Nostalgie du soir (samedi, 06 septembre 2014)

Il fait nuit. Les passereaux sont endormis dans les arbres. La lune est presque pleine. Ma mère lit un article sur les vieux croyants de l'église orthodoxe et je l'entends murmurer "C'est passionnant... Passionnant..." et plus loin : "Ils sont fous". Silence, puis : "ça maintient des grandes cultures, d'être aussi radical". Ce murmure dont je saisis l'essence, mais pas le sens, ajoute à la poésie du moment. Deux toutes petites lampes éclairent deux petites pièces. La douce musique de Guy de Lioncourt réveille en moi les crises mystiques d'une adolescence écartelée entre le drapeau blanc, le drapeau noir et le drapeau rouge. Désormais je laisse les drapeaux partir sur les bateaux. L'océan ce soir ressemblait à un lac. Les réverbères de la ville diffusaient leurs lumières bleues vers le port, jaune vers le Château d'Olonne, le remblai scintillait de mille feux et les immeubles paraissaient autant de diamants posés sur l'écrin de la baie. La lune presque pleine nous éclairait à peine, ma mère et moi étions seules dans l'océan. Elle pensait sûrement aux bains de minuit de sa jeunesse. Je pensais aux bains glacés de Sofia Tolstoï à Iasnaïa Poliana. On n'y voyait pas très loin, les silhouettes des bateaux au large avançaient majestueusement comme de gros escargots royaux. Il ne faut pas tout dire pour laisser planer du mystère sur les lieux, les événements et les êtres. Au fond, nous ne comprenons pas mieux que les autres animaux ce que nous sommes, d'où nous venons et où nous allons.

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