vendredi, 03 février 2012
Carvos Loup : Cuisine
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Le rock & roll a baigné toutes les scènes quotidiennes d'un monde aussi matériel que son inspiration est spirituelle. Et au fond de nos souvenirs le son de l'aspirateur se mélange aux rythmes des guitares américaines. Je bois trop de café chaque jour et les souvenirs à trier s'accumulent sur la table de mon bureau intérieur. Je n'ai pas le courage d'entamer la taxinomie de ma mémoire. J'attends que le temps passe - et il passe, sans que rien ne se passe.
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jeudi, 02 février 2012
Fragment de Clarté
Nous avions déjà parlé d'Henri Barbusse ici, et nous nous demandions à propos de son engagement communiste : comment un homme traumatisé par les millions de morts de 14-18 peut militer pour une cause qui fera des millions de morts, le Communisme ? Mystère, mystère…
"Soldat universel, homme pris au hasard parmi les hommes, rappelle-toi : il n'y a pas un moment où tu fus toi-même. Jamais tu ne cessas d'être courbé sous l'âpre commandement sans réplique : « Il le faut, il le faut. » Enserré pendant la paix dans la loi du travail incessant, dans l'usine de machines ou dans l'usine de bureaux, esclave de l'outil, de la plume ou du talent ou d'autre chose, tu fus traqué sans répit, du matin au soir, par la tâche quotidienne qui ne te permettait que de vaincre tout juste la vie et de ne te reposer qu'en rêve.
Quand vient la guerre que tu n'as jamais voulue, — quel que soit ton pays et ton nom, — la fatalité terrible qui t'empoigne se démasque nettement, agressive et complexe. Le souffle de condamnation s'est levé.
On réquisitionne ta personne. On se saisit de toi par des mesures menaçantes qui ressemblent à des arrestations, et auxquelles rien de ce qui est pauvre ne peut échapper. On t'emprisonne dans des casernes. On te met nu comme un ver et on te rhabille avec un uniforme qui t'efface ; on marque ton cou d'un numéro. L'uniforme t'entre dans la peau; les exercices te façonnent et te taillent à l’emporte-pièce. Il surgit autour de toi, t'encerclant, des étrangers vêtus brillamment. On les reconnaît : ce ne sont pas des étrangers. Alors, c'est un carnaval, mais un carnaval farouche et suprême : ce sont les nouveaux maîtres, absolus, arborant leurs pouvoirs dorés sur leurs poings et leurs têtes. Ceux qui sont près de toi ne sont eux-mêmes que les serviteurs d'autres qui portent un pouvoir plus grand peint sur leurs habits. C'est une exigence de misère, d'humiliation et de rapetissement où tu tombes de jour en jour, mal nourri, et mal traité, assailli dans toute ta chair, fouetté par les ordres des gardiens. A chaque minute, tu es rejeté violemment dans ton étroitesse, tu es châtié au moindre geste qui en sort, ou tué par ordre de tes maîtres. Il t'est défendu de parler pour t'unir à ton frère qui te touche. Autour de toi règne un silence d'acier. Ta pensée ne doit être qu'une souffrance profonde".
Henri Barbusse, in Clarté
photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
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dimanche, 29 janvier 2012
Le kir Cornulier : une boisson pour oublier qu'on boit pour oublier
Photo Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
Le kir Cornulier est une recette de kir créée en douce dans un appartement du fond d'une cour du boulevard du Montparnasse, au tout début de l'an 2012.
C'est tout simplement un mélange, qu'on peut doser selon les goûts de chacun, de champagne et de nectar de rhubarbe.
Ingrédients : champagne & nectar de rhubarbe.
Se boit frais.
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samedi, 28 janvier 2012
Santoori, film imparfait, film émouvant
Un billet d'Olympe Davidson
La prise de risque, la misère technique, l'imperfection des dialogues, l'émouvant jeu des acteurs, la musique facile, faite pour faire pleurer.
Trop de dialogues, plans bizarres mais beaux, complication du scénario, pluie de violences - violence joyeuse, violence glauque - et pourtant ! il y a un grand charme dans ce film de Dariush Mehrjui.
Le beau visage d'un acteur, les cris d'un quotidien pesant, les voiles des femmes soumises, les barbes des hommes soumis... Et la liberté des cinéastes iraniens, si grande, tellement plus grande que celle des cinéastes approuvés par le CNC (Centre National de la Cinématographie française).
Cette oeuvre a été interdite en Iran. Ne crions pas à l'injustice trop facilement : sans avoir tort, nous risquerions d'oublier que partout la liberté est fragile.
Ici, quel cinéaste vraiment libre d'esprit pourrait obtenir l'approbation du CNC et du CSA ?
De nombreux thèmes, s'ils étaient traités, ne passeraient pas en salle.
Pour être producteur, il faut obtenir un visa de l'Etat, et chaque film doit être approuvé (ce qui n'est heureusement pas le cas dans le monde de l'édition !)
Et nous avons, nous aussi, de plus en plus d'interdits sur les opinions et les comportements.
La liberté des cinéastes iraniens interroge : pourquoi la beauté de l'art n'est-elle pas proportionnelle à sa liberté ?
Merci à l'internaute qui a mis à disposition publique cette vidéo.
Avant Olympe, Jean Bouchenoire avait posé déjà la question de la grandeur artistique en un billet intitulé Vanité des arts, vides esthétiques, vacuité des audiences.
Il ne parlait pas de liberté, mais d'économie.
Il écrivait : "Le mécénat doit être indépendant de la classe artistique. C'est pourquoi un système dans lequel la même classe (chez nous, la bourgeoisie) se partage la haute fonction publique, les arts, le mécénat d'Etat, etc, est vouée à produire des oeuvres complaisantes, dénuées d'universalité".
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vendredi, 27 janvier 2012
Carvos Loup : Fentes
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Fentes par lesquelles passent nos feintes, failles que l'âge ne répare, rayons d'un autre monde ; d'un monde outre-âme, qui vient baigner nos instants mal calculés.
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jeudi, 26 janvier 2012
La nuit du clochard
Un clochard et son chien marchent sous un pont.
- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Plus loin.
Le clochard et le chien suivent le fil de l’eau. Ils passent devant un banc.
- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Plus loin.
Le clochard et le chien montent des escaliers. Ils arrivent sur une petite place pavée.
- Là, dit le clochard.
- Non, dit le chien. Encore plus loin.
Le clochard et le chien marchent longtemps dans la nuit. Soudain, le chien montre une bouche d’égout :
- Là ! crie le chien.
- Non, dit le clochard. Plus loin.
Ils se remettent en route. Ils marchent encore longtemps.
- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sous le pont ?
- Je n’aimais pas l’odeur.
Ils marchent. Les voitures passent très vite autour d’eux.
- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sur le banc ?
- Les bancs sont inconfortables pour les chiens, répond le chien.
Ils marchent. Le vent souffle. Ils ont faim. Ils ont froid.
- Chien, dit le clochard. Pourquoi tu ne voulais pas sur la jolie place pavée ?
- J’avais peur des mauvaises rencontres, dit le chien. Je ne me sentais pas en sécurité.
Ils marchent. Une grue cache la lune. Ils sont essoufflés. Ils veulent vraiment dormir.
- Clochard, demande tout d’un coup le chien. Pourquoi tu ne voulais pas sur la bouche d’égout ?
- Les bouches d’égout sont inconfortables pour les clochards, répond le clochard. Ça n’aide pas à rêver.
Ils marchent, puis leurs jambes s’arrêtent. Ils ne peuvent plus marcher.
- Je ne peux plus marcher, dit le clochard.
- Moi non plus, clochard, dit le chien.
Ils s’allongent sur le trottoir. Clochard ouvre son long manteau et Chien s’y blottit à l’intérieur.
- Pauvre chien, dit clochard. Je ne te fais pas une belle vie.
Ils écoutent le bruit des voitures. Ils écoutent le bruit des sirènes. Ils écoutent le bruit des chaussures qui passent au loin.
Chien entend que Clochard ne dort pas.
- Clochard, dit Chien. Je connais un endroit très confortable pour les chiens. On s’y sent en sécurité. L’odeur est agréable.
Clochard écoute :
- Où est-ce ? demande-t-il.
- Dans ton manteau.
Clochard rit.
- Merci, chien, lui dit-il. Moi, je connais quelque chose de très confortable pour les clochards. Quelque chose de très pur, qui aide à rêver.
- Qu’est-ce ? demande Chien.
- Ton cœur.
Clochard et Chien s’endorment. C’est toujours comme ça, la nuit, dans la ville.
Edith de CL
2009
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lundi, 23 janvier 2012
Âmes-soeurs et corps-frères
En écoutant Solitude, de l'électro-guitariste norvégien Terje Rypdal, Edith tente de percer le mystère qui engouffre tant de vies.
J'entends les gens chercher des âmes-sœurs, chaque âme cherche l'âme-soeur qui l'accompagnera dans son destin.
Je vois les gens chercher des corps-frères, chaque corps cherche le corps-frère qui l'enserrera dans sa nuit de repos.
Ils cherchent, ils ne trouvent pas, puis ils trouvent et ne me téléphonent plus. Ils disparaissent dans l'ouate amoureuse d'où ils me regardent avec pitié, avec dédain.
Puis ils trouvent qu'ils s'étaient trompés d'être, ils se séparent de l'âme-corps défraternalisé. Ils me téléphonent à nouveau. Ils réapparaissent aux portes de l'amitié et lèvent des verres à ma santé, à nos mémoires partagées.
Et la quête recommence.
Parfois ils trouvent l'âme-soeur, enrobée d'un corps étranger. Parfois, ils trouvent le corps-frère, qui abrite une âme étrangère. Alors la souffrance les étreint et ils en veulent à celui, à celle qu'ils ont cru pouvoir aimer.
Le triptyque aux trois volets : ébats sauvages, caresses fondantes, murmures secrets, n'existe que pour quelques heures, quelques jours, quelques mois, quelques années. Et pour avoir sa place dans ce retable de l'amour, qui n'y sacrifierait pas une grande part de soi-même ?
L'amour est le nom que l'on donne à toutes les causes perdues.
Toutes les âmes sont mes sœurs. Tous les corps sont mes frères. Je suis seul(e) face au coeur-océan.
Édith de CL
20 janvier 2012, 14h26
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samedi, 21 janvier 2012
La Terrasse des Audiences du Clair de lune
Dans La musique française de piano, le pianiste Afred Cortot narre ainsi la pièce de Debussy :
"La Terrasse des Audiences du clair de lune ; sous ce titre légèrement hermétique dont le charme prétentieux a la grâce fleurie de certaines fantaisies littéraires chinoises, se voile l'une des oeuvres les plus profondément musicales, les plus délicieusement sensibles de Debussy. Une brève exposition du thème populaire "au clair de la lune", les premières notes seulement, que poétise une harmonisation délicate de septièmes, et sur quoi semblent venir se poser les rayons lunaires d'une lente descente chromatique, et c'est tout le trouble amoureux des nuits embaumées, et leurs émois volupteux".
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vendredi, 20 janvier 2012
Carvos Loup : Ciels
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
La vie ne tient qu'à un ciel.
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mercredi, 18 janvier 2012
Nous attendons tous notre naissance et c'est notre mort qui approche
En attendant de trouver une version de la Ballade du désespéré, de Louis Vierne, à mettre ici sur cet AlmaSoror blog, écoutons cet autre poème pour piano et orchestre.
Et plongeons dans la ballade d'Henry Murger, poète dépressif, né rue des Trois-Frères et mort en 1861. Bohème, gothique, il écrivit cette ballade du désespéré que Vierne allait mettre en musique, peut-être encore plus désespéré que lui, au début du XX°siècle :
"Qui frappe à ma porte à cette heure ?
— Ouvre, c’est moi. — Quel est ton nom ?
On n’entre pas dans ma demeure
À minuit ainsi, sans façon.
— Ouvre. — Ton nom ? — La neige tombe,
Ouvre. — Ton nom ? — Vite, ouvre-moi !
— Quel est ton nom ? — Ah ! dans sa tombe
Un cadavre n’a pas plus froid.
J’ai marché toute la journée
De l’ouest à l’est, du sud au nord.
À l’angle de ta cheminée
Laisse-moi m’asseoir. — Pas encor !
Quel est ton nom ? — Je suis la gloire,
Je mène à l’immortalité.
— Passe, fantôme dérisoire !
— Donne-moi l’hospitalité.
Je suis l’amour et la jeunesse,
Ces deux belles moitiés de Dieu.
— Passe ton chemin : ma maîtresse
Depuis longtemps m’a dit adieu.
— Je suis l’art et la poésie :
On me proscrit. Vite, ouvre. — Non.
Je ne sais plus chanter ma mie,
Je ne sais même plus son nom.
— Ouvre-moi ! je suis la richesse,
Et j’ai de l’or, de l’or toujours.
Je puis te rendre ta maîtresse.
— Peux-tu me rendre nos amours ?
— Ouvre-moi : je suis la puissance,
J’ai la pourpre. — Vœux superflus !
Peux-tu me rendre l’existence
De ceux qui ne reviendront plus ?
— Si tu ne veux ouvrir ta porte
Qu’au voyageur qui dit son nom,
Je suis la mort : ouvre, j’apporte
Pour tous les maux la guérison.
Tu peux entendre à ma ceinture
Sonner les clés des noirs caveaux ;
J’abriterai ta sépulture
De l’insulte des animaux.
— Entre chez moi, maigre étrangère,
Et pardonne à ma pauvreté.
C’est le foyer de la misère
Qui t’offre l’hospitalité.
Entre : je suis las de la vie,
Qui pour moi n’a plus d’avenir.
J’avais depuis longtemps l’envie,
Non le courage de mourir.
Entre sous mon toit, bois et mange,
Dors, et quand tu t’éveilleras,
Pour payer ton écot, cher ange,
Dans tes bras tu m’emporteras.
Je t’attendais ; je veux te suivre.
Où tu m’emmèneras, j’irai ;
Mais laisse mon pauvre chien vivre,
Pour que je puisse être pleuré !"
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dimanche, 15 janvier 2012
L'ésotérisme
"La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil",
René Char, poète du Vaucluse.
Sur une proposition de Sara, voici les premières lignes de l'Esotérisme, somme publiée en 1990 par Pierre Riffard, en deux parties : l'ésotérisme occidental et les ésotérismes d'ailleurs.
"Comment peut-on s'intéresser à autre chose qu'à l'ésotérisme ?
Les lumières aveuglent : on ne voit rien ; les ténèbrent confondent : on ne voit rien. Comment voir, pourquoi ces lueurs, pourquoi ces ombres, pourquoi ce jeu de blanc et de noir ? et d'où vient la jouissance, lorsqu'on reconnaît les choses ? Les événements se succèdent en cyclones, les êtres passent en rafale. Le monde joue-t-il à n'être et à n'être plus ?
de Pierre A. Riffard (1990).
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vendredi, 13 janvier 2012
Marie-Jeanne...
Ce soir Marie-Jeanne, je sais que je vais le passer à Insomniapolis. Nous avons tous nos marins partis ; nos marins à attendre. Et nous avons toutes des seins d'îles rêvées au sable d'un grain inconnu. Nous avons quitté nos continents, incontinents nous y avons laissé des frères et des soeurs qui avaient leurs propres rêves. Nous avons choisi une vie, une route, parsemée de doute, et nous la suivons pour aller jusqu'au bout de ce que nous croyions être, même si nous n'en sommes plus si persuadés. Nous avons en nous des souvenirs d'Occismor, le pays disparu, l'Atztlan celte. À la fontaine de ces souvenirs, nous buvons, lors des silences et des instances, quand le voyage nous laisse un moment pour souffler.
Nous connaissons des latitudes, des longitudes et nous chevauchons des parallèles qui peut-être finiront par se rejoindre en une piste d'asphalte vers la lune. La lune qui attend, curieuse, toujours, des crapauds qui l'appellent dans les cours des fermes vendéennes à la nuit tombante.
Et le cidre... Et l'amour qu'on rêve... Et la nuit qui s'approche et que nous passerons à Insomniapolis.
Inconnue, tu es passée me saluer ici. Il fallait te répondre. C'est fait.
Esther Mar
Internaute, merci pour cette vidéo que je te chipe.
Ce n'est pas la première fois qu'Occismor est mentionné(e) sur AlmaSoror.
Il y avait eu MUSIC AIRBAGS, ainsi que La saga des voix lactées
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Carvos Loup : Orange Olonne
Carvos Loup intervient le vendredi sur AlmaSoror, avec une photo illustrée par une phrase ou deux.
Les inconnus passent rarement sur cette baie vendéenne d'où partirent tant de vaisseaux pour l'Amérique et toutes les autres mers. L'intérieur de la ville est un coeur ouvert sur la mer. Le danger paraît imminent depuis cinq ou six cents ans. Mais les événements avortent et les vies s'écoulent entre le béton, le sable et les morves de rêve.
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mardi, 10 janvier 2012
Dauphins
AlmaSoror accepte de publier cet appel, cette adresse inutile d'Esther Mar
à un ami emmuré dans son ciel infini
La chambre d'Hamilcar à Apsyaï
L'esprit d'Hamilcar ressemble à cette mer entre deux eaux.
"Oublie tes symptômes recommence à vivre. Oublie tes symptômes. Va voir où les dauphins crient, dans la mère-mer. Oublie tes symptômes à l'oreille droite ; oublie tes symptômes à la jambe gauche ; oublie tes symptômes du coeur et tes symptômes du scandale. Oublie tes symptômes, va voir les dauphins, là-bas dans la liberté de la mer, loin du sanatorium. Va voir les dauphins au fond de la mer, loin du sanatorium".
Ce furent les dernières paroles d'Hamilcar Merri avant d'entrer dans le monde nacré de son imaginaire, d'où aucune porte ne permet de sortir. Son imaginaire est un univers couvert de portes d'entrées par lesquelles on ne peut passer dans l'autre sens. Aussi est-ce avec curiosité que je l'écoute quand il parle encore, dans sa nouvelle langue à double sens, dans la blancheur des sas, derrière les murs d'Apsyaï.
Ami parti, au corps inchangé, aux gestes ralentis, je ne te demande même pas de revenir ou de redevenir. Je contemple notre amitié sans pierre d'attache. Je t'aime encore.
Esther Mar
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dimanche, 08 janvier 2012
Fille d'ouvriers ou la révolte sans fard ni loi
En ce dimanche, jour du Seigneur et de repos, nous présentons Fille d'ouvriers (Jouy-Goublier), suivi d'un extrait de Mélancholia, de Victor Hugo
A quinze ans, ça rentre à l'usine, Sans éventail,
Du matin au soir ça turbine, Chair à travail.
Fleur des fortifs, ça s'étiole, Quand c'est girond,
Dans un guet-apens, ça se viole, Chair à patron.
fille d'ouvrier par Chansondhistoire
Paroles de Jules Jouy (1855-1897) (faites connaissance avec lui sur ce site) et musique de Gustave Goublier, dont on peut lire la vie sur la page des amis du Père Lachaise
Paroles :
Pâle ou vermeille, brune ou blonde,
Bébé mignon,
Dans les larmes ça vient au monde,
Chair à guignon.
Ébouriffé, suçant son pouce,
Jamais lavé,
Comme un vrai champignon ça pousse
Chair à pavé
A quinze ans, ça rentre à l'usine,
Sans éventail,
Du matin au soir ça turbine,
Chair à travail.
Fleur des fortifs, ça s'étiole,
Quand c'est girond,
Dans un guet-apens, ça se viole,
Chair à patron.
Jusque dans la moelle pourrie,
Rien sous la dent,
Alors, ça rentre "en brasserie",
Chair à client.
Ça tombe encore: de chute en chute,
Honteuse, un soir,
Pour deux francs, ça fait la culbute,
Chair à trottoir.
Ça vieilli, et plus bas ça glisse...
Un beau matin,
Ça va s'inscrire à la police,
Chair à roussin;
Ou bien, "sans carte", ça travaille
Dans sa maison;
Alors, ça se fout sur la paille,
Chair à prison.
D'un mal lent souffrant le supplice,
Vieux et tremblant,
Ça va geindre dans un hospice,
Chair à savant.
Enfin, ayant vidé la coupe.
Bu tout le fiel,
Quand c'est crevé, ça se découpe.
Chair à scalpel.
Patrons ! Tas d'Héliogabales,
D'effroi saisis
Quand vous tomberez sous nos balles,
Chair à fusils,
Pour que chaque chien sur vos trognes
Pisse, à l'écart,
Nous les laisserons vos charognes,
Chair à Macquart !
Mélancholia, de Victor Hugo : la critique sociale versifiée :
Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ?
Ces doux êtres pensifs que la fièvre maigrit ?
Ces filles de huit ans qu'on voit cheminer seules ?
Ils s'en vont travailler quinze heures sous des meules
Ils vont, de l'aube au soir, faire éternellement
Dans la même prison le même mouvement.
Accroupis sous les dents d'une machine sombre,
Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l'ombre,
Innocents dans un bagne, anges dans un enfer,
Ils travaillent. Tout est d'airain, tout est de fer.
Jamais on ne s'arrête et jamais on ne joue.
Aussi quelle pâleur ! la cendre est sur leur joue.
Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las.
Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !
Ils semblent dire à Dieu : - Petits comme nous sommes,
Notre père, voyez ce que nous font les hommes !
VH
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