dimanche, 01 mars 2015
Le choléra de 1832 à Paris
Nous reproduisons ci-dessous un fragment d'un chapitre du livre de Louis Chevalier, historien natif de l'Aiguillon-sur-Mer, Classes laborieuses et classes dangereuses, publié en 1958, dans cette belle collection dirigée par Philippe Ariès, Civilisation d'hiver et d'aujourd'hui, qui vit fleurir les œuvres de Michel Foucault, de Victor-Lucien Tapié, de Louis Chevalier et de Philippe Ariès lui-même.
On y découvre à quel point Paris a changé : les quartiers alors pauvres, vus comme infréquentables, sont aujourd'hui huppés et proprets. Mais ce que l'on ne trouve point modifié, c'est la frontière invisible et pourtant implacable que créée l'argent. Ni la Révolution, ni la République, avec leurs grands discours et leurs crimes "justifiés", n'ont aboli cette frontière. Parfois, elles l'ont même rendue encore plus efficace en niant son existence.
Mortalité cholérique et mortalité normale
Catastrophe exceptionnelle, sans doute, que ce choléra de 1832 qui succédait à une longue période, pendant laquelle on pouvait croire que de tels fléaux s'étaient à jamais évanouis. "Les grandes mortalités sont devenues rares", écrivait un peu vite le statisticien de la ville, présentant, en 1823, le deuxième tome des Recherches statistiques concernant Paris. Comment ne pas voir plutôt en cette mortalité exceptionnelle une forme exaspérée de la mortalité normale, une solennelle et monstrueuse expérience, plus lisible et plus incontestable, de cette quotidienne mortalité ? Pour l'une et l'autre, les causes véritables sont les mêmes. Non ce microbe, monté de proche en proche des bouches du Gange, mais cette vieille misère accumulée, cet ancien fond de sous-alimentation, de fatigue et d'usure : terrain de choix, et à tous moments, pour la plus forte mortalité des plus misérables ; favorable aussi, mais accessoirement et secondairement, à une épidémie dont il faut bien reconnaître qu'elle est restée sans prise sur les régions de France, même urbaines, où la misère et, en même temps qu'elle, la mortalité normale étaient le plus faible.
La ressemblance va plus loin : jusque dans une même inégalité des pertes qu'elles infligent l'une et l'autre aux groupes sociaux. La seule différence est que, le chiffre des décès cholériques étant plus élevé, la répartition par classe, en 1832, est plus nette et qu'il est possible d'aller jusqu'à ces catégories infimes qui, dans les statistiques de mortalité normale, n'apparaissent pas : non plus seulement aux bourgeois et au peuple, mais parmi eux, aux groupes professionnels, avec leurs niveaux de vie et leurs genres de vie, leur condition matérielle et morale, leurs travaux, leurs gains, leurs plaisirs, leurs passions ; non plus seulement aux arrondissements et aux quartiers, décrits en fonction de leur population prédominante, bourgeoise ou ouvrière, mais aux rues et aux logements, observés avec leurs caractères variés d'ensoleillement, de ventilation, d'humidité, de propreté. Toute une répartition sociale se lit en cette répartition de la mortalité : rentiers, petits patrons, travailleurs en atelier ou en chambre, travailleurs en plein air, travailleurs du fleuve, et même ces catégories inférieures ou considérées comme telles, journaliers, porteurs d'eau, chiffonniers enfin, chargés des déchets de la ville et du dégoût de tous. Tout un paysage urbain aussi, dans un grand détail de rues et d'impasses, dans une minutieuse classification qui n'est qu'une reproduction de la nomenclature des décès.
L'épidémie est une première et incontestable expérience de l'inégalité sociale, pour le statisticien de la ville qui fait, de l'inégalité devant la mort, une découverte dont nous décrirons les phases : mais elle l'est aussi, et immédiatement, pour les habitants de la ville, et d’abord pour les plus infimes et les plus férocement frappés par le mal. C'est à juste titre que Jules Janin évoque, en pleine épidémie, cette "peste d'une populace qui se meurt seule et la première, donnant par sa mort un démenti formidable et sanglant aux doctrines d'égalité dont on l'a amusée depuis un demi-siècle". Démenti, par l'apparition du fléau dans les quartiers les plus pauvres : sont tout d'abord atteints, le 13 février 1832, un portier de la rue des Lombards, puis une petite fille de la rue du Haut-Moulin, dans le quartier de la Cité, puis une marchande ambulante de la rue des jardins-Saint-Paul, puis un marchand d'oeufs de la rue de la Mortellerie. Démenti, par les cynique commentaires de la presse bourgeoise : "Le choléra-morbus est dans nos murs, écrit le Journal des Débats, le 28 mars. Hier, un homme est mort dans la rue Mazarine. Aujourd'hui, neuf personnes ont été portées à l'Hôtel-Dieu, dont quatre déjà sont mortes. Tous les hommes atteints de ce mal épidémique, mais qu'on ne croit pas contagieux, appartiennent à la classe du peuple. Ce sont des cordonniers, des ouvriers qui travaillent à la fabrication des couvertures de laine. Ils habitent les rues sales et étroites de la Cité et du quartier Notre-Dame".
Louis Chevalier, IN Classes laborieuses et Classes dangereuses
Sur AlmaSoror :
Caste, classe : le théâtre de la distinction sociale
Etat-civil, état des personnes
Au matin parisien du 4 juillet 2014
Visages hâves des parisiens des bas-fonds...
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La marée orange
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s’entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d’alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d’indulgence
À la croire toute nue.
Les guêpes fleurissent vert
L’aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté.
Paul Eluard, L’amour la poésie, 1929
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samedi, 28 février 2015
Souvenir d'un rêve
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vendredi, 27 février 2015
La bande originale d'une vie
La vie est un film. Si vous entendiez ma bande sonore, vous danseriez, immobiles, intenses, en contemplant les interstices miraculeux qui se glissent en loucedé dans cette infâme prison mentale qu'est la réalité.
Ailleurs/ici :
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jeudi, 26 février 2015
Le lycée parisien, un personnage secondaire de choix
Devant les façades sombres et froides piquées du drapeau français, se dissimulent de véritables palais urbains dédiés aux adolescents.
Les lycées de Paris constituent un patrimoine inconnu du public. Anciennes institutions du haut Moyen Âge, casernes d'éducation voulues par Napoléon, bâtisses égrenées par la troisième République conquérante, fleurons Art Déco des Années Folles, concepts bétonnés de la modernité des années 1960 : ces monuments seront un jour les témoins intimes de l'épopée de la jeunesse française.
Voyage dans les arcanes de la ville, dans les affres de l'Histoire et dans les grandeurs d'un projet collectif français déchiré entre l'égalité et l'élite. Le lycée parisien reflète les ivresses et les tourments d'un rêve éducatif transmué en réalité nationale.
Textes d'Edith de Cornulier, photographies de Dominique Le Brun
Editions du Mécène, janvier 2015
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mercredi, 25 février 2015
La vitalité brute
Aucune époque future ne parviendra à comprendre le degré de consommation industrielle auquel nous sommes arrivés : nous achetons des dentifrices, des déodorants, des shampoings, de la lessive, sans lesquels nous n'imaginons plus vivre décemment, quand l'argile, le gros sel non raffiné, le vinaigre et le citron peuvent rendre des services inestimables - avec moins de toxicité !
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mardi, 24 février 2015
La quête du courage
La lecture des sinistres et troubles expériences de Stanley Milgram fait froid dans le dos en dépit du chaud chandail qu'on porte en ces jours hivernaux. Le visionnage du documentaire de Carmen Castillo sur la Flaca Alejandra, cette femme chilienne qui, retournée sous la torture par ses bourreaux, passa une partie de sa vie à trahir ses anciens camarades de lutte, complète notre vision sombre des comportements auxquels les personnes les mieux intentionnées au monde sont susceptibles de s'adonner, dès lors que la pression – physique ou mentale – devient trop forte.
Comme le dit une ancienne camarade de la Flaca, qui, contrairement à elle, n'a pas trahi malgré la torture, il est faux qu'il y a, d'un côté les gens courageux, qui tiennent, et de l'autre, les lâches, qui succombent. Malgré son courage face à la torture, le refus de condamner son ancienne camarade traîtresse a valu à cette femme des ennemis haineux. Des parangons de vertu qui n'ont jamais été torturés se détournent d'une héroïne parce qu'elle ne les rejoint pas dans leur condamnation morale ! Pourtant, si une femme qui a subi la torture et a tenu bon face à ses bourreaux affirme qu'elle ne doit pas son courage à sa haute éthique, mais à sa constitution intérieure, nous devrions l'écouter... Cette femme sait que si elle a tenu bon, et que l'autre a trahi, c'est que chacune a agi au mieux pour elle-même au plus profond de la souffrance. Peut-être que chacune a choisi la survie de la parcelle d'elle-même à laquelle elle avait accès. Face à une tension insoutenable, la réaction provient, non pas du choix présent de la personne, mais de conditionnements intimes venus depuis la nuit des temps de son identité, peut-être la toute petite enfance, peut-être encore plus tôt dans la constitution de notre intégrité.
De même que, comme l'affirme le Comité invisible dans Son Insurrection qui vient, « être pacifiste sans pouvoir faire feu n'est que la théorisation d'une impuissance », de même juger le courage ou la traîtrise d'un être sans être passé par ce qu'il a vécu revient à se revêtir d'une morale inepte et hasardeuse.
Les courages sont nombreux et ne se ressemblent pas. La lucidité est un courage qui peut coexister avec la couardise ; et l'héroïsme du sacrifice peut cohabiter avec une incapacité à regarder en face la vérité. Certains héros d'un jour sont incapables de faire face aux multiples engagements et efforts que la vie quotidienne exige de nous. Une personne qui tient ferme son secret face à la torture pourrait n'avoir aucun courage politique. Le courage du quotidien consiste à vaillamment faire face à la peine de chaque jour ; le courage moral, à agir selon ce que l'on croit bien et bon, quelle qu'en soit les conséquences pour son confort. Le courage physique, à endurer la douleur sans se transformer en guenille déshumanisée ; le courage intellectuel, à regarder la vérité même si elle fait s'écrouler ce qu'on aime comme un château de cartes ; le courage politique, à se dresser avec vigilance contre les abus de pouvoir et les dégoulinades émotionnelles collectives. Qui peut prétendre les allier tous, à tous les instants, dans toutes les situations ? Qui peut savoir ce qui motive ces multiples courages ? Qui pourrait sans ridicule énoncer une hiérarchie de ces courages et distribuer des bons points aux uns et aux autres ?
Le doute est immense, la fatalité nous cerne. Pourtant, le courage est un sujet crucial qu'aucun de nous ne peut enfermer dans le placard des choses obsolètes.
Dans la vie professionnelle, les discours et les actes s'opposent sous nos yeux sans que les personnes que nous contemplons ne semblent s'en apercevoir. L'on trébuche de surprise face aux attitudes si iniques, si banales et si quotidiennes que l'on décèle, mais soi-même, on ne se voit jamais en entier...
Il faudrait une recette pour tenir debout et ferme sous les pressions destructrices. Au fond de quel grimoire, au fond de quel chaudron dort-elle !
Ici et là, sur AlmaSoror :
Comme il est facile de juger, et difficile de vivre...
Où il y a jugement, il y a injustice...
Lu dans les toilettes d'un bar à la station Robespierre (Montreuil)
L'ange et l'archange (Saint-Just et La Rochejacquelein)
"Malheureux ! s'écria Mercedes". La liberté d'échouer
Le bien-être des porcs : un argument publicitaire
L'humanisme et les droits de l'homme au regard des langues quechua et tahitienne
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lundi, 23 février 2015
Exercice d'un après-midi d'hiver
Chacun d'entre nous devait tirer trois enseignements de la période écoulée entre le mois de mai 2013 et celui de janvier 2015.
Voici ce que j'écrivais dans l'espace réservé à ce petit exercice :
1- L'enfermement est mental, la délivrance est mentale. Même un gros problème minant et insoluble peut se dissoudre dans l'air en quelques instants, par la grâce d'un tout petit détail technique auquel on n'avait pas pensé, ou par la modification radicale du point de vue.
2- Les amitiés, les bonnes ententes et la capacité à se fréquenter avec plaisir dépendent de circonstances extérieures propices, (et non pas d'une entente de fond, abstraite).
3- Le bonheur provient essentiellement d'une décision personnelle de cultiver la joie et d'un renoncement à la satisfaction mesurable.
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La lente heure du thé
Comme l'enfant s'ennuie, pendant que les grandes personnes prennent le thé dans le salon sombre et froid derrière l'escalier.
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dimanche, 22 février 2015
Paupières
Dans ce rêve je me mouvais ostensiblement dans les tableaux d'Osbert et de Le Sidaner, une fleur de lys dans la main gauche, un sourire flottant sur les lèvres, et j'attendais avec passion que rien n'advienne. Ma fièvre de vivre encore ce moment en instance, cet instant prolongé, plissait quelque peu mes paupières. Mes paupières, oui. Mais ce sont les tiennes que j'imagine maintenant, aujourd'hui, sous ce ciel plus gris qu'une colombe. Tes paupières sur la peau desquelles parfois du rose, parfois du bleu, transparaissent, mystères émouvants venus de l'autre côté de ta peau.
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Un soir - t'en souviens-t-il ?
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mardi, 17 février 2015
Une nuit de février 1999
Elle conduisait la jeep volée dans la nuit basque. Je ne me souviens de presque rien, hors l'extrême lucidité de savoir que j'accompagnais une telle personne par une nuit sans étoiles, et la confusion absolue dans laquelle me plongeait ce fait étonnant. Je jouissais de cette aventure imprévue, le souffle écourté par la peur de la police. Je ne me souviens ni de son visage de face (mais son profil est gravé au fronton de mes insomnies), ni de sa voix, et pourtant, certaines des phrases qu'elle a prononcées au volant me hantent encore. « Le fils de l'homme n'a pas de pierre où poser sa tête », m'a-t-elle assénée, et je trouvais qu'elle parlait bien. Et elle dit aussi : « La possession de biens matériels donne une immense insécurité derrière le masque d'une parfaite sérénité ». A la frontière, elle m'a demandé si je souhaitais l'accompagner. Ce serait dangereux, me disais-je, et avant que je puisse répondre elle lut mon hésitation. « Descends », dit-elle. Et, comme je ne bougeais pas. « Descends. Adieu ». Je descendis, consternée, soulagée, et comme je levais timidement la tête pour mesurer l'ampleur de son mépris, je vis qu'elle me souriait agréablement. « Salut ! » cria-t-elle avec un geste de la main. « Salut, merci ! » répondis-je. Le retour à pied sur la route mouillée se passa sans encombres malgré l'inconfort et aujourd'hui encore je me demande où elle est, si elle vit encore, si elle est heureuse et si elle a pu continuer sa quête dans la jeep volée.
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Devinette
Nous ne sommes ni scandinaves, ni latins. Il pleut dans nos patios trop blancs pour être italiens, trop gris pour être grecs. La musique n'est pas espagnole, no vamos de vinos, et s'il coule du vin entre deux coups de vent, solo lo bebemos aqui en la casa, et si la ville n'excède pas 30 000 habitants, si la mer semble froide au bout de la longue rue, nous ne sommes pas non plus à Helsinki ni à Oslo. Le jour, il faut faire face aux assauts des vagues d'ennui triste, de culpabilité diffuse. La nuit, rouler entre des rangées d'arbre plantés il y a moins de cinquante ans, et qui font croire à l'orée d'une forêt. Mais nous sommes loin des forêts du Canada. Où sommes-nous ?
Nous sommes à l'embouchure du rêve et de la folie, nous sommes à la limite de la Vendée et de la Charente, nous sommes à l'ère informatique quelque part dans le Bas-Poitou et nous admirons ceux des montagnes, nous qui ne nous sommes jamais encordés.
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lundi, 16 février 2015
La crise d'angoisse
Les poumons rétrécissent, le souffle devient râle, une infinie pitié pour soi-même déforme le visage en une plainte digne des meilleurs mendiants professionnels, un point dans le haut du dos, le bras gauche devient lourd, les jambes flageolent, le ventre noué émet des signaux bizarroïdes, la trachée rétrécit, l’œsophage se ferme, la voix ne sort plus (pas assez de souffle), les mots viennent dans le désordre, la grammaire se distord, des pinces enserrent le cerveau, la bouche devient pâteuse, les doigts blanchissent, l'affolement monte, monte, monte comme la lave d'un volcan, le nez ne respire plus, la gorge est saccadée, le vertige est proche, les pensées oscillent, la vue se trouble, les oreilles bourdonnent, c'est une petite crise d'angoisse !
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Le pays des hommes
La société dans laquelle nous vivons se crispe de plus en plus, et il devient presque impossible d'ouvrir la bouche sans choquer à l'extrême la personne que nous avons en face de nous, quelle qu'elle soit. Les gens, devenus très moralistes, considèrent comme un délit immoral, voire un crime, de penser des choses en désaccord avec leurs idées.
Le pays est séparé en plusieurs mondes, au sein desquels les réseaux sémantiques et idéologiques sont clairement établis. Pour passer d'un monde à l'autre, n'oubliez pas de laver votre cerveau avec un détergent accepté par ceux que vous rejoignez. Ne succombez pas à ces affreux pièges : la subtilité, la nuance, la hauteur de vue, la confrontation égale de deux opinions opposées. Vous le payeriez cher.
Le pays est ainsi séparé en plusieurs mondes mentaux qui ne se comprennent pas les uns les autres, et n'expliquent la présence odieuse des autres que par la propagation du Mal. Essayer de comprendre l'autre, c'est déjà être atteint par lui, être sali par lui. Aussi celui qui veut considérer l'autre comme un interlocuteur cesse lui-même d'en être un. Il est vu déjà comme contaminé.
Le pays est séparé en plusieurs mondes irréconciliables qui se retrouvent pourtant au boulot. Là, le silence est de mise, et chacun peut imaginer que l'autre pense comme soi, qu'il n'appartient pas à l'horrible clan ennemi. Celui qui se tait le plus, sait qu'il ne pourrait jamais dire ce qu'il pense sans faire face à la terrible opprobre. Celui qui se tait le moins croit qu'il emporte les adhésions. Il n'emporte que la parole. Le silence qui lui est opposé, il ne le distingue même pas.
Les gens se haïssent. Alors même qu'ils pourraient être amis si l'on s'en tenait à leur caractère, leur manière de vivre, leur façon d'être et de se comporter avec leurs proches, la simple marque de tel parti, de telle façon de penser sur le front de l'autre, en fait un ennemi a priori et pour toujours. Cette étrange ambiance, nous l'appelons démocratie. Notre pays envoie ses militaires foutre des raclées (et s'en prendre!) ici ou là pour « apporter la démocratie », « lutter contre la dictature », comme si nous étions le lieu où la liberté de penser et l'agrément de vivre coulaient de source.
Notre pays envoie ses militaires foutre des raclées (et s'en prendre !) ici et là pour que les gens puissent "vivre dans la dignité", mais moi qui ai grandi sur un boulevard parisien bordé de beaux immeubles, j'ai vu, enfant, allongés sur le macadam à zéro degrés celsius, mourir doucement des hommes.
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