dimanche, 15 avril 2012
Amers tubes
Phot. Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
Partir... A l'aube crépusculaire, au bout d'une nuit passée à pleurer dans les rues d'Insomniapolis, partir.
Mourir... Aux jours passés et aux amitiés ratées, aux familles létales, aux amours bancales, mourir à tout ce qui sembla être moi et fut tout sauf moi, mourir.
Souffrir... De quitter la vie monotone à laquelle on était attaché, d'abandonner des êtres qu'on avait l'habitude de saluer, de trahir des promesses qu'on avait contractées, souffrir.
Mentir... Au concierge qui demande où l'on va, au voisin qui souhaite une bonne journée, au cafetier planté devant son bar encore fermé, mentir.
Courir... Le long des quais le long desquels on a tant rêvé, sur les ponts qui mènent à l'autre ville, sur la route qui sort de la ville, dans la gare où attendent des trains en partance, dans le train où les places s'arrachent, courir...
Sentir... La vie qui renaît au creux d'un cœur mort, le sang qui afflue au bord de la peau, la peur de l'inconnu et du nouveau, l'angoisse d'une disparition, l'enthousiasme d'une chanson, l'expérience d'une vie qui recommence, sentir...
Partir... Un matin comme un autre, quelqu'un presque comme les autres, au bout de décennies passées à remplir un rôle défaillant de fourmi, partir.
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jeudi, 12 avril 2012
Une vie parfaite
Quelqu'un m'a demandé de décrire comment se déroulerait ma vie si elle était parfaite. Sans contrainte, j'ai décrit une journée idéale.
Le printemps et l'été, à 6h45, éveillée par le chant des oiseaux, je laisse lentement mes yeux s'ouvrir, ma conscience se dévoiler au jour. L'hiver, cela a lieu plus tard, vers sept heures et demi.
Je m'assois sur mon lit et prends un temps de gratitude pour la vie qui m'entoure ; je confie ma journée à Dieu s'il existe, je la dédie à la célébration de la beauté du monde, à la contemplation de ses mystères.
Et je me lève. En passant par la salle de bains je mets l'eau de la baignoire à couler, ensuite je vais préparer un petit-déjeuner : jus de fruits savoureux, café, croissants, confiture.
Le temps du petit-déjeuner équivaut à celui de la baignoire qui s'emplit d'eau. Je fais rapidement la vaisselle et vais prendre un bon bain chaud.
Je m'habille en sortant du bain, et vais me reposer sur mon lit ou sur un fauteuil et je lis ou je paresse.
Puis il est temps de bloguer un peu : j'allume mon ordinateur, écris des billets pour mes blogs durant une heure ou deux.
Je vais faire une promenade, quelques courses s'il y a besoin.
Quand je rentre à la maison, il est onze heures du matin : l'heure de regarder mes mails et d'y répondre, ce que je fais.
Ensuite, je vaque à toutes les occupations que je veux avant de préparer un bon repas, à moins que j'aie rendez-vous avec quelqu'un pour déjeuner dans la ville.
Après le déjeuner, conversation avec une éventuelle personne présente, ou lecture de Sidoine Apollinaire ou d'un auteur grec ou romain, pour puiser aux sources vives de la pensée de mes pères.
L'après-midi, un long temps sera consacré aux arts : à écouter ou créer de la musique, à regarder ou créer un film, à écrire.
Vers la fin d'après-midi il est temps, si je suis dans ma villégiature lovée dans la nature, d'aller faire un tour de vol libre (planeur, parapente, deltaplane) ou d'entrer dans l'océan dans ma combinaison qui me permet de rester nager et jouer dans l'eau sans trop sentir le froid.
Je rentre ensuite regarder à nouveau mes mails, préparer un dîner ou m'habiller pour sortir dîner si j'ai un rendez-vous dans la ville.
Il faut ajouter à cette vie si douce et si monotone un massage de temps en temps, chez un masseur indépendant installé dans la ville, et, de temps en temps, une coupure de ce rythme pour me plonger quelques jours dans l'étude d'une langue ou l'apprentissage des mathématiques, sans aucune idée de compétition ou de diplôme, pour la simple fête de l'esprit, pour la communion avec l'intelligence humaine qui trône dans le temps et domine tant de disputes stériles.
Presque tous les soirs, je suis couchée à dix heures ou dix heures et demi. Là, je lis une demi-heure dans mon lit, puis j'offre une prière de gratitude à la journée écoulée, à la nuit qui m'enveloppe.
Peu à peu, au fil des jours, des semaines, des saisons, une œuvre se créée. Il faut ajouter des trajets en train régulier, pour m'emmener de ma villégiature urbaine, citadine, à ma villégiature campagnarde, noyée au milieu des espaces naturels.
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lundi, 09 avril 2012
Exterminer avec compassion et pitié
Breton républicain, Joseph Lequinio explique (à propos de la Vendée) qu'il faut savoir exterminer 400 000 personnes avec compassion et humanité.
Après la Révolution française, il a fait une belle carrière sous Napoléon.
“Sévérité ! Ce terme est-il bien compris ? Je veux en même temps et des mesures sévères et des mesures indulgentes. ...
Mais qu’entend-on donc par mesures de sévérité, ne les distinguera-t-on pas des mesures de barbarie ? La sévérité la plus rigoureuse et la plus terrible est justifiée par le besoin, par la nécessité du bien général. Rien au monde ne peut justifier des mesures de barbarie.
Si le salut de la France exigeait l’anéantissement des 400 000 hommes qui couvrent le territoire de la Vendée et pays insurgés voisins, il faudrait les anéantir. Mais dans ce cas même, on ne saurait excuser des crimes atroces qui révoltent la nature, qui outragent l’ordre social et qui répugnent également et au sentiment et à la raison. En faisant évanouir ces générations entières pour le bonheur de la patrie, rien ne pourrait faire tolérer des mesures barbares, inhumaines, scélérates, exercées sur un seul individu. Il faudrait accomplir encore de compassion et de pitié cette exécution terrible, mais nécessaire à l’affermissement de la République, et ne pas accroître le malheur de s’y retrouver réduit par la souillure du remords.”
Guerre de la Vendée et des Chouans, par Joseph Liquinio (édition critique de Jean Artarit),
Éditions du Centre vendéen de recherches historiques, Collection mémoire de Vendée, 2012
On peut se procurer ce livre ici
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vendredi, 06 avril 2012
La matière du rêve
La vie est un rêve et pour rester accrocher à sa matière on peut suivre une voie. Certains suivent la voie du Tao ; d'autres, la voie du surf ; d'autres, la voie yoguique. Toutes les églises ont leurs grandeurs et leurs faiblesses.
Nous présentons ici la voie de l'infant. Elle s'appuie sur sept principes, auxquels il faut revenir plusieurs fois par jour afin d'approfondir notre ancrage dans la matière du rêve qui est la vie, afin de progresser sur la voie, d'être plus heureux et de rendre les autres plus heureux.
Pourquoi la voie "de l'infant" ? Parce que ce mot vient de infans, celui qui ne parle pas. Mais on pourrait tout aussi bien l'appeler la voie du poisson. "The fish is mute, expressionless. But the fish knows everything", comme l'écrivit Emir Kusturika, ce que Bregovic mit en chanson :
Et l'enfant, comme le poisson, représente celui qui marchait sur les eaux, devant des pêcheurs médusés, sur le lac de Tibériade... Ils peuvent aussi représenter Dylan eil Ton, fils de la vague, héros mythique celte.
Premier principe : La vague
Suivre la vague, m'y abandonner.
Ne jamais lutter contre la vie et ses flux, accepter la violence des éléments, épouser les mouvements de l'onde et surfer sur la vague. Platitude des eaux, violence de leur déchaînement : accepter et se laisser porter.
Second principe : Le silence
Faire le vide en moi, le silence en mon esprit, et écouter Dieu le Père tout-puissant, le laisser m'emplir et me parler. Ensuite, je suis la direction entendue ou sentie lors de la prière, dans la confiance inconditionnelle.
Troisième principe : La respiration
Je m'apaise et j'observe le flux et le reflux de ma respiration. j'écoute son rythme, j'en note les variations, sans tenter d'influer. Au bout de quelques minutes seulement, je peux essayer d'amplifier légèrement l'inspiration et l'expiration. Et, de quelques minutes plus tard, je peux amplifier encore plus.
Quatrième principe : La circulation
Fermer les yeux, tenter de sentir la circulation intérieure, entre les organes, dans le sang, sous la peau. Sentir ce qui bouge, prendre conscience de la fluidité intérieure, des masses internes mouvantes et palpitantes.
Cinquième principe : La sensation
Se recentrer sur les sensations que je veux éprouver dans la vie. Si, par exemple, les sensations que je souhaite éprouver sont la tendresse, l'exaltation, la puissance, la paix, la confiance, la joie... Je les créée en moi, l'une après l'autre, afin de me rappeler qu'elles existent et de leurs faciliter le passage la prochaine fois où elles voudront monter spontanément.
Sixième principe : L'obstacle
Comme dans un mythe ou un conte, l'obstacle est ce qui me transforme en héros. L'humilité m'amène un auxiliaire qui résout mon obstacle et le courage me permet d'obtenir la reconnaissance. Si je suis humble, mais dépourvue de courage, j'aurais une aide pour résoudre mon problème mais je n'aurai aucune reconnaissance, aucun honneur. Si je suis courageuse, mais dépourvue d'humilité, je gagnerai l'admiration d'autrui, mais en l'absence d'aide miraculeuse, il n'est pas sûr que je surmonte mon problème.
Septième principe : La lumière
Voir d'où vient la lumière et où elle se pose, voir ce qui est à l'ombre, et ce, les yeux fermés comme avec les yeux ouverts. Les yeux fermés, il s'agit de noter les points sombres et les points lumineux dans le pétillement de couleurs et de formes que l'on voit sur la paroi de nos paupières intérieures. Les yeux ouverts, il suffit d'identifier les sources de lumière (une lampe, un néon, une fenêtre), et de noter les éléments éclairés par cette lumière, les éléments qui restent plus ombreux, d'étudier les reflets. Accepter la sagesse de cette double présence de l'ombre et de la lumière, comprendre que notre monde est aussi une illusion d'optique.
Comment entrer dans la voie du poisson, marcher sur la voie de l'infant...
Ces sept principes doivent être retenus et l'on peut y revenir souvent dans la journée. Se les remémorer, tacher de les vivre, quitter les sphères du mental pur ou du matériel pur pour s'ancrer dans la matière, cette matière mêlée de corps et d'imaginaire, de lumière et de mouvement, de moi et du monde, qui est la matière du rêve et de la vie.
Le soldat inconnu
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mardi, 03 avril 2012
Intemporalité
"Aujourd'hui, la réalité est absurde, aussi horrible, aussi impénétrable que nos rêves. Et face à elle, nous sommes sans défense, comme dans nos cauchemars..."
Ingmar Bergman
« La vie est un rêve, c'est le réveil qui nous tue ».
Virginia Woolf
"Si j’avais su que les rêves sont réels et le monde illusion, j’aurais inversé ma vision de la liberté et celle de la prison. Mais les menteurs amers disent décriant les images qu’elles sont illusoires, et nous entraînent dans leur " réel " qui n’existe que dans leurs sombres couloirs".
Édith Morning
Détresse
Nous manquons souvent d'air, de ciel, d'espace, d'eau, de soleil, de vent. Nous qui vivons dans des villes belles et fascinantes mais si artificielles, nous qui vivons dans des campagnes poudrées de pesticides. Nos corps sont en manque.
Mais nos esprits ? Assaillis par les mots qui sonnent, les mots de la politique, de l'administration, de la mode, des techniques, assaillis même par les mots des fictions prévisibles aux scénarios bien ficelés, par les mots des chansons trop fades, des dialogues de romans et de films trop faciles, ils manquent eux aussi de ciel mental et de vent imaginal, de forêt littéraire et d'océan assez vides pour être contemplés sans perturbation.
Nos esprits sont en manque d'intemporalité.
Dévoration
L'actualité nous avale autant que nous l'avalons. L'homme informé et la connaissance s'entre-dévorent.
La place qu'ont prit les célébrités dans notre monde nous a démunis de nous-mêmes. Chaque fois que nous les écoutons parler d'un thème qui ne les concerne pas, nous leur donnons un pouvoir sur nous, nous nous rendons inférieurs à eux en leur laissant implicitement la primauté de la parole. Alors que dire de toutes ces exigences que nous avons envers eux ? Nous croyons affirmer nos droits en exigeant des politiques qu'il s'expriment, qu'ils décrètent, qu'ils montrent quel est leur camp, qu'ils tranchent ! Mais ce que nous affirmons, c'est que nous ne valons rien et qu'ils sont Ceux qui savent, Ceux qui dictent.
Une expression revient souvent : « nos gouvernants », « nos élites ». Est-ce qu'un citoyen se doit d'avoir des gouvernants et des élites ? Des représentants ne lui suffisent-ils pas ?
Il ne se passe pas un jour sans que des centaines de commentaires aient lieu sur les événements menus ou grands de ce monde.
Avalanches de condamnations
Les « condamnations ». Lorsqu'un crime est commis ou tout simplement lorsque une phrase de travers est prononcée, les politiques « condamnent ». Chacun à son tour prend la peine de faire une déclaration pour « condamner » ce qui vient d'avoir lieu. D'ailleurs, s'ils ne le font pas, nous faisons le siège afin qu'ils s'expriment, qu'ils condamnent enfin ! Or, si un crime est un crime c'est à la justice de le condamner. Si une phrase de travers n'est pas condamnable par le droit, en quel nom ces politiques la condamnent-ils ? Cette profusion de condamnations hebdomadaires condamne surtout la bonne marche du droit.
Avalanche de réactions
Les « réactions » sont mois critiquables que les condamnations puisqu'elle ne prennent pas la place d'une institution. Nous entendons presque tous les jours des réactions à des événements qui quelquefois n'ont aucun rapport avec la politique. Les personnes politiques réagissent perpétuellement à un nombre incalculable de faits. Ces réactions nous abrutissent et parviennent même à nous faire oublier que certains faits, non négligeables sont passablement passés sous silence ! On réagit très fort tout ensemble sur telle acte, tandis que quelque chose a lieu autre part, dans un silence bien étonnant. Les réactions quotidiennes aux événements incessants empêchent le silence de s'exprimer, de prendre sa place dans notre monde. L'individu a besoin de silence, de temps d'absence. La société est comme lui : elle étouffe si elle n'a pas des moments de flottement, sans mots. Des moments où elle vit sans commenter immédiatement ce qu'elle vit.
L'impossibilité de l'inspiration, lorsqu'on est toujours sur le pont des paroles, est évidente. Or, si nos phrases ne sont pas inspirées par autre chose que par le besoin de parler, elles n'ont aucune valeur, aucune force.
Exercices d'éternité
« Ce qui fait la noblesse d'une chose, c'est son éternité »
Léonard de Vinci
Quelques exercices permettent de se reconnecter à l'intemporalité du monde, à l'éternel.
S'exercer à parler d’événements et de sujets qui n'ont rien à voir avec l'actualité. Une grande conversation, par exemple, sur la bataille de Bouvines, ou sur les traditions de confitures à travers le temps et le monde, ou encore sur l'histoire des plages de France, ou enfin sur les différentes espèces de pins européens.
Puiser aux sources mêmes : ne plus lire des livres sur Jules César, mais goûter aux récits écrits par Jules César lui-même. Se plonger dans les textes-sources, même s'ils sont abrupts, même si on ne les comprend plus tels quels. Ne plus lire des livres d'histoire, mais acheter l'édition d'un journal d'un marchand du XVII°siècle et entrer dans la peau de ce personnage.
S'exercer à parler d'une façon telle que des gens d'il y a cinquante ans, des gens qui vivront dans cinquante ans, puissent comprendre et suivre notre syntaxe, notre vocabulaire. Essayer d'élargir à un siècle : parler en songeant à se faire comprendre des gens d'il y a cent ans, des gens qui viendront dans cent ans.
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dimanche, 01 avril 2012
La littérature française au XIX°siècle, décrite par Romain Rolland
Ce passage du roman Jean-Christophe, écrit au 162 boulevard du Montparnasse avant la première guerre mondiale, nous démontre que nos conservateurs crient au loup sans se lasser, croyant toujours que cette fois, la société est descendue vraiment trop bas... Tandis que nos pourfendeurs de morale ne sont que d'affligeants fonctionnaires du choquage de bourgeois.
"Ce fut par les journaux quotidiens que Christophe fit d'abord connaissance, - comme des millions de gens en France, - avec la littérature française de son temps. Comme il était désireux de se mettre le plus vite possible au diapason de la pensée parisienne, en même temps que de se perfectionner dans la langue, il s'imposa de lire avec beaucoup de conscience les feuilles qu'on lui disait les plus parisiennes. Le premier jour, il lut parmi des faits divers horrifiants, dont la narration et les instantanés remplissaient plusieurs colonnes, une nouvelle sur un père qui couchait avec sa fille, âgée de quinze ans : la chose était présentée comme toute naturelle, et même assez touchante. Le second jour, il lut dans le même journal une nouvelle sur un père et son fils, âgé de douze ans, qui couchaient avec la même fille. Le troisième jour, il lut une nouvelle sur un frère, qui couchait avec sa soeur. Le quatrième, sur deux soeurs qui couchaient ensemble. Le cinquième... Le cinquième, il jeta le journal, avec un haut-le-coeur, et dit à Sylvain Kohn :
- Ah ! ça, qu'est-ce que vous avez ? Vous êtes malades !
Sylvain Kohn se mit à rire, et dit :
- C'est de l'art.
Christophe haussa les épaules :
- Vous vous moquez de moi.
- En aucune façon. Voyez plutôt !
Il montra à Christophe une enquête récente sur l'Art et la Morale, d'où il résultait que "l'Amour sanctifiait tout", que "la Sensualité était le ferment de l'Art", que "la morale était une convention inculquée par une éducation jésuitique", et que seule comptait "l'énormité du Désir". - Une suite de certificats littéraires attestaient dans les journaux la pureté d'un roman qui peignait les moeurs des souteneurs. Certains des répondants étaient les plus grands noms de la littérature, ou d'austères critiques. Un poète des familles, bourgeois et catholique, donnait sa bénédiction d'artiste à une peinture très soignée des mauvaises moeurs grecques. Des réclames lyriques exaltaient des romans, où laborieusement s'étalait la Débauche à travers les âges : Rome, Alexandrie, Bysance, la Renaissance italienne et française, le Grand Siècle... c'était un cours complet."
Romain Rolland, in Jean-Christophe
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jeudi, 29 mars 2012
Musiques de notre monde
Billet dédié à Sara
Les passions sont létales et les armes fatales. La musique sert souvent d'appât. Pourtant, si elle sait faire chuter, elle peut aussi sauver : elle peut sauver l'individu, l'amour, le monde...
Je ne veux pas classer les musiques en fonction de leur mode de financement et de diffusion, ce qui donnerait : musique contemporaine, musique de film, pop rock & folk, musique du monde, variété...
Mais parler des musiciens que j'ai découverts, qui me sont à peu près contemporains, que j'écoute et que j'aime. Dire deux ou trois choses que je sais d'eux et vous proposer d'écouter...
Simple exposition de quelques musiciens que j'aime écouter, ce tout petit parcours n'est ni exhaustif, ni structuré. En outre, j'ignore dans ce billet la chanson, je me cantonne aux musiques qui ne servent pas de texte (un texte peut éventuellement les servir...)
Olivier Greif
« Un jour viendra – je ne serai plus de ce monde – où ma musique vous submergera de son évidence ».
Un pays ? La France. Une religion ? La judaïté, en quelque sorte, et la philosophie indienne. Madame la mort l'a abattu en 2000.
Trio pour piano :
Terje Rypdal
Un pays ? La Norvège. Un métier ? Electro-guitariste et compositeur.
Une religion ? La Nature.
Se laisser envelopper par un vaisseau de son et partir en voyage loin, loin dans les profondeurs du monde imaginal.
Double concerto, second mouvement :
Planer dans les volutes de l'orgue minéral, se laisser caresser par la guitare qui tente des approches douces et moins douces. Sentir les percussions qui montent des entrailles.
Arvo Pärt
Un pays ? L'Estonie. Une religion ? Le christianisme orthodoxe. Une révélation dans sa vie ? Le plain-chant grégorien.
Da pacem :
Anouar Brahem
"C'est la nature de la musique et l'exigence de la composition qui déterminent
le rôle de l'instrument."
Un pays : la Tunisie. Un amour : le oud (luth). Une inspiration : deux ! Le jazz et la musique traditionnelle de oud.
Astrakhan Café
Biosphere
L'homme qui se cache derrière Biosphere s'appelle Geir Jensson.
Un pays ? La Norvège. Une religion ? Deux ! La nature et la technique.
Son site officiel...
Laïka s'inspire sans nul doute de la pauvre petite chienne qu'AlmaSoror avait évoquée ici. J'imagine que Biosphere a voulu relater l'expérience intérieure de Laïka en musique. Pardonne-nous, Laïka. Qu'Anubis ait ton âme.
Ennio Morricone
Le maestro italien de la musique de films, et pas peu des westerns spaghetti. Un pays ? L'Italie. Une religion ? L'Italie (et le catholicisme, il a dédié un oratorio au pape Jean-Paul II).
Le vent, le cri
Henryk Gorecki
Un pays ? La souffrante, la bien-aimée Pologne. Une religion ? Le souffrant, le bien-aimé catholicisme.
Il s'est rendu à la Faucheuse en 2010.
Amen
Frank Martin
Suisse, fils de pasteur, musicien discret et profond comme le mystère. Caché derrière son élégance et sa beauté physique, le sens de son art se révèle au fur et à mesure des écoutes. Frank Martin est mort en 1974.
Petite symphonie concertante :
Zbignew Preisner
Un pays ? La Pologne. Un ami ? Le cinéaste Krzysztof Kieślowski. Une originalité ? Il n'a aucune formation musicale académique.
Tu viendras, morceau issu de la bande originale du film La double vie de Véronique, de Kieslowski.
Vangélis
Un pays, la Grèce.Une collaboration : le cinéaste Ridley Scott (sur deux films, Blade Runner et 1492 : Christophe Colomb).
Voici un extrait de la bande originale du film 1492, intitulé Conquest of paradise.
C'était un voyage à travers cette musique que j'aime et écoute si souvent. Je vous remercie de l'avoir partagé.
Merci aux internautes ayant mis en ligne ces vidéos que j'expose ici.
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lundi, 26 mars 2012
L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes...
Après avoir cité L'amour et l'Occident, de Denis de Rougement, et grâce à une idée de Nathann Cohen, qui navigue en eaux littéraires troubles, nous proposons deux extraits de Moravagine, de Blaise Cendrars.
Le premier fragment décrit "l'amour" comme fondamentalement masochiste. Le second éreinte la morale et la littérature et rend sa place à "l'action".
"L'amour est masochiste. Ces cris, ces plaintes, ces douces alarmes, cet état d'angoisse des amants, cet état d'attente, cette souffrance latente, sous-entendue, à peine exprimée, ces mille inquiétudes au sujet de l'absence de l'être aimé, cette fuite du temps, ces susceptibilités, ces sautes d'humeur, ces rêvasseries, ces enfantillages, cette torture morale où la vanité et l'amour-propre sont en jeu, l'honneur, l'éducation, la pudeur, ces hauts et ces bas du tonus nerveux, ces écarts de l'imagination, ce fétichisme, cette précision cruelle des sens qui fouaillent et qui fouillent, cette chute, cette prostration, cette abdication, cet avilissement, cette perte et cette reprise perpétuelle de la personnalité, ces bégaiements, ces mots, ces phrases, cet emploi du diminutif, cette familiarité, ces hésitations dans les attouchements, ce tremblement épileptique, ces rechutes successives et multipliées, cette passion de plus en plus troublée, orageuse et dont les ravages vont progressant, jusqu'à la complète inhibition, la complète annihilation de l'âme, jusqu'à l'atonie des sens, jusqu'à l'épuisement de la moelle, au vide du cerveau, jusqu'à la sécheresse du cœur, ce besoin d'anéantissement, de destruction, de mutilation, ce besoin d'effusion, d'adoration, de mysticisme, cet inassouvissement qui a recours à l'hyperirritabilité des muqueuses, aux errances du goût, aux désordres vaso-moteurs ou périphériques et qui fait appel à la jalousie et à la vengeance, aux crimes, aux mensonges, aux trahisons, cette idolâtrie, cette mélancolie incurable, cette apathie, cette profonde misère morale, ce doute définitif et navrant, ce désespoir, tous ces stigmates ne sont-ils point les symptômes mêmes de l'amour d'après lesquels on peut diagnostiquer, puis tracer d'une main sûre le tableau clinique du masochisme ?
[...]
Au printemps, clôture des paris américains, départ pour la dernière étape du tour du monde; dernière liaison aérienne entre l'Amérique et l'Europe, Londres et Paris après avoir visité Montréal et Québec, quarante-huit heures de vol pour la traversée de l'Atlantique, le grand prix de cent mille livres sterling de l'Union de la presse britannique, etc.
- Toutes les banques marchent. Tu vas voir tout ce que je vais faire rendre à une machine, m'expliquait Moravagine.
Gloire, fortune, honneurs, enthousiasme populaire, délire des foules. Je serai le maître du monde. Je me ferai proclamer Dieu. On foutra tout en l'air, tu vas voir.
- ...
- Alors tu ne viens pas avec nous ? Non ? Et bien n'en parlons plus. D'ailleurs c'est trop tard maintenant. Ta place est déjà prise par un réservoir d'huile, ce qui nous permet d'emporter une fameuse réserve d'essence. L'avion est fin prêt. Nous partons dans trois jours...
- ...
- C'est dommage que tu ne viennes pas. Tu aurais tourné la manivelle à bord. J'avais compté sur toi pour emporter un appareil de prises de vues. Nous n'aurons pas le cinéma. Tant pis. A part ça, tout marche à merveille, il n'y a que toi qui cannes... Je comprends bien ton besoin de repos et ton envie de te tremper dans tes livres. Bon Dieu !Tu as encore envie de réfléchir, tu as toujours eu besoin de réfléchir à des tas de choses, de regarder et de voir, de prendre des mesures, des empreintes, des notes que tu ne sais comment classer. Laisse donc ça aux archivistes policiers. Tu n'as donc pas encore compris que le monde de la pensée est fichu et que la philosophie c'est pis que le bertillonnage. Vous me faites rire avec votre angoisse métaphysique, c'est la frousse qui vous étreint, la peur de la vie, la peur des hommes d'action, de l'action, du désordre. Mais tout n'est que désordre, mon bon. Désordre que les végétaux, les minéraux et les bêtes ; désordre que la multitude des races humaines ; désordre que la vie des hommes, la pensée, l'histoire, les batailles, les inventions, le commerce, les arts; désordre que les théories, les passions, les systèmes. C'a toujours été comme ça. Pourquoi voulez-vous y mettre de l'ordre ? Quel ordre ? Que cherchez-vous ? Il n'y a pas de vérité. Il n'y a que l'action, l'action qui obéit à un million de mobiles différents, l'action éphémère, l'action qui subit toutes les contingences possibles et imaginables, l'action antagoniste. La vie. La vie c'est le crime, le vol, la jalousie, la faim, le mensonge, le foutre la bêtise, les maladies, les éruptions volcaniques, les tremblements de terre, des monceaux de cadavres. Tu n'y peux rien, mon pauvre vieux, tu ne vas pas te mettre à pondre des livres, hein ?..."
Blaise Cendrars
Nous renvoyons vers ce très beau passage de Carson Mc Cullers, que nous avions cité déjà dans AlmaSoror. Encore une description de l'amour masochiste, tirée de la Ballade du café triste.
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samedi, 24 mars 2012
L'amour et l'occident
Sara nous propose trois photos et un fragment de L'amour et l'Occident, de Rougement.
"Nul besoin d'avoir lu le Tristan de Béroul, ou celui de M. Bédier, ni d'avoir entendu l'opéra de Wagner, pour subir dans la vie quotidienne l'empire nostalgique d'un tel mythe. Il se trahit dans la plupart de nos romans et de nos films, dans leur succès auprès des masses, dans les complaisances qu'ils réveillent au cœur des bourgeois, des poètes, des mal mariés, des midinettes qui rêvent d'amours miraculeuses. Le mythe agit partout où la passion est rêvée comme un idéal, non point redoutée comme une fièvre maligne ; partout où sa fatalité est appelée, invoquée, imaginée comme une belle désirable catastrophe, et non point comme une catastrophe. Il vit de la vie même de ceux qui croient que l'amour est une destinée (c'était le philtre du Roman) ; qu'il fond sur l'homme impuissant et ravi pour le consumer d'un feu pur ; et qu'il est plus fort et plus vrai que le bonheur, la société, la morale. Il vit de la vie même du romantisme en nous ; il est le grand mystère de cette religion dont les poètes du siècle passé se firent les prêtres et les inspirés."
L'amour et l'occident, Denis de Rougemont
Voir l'exposition en ligne de la Bibliothèque Nationale de France sur les légendes arthuriennes, dont l'histoire de Tristan et Iseult est issue.
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mercredi, 21 mars 2012
Le Pommier d'argent
Nous présentons le Conte du Pommier d'argent, par Marie.
Ce conte est le premier opus d'une nouvelle rubrique d'AlmaSoror intitulée :
"Jeune littérature", dans laquelle nous publierons des oeuvres
de tout jeunes gens de moins de quinze ans.
Il était une fois,
Un roi, riche, puissant, bon
Aimé de tous…
Il avait une femme magnifique, toutes les tenues lui seyaient si bien, qu’on pouvait passer des heures à l’admirer tellement elle était belle !
Mais de plus, elle était merveilleusement belle,
Grâce à ses cheveux d’argent.
Un jour, le roi s’en alla à la chasse avec ses sujets ;
Il leur déclara : allez chasser, je vais m’en promener au grand air !
Ses sujets ne s’en étonnèrent point car le roi aimait
Se promener dans la forêt (il ne s’inquiétait pas, car il n’y avait rien qui puisse être fâcheux dedans).
Le roi s’en alla donc dans la forêt.
En chemin il entendit des cris,
Il alla voir : des va-nu-pieds qui frappaient une pauvre femme !
Son sang ne fit qu’un tour, il se fraye un chemin à travers les buissons, et chassa les voyous.
-Merci, oh merci ! Seigneur !
Je ne mériterai pas ça, car…
-Car ? Je vous écoute,
-eh bien, je devrai être dans vôtre château, ou plutôt, dans vos cachots : je suis sorcière...
-Je vous laisse la vie si vous promettez de ne pas user de la magie contre mon royaume.
-Je le promets. En échange, vous avez un souhait.
-Avoir un pommier d’argent.
-vous l’avez. Et la sorcière disparut.
En rentrant au château, il trouve le pommier mais pas sa femme !
Comprenant soudain son erreur,
Il pleure, encore et encore !
Personne ne peut l’arrêter,
Pourtant son fils le prince Alexandre
Annonce à son père le roi : Père, je pars à la recherche de cette sorcière, là je tenterai de réparer l’irréparable !!
Son père le laisse partir à grand regret,
Là sur son fier cheval blanc à crins noir,
Il chevauche par-delà les forêts, traverse de
Nombreux villages, rencontre bien des gens,
Mais c’est encore plus loin qu’il trouve la sorcière !
-Sorcière, je t’ordonne de transformer le pommier d’argent que tu as offert à mon père en ma chère maman.
-J’accepte très volontiers, mais il faut que tu paye pour cela, enfant !! Ricana- t-elle.
-Que veux-tu en échange ?répondit Alexandre, J’ai traversé tant de danger, tant de forêts, tant de personnes ! Je voudrais une réponse, alors ?
-Voilà, rapporte-moi une de ces merveilleuses branches d’olivier !
-Où donc se trouvent-elles ?
-dans la grotte du dragon vert, mais attention,
C’est le fils de la nature même,
Si tu l’offense, il te mangera, et si tu lui échappe,
Il te poursuivra toute ta vie, alors sois aimable ! Sourit-elle.
Alexandre trotta longtemps sur le chemin, se renseignant au passage sur le chemin à prendre.
Ce ne fut que deux jours plus tard qu’il arriva devant la grotte du dragon. Cela faisait bien cinq jours qu’il était parti…
Il rentra et appela : Oh, dragon vert, fils de la nature,
Ma mère a été transformée par un souhait malheureux
Que mon père a fait en demandant un pommier d’argent !
-Je sais cela, prince, mais je suppose que tu ne viens pas que pour cela ? répondit-il d’une voix caverneuse.
-en effet, Sire, la sorcière cause de cela accepte de rendre ma mère si on lui donne une de tes branches d’olivier !
-Et tu me demandes de t’en céder une, ou je me trompe ?
-Non tu ne te trompes pas, alors sire ?
-Cette sorcière te met à l’épreuve, elle veut que je te tue !
Prends une branche d’olivier et jette là dans une rivière, puis rentre chez toi, ta mère sera bien vivante et le pommier mort !
Alexandre s’exécuta, il rentra chez lui et le royaume heureux de retrouver sa reine !
Marie de La Roche Saint-André
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dimanche, 18 mars 2012
Un brunch à l'atelier
Après une conversation brunchale au café de l'Atelier, un dimanche matin boulevard du Montparnasse, avec Philippe B, j'ai cherché à écrire comment j'accède à l'expérience du bonheur.
Qui trop embrasse mal étreint et à chercher le bonheur de tous côtés que trouve-t-on ? Le désarroi, souvent. Peut-être parce que je cherche ce que j'appelle le bonheur sans trop savoir ce qui me rend heureuse. Derrière la beauté du mot « voyage » qu'ai-je vécu ? Beaucoup d'administration, de déplacements sans romantisme, d'incompréhension et de déception. Et il m'en a fallu du temps pour dissocier dans ma tête l'attirance pour le « voyage » et la désapprobation de la réalité des voyages. Que dire des dévoilements qui ont eu lieu lorsque j'ai cherché l'amour, la liberté, la reconnaissance sociale, la réussite professionnelle ? Déceptions, multitudes de déceptions puisque ces mots ne sont que la promesse de belles émotions, comme la beauté, en amour, n'est que la promesse du bonheur.
J'ai laissé le bonheur partir, comme on lâche une croyance en Dieu qui ne nous a apporté que terreurs et fausses routes, et je me suis trouvée seule, sur l'océan des possibles, dont les vagues me faisaient un peu peur.
J'ai écouté la vie : elle s'est tue. J'ai senti que j'éprouvais des sensations. Ces sensations emplissaient les instants de bouffées d'amour, de joie, de liberté ! Je ne tenais plus le bonheur insaisissable dans mes bras débiles : c'était lui qui m'habitait par instants, par instances, et repartait, me laissant régénérée, vivifiée d'avoir été traversée par lui.
Alors j'ai voulu reconnaître quelles sont ces sensations de bonheur, qui me lavent, me ressourcent, me soulèvent, me donnent l'impression de vivre, d'être vivante.
Ces sensations là, il fallait les connaître pour les laisser emplir mon corps, mon cœur, mon esprit, pour favoriser leur naissance au creux de mon être.
La flottaison – ou le flottement
J'aime éprouver la sensation de flotter quelque part entre le ciel et la terre. J'ai identifié cette sensation chez Tieri Briet, à Fontvieille, dans le hamac qui servait de canapé. J'ai compris alors cette fascination que j'éprouve depuis longtemps pour les enfants qui ne savent pas encore marcher : leurs pieds sont gratuits : leurs pieds servent à jouer, à rire, ils flottent dans les airs et ne connaissent pas la responsabilité assombrissante de porter un corps et le cerveau qui l'habite. Cette fascination pour les enfants et leurs pieds inutiles et flottants existait donc parce que j'avais besoin d'éprouver ce sentiment de flottaison et de flottement : flottaison au-dessus de la terre, flottement entre deux instants. La sensation de flotter hors des contingences du temps, de l'espace et de la réflexion mentale, dans un paramonde où la substance du rêve imprègne l'environnement.
La puissance
Le sentiment de puissance m'est extrêmement revigorant. Il peut venir de la contemplation d'un frigo bien rempli, de l'action de poster un message sur l'AlmaSoror blog ou sur Twitter, c'est la joie vitale d'avoir un impact sur le monde, de transformer quelque chose sur cette terre, ou bien la satisfaction de faire face à de nombreuses possibilités et d'avoir l'abondance des choix possibles. Un compte en banque à flots et une carte bancaire disponible me procurent également ce sentiment.
L'exaltation
Souvent, elle vient du vent et de la lumière, mais peut aussi naître de la nuit. L’exaltation emplit mon cœur d'une joie de vivre qui étire les traits du visage en un sourire épanoui, donne envie de crier comme des enfants qui entrent dans les vagues. Les très bonnes nouvelles sont génératrices de sentiments d'exaltation très forts.
La détente
Sentir que rien n'est urgent ni pressé, que je peux étaler mes jambes, laisser aller mon esprit où il veut, entrer dans la lecture gratuite et distrayante de deux ou trois épisodes de Tintin en buvant des tisanes et mangeant des cracottes tartinées de beurre. Savoir que je peux faire quelque chose ou ne rien faire, à ma guise : tout est libre, le temps est disponible.
La prière
J'appelle « prière » cet adoucissement du cœur qui vient parfois dans une église belle et recueillie, où l'on peut abandonner les attitudes physiques et mentales qui ont cours dans la société pour se tourner vers Jésus (par exemple) comme un enfant, c'est un amollissement, un attendrissement du cœur, qui procure une profonde détente, un soulagement, un renoncement total à tout ce qui parasite l'amour pur. Quelque chose fond dans mon cœur, comme si le métal rigide qui l'entourait et l'enserrait fondait sous l'action d'une grande chaleur et le cœur alors se répand, se dilate, se réjouit. Les larmes coulent d'émotion, sans violence.
Le calme
Le calme se distingue de la détente, car il relève plus du sentiment que de la sensation. Le calme, c'est une attitude du corps, de l'âme, de l'esprit, qui consiste à regarder le monde avec beaucoup de recul et à ne pas réagir affectivement aux événements qu'il contient. Le calme s'apparente à la puissance, cependant il ne contient pas cette charge d'émotion égotique, ni cette envie d'action sur le monde : dans le calme l'ego se tient à sa toute petite place. C'est une sorte de retrait du monde par sagesse, où le détachement et la présence tiennent chacun une place égale.
Le rire
Être traversée par l'envie de rire, sentir son corps et son cœur se dilater sous l'effet d'un rire frais et franc, qui jaillit aussi naturellement qu'une source, est l'un des plus grands plaisirs qui peut arriver dans une journée. Il faut que ce rire ne soit pas lié à une situation sociale de défi ou d'ego : c'est un rire gratuit, comme un oiseau qui passe.
La stimulation physique
La stimulation physique à faire quelque chose (que ce soit marcher, nager, faire la cuisine, ranger) est agréable puisque elle donne la satisfaction de l'effort mais prend sa source dans le désir. Quel beau cadeau qu'un désir naturel dont le résultat est aussi bon que s'il venait d'un effort volontaire. Car le désir est plus agréable à éprouver que la volonté de l'effort. S'il donne les même fruits, bonheur et productivité se conjuguent. C'est magique.
La stimulation mentale, intellectuelle
Sentir que mon cerveau est entrain de découvrir quelque chose, de chercher quelque chose, de modifier quelque chose dans l'ordre de ses connaissances, me rend heureuse.
L'hygiène, l'ordre
Lorsque j'accomplis des actes dont la gratification immédiate est une plus grande hygiène, un plus grand ordre (ranger mon bureau, me laver les dents), je m'offre de petites satisfactions qui ne sont pas négligeables et leur accumulation au cours de la journée permet de donner à celle-ci un tour plus positif.
La reconnaissance de ces sensations permet de les favoriser et surtout de savoir ce que je cherche vraiment : je ne cherche pas tant des éléments concrets que leurs sensations correspondantes, et l'obtention d'un résultat concret ne m'apporte aucun bonheur si aucune sensation positive n'en découle.
Éprouver souvent ces sensations augmente considérablement ma bonne humeur, mon bonheur, et le travail sur mes sensations m'apporte donc bien plus qu'un travail direct sur la réalité. Toutefois il faudrait ajouter à cette concentration sur les sensations une attention portée aux situations de la vie qui procurent de belles sensations. Par exemple, se trouver dans un lieu très esthétique, vivre un moment de partage, de rencontre, faire face à une période de temps libre sans culpabilité en arrière-plan... Cela permettrait de multiplier ces situations et d'améliorer considérablement la qualité de ma vie.
Je constate autour de moi que beaucoup de gens se marient, ont des enfants, manœuvrent une carrière professionnelle en vue d'obtenir un bonheur ; mais ce bonheur est rarement atteint, en dépit de tous les accomplissements réels. Le niveau de bonheur général n'est pas augmenté avec la réalisation de ces projets. En effet, nous croyons de façon automatique que ces éléments portent en soi leur charge de bonheur. Il n'en est rien. Ainsi, un directeur de cabinet ministériel, ou même un ministre, peut n'éprouver jamais la moindre sensation de puissance, parce qu'il est au quotidien dans des situations d'obéissance (à des contingences, à un emploi du temps, aux « supérieurs hiérarchiques », voire aux exigences des « inférieurs hiérarchiques »), alors qu'un maçon couvreur, debout sur son toit, dominant la ville et sachant que chacun de ses gestes améliore concrètement un toit, peut éprouver et vivre la puissance de façon beaucoup plus féconde. De même, être en couple avec une personne charmante, intelligente, raisonnable, peut n'apporter aucune sensation de tendresse en dépit de tous les gestes et les événements partagés, si la connexion entre les émotions de chacun n'a pas été trouvée, ou si l'on paye cher en renoncements à ce que l'on aime cette situation de couple. Alors que vivre dans la tendresse sans cesse renouvelée via des romans, via l'amour pour la beauté des étoiles, via la rencontre avec des amis peut donner un sentiment de confiance en soi, d'épanouissement émotionnel et de connexion amoureuse beaucoup mieux déployé.
Edith de CL
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jeudi, 15 mars 2012
Ainsi soit-il, ainsi pense-t-il
AlmaSoror a entrepris la traduction depuis l'anglais du fameux opuscule publié en 1902, As a man thinketh, de James Allen. James Allen est le grand inspirateur du développement personnel et des méthodes de "self-help", de travail autonome sur soi en vue de se créer une vie meilleure. On trouve peu d'informations sur lui sur la Toile francophone, ceux qui parlent anglais seront plus gâtés.
Nous proposons aujourd'hui le premier chapitre, l'opuscule complet étant lisible ici.
L'esprit est le pouvoir qui façonne et créée,
Et l'homme est esprit, et de plus en plus il s'empare de l'outil de la pensée ; et, modelant ce qu'il désire, suscite mille joies, mille maladies : - il pense en secret et la chose advient : le milieu qui l'entoure n'est que son miroir.
Sommaire
Avertissement
La pensée et le caractère
Avertissement
Ce petit volume (le résultat de la réflexion et de l'expérience) n'est pas conçu comme un traité exhaustif sur le très ressassé sujet du pouvoir de la pensée. Plus suggestif qu'explicatif, son intention est d'aider les hommes et les femmes à découvrir et percevoir cette vérité :
«Nous sommes nous-mêmes nos propres créateurs »...
… par les pensées que nous choisissons et encourageons. L'esprit est le maître-tisserand, de la toile interne de son caractère, comme de la toile externe des circonstances de sa vie. Et si nous avons jusqu'ici tissé dans l'ignorance et la douleur, nous pouvons maintenant tisser dans la lumière et le bonheur.
James Allen
Avenue du Grand Parc
Ilfracombe, Angleterre
Ainsi pense-t-il, ainsi soit-il
La pensée et le caractère
Cet aphorisme : « L'homme est comme les pensées de son âme» (Proverbes 23-7) ne concerne pas seulement l'être humain dans son intégralité, mais s’étend aux conditions et aux circonstances de sa vie. Un homme est littéralement ce qu'il pense ; sa personnalité résulte de la somme de toutes ses pensées.
De même que la plante vient de la graine et n'existerait pas sans elle, chaque acte d'un homme vient des graines secrètes de sa pensée et n'aurait pu avoir lieu sans elles. Ceci s'applique autant aux actes dits spontanés, ou non prémédités, qu'à ceux qu'on exécute délibérément.
L'action est la floraison de la pensée ; la joie et la souffrance en sont les fruits. Ainsi, l'homme recueille-t-il les fruits, doux et amers, de son jardinage.
(En notre esprit la pensée nous a conçus, ce que nous sommes fut forgé et édifié par la pensée.
Si l'esprit d'un homme contient des pensées diaboliques, la douleur vient sur lui comme la charrue derrière le bœuf.
S'il persiste dans la pureté de pensée, la joie le suivra comme son ombre – c'est certain).
L'homme n'est pas une création artificielle, il croît selon les lois de la nature, et le rapport entre la cause et l'effet est aussi absolu et implacable dans le royaume caché de la pensée qu'il l'est dans le monde des choses visibles et matérielles. Un caractère noble et divin n'est pas une faveur, ou une chance, mais le résultat naturel d'efforts continuels pour penser juste, la conséquence de la fréquentation assidue de divines pensées. En vertu du même processus, un tempérament ignoble et bestial ne résulte que de l'entretien continuel de pensées serviles.
L'homme se fait ou se défait lui-même. Dans l'arsenal de sa pensée, il forge les armes qui le détruiront ; il y façonne également les outils au moyen desquelles il se construira les célestes manoirs de joie, de force et de paix. Par ses choix justes, par la pertinence de sa pensée, l'homme s'élève à la perfection divine ; tandis que l'abus, le manque de diligence dans la pensée l'abaissent au niveau de la bête. Tous les échelons de la personnalité humaine se situent entre ces deux extrêmes, et chaque homme en est créateur et maître. Parmi les merveilleuses vérités se rapportant à l'âme humaine que notre époque a restaurées et amenées à la lumière, aucune n'est plus réjouissante que celle-ci – l'homme est le maître de ses pensées, le sculpteur de son caractère, le façonneur de ses conditions, de son environnement, de son destin.
Être de pouvoir, d'intelligence et d'amour, Seigneur de ses propres pensées, l'homme possède la clef de chaque situation, en lui se trouve l'organisme de transformation et de régénération qui lui permettra de devenir ce qu'il veut.
L'homme est toujours le maître, même dans son état le plus faible, le plus abandonné, le plus dissolu. Car dans sa faiblesse et sa dégradation, il est le maître insensé qui dirige sa maison de travers. Lorsqu'il se met à réfléchir sur sa condition, à rechercher diligemment la loi qui régit son être, il devient alors un maître sage, orientant ses énergies avec intelligence, façonnant ses pensées pour des aboutissements féconds. Ainsi agit le maître conscient. Et l'on ne devient ce maître conscient qu'en découvrant à l'intérieur de soi-même les lois de la pensée ; cette découverte est affaire d'application, d'autoanalyse et d'expérience.
Comment sont obtenus l'or et les diamants ? Par la recherche, par l'extraction en profondeur. Et les hommes peuvent trouver toute vérité raccordée à leur être s'ils creusent à fond la mine de leur âme. Ils éprouveront de manière infaillible qu'ils sont les maîtres de leurs caractères, les sculpteurs de leurs vies, les bâtisseurs de leurs destins, s'ils s'attachent à observer, à contrôler, à ajuster leurs pensées, en traquant les conséquences de ces pensées sur eux-mêmes et sur autrui, sur leur vie et sur les circonstances, en découvrant les liens entre les causes et les conséquences par la pratique et l'investigation, en utilisant chaque expérience, même la plus triviale, même la plus quotidienne, comme un moyen d'obtenir cette connaissance de soi qui est intelligence, sagesse et pouvoir. C'est dans cette direction, plus que dans aucune autre, que l'on retrouve la loi absolue : « Cherchez, et vous trouverez ; frappez, et l'on vous ouvrira » (Évangile) ; c'est en effet par la patience, par la pratique, par l'incessante sollicitation que l'homme peut passer la Porte du Temple de la Connaissance.
James Allen, 1902
Traduction d'édith de CL
L'intégralité de la traduction est disponible sur cette page.
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lundi, 12 mars 2012
Le menu de Pythagore
Sara nous envoie ce passage de la vie de Pythagore, par Porphyre. Nous y apprenons comment l'auguste mathématicien s'alimentait, cinq siècles environ avant notre ère. AlmaSoror engage ses visiteurs à s'alimenter comme le Maître pendant une semaine, et à nous envoyer le retour de leur expérience.
“Au déjeuner, des rayons de cire ou du miel ; au dîner, du pain de mil, de la galette, des légumes bouillis ou cru, rarement de la viande de victimes sacrificielles, et encore non pas de toutes les parties. Le plus souvent, quand il devait pénétrer dans un sanctuaire des dieux et passer là un certain temps, il usait de nourritures qui arrêtent la faim et la soif ; contre la faim, il faisait un mélange de graine de pavot, de sésame, d’écorce de scille lavée avec soin jusqu’à ce qu’elle eût perdu son suc, de tiges d’asphodèles, de feuilles de mauve, de farine, d’orge, de pois chiche, tous ingrédients qu’il coupait en portion égales et arrosait de miel de l’Hymette ; contre la soif, il mêlait graine de concombre, raisin gluant dont il avait enlevé les pépins, fleur de coriandre, mauve - la graine également -, pourpier, fromage râpé, fleur de farine de blé, crème de lait, le tout mélangé avec du miel des îles."
Porphyre, Vie de Pythagore
Traduction Ed. des Places, Les Belles Lettres, 1982
Nous avions déjà mentionné Pythagore dans un article sur la condition animale et les défenseurs de la vie des animaux...
Pythagore
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vendredi, 09 mars 2012
Méditation contrebaroque
2 photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
On sait qu'Hélène Lammermoor écrivait toujours assise, couchée vers la Croix du Sud. Elle se souvenait de la lumière poussiéreuse de l'Atlantique d'Olonne, une voix intérieure lui dictait des textes dont elle avouait ne pas saisir le sens d'ensemble.
J'ai entrepris la traduction de cette méditation contrebaroque à une époque de ma vie où les réminiscences de rêve dont ce texte est chargé faisaient écho à des émois en moi profonds. Je l'offre ici tel que je l'ai traduit à cette époque, nu, sans correction, sans addendum, sans explication. L'oeuvre d'Hélène Lammermoor se goûte quand on n'a plus goût à rien. Alors la magie vitale de la littérature allume à nouveau le creux du ventre, et le lecteur se redresse et marche ressuscité sur la route du monde.
Édith de CL, 2010
Méditation contrebaroque
I
J'ai retrouvé des traces.
La poussière du temps, des pierres, des volets. Les ruines vivantes. Les pins, la lande, leurs odeurs ; au fond du sentier, l'ouverture sur la mer salée. La bague transmise, les poèmes naissants, la longue après-midi qui s'écoule sans souci.
Au loin, dans une bâtisse qui résonne, des frères disent la messe. La grosse cloche lancine.
II
Ferme les yeux. Écoute la voix d'un rêve qui vient de loin.
Dans la ville où tu marches, les pierres pensent. Les femmes sont silencieuses et les hommes te sourient. De grandes bêtes sauvages se baladent parmi les hommes. Et tous, tous respectent le pouvoir immense des salamandres. Elles sont cachées dans les feuillages, vivant une vie de mystère, à côté de ton cœur.
Tu vois des vignes pousser sur les places et sur les murs des maisons, tu vois les enfants jouer, leurs cris nettoient ton sang. Et soudain tu comprends que tu es un être merveilleux, toi aussi tu hantes la ville et tu fascines ceux qui écoutent les sens du dimanche après-midi.
III
Dans la nuit de ton corps, d'un coup tout devient bleu. Les cris des dauphins surgissent de nulle part. Ils jouent dans les vagues, ils nagent, sautent, plongent, leurs éclats de rire résonnent dans ta peau.
Au-dessus de la mer, les mouettes fascinées hurlent, glissent entre les vagues – les dauphins leur disent Venez ! Venez ! Venez voler au sein de nos éclats de rire ! Et les mouettes s'en vont danser dans l'horizon, s'en vont montrer qu'elles sont belles. Les dauphins les contemplent, les oublient, reprennent leurs jeux.
IV
Un homme, il ressemble à un ange, s'approche de toi. Il te veut donner la main, cela te fait rire, tu lui prends la main. Vous marchez vers la haute porte de la ville, pour rejoindre la forêt. Vous parlez une nouvelle langue, que tu comprends très bien. C'est la langue hawaienne, peut-être, d'où naîtra la dernière vague du monde. Des bulles flottent autour de vous et dans le ciel. Des enfants venus d'Islande voyagent en montgolfières. Les bruits des insectes prennent toute la place et tes jambes sont contentes de marcher sur des touffes d'herbe. Tu te retournes ; derrière toi, la ville s'efface.
Hélène Lammermoor
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mercredi, 07 mars 2012
1974, discours d'Arlette Laguiller
Nous choisissons ce discours d'une dame étonnante pour effectuer une petite manipulation informatique, chose qui nous paraît insurmontable mais que nous devons accomplir absolument. Bien que vous n'y compreniez rien, 9NSC8E8CVDNQ devait apparaître dans l'un de nos billets !
En espérant que cette étrange manip ait marché, nous vous souhaitons de beaux rêves, des rêves qui transforment un être, un jour, une vie.
9NSC8E8CVDNQ
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