beaucoup moins libres que nous pourrions l’être, quand nous correspondons à l’image du bonheur tel que l’imagerie de la société nous la renvoie. Un bonheur deux par deux, clos. Un bonheur par paire, qui nous cache toutes les magnifiques histoires d’amitié, les partages, les inventions que nous pourrions créer si nous étions libres, des histoires qui mélangeraient nos familles, nos amants, nos amis.

 

 

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