mardi, 17 juillet 2012
s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué
"Elle s'ennuyait, s'ennuyait... Elle s'ennuyait d'autant plus qu'elle ne pouvait se donner comme excuse qu'elle n'était pas aimée, ou qu'elle ne pouvait souffrir Olivier. Sa vie lui paraissait bloquée, murée, sans avenir, elle aspirait à un bonheur nouveau, sans cesse renouvelé, - rêve enfantin que ne légitimait point la médiocrité de son aptitude au bonheur. Elle était comme tant d'autres femmes, tant de ménages désoeuvrés, qui ont toutes les raisons d'être heureux, et qui ne cessent de se torturer. On en voit qui sont riches, qui ont de beaux enfants, une bonne santé, qui sont intelligents et capables de sentir les belles choses, qui possèdent tous les moyens d'agir, de faire du bien, d'enrichir leur vie et celle des autres. Et ils passent leur temps à gémir qu'ils ne s'aiment pas, qu'ils en aiment d'autres, ou qu'ils n'en aiment pas d'autres, - perpétuellement occupés d'eux-mêmes, de leurs rapports sentimentaux ou sexuels, de leurs prétendus droits au bonheur, de leurs égoïsmes contradictoires, et discutant, discutant, jouant la comédie du grand amour, la comédie de la grande souffrance, et finissant par y croire... Qui leur dira :
- Vous n'êtes aucunement intéressants. Il est indécent de se plaindre, quand on a tant de moyens de bonheur !
Qui leur arrachera leur fortune, leur santé, tous ces dons merveilleux, dont ils sont indignes ! Qui remettra sous le joug de la misère et de la peine véritable ces esclaves incapables d'être libres, que leur liberté affole ! S'ils avaient à gagner durement leur pain, ils seraient contents de le manger. Et s'ils voyaient en face le visage terrible de la souffrance, ils n'oseraient plus en jouer la comédie révoltante...
Mais, au bout du compte, ils souffrent. Ils sont des malades. Comment ne pas les plaindre ? - La pauvre Jacqueline était aussi innocente de se détacher d'Olivier qu'Olivier l'était de ne pas la tenir attachée. Elle était ce que la nature l'avait faite. Elle ne savait pas que le mariage est un défi à la nature, et que, quand on a jeté le gant à la nature, il faut s'attendre à ce qu'elle le relève, et s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué".
In Jean Christophe, de Romain Rolland.
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lundi, 16 juillet 2012
L'étang
L'étang après l'apocalypse :
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dimanche, 15 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Le « bien-être » des porcs… Un argument publicitaire
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Le « bien-être » des porcs… Un argument publicitaire
La « demande sociale en bien-être animal » engendre des opérations de marketing dans le milieu de l’élevage, particulièrement celui des élevages intensifs de porcs, pour tenter de s’approprier une notion dont ces milieux ignoraient tout jusqu’à présent. Depuis quelques années, de plus en plus d’éleveurs se posent des questions concernant la manière dont ils exercent leur métier et font le choix d’un mode de production animale plus respectueux des animaux et de leurs besoins physiologiques. Les associations de protection animale et celles de défense des consommateurs informent ces derniers et dénoncent les conditions misérables dans lesquelles les bêtes sont élevées : la préférence est aux modes d’élevages alternatifs sur de la paille, en plein air ou en « bio », et non dans des bâtiments dont les animaux ne sortent jamais. Afin de contrer cette prise de position, les filières d’élevage intensif ripostent par des articles de journaux, des communiqués de presse, des journées portes ouvertes et des argumentaires publicitaires très étudiés. Le « bien-être animal » est devenu un argument publicitaire dont on tente de s’approprier les mots sans vraiment savoir quoi mettre dedans. L’important étant de donner l’illusion.
Cochons élevés en surnombre dans un élevage intensif.
Phot Jean-Luc Daub
Une adhérente de l’association, sensibilisée et attentive, nous avait fait parvenir un communiqué publicitaire qui se révèle pour le moins déplacé, tant l’interprétation du « respect de l’animal » qui en est faite est inconvenante quand on pense aux éleveurs qui ont réellement pris en compte le « bien-être animal ». L’article apparaît encore plus décalé quand on a connaissance de l’étude très sérieuse émanant du Comité scientifique vétérinaire de la Commission européenne rendu en septembre 1997, et qui révèle que les méthodes d’élevage
intensif sont préjudiciables au bien-être des porcs. Sur ce communiqué publicitaire, on peut voir un couple d’éleveurs « tout sourire », à l’intérieur d’un bâtiment d’élevage intensif, devant une truie entravée dans une case métallique. Ses mouvements sont réduits aux seules possibilités de se coucher et de se lever. Elle ne peut ni se retourner, ni s’occuper de ses petits. Un petit porcelet est exhibé à la hauteur du photographe. Sous l’image, on peut lire ces mots : « Le respect des animaux nous tient à cœur ». Et voici quelques passages de l’article : « Le couple a fait installer un système de ventilation pour y maintenir une température agréable, tout en supprimant les courants d’air. Chaque animal porte un numéro, ce qui ne les empêche pas d’en appeler certains par leur nom. Les éleveurs consacrent beaucoup de temps et observent les cochons avec beaucoup d’attention. Leur fils se passionne déjà pour cet élevage et ils savent que le respect des animaux lui tient à cœur ».
Concrètement, rien n’est fait pour favoriser le bien-être animal. Passer beaucoup de temps « à les observer » et ne pas se rendre compte que les conditions d’élevage ne sont pas adaptées à l’animal, mais que finalement c’est l’animal qu’on essaye d’adapter à un système d’élevage dit moderne, c’est manquer de jugeote. Ce qui semble respecté, c’est la méthode d’élevage intensif. Observer des truies enfermées dans le noir, et prisonnières de stalles métalliques, n’est pas respecter l’animal. Leur mettre de la ventilation est un minimum pour les maintenir en vie. Ce n’est que de la littérature qui sert à anesthésier les consommateurs.
Truie suspendue avec l’aide d’un treuil sur le quai d’un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
D’autres articles font également la promotion de l’élevage intensif des porcs : « Les animaux sont élevés sur des caillebotis, système qui permet une hygiène optimale, les boxes sont climatisés ». L’article met également l’accent sur la qualité et la certification de l’élevage sur le plan de l’hygiène. Et surtout, au cas où le consommateur ne serait pas encore convaincu du bien-fondé de l’élevage en bâtiments, il est précisé que : « Tout est fait pour la sécurité du consommateur ». Dans les élevages en plein air, tout est également fait pour la
sécurité du consommateur, d’ailleurs aucune recommandation n’interdit la consommation d’animaux élevés hors de ce cadre aseptisé. C’est même mieux : les animaux étant plus résistants aux maladies, pratiquement aucun traitement ne leur est administré. Le caillebotis (sol ajouré pour laisser passer les excréments) n’apporte rien pour le bien-être des porcs qui préfèreraient être sur de la paille ou avoir un accès au plein air. C’est un plus pour le confort de l’éleveur qui n’a rien d’autre à faire qu’à utiliser de l’eau à haute pression pour nettoyer (quand c’est nettoyé !).
Dans un autre article, la filière porcine, se sentant victime des actions contre les élevages intensifs, affirme que ce n’est pas bien d’opposer un système à un autre. La grande question n’est pas d’opposer une méthode d’élevage à une autre, ni même d’opposer des personnes entre elles, mais de prendre en compte « le respect et le bien-être des animaux » durant leur élevage et jusqu’à l’abattage, car effectivement, ce sont des êtres vivants et sensibles.
Les filières industrielles ne se sont pas préoccupées du bien-être animal jusqu’à présent. Dans le cadre de la logique productiviste, le maximum de ce qui est fait pour l’animal consiste à le maintenir vivant dans des conditions contraires à ses besoins. Il existe même de l’alimentation non blanche, c’est-à-dire une alimentation dans laquelle des médicaments sont déjà intégrés. Dans ces articles, il est souvent question du « confort de l’animal », ce qui n’a rien à voir avec le « bien-être ». Bénéficier d’un confort de ventilation pour une truie qui n’est pas libre de ses mouvements, prisonnière d’une stalle métallique et dans un environnement sans lumière naturelle n’a rien à voir ni avec le respect ni avec le bien-être.
J’aimerais citer les propos de Jocelyne Porcher, sociologue, chercheur à l’INRA, au sujet de l’intensification de la production porcine, lors d’une interview, par Sylvie Berthier, pour la Mission Agrobiosciences (septembre 2004)1. « En 1970, il y avait environ 800 000 élevages de porcs (12 porcs/exploitation). Il y en a actuellement 19 000 dont 3 500
1http://www.agrobiosciences.org/article.php3?id_article=1096
“spécialisés” concentrent la moitié du cheptel (plus de 2 000 porcs/exploitation). 70 % des élevages de porcs sont situés dans le Grand-Ouest (Bretagne, Pays de la Loire). Entre le recensement agricole de 1988 et celui de 2000, la moitié des élevages de porcs ont disparu, notamment bien sûr les plus petites exploitations. On assiste donc depuis les années 1970 à une énorme concentration des structures, qui va de pair d’ailleurs avec celle des abattoirs. Autres chiffres. En 1970, une truie produisait 16 porcelets sevrés par an ; elle en produit aujourd’hui 26. Ces dix porcelets ont été obtenus grâce à une accélération drastique du cycle de production de la truie et à un accroissement de la productivité du travail des éleveurs et des salariés. Ainsi, toujours en 1970, l’intervalle entre la mise bas et la saillie était de 21 jours, il est actuellement de 8 jours. Le sevrage se faisait à 52 jours, il se fait à 25 jours en moyenne actuellement. Je voudrais m’arrêter un instant sur cette moyenne. La législation interdit le sevrage des porcelets avant 21 jours. Donc les éleveurs et les salariés affichent cette durée minimum. En réalité, du fait de la surproductivité des truies, c’est plutôt à 18 jours, voire à 15 que les porcelets sont sevrés. En effet, bien qu’elles n’aient toujours que 14 tétines, les truies donnent naissance à 18 voire à 20 petits par portée. Les éleveurs répartissent ces porcelets surnuméraires entre les truies et complémentent avec du lait ou de l’aliment artificiel. Ils sèvrent dès que possible. Le but étant d’augmenter non pas directement le nombre d’animaux produits, car ces porcelets surnuméraires garderont une croissance ralentie, mais le tonnage de viande produit. Dans ce cas-là, un porc, même pas très beau, c’est toujours des kilos gagnés ». La préoccupation des éleveurs intensifs n’est à l’évidence pas le bien-être des animaux, mais la production de kilos de viande quelles que soient les méthodes employées.
Les formes d’élevage alternatif ou extensif ont inclus dans leur mode de production, et ce depuis longtemps, la prise en compte du « respect de l’animal et de son bien-être ». De nouvelles mesures, qui permettent d’améliorer les conditions d’élevage des truies dans les élevages intensifs, ont été adoptées
par le Conseil des ministres européens le 23 octobre 2001 et par la Commission européenne le 9 novembre 2001. Se fondant sur les conclusions du Rapport des experts du Comité scientifique vétérinaire, la Commission a fait des propositions qui portaient sur les problèmes d’isolement des porcs, et en particulier des truies confinées dans des stalles1 individuelles, de certains systèmes d’alimentation qui peuvent entraîner un comportement agressif, notamment lorsque les truies sèches sont sous-alimentées et restent affamées durant toute leur vie, sur les revêtements des sols artificiels, entre autres des caillebotis qui occasionnent des blessures et des gênes, et également sur la section partielle de la queue des porcelets…
Ces propositions n’ont pas été entièrement suivies par les ministres européens de l’Agriculture, mais permettent une sensible amélioration. Notons que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, le Danemark, la Finlande et la Suède ont adopté une législation plus restrictive qui vise à interdire le confinement en stalle pour les truies gestantes. David Byrne, Commissaire européen chargé de la santé et de la protection des consommateurs, avait déclaré que : « L’intensification de l’élevage des porcs au cours de ces dix dernières années a donné lieu à des pratiques entraînant des souffrances inutiles… ». Pourtant, des bâtiments d’élevage intensif continuent à voir le jour, et des opérations de communication de ce modèle de production continuent à faire l’apologie d’un domaine (le bien être animal) qui n’est pas le sien.
Des alternatives existent. L’association de défense des consommateurs de la Chambre des consommateurs d’Alsace déclare que « des éleveurs ont mis au point des systèmes d'élevage adaptés aux besoins naturels des animaux et qui assurent une très bonne sécurité sanitaire au consommateur : l'agriculture biologique, mais aussi des initiatives régionales comme les produits d'élevage Thierry Schweitzer. Ces élevages assurent l'accès à l'air libre, la liberté de mouvement (y compris pour les truies), la présence d'un sol paillé, et l'élevage des animaux en petits groupes. L'impact positif de ces modes d'élevage sur l'environnement n'est pas négligeable. Ils doivent être soutenus. Les éleveurs alsaciens qui les ont créés, en partenariat avec des associations de consommateurs et de citoyens, ont accumulé les connaissances techniques qu’ils sont tout prêts à divulguer ». Mais le consommateur doit veiller à ne pas se faire piéger par de la publicité ; celle-ci a souvent pour but de l’induire en erreur. Pour continuer à parler de l’Alsace, qui est une région que je connais bien – mais ces remarques peuvent être valables pour d’autres régions de France – un représentant de la filière intensive porcine distribuait des tracts vantant un groupement au nom alsacien. Ma propre mère s’est fait abuser ! Elle m’a remis le tract commercial distribué aux clients du magasin, dont voici quelques extraits : « …Pour nous, éleveurs de porcs et de bovins alsaciens, la qualité est notre engagement fondamental…, C’est pourquoi nous respectons une charte très stricte concernant l’élevage notamment en termes de règles sanitaires, alimentaires et environnementales ». En réalité, les cochons sont enfermés dans des bâtiments industriels. Rien n’est dit du mode d’élevage ni du respect du bien-être des animaux, excepté cette phrase « … la viande des éleveurs d’Alsace, c’est des animaux élevés en Alsace dans le respect des bonnes pratiques d’élevage ». Dans le respect des bonnes pratiques… Cela ne veut rien dire, mais laisse surtout penser aux consommateurs que les animaux, les porcs en l’occurrence, sont élevés dans des conditions qui leur sont favorables. Il n’en est rien puisque les cochons de cette marque sont élevés dans des bâtiments intensifs. Sur le dessin du prospectus, on peut voir un cochon représenté avec une queue en tire-bouchon, alors que pas un seul de leurs cochons n’a conservé sa queue : elles sont coupées à vif pour éviter, étant donné les conditions défavorables qui créent du stress, un comportement agressif, qui consiste dans le fait que les animaux mangent la queue de leurs congénères.
Figure en outre à l’intérieur du document, la photo d’un éleveur de porc, tout souriant, un porcelet dans les bras.
Le fond vert de l’image donne à croire que nous pourrions avoir affaire à un éleveur plein air. Il n’en est rien, je me suis renseigné. Dans ce village alsacien, il n’y a qu’un éleveur de porcs en bâtiment, et sur caillebotis. Nous aurait-on montré la réalité des modes d’élevage sur un prospectus publicitaire ? Non ! Alors pourquoi nous induire en erreur en édulcorant la réalité ? J’ai épluché le site Web de cette marque alsacienne : rien n’est dit concernant les conditions d’élevage des animaux, ni même concernant ce fameux respect des bonnes pratiques ; il n’est fait mention que « d’élevage contrôlé ». Il est également indiqué qu’« une équipe constituée d’ingénieurs et de techniciens spécialisés, à laquelle est associé un vétérinaire, [qui] est chargée de suivre les élevages tant du point de vue de la technique pure que des aspects sanitaires, de l’alimentation, du bien-être animal, de la conception des bâtiments, etc. ». Ah, un vétérinaire est dans le coup ? Voilà qui peut rassurer le consommateur, mais quel est son rôle en matière de bien-être animal dans ce type d’élevage qui ne prend pas en compte les réels besoins des animaux ? Seul point positif, le nom de l’éleveur figure sur les barquettes de viande vendue. Il serait donc facile pour le consommateur de connaître l’origine des méthodes d’élevage employées. Encore faut-il savoir poser les bonnes questions et ne pas se laisser « embobiner », comme cela a été le cas de ma mère où, dans l’hypermarché, le représentant de la filière qui lui a remis le prospectus, lui a certifié que les cochons étaient bien élevés, avec beaucoup d’espace pour chacun…
Sachez que plus de 95 % des 26 millions de porcs abattus en France chaque année sortent des systèmes industriels, et que seuls nos choix d’achat peuvent apporter une aide considérable au bien-être des animaux. Du moins pouvons-nous contribuer à faire cesser le mal-être des animaux d’élevages intensifs en refusant les produits qui en sont issus.
1 Les stalles seront interdites à partir de 2013, mais au-delà les truies pourront être gardées en cage les quatre premières semaines de gestation, ainsi que pendant la période de maternité dans une cage de mise bas.
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vendredi, 13 juillet 2012
L'Amour - Jeune littérature
Un poème de Joachim de La Roche Saint-André
L'Amour s'est beau
Mais dangereux
On peut en devenir sot
Surtout quand le ciel est bleu !
L'Amour ça excite
Et les nuits sont mouvementées
C'est rare quand on l'évite
Les draps et les habits sont balancés !
Le matin la porte est fermée
Et quand ils sortent ils sont fatigués
Au petit déjeuner, les parents sont bouleversés
Ils se demandent ce qui s'est passé !
La lune était belle
Et elle de même
Le ciel était beau
Et lui, il était gros !!!
Joachim de La Roche Saint-André
écrit en 2009
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jeudi, 12 juillet 2012
Le journal télévisé d'AlmaSoror
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lundi, 09 juillet 2012
La nuit latente de Renée Vivien
"J'attends le retour des cygnes sauvages".
Renée, tu avais construit ton nom et ton mythe, et tu es morte d'autoépuisement à trente-deux ans, laissant derrière toi un sillon de poèmes qu'il faudra apprendre à retenir par cœur, peu à peu. Tu aimais ce prénom, cette fleur et cette couleur : violette. Tu souffrais des trahisons, tu aspirais à une violence différente de celle à laquelle s'adonnent les viveurs du monde.
Ton sommeil venu si tôt est souvent troublé par des frères, par des sœurs, qui viennent faire trembler ta mémoire en osant réciter, comme une prière, tes poèmes, ou bien les dialogues de Svanhild.
Comme Milosz, le cher lituanien qui écrivait en français, tu as choisi notre langue pour dire ton cœur. Alors nous te devons mille ans d'amour, au moins mille ans.
La Nuit latente
Le soir, doux berger, développe
Son rustique solo...
Je mâche un brin d’héliotrope
Comme Fra Diavolo.
La nuit latente fume, et cuve
Des cendres, tel un noir Vésuve,
Voilant d’une vapeur d’étuve
La lune au blanc halo.
Je suis la fervente disciple
De la mer et du soir.
La luxure unique et multiple
Se mire à mon miroir...
Mon visage de clown me navre.
Je cherche ton lit de cadavre
Ainsi que le calme d’un havre,
O mon beau Désespoir !
Ah ! la froideur de tes mains jointes
Sous le marbre et le stuc
Et sous le poids des terres ointes
De parfum et de suc !
Mon âme, que l’angoisse exalte,
Vient, en pleurant, faire une halte
Devant ces parois de basalte
Aux bleus de viaduc.
Lorsque l’analyse compulse
Les nuits, gouffre béant,
Dans ma révolte se convulse
La fureur d’un géant.
Et, lasse de la beauté fourbe,
De la joie où l’esprit s’embourbe,
Je me détourne et je me courbe
Sur ton vitreux néant.
Renée Vivien
1877-1909
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dimanche, 08 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Des vaches dans le local d’abattage d’urgence
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Vache qui ne peut se relever dans un transport et qui est elle-même couchée sur une autre qui est morte par suffocation.
Phot Jean-Luc Daub
Des vaches dans le local d’abattage d’urgence
Une année, j’ai visité dans la Manche un abattoir qui se démarquait par ses pratiques d’abattage. Je m’étais présenté à une responsable qui me laissa visiter les lieux seul. Elle me montra les bulletins et les articles qu’elle avait amassés concernant l’association dans le cadre de laquelle j’effectuais ces contrôles. Elle s’attendait à nous voir arriver un jour ou l’autre.
Après avoir conversé avec elle, je m’équipai de ma blouse, de mes bottes alimentaires et de mon casque. L’équipement était tout blanc, ce qui peut apparaître bizarre alors que les tâches de sang maculent le tablier de rouge. Mais c’est la norme, tout le monde est en blanc. L’abattoir n’était plus tout jeune, il était même vétuste et insalubre.
J’assistai aux abattages rituels des ovins. Un groupe de mouton était emmené dans le local d’abattage, le sacrificateur accrochait à un treuil une longue barre en fer. À l’aide d’une ficelle, il prenait une patte arrière d’un mouton et l’attachait à la barre. Il répétait l’opération en y attachant deux autres bêtes. Dans une panique compréhensible, les trois moutons tentaient de défaire le lien en tirant sur la patte attachée. L’employé actionna le treuil qui leva les trois moutons en l’air. La suspension des animaux vivants est pourtant interdite, plus encore si on en accroche trois en même temps ! Il poussa ensuite les trois moutons vers le poste de saignée. Là, le sacrificateur les égorgea un après l’autre.
J’assistai – et ce fut encore pire – à l’abattage rituel d’une vache. Le même employé alla chercher une vache dans la bouverie, il l’attacha par le cou au mur du local d’abattage. Puis, il fit descendre le treuil et enroula une chaîne autour d’une des pattes arrière de l’animal. Le sacrificateur actionna le treuil et suspendit la vache. Il détacha la tête qui, en se balançant, venait se cogner contre une paroi métallique. La bête se retrouva la tête en bas, suspendue par une patte. Il la poussa jusqu’au poste d’abattage puis, muni de son couteau, il l’égorgea en pleine conscience. Cette pratique est également interdite, l’abattoir aurait dû être équipé d’un box rotatif.
Bœuf en attente dans un box rotatif servant à l’abattage rituel, la mentonnière lui relève la tête.
Dans le local d’abattage d’urgence, deux vaches étaient couchées sur le sol dans l’incapacité de se mouvoir. En principe, elles auraient dû être tuées dès leur arrivée : ce genre de situation requiert ce que l’on appelle l’abattage d’urgence. De plus, puisqu’elles ne pouvaient pas marcher, elles n’auraient pas dû être déchargées à l’aide du câble métallique au bout d’un treuil, elles auraient dû être abattues dans le camion. L’une des vaches était encore attachée par le câble à une patte arrière. Manifestement, on ne se pressait pas pour leur donner la mort et mettre fin à leur souffrance certaine. Comme bien souvent, elles allaient être abattues en fin de journée, lorsque les autres tueries prendraient fin. C’était la pratique habituelle, le caractère d’urgence perdait tout son sens.
J’allais assister au déchargement, peu commun, d’une troisième vache. Un véhicule, une petite camionnette, faisait une marche arrière dans le local d’abattage d’urgence. Pour faire de la place, le chauffeur poussa, à l’aide de la camionnette, l’une des vaches qui gênait l’entrée. Il sortit de son véhicule, détacha celle qui était retenue par une patte, pour aller attacher celle qui était couchée dans la camionnette. Le chauffeur qui, par ses gestes précis montrait qu’il n’en était pas à son coup d’essai, ouvrit en grand les portières du véhicule. Il monta à bord et mis le moteur en marche. Il avait au préalable tendu le câble. Le chauffeur enclencha la première vitesse et démarra brusquement, de sorte que la vache retenue par le câble se retrouva expulsée du camion et se fracassa la tête sur le sol, car le véhicule était bien plus haut que le sol. Le chauffeur est ensuite parti sans se retourner pour voir dans quel état se trouvait l’animal. Toutes ces opérations se passaient sous les fenêtres du bureau des services vétérinaires. Je présume que les deux autres vaches avaient été déchargées de la même façon et que ce n’était pas la première fois qu’il agissait de la sorte. L’association pour laquelle je travaillais déposa une plainte et le chauffeur fut condamné à payer une amende (ce qui me fut reproché plusieurs années après sur un marché aux bestiaux où je me fis agresser, comme nous le verrons plus loin).
Une heure après, les trois vaches n’avaient toujours pas été abattues, deux d’entre elles gisaient, agonisantes. J’insistais auprès des responsables pour que l’abattage soit mis en œuvre et que les souffrances de ces bovins soient abrégées. Mais rien ne se passait. J’ai alors demandé à pouvoir téléphoner. Je tentai de joindre le Ministère de l’Agriculture pour les avertir de la situation. Ayant écouté la conversation, la responsable de l’abattoir en compagnie du directeur ordonna l’abattage immédiat des trois bovins. Ce qui fut fait. Je quittai cet abattoir écœuré et ne sachant pas si les méthodes employées pour les abattages allaient perdurer. Je n’ai pas eu l’occasion d’y retourner ayant tant à faire ailleurs, mais le Ministère de l’Agriculture avait, par un courrier, vivement réagi.
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vendredi, 06 juillet 2012
Sir Jerry, de Mad H. Giraud
Nous recopions pour vous l'ouverture des étranges vacances de Sir Jerry, et une page du milieu du livre La périlleuse mission du Capitaine Jerry.
Très bien écrits, ces romans ont traîné dans beaucoup d'étagères adolescentes des années 50, 60, 70, avant de se dissoudre dans le silence. Mais le style littéraire, beau et original, la manière scénaristique de raconter qui procède d'un ton constamment elliptique, la succession d'atmosphère peintes avec une grande finesse, les illustrations de Manon Iessel restent au fond des mémoires comme des souvenirs qui imprègnent et reviennent sans prévenir au détour d'une phrase, d'une odeur, d'un paysage.
Certains passages paraissent, idéologiquement, si vieillis et si contraires à ce que nous chérissons que la lecture en devient presque audacieuse, entre la transgression et la trahison.
Ces textes sont, justement, d'autant plus dérangeants pour notre société que l'auteur, en pleine seconde guerre mondiale, écrit des livres vantant la Résistance de Londres et qu'elle loue la haute culture indienne. Ses attaques sur les "singes" indiens, sa description infernale des juifs intelligents et cupides, son implacable sens des distinctions de classes et de castes en paraissent d'autant plus gênantes qu'on ne peut pas la jeter dans la poubelle de "ceux qui ont choisi le mauvais camp".
Ceux-là même, qui se veulent fidèles à "ceux qui ont choisi le mauvais camp" ne lui rendent pas l'hommage de la garder sur les étagères, cette mystérieuse Mad H Giraud, puisque, résistante et antisémite, colonialiste et admiratrice des civilisations asservies, attachée aux principes rigides de la vieille France (et de la vieille Angleterre) et profondément libératrice et responsabilisante à l'égard des enfants, elle trône dans les néants où l'on envoie ceux qu'aucune famille culturelle ne peut récupérer sans mettre en danger son confort intellectuel.
Allons donc ! Laisserions la littérature, et surtout la littérature enfantine, nous faire croire que les bons ont des défauts, que les méchants ont des qualités ? C'est cette pénible idée que l'on trouve dans les aventures de Sir Jerry.
Les étranges vacances de Sir Jerry
Chapitre Premier
Dans lequel on retrouve quelques amis
L'avion blanc planait dans le ciel bleu. Il se rapprochait peu à peu de la terre, dessinant en l'air d'agréables figures qui montraient assez qu'il était piloté de main de maître.
Sur le sol, à quelque distance, tout un petit monde s'agitait, courant et criant, maintenu hors du champ d'atterrissage par une simple promesse qui valait toutes les barrières.
- Le voici ! Le voici ! C'est à moi ! C'est à moi !
- C'est à nous, tu veux dire, reprit une voix.
- Ce sera : à aucun, déclara une jeune personne. On a dit que les baptêmes de l'air cesseraient à quatre heures et demie. Il est quatre heures et demie.
On entendit quelques protestations, quelques regrets, mais aucun des enfants qui étaient là ne proposa d'essayer de gagner une demi-heure.
Une heure était une heure et une promesse se tenait sans défaillir.
Le pilote et ses deux passagers avaient débarqué : on accourut devant eux.
- Ce sera pour demain ! dit le premier, prévoyant la question des enfants. Et je commencerai par les petits. Maintenant, il faut rentrer. Tante Belle nous attend pour goûter.
- Oncle Dick, ce sera d'abord Nell et moi, n'est-ce pas ? C'est nous qui sommes les plus petits.
- Oui, mais tu es un garçon, Ned. Peut-être voudras-tu, poliment, céder ton tour à Mérouji et Anicette.
Ned fit une grimage. Il n'avait pas très envie d'être si poli que cela !
Ces demoiselles ne le lui demandèrent pas.
- Ned et Nell seraient trop impatients, dit Mérouji. Nous ne voulons pas de politesse ni de tour de faveur.
- Et peut-être pourrons-nous alors rester un peu plus longtemps, conclut Anicette, pratique.
- C'est magnifique ! criaient les deux passagers. On voudrait ne jamais redescendre.
- Ce serait bien agréable de faire un grand voyage, dit pensivement Patrice, l'aîné des garçons.
- Quel dommage que le Voleur-Fidèle ne puisse pas nous prendre tous, oncle Dick !
- Il faudrait un dirigeable, mon vieux, répliqua l'oncle Dick, pour vous prendre tous.
Le goûter était préparé dans le jardin de Belle-Maison. Le vieux maître d'hôtel, Thomas, apportait la grande bouilloire d'argent au moment où l'oncle Dick - Lord Armster - apparaissaient avec ses neveux.
Tante Belle, la charmante jeune tante que tout le monde chérissait, descendait les marches du perron en courant. Elle agitait une lettre entre ses doigts, comme elle aurait brandi un étendard victorieux.
- Sir Jerry arrive ! cria-t-elle. Il sera là demain.
- Papa ! Papa ! cria Mérouji. Quel bonheur !
La petite fille, d'un bond léger, s'en vint sauter au cou de Lady Armster :
- Oh ! tante Belle, quel bonheur ! Être ici auprès de vous tous avec papa !
- ça, dit son frère Jerry, ce sera les plus belles vacances de notre vie !
Il parlait posément, mais avec tant de conviction et d'émotion contenue que l'on devinait toute la joie de ce grand garçon de quinze ans.
La périlleuse mission du capitaine Jerry
Chapitre IX La vieille Ketty
(extrait)
Ce fut un jeu pour le capitaine Jerry d'arriver jusqu'à la lucarne de façon à regarder ce qui se passait à l'intérieur de la maison. Il aperçut d'un coup d'oeil rapide la salle unique qui formait toute l'habitation de la vieille Ketty. La vieille Ketty elle-même, la véritable vieille Ketty, était là, dans un coin. Assise devant une table couverte de gâteaux les plus divers, elle prouvait au capitaine Jerry que, contrairement à ce qu'on pensait, elle était corruptible et que sa gourmandise offrait un moyen très sûr d'ouvrir une porte que l'on pouvait penser bien fermée sur une pauvre folle.
Elle mangeait avec lenteur, savourant chaque bouchée d'un air de profonde satisfaction. Son observateur invisible ne s'attarda pas à ce spectacle attristant, mais il eut le temps de constater que la vieille Ketty, par prudence, sans doute, avait été attachée à sa chaise. Ainsi, elle ne pouvait bouger ni rejoindre au dehors, son "double", révélant par sa présence la supercherie qui, jusque là, avait arrêté les prédécesseurs du capitaine Jerry.
Celui-ci, pourtant, cherchait du regard, dans la pièce, des traces du passage de ceux qui devaient avoir une raison toute spéciale pour envahir la maison de la vieille Ketty et s'assurer son involontaire complicité. Et celui qui, empruntant la personnalité de la pauvre folle, veillait à la porte, avait sans doute aussi un motif pour cela.
Et, brusquement, le capitaine Jerry aperçut raison et motif. Dans un angle de la pièce, le lit de la vieille Ketty, sordide grabat, avait été déplacé, et l'on pouvait, de la lucarne, voir que ce lit, en temps habituel, dissimulait une trappe en ce moment découverte.
Quelle quantité impressionnante de gâteaux et de bonbons avait-il fallu à la vieille Ketty pour qu'elle laissât travailler chez elle ceux que poursuivait le capitaine Jerry !
Pauvre folle qui ne savait rien de ce que l'on tramait chez elle, contre son pays, et se laissait acheter, inconsciente, cette complicité ignorante.
Légèrement, le capitaine Jerry se laissa retomber à terre et secoua sa vareuse un peu salie par le contact du mur.
Et, délibérément, il revint à la porte de la maison et entra.
La vieille Ketty poussa une sorte de grognement, mais le capitaine Jerry avait tiré de sa poche un petit flacon de whisky. Il en versa un doigt dans le verre vide qui se trouvait sur la table et le tendit à la vieille femme qui s'en empara avec avidité.
Tandis qu'elle buvait, le capitaine Jerry se dirigea vers la trappe qui avait été un peu rabattue de façon à couvrir à moitié l'ouverture par laquelle il allait poursuivre ses ennemis.
Mad H Giraud
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mercredi, 04 juillet 2012
Sur Alexandre Grothendiek
Il a disparu dans le Sud de la France. Mais disparaîtra-t-il un jour de la mémoire des hommes ?
Poussières et ruines recouvriront-elles les récoltes et les semailles ? Ce n'est pas certain...
Si nous demeurons fixés au fil de "l'actualité", si nous lisons les livres que chacun connait, si nous nous intéressons aux questions sociétales à la mode, alors nous sommes presque sûrs de rater l'essentiel de ce qui a lieu dans notre monde politique, intellectuel, scientifique.
Et pourtant, quitter les grandes voies pour se casser les pieds dans la solitude des sentiers pas encore dégagés, ce n'est pas une partie de plaisir. Ce peut être une nécessité intérieure, ce peut être la source d'exaltations qui donnent toute sa sève à la vie, mais il faut accepter de souffrir d'une souffrance qui existe parmi les hommes depuis la nuit des temps. Celle de l'isolement.
Isolé et incompris, seul homobizarroïde parmi les hommes de bien, parasite de la société, mauvaise tête, tel est le destin de celui qui marche où il veut.
Tel fut celui d'Alexandre Grothendieck, qui vit peut-être encore aujourd'hui - qui sait ? - et dont la disparition creuse le mystère.
Lire la promenade autobiographique d'Alexandre Grothendieck, Récoltes et semailles, c'est boire à la source pure, intacte, de la création mathématique indépendante. Il a voulu que toi, lecteur profane intimidé par les maths, tu puisses le lire aussi, et le comprendre, et te sentir aussi proche de lui que si tu étais toi-même un cerveau d'où jaillissent des théorèmes.
Alors le voilà, ce texte.
Bonne route sur l'escarpée route de Grothendieck, le mathématicien, le radical-écologiste, le frère et le salaud - parait-il. Nous qui ne l'avons pas connu, nous le reconnaissons pourtant, comme quelqu'un qui a essayé de vivre, et qui nous a offert ses efforts de création en partage.
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lundi, 02 juillet 2012
à contre-réel
Fugue d'un esprit hors du temps-réel.
"Les films psychédéliques nous font voir le monde tel que le vit l'esprit. Ni réaliste, ni fictionnel, le film psychédélique est un révélateur de l'expérience subjective"
Max Farmsen
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dimanche, 01 juillet 2012
Ces bêtes qu’on abat : Avec le personnel d’abattoirs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Avec le personnel d’abattoirs
En ce qui concerne le personnel d’abattoirs, je ne parlerai que de quelques cas comme celui d’un tueur qui étourdissait les cochons à l’aide d’une pince électrique.
Etourdissement dans un abattoir allemand à la pince électrique.
Phot Jean-Luc Daub
Il était tétanisé par ma présence. Souvent, lorsque j’arrivais dans un abattoir, l’information faisait vite le tour et passait d’employé à employé. On disait quelque chose du style : « Attention, il y a le monsieur de la protection animale ». Ce tueur de cochons était tellement stressé par ma présence qu’il faisait beaucoup de manières et de gestes inutiles. Il me faisait comprendre que son métier était dur, qu’il avait mal au bras, qu’il avait peur que les cochons suspendus lui retombent sur la tête. Il insistait si longtemps avec la pince électrique sur les cochons, que ce n’était plus un étourdissement par simple choc électrique, mais une mise à mort par électrocution. Mais ce monsieur pensait bien faire. Par contre, il ne se rendait même pas compte qu’il était en pleine infraction, car il pratiquait l’électronarcose après la suspension des animaux. Il les attachait par une patte arrière, puis il les suspendait vivants. Ce n’était plus un étourdissement qu’il pratiquait ensuite, car les cochons étaient tués avec la pince électrique.
Il m’est arrivé, lors de la visite d’un petit abattoir, de devoir attendre le retour du directeur parce qu’il était parti à la chasse (!), m’avait confié les employés en m’offrant un café.
Etourdissement d’une vache avec un pistolet à tige perforante.
Phot Jean-Luc Daub
Il faut aussi subir la colère des directeurs, parce que dans le maillon des contrôles,pour eux, nous sommes un contrôle de plus, et parfois de trop. Je cite les propos de l’un d’eux : « Je n’ai rien contre vous, mais là ç’en est trop, j’ai un audit surprise aujourd’hui, cette semaine j’avais un contrôle du fisc, la semaine dernière un contrôle ESB, et avec vous maintenant un contrôle de protection animale ». Ces contrôles de protection animale ne sont pas toujours faciles à gérer, mais ils l’étaient encore moins il y a une dizaine d’année, où cette démarche étaient très mal vue. Aujourd’hui, on ne peut pas dire que cela soit apprécié, mais la demande de respect de l’animal exigée par les consommateurs pousse les directeurs d’abattoir à préférer laisser un membre de la protection animale entrer dans son établissement, pour mettre en avant la transparence, la bonne volonté des intervenants, et aussi pour montrer qu’on y applique les bonnes pratiques.
Il faut supporter les moqueries du personnel ou les tentatives d’intimidation ; on vous arrose d’eau sans le faire exprès ou on passe près de vous avec le couteau pointé vers le ventre, ça peut faire un peu peur, ne serait-ce qu’à cause d’un risque d’accident. Il y a aussi la pression parfois exercée par les responsables : « Je vous laisse visiter mon abattoir, mais je ne veux pas de vagues ! ».
Truie éventrée dans un local d’abattage d’urgence devant une pauvre vache apeurée.
Phot Jean-Luc Daub
Autre cas difficile. C’est celui d’une responsable d’abattoir qui voulait absolument me mettre dans les mains le pistolet à tige perforante qui servait à étourdir les bovins, mais qui avait été utilisé par un employé pour se suicider. Il s’agissait là aussi de me déstabiliser. Mais ce fut en vain, car je relevai beaucoup d’infractions dans cet établissement.
Une autre fois, il y eut un sacrificateur musulman qui, informé de ma venue dans l’abattoir, se sauva en courant. J’appris par la suite qu’il n’était pas en possession d’une autorisation de sacrificateur ; c’était un simple marchand de boucherie. Le directeur d’abattoir m’avait alors dit qu’il ne le connaissait pas, alors qu’un employé m’avait averti de sa présence, afin que j’assiste à l’abattage rituel, car selon lui il ne savait pas égorger un animal.
Il y avait aussi les Services Vétérinaires qui, ayant eu connaissance de ma présence dans un abattoir, se montraient, me suivaient à la trace, me demandaient ma carte d’enquêteur, et vérifiaient si j’avais bien l’équipement vestimentaire relatif à l’hygiène alimentaire, pour voir si moi-même je ne commettais pas une infraction ! Mais, je dois le dire, il y eut et il y a encore des responsables d’abattoirs et des membres des Services Vétérinaires totalement coopératifs.
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jeudi, 28 juin 2012
In Tlicuilitl, poème nahuatl
Ce poème nahuatl, intitulé le foyer, est beau dans sa grande simplicité. Il a été traduit en français par Michel Launey, dans un numéro spécial de la revue Amérindia qui réunissait tous les textes nahuatl compilés par le Mexicain nahua (aztèque) Carlos Lopez Avila, qui passa sa vie à recueillir les éléments de sa propre culture avant qu'ils ne soient recouverts par la cendre, le sang et le coca-cola.
On doit la composition de ce poème à Nezahualcoyotl, grand homme d'Etat du Mexique mort en 1472, c'est à dire peu de temps avant que l'arrivée des Européens ne provoque la mort d'environ 90% des habitants autochtones du Mexique.
Il faut savoir que le foyer, situé au centre de la maison mexicaine (indienne) est le lieu du feu et de la cuisson des aliments. C'est le domaine de la femme et la source de chaleur et de nourriture.
In Tlicuilitl (Le foyer)
No nantzi icuac ni miquiz
Xi nech toca mo tlicuilpa
Ihuan icuac ti tlaxcalmanas
Ompa nopampa xi choca
O ma mère, quand je mourrai
Enterre-moi sous ton foyer
Quand tu iras faire des galettes
Pleures-y pour moi
Ihuan tla aca mitz tlahtlania
No nantzi ! Tlica zenca huel coza ti choca ?
Xi tlananquili, catca xoxoque cuahuitl
Ihuan in poctle te chochoctia
Et si quelqu'un te demande
« Ma mère, pourquoi pleures-tu tant ? »
Réponds-lui que le bois est vert
Et que la fumée pique les yeux
Nezahualcoyotl
Tlacuatzo tlatecutl Tetzcoco
Nezahualcoyotl (Dernier roi de Texcoco)
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mardi, 26 juin 2012
Désir de mort
Traduit en images, le désir de mort d'un après-midi, quelques semaines avant d'avoir 34 ans.
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lundi, 25 juin 2012
Train de vie, train de brume
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dimanche, 24 juin 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un bouc pas comme les autres
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un bouc pas comme les autres
Il m’est souvent arrivé, lors de mes déplacements, de faire des rencontres surprenantes. Celle que je vais décrire l’était particulièrement. En visite d’abattoirs dans le département de la Manche, où je les avais quasiment tous inspectés, je terminai la semaine par celui d’une grande ville. Lorsque je me suis présenté au directeur, il était assis derrière son bureau, les mains rassemblées à hauteur de la poitrine. À peine avais-je fini de parler qu’il m’annonça de façon très posée : « Je vous attendais » ! Il n’était pas censé m’attendre, puisque les visites s’effectuaient inopinément. Mais je ne fus pas surpris, il avait dû être averti, car j’avais écumé un grand nombre d’abattoirs du département. Un autre directeur, ou peut-être même les services vétérinaires avaient dû le prévenir de ma présence dans le secteur et d’une visite potentielle. Il ne m’en tenait pas rigueur et l’accueil fut plutôt chaleureux. Après m’avoir décrit son établissement d’abattage, nous avons visité les lieux ensemble. Rien à redire à propos des postes d’abattage, les tueries se déroulaient convenablement et les postes d’abattage étaient équipés correctement. Bien que les abattages soient une violence à l’encontre des animaux, un certain calme régnait, les employés travaillaient de façon posée sans brutaliser les animaux. Et ce n’est pas ma présence qui changeait quelque chose, car dans ce milieu, on ne peut pas tricher. Si les employés travaillent de façon critiquable, il est impossible de faire semblant et de travailler de façon acceptable en ma présence. Les habitudes ancrées ne peuvent pas se défaire si facilement.
La rencontre surprenante se fit ailleurs que dans les locaux d’abattage. Elle eut lieu dans la bouverie attenante aux postes d’abattage. Il s’agissait en fait d’une rencontre avec un bouc qui avait son box attitré. Le bouc n’était pas destiné à l’abattage. Il avait pour domicile l’abattoir, et il était bien le seul animal à ne pas être tué en abattoir. Encore que j’aie déjà vu des chats se promener dans une salle d’abattage dans le Nord de la France. Son box était garni de paille pour litière et de foin pour le fourrage. C’était un bouc qui était passé du côté des humains, des employés de l’abattoir, un traître en somme. Il était investi d’une mission qu’il accomplissait brillamment. Je n’allais plus tarder à en voir la démonstration. Le directeur demanda à un employé de me montrer comment ils procédaient pour conduire sans brutalité les ovins vers le lieu de tuerie.
Après avoir ouvert la porte d’une case où se trouvaient des moutons, l’employé ouvrit la porte du box du bouc. Ce dernier sorti tout seul, se dirigea vers la case des moutons, rentra à l’intérieur et après en avoir fait le tour, ressortit et prit la direction du local d’abattage. Étonnement, les moutons le suivaient sans se soucier de la direction vers laquelle il les menait. D’un pas fier, il entra dans le local d’abattage, et tous les moutons y entrèrent également en toute confiance. Le bouc fit le tour du local et reprit la direction de la sortie pour retourner dans son box douillettement paillé. L’employé referma la porte du local d’abattage, laissant les moutons pris au piège et relégués au sort qui leur était réservé.
Aucun stress, aucune manipulation humaine. Les moutons étaient conduits avec ménagement, car dans d’autres circonstances, les employés sont souvent obligés d’en tirer un par une patte pour que les autres suivent.
Camion qui a roulé toute la journée et qui attend derrière un abattoir le lever du jour, à la place de décharger et faire boire les bovins. La chauffeur dort dans sa cabine…
Phot Jean-Luc Daub
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