Celui que je pourrais être (dimanche, 15 mars 2015)

 

Au fond vous ne me connaissez pas. Qui sait si moi-même je me connais. Je pourrais être celui qui se lève dès potron-minet et chausse ses skis pour monter des cols et descendre des vallées enneigées. Mes deux Saint-Bernard (Aydius et Baïkal) m'accompagneraient, heureux de cette nouvelle course à travers la nature presque vierge. Je rentrerais à l'heure d'un déjeuner tardif et, tandis que les chiens se coucheraient pour ne se relever qu'aux premières lueurs du soir, je m'installerais à mon ordinateur pour travailler.

Je ne penserais presque jamais à celui avec qui j'ai vécu dans la ville du tramway, du métro et du RER, et quand bien même ces années grises me reviendraient à l'esprit, je n'y éprouverais ni haine, ni tristesse, simplement la surprise d'avoir été si longtemps enchaîné.

Six heures de l'après-midi : l'alcool dès ce moment est autorisé. Je me servirais donc une bière dans la cuisine du minuscule chalet, que je boirais en jetant de longs regards circulaires sur la montagne au Nord, sur le village à l'Est.

Un weekend sur deux et la moitié des vacances, comme signé au bas d'un papier par sa mère et par moi-même, j'accueillerais mon fils, cet être que j'aime plus que tous les autres êtres ici-bas. Des parties de ballon avec Aydius et Baïkal, le jeu de fléchettes avant de dormir, la lecture du Tintin qu'il choisit, la grande et la petite ourse par la fenêtre et tant de fondues et de chocolats chauds, de rires et de pansements après les randonnées. Les devoirs scolaires aussi, pour qu'il n'y ait pas d'histoires.

Je pourrais être celui dont je viens de vous décrire la vie. Heureux, le serais-je ? Certainement. Avec des moments de doute et de sombre humeur quelquefois, mais plein d'une vie choisie en fils de la montagne, frère de chien et chienne et père aimant, malgré la distance du partage parental.

Et loin, très loin, très très loin de l'appartement où j'ai vécu sans joie, de l'agence où j'ai travaillé sans motivation, de la ville où j'ai vécu à côté de moi, sans jamais m'écouter vivre.

 

 

 

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