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jeudi, 12 mars 2015

Vivre nos métarêves

Contenter suffisamment les gens ou les pousser à la révolte ? Si une société, ou des parents, imposent un modèle de réussite, invitent les gens à s'y conformer, les jugent en fonction de leurs résultats, mais que dans les faits, ils ne leur donnent pas les moyens de parvenir à ces résultats malgré leurs efforts, la situation devient tendue.

En tant que parent, ami, groupe, patron, si l'on veut que dure son pouvoir et plus largement sa puissance, il faut que la grande majorité des personnes sous notre houlette soit capable de s'insérer dans le système d'une manière satisfaisante tant sur le plan des moyens que des résultats. Sinon, c'est la pagaille, puis la révolte, sire, et bientôt la révolution. 

Mais quand on est l'individu qui subit une incapacité d'accomplir à la fois ce qu'il voudrait et qui est attendu de lui ?

L'homme qui voulait s'adapter et réussir dans ce monde se voit contrecarré malgré ses efforts, et considéré comme inférieur de ce fait. Dès lors, il n'a plus que des choix sombres ou éthérés : fuir dans le rêve en fournissant le minimum syndical du quotidien ; brûler sa vie dans la révolte individuelle ; fomenter une révolte collective avec des camarades pour renverser le système qui les a trompés ; ou se réfugier dans la morale, une morale au sein de laquelle il a un beau rôle, noble bien que non reconnu par la société (une morale teintée d'aigreur).

Face à une société dans laquelle d'autres semblent se déployer à merveille alors que soi-même, on rame, que faire ?

Se sacrifier est dommage... Même si ce peut être romantique, esthétique et fulgurant, l'individu qui grille sa vie par désespoir souffre tant que ce n'est pas vraiment une « solution ».

Fomenter une révolte collective demande à ce qu'on trouve un groupe adapté dans lequel on a une place qui nous convient. Dès lors, on peut gagner ou perdre, au moins la punition et la récompense seront collectives, et même s'il y a opprobre de la part de la majorité, le rebelle reste un homme intégré au sein de la rébellion.

Fuir dans le rêve en assurant le minimum syndical de l'adaptation ressemblerait à un suicide doux (alors que la brûlure de sa vie en serait un violent)... 

Se réfugier dans une morale sclérosante, mais rassurante, qui permette d'excuser ses échecs et de les justifier, est une solution qui fait mener à l'individu une vie de seconde zone, de moindre importance, puisqu'il renonce à ses rêves sociétaux mais aussi à ses rêves intérieurs ; en quelque sorte il renonce à sa puissance personnelle.

Si l'on ne choisit pas la voix rebelle collective, que l'on ne veut pas détruire sa vie que ce soit lentement ou en la grillant en un temps record, que peut-on faire ?

D'une part, définir ses métabuts, c'est à dire se demander ce qu'apportent les résultats qu'on aimerait (et ne parvient pas à) obtenir, en extraire l'essence au delà de la forme et trouver d'autres moyens d'y parvenir.

Ce n'est pas la richesse qu'on cherche réellement, car si on vivait dans un monde où un compte en banque n'a aucune valeur, mais posséder un maximum de vers de terre et avoir de gros piercings ouvrent toutes les portes, on serait prêt à échanger tous nos millions pour obtenir des vers et se percer la peau. Que cherche-t-on alors à travers la richesse ?

Il faut creuser de même pour tous les buts.

Dans notre société, qu'est-ce que les gens cherchent à tout prix à atteindre ?

De l'argent, une maison, passer des vacances ailleurs que dans cette maison, un entourage, dont des enfants, et une reconnaissance sociale, c'est à dire que les inconnus comme nos proches nous voient et se disent : ah ! Celui-là a assurément de la valeur !

Mais si notre argent nous fait passer toute notre vie en prison, ou que notre maison reste vide car ceux avec qui on voulait la partager n'y viennent pas, ou que nous passons des vacances sur une île de rêve en crevant de mal quelque part dans notre corps ou notre âme toute la journée, ou que notre entourage nous hait, ou que nos enfants nous font regretter de les avoir mis au monde dans notre for intérieur, ou que face à tous ces inconnus ou ces proches qui nous croient au sommet, nous n'avons qu'une seule peur, c'est qu'ils se rendent compte que ce n'est pas le cas, alors dans ce cas, ni l'argent, ni les vacances, ni l'entourage, ni les enfants, ni la reconnaissance d'autrui de ne nous est du moindre secours, et on serait prêt à échanger de vie avec quelqu'un qui n'a pas cet argent, ni ces vacances, ni ces enfants, ni cet entourage, ni cette reconnaissance.

Ce n'est donc pas l'argent que l'on cherche dans l'argent, ni la maison que l'on cherche dans la maison, ni les vacances que l'on cherche dans les vacances, ni la p/maternité que l'on cherche dans les enfants, ni la reconnaissance que l'on cherche chez autrui.

Dans l'argent on cherche à ne plus éprouver le manque la frustration, mais au contraire à ressentir la complétude, l'abondance, la satisfaction.

Dans la maison, on fuit la peur de la rue, du froid, de l'insécurité, des agresseurs violents, et on cherche une sentiment de sécurité, un confort de vivre, un repos du corps et du cœur.

Dans les vacances, on cherche à sortir de l'horreur du quotidien, à sentir son corps vivre, mais aussi à montrer aux autres que l'on n'est pas attaché à son étable et que s'ouvre à nos pas alertes le vaste monde accueillant.

Nous souhaitons un entourage pour pouvoir être aidé dans les choses nécessaires pour lesquelles nous sommes nuls, pour avoir quelqu'un à qui parler, avec qui partager les bonnes nouvelles et le poids des fardeaux de la vie.

Nos enfants sont là pour nous montrer que notre vie ne passe pas pour rien, que si nous vieillissons, eux au moins sont jeunes et nous donnent un peu de leur jeunesse, que lorsque nous achetons un meuble ou une maison, cela ne sera pas jeté aux ordures ou vendu par des inconnus après notre décès, mais que cette trace de notre vie, de nos choix, restera parmi ceux que nous avons mis au monde et qui y seront toujours.

La reconnaissance d'autrui, elle est là pour nous rassurer : nous ne sommes pas le paria sur lequel on crache en passant, ni l'infime avorton dont personne ne pense rien, dont personne ne dit rien, et dont l'existence n'a aucun impact. Dans cette reconnaissance extérieure nous cherchons donc la preuve de l'importance de notre existence.

Nous cherchons donc, pour la plupart d'entre nous, à ressentir au tréfonds de notre être un sentiment de complétude, d'abondance et de satisfaction. Nous désirons nous sentir en sécurité, et pouvoir reposer en paix notre corps et notre cœur. Nous voulons évoluer en liberté dans l'espace comme dans la pensée, et partager nos joies et nos peines en confiance avec nos semblables. Nous voudrions que nos actes quotidiens ne soient pas vains ; que la graine que l'on sème ait un avenir en dehors de notre infime passage terrestre. Nous désirons sentir que notre vie ici et maintenant est importante, autant que celle d'une étoile ou d'un chêne magnifique.

 

Et bien souvent, au lendemain de nos batailles, qu'on les gagne ou qu'on les perde, on se retrouve assis sur les marches de l'incrédulité, encore instable, encore étonné que tous ces efforts et toutes ces pensées n'aient mené qu'à un renouvellement de la peur et de la frustration. 

Il suffirait peut-être de descendre souffle par souffle au lieu où dort la paix.

 

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