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mardi, 26 juin 2012

Désir de mort

Traduit en images, le désir de mort d'un après-midi, quelques semaines avant d'avoir 34 ans.

lundi, 25 juin 2012

Train de vie, train de brume

dimanche, 24 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un bouc pas comme les autres

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

Un bouc pas comme les autres

 

 Il m’est souvent arrivé, lors de mes déplacements, de faire des rencontres surprenantes. Celle que je vais décrire l’était particulièrement. En visite d’abattoirs dans le département de la Manche, où je les avais quasiment tous inspectés, je terminai la semaine par celui d’une grande ville. Lorsque je me suis présenté au directeur, il était assis derrière son bureau, les mains rassemblées à hauteur de la poitrine. À peine avais-je fini de parler qu’il m’annonça de façon très posée : « Je vous attendais » ! Il n’était pas censé m’attendre, puisque les visites s’effectuaient inopinément. Mais je ne fus pas surpris, il avait dû être averti, car j’avais écumé un grand nombre d’abattoirs du département. Un autre directeur, ou peut-être même les services vétérinaires avaient dû le prévenir de ma présence dans le secteur et d’une visite potentielle. Il ne m’en tenait pas rigueur et l’accueil fut plutôt chaleureux. Après m’avoir décrit son établissement d’abattage, nous avons visité les lieux ensemble. Rien à redire à propos des postes d’abattage, les tueries se déroulaient convenablement et les postes d’abattage étaient équipés correctement. Bien que les abattages soient une violence à l’encontre des animaux, un certain calme régnait, les employés travaillaient de façon posée sans brutaliser les animaux. Et ce n’est pas ma présence qui changeait quelque chose, car dans ce milieu, on ne peut pas tricher. Si les employés travaillent de façon critiquable, il est impossible de faire semblant et de travailler de façon acceptable en ma présence. Les habitudes ancrées ne peuvent pas se défaire si facilement.

 

La rencontre surprenante se fit ailleurs que dans les locaux d’abattage. Elle eut lieu dans la bouverie attenante aux postes d’abattage. Il s’agissait en fait d’une rencontre avec un bouc qui avait son box attitré. Le bouc n’était pas destiné à l’abattage. Il avait pour domicile l’abattoir, et il était bien le seul animal à ne pas être tué en abattoir. Encore que j’aie déjà vu des chats se promener dans une salle d’abattage dans le Nord de la France. Son box était garni de paille pour litière et de foin pour le fourrage. C’était un bouc qui était passé du côté des humains, des employés de l’abattoir, un traître en somme. Il était investi d’une mission qu’il accomplissait brillamment. Je n’allais plus tarder à en voir la démonstration. Le directeur demanda à un employé de me montrer comment ils procédaient pour conduire sans brutalité les ovins vers le lieu de tuerie.

 

Après avoir ouvert la porte d’une case où se trouvaient des moutons, l’employé ouvrit la porte du box du bouc. Ce dernier sorti tout seul, se dirigea vers la case des moutons, rentra à l’intérieur et après en avoir fait le tour, ressortit et prit la direction du local d’abattage. Étonnement, les moutons le suivaient sans se soucier de la direction vers laquelle il les menait. D’un pas fier, il entra dans le local d’abattage, et tous les moutons y entrèrent également en toute confiance. Le bouc fit le tour du local et reprit la direction de la sortie pour retourner dans son box douillettement paillé. L’employé referma la porte du local d’abattage, laissant les moutons pris au piège et relégués au sort qui leur était réservé.

 

Aucun stress, aucune manipulation humaine. Les moutons étaient conduits avec ménagement, car dans d’autres circonstances, les employés sont souvent obligés d’en tirer un par une patte pour que les autres suivent.


 

abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande ; animaux, animal ; bêtes, fraternité


  Camion qui a roulé toute la journée et qui attend derrière un abattoir le lever du jour, à la place de décharger et faire boire les bovins. La chauffeur dort dans sa cabine…

Phot Jean-Luc Daub

 

 

 

 

jeudi, 21 juin 2012

Poème de Milosz

 

Venu de sa Lituanie natale, demeuré en France, écrivant en français, Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, dit Milosz, fut une voix. Que sa voix ne s'enfonce pas dans le silence.Oscar Vladislas de Lubicz Milosz

Et surtout que Demain n’apprenne pas où je suis —
Les bois, les bois sont pleins de baies noires —
Ta voix est comme un son de lune dans le vieux puits
Où l’écho, l’écho de juin vient boire.

Et que nul ne prononce mon nom là-bas, en rêve,
Les temps, les temps sont bien accomplis —
Comme un tout petit arbre souffrant de prime sève
Est ta blancheur en robe sans pli.

Et que les ronces se referment derrière nous,
Car j’ai peur, car j’ai peur du retour.
Les grandes fleurs blanches caressent tes doux genoux
Et l’ombre, et l’ombre est pâle d’amour.

Et ne dis pas à l’eau de la forêt qui je suis ;
Mon nom, mon nom est tellement mort.
Tes yeux ont la couleur des jeunes pluies,
Des jeunes pluies sur l’étang qui dort.

Et ne raconte rien au vent du vieux cimetière.
Il pourrait m’ordonner de le suivre.
Ta chevelure sent l’été, la lune et la terre.
Il faut vivre, vivre, rien que vivre...

Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz
1877 - 1939

 

lundi, 18 juin 2012

Pleines de grâce

 

Lux et Nox

(ou les pietas de Saint-Pierre de Rome et du Poiré-sur-Vie)

 

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange, ALine de La Roche Saint-André
Phot Aline de LA RSA

 

1499 : Michel Ange, jeune sculpteur, fait surgir de la pierre la modernité la plus folle, à l'aube du XVI°siècle : la pieta de la basilique Saint-Pierre de Rome.

 

1655 : 56 ans plus tard, l'antique horreur de la mort baigne la sculpture de pierre polychromée que l'on trouve aujourd'hui dans l'église du Poiré-sur-Vie et qui était auparavant à l'entrée du cimetière.

 

Et pourtant, il ne faut pas les juger par une comparaison chronologique. Elles sont chacune de toute beauté.

La pieta de Michel-Ange représente la face vivifiante de la Mort par la Croix. Celle du Poiré sur vie en représente la face mortelle.
Michel-Ange en sculptant la mort a filmé la résurrection. La douleur, la douleur sans cesse recommencée est captée par le sculpteur de Vendée (ou de passage) avec une parfaite vérité.

Devenue sœur en Christ de son propre fils Jésus, Marie de Michel-Ange, douce comme les câlins de grande sœur des après-midi de l'enfance, se penche sur l'enfant qui sourit presque dans son envol, elle se penche sur l'homme parfait, si proche d'elle dans sa chair, si lointain dans son âme.

Ainsi, Michel-Ange, dans le feu de la Renaissance pécheresse, honore la Vie qui vainc toutes les morts. Mais le sculpteur (dont le nom m'est inconnu) du Poiré-sur-Vie rappelle que cette Vie exultante coûte cher, très cher.

La lumière a besoin de l'obscurité. Pour illuminer les nations, la Renaissance devait sortir du Moyen-Âge. Et pour renaître à notre propre génie, nous devrons puiser aux deux sources de l'art : Lux et Nox. Le Moyen-Âge et la Renaissance. Tous, les celtes, les latins et les grecs, fécondent infiniment cette lumière et cette nuit.

Ah, la pieta du Poiré sur Vie : elle est belle comme elle est triste.

Et ce n'est pas l'horreur de la mort de l'aimé qu'elle regarde, c'est le gouffre insondable du deuil personnel.

Mère privée de son seul bien, Marie du Poiré sur Vie contemple le vide horrifiant de la vie qui lui reste à vivre, privée de tout ce qui faisait sa valeur, sa motivation, sa raison d'être. Elle a la mort sur ses genoux, lourde et laide, et la souffrance indicible s'étend tout au fond de son horizon.

Endeuillée, Marie du Poiré-sur-Vie a besoin de vos prières. Si son âme de reine connaît le destin glorieux de son fils, son cœur de mère saigne de longs sanglots rouges et noirs.

Pour danser, corps déliés, coeurs légers, sur les résurrections, combien a-t-il fallu d'engoncements et de douleurs lourdes ?

Ne jugez pas que ces pietas s'opposent, ne condamnez pas l'une au nom de la piété ou l'autre au nom de la joie, car elles sont soeurs et se comprennent au-delà de toutes les certitudes.

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange
Photo volée ici

 

E CL

 

dimanche, 17 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Des images qui marquent

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

Des images qui marquent

 

 Ces visites d’abattoirs m’ont fait vivre des situations mémorables et m’ont imprégné d’images. Des situations marquantes, je vous en parle tout au long du livre, mais voici quelques images qui ne me quittent plus.

 

Deux porcelets emmenés à l’abattage…
Phot Jean-Luc Daub

abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande

 

Il faisait encore nuit lorsqu’à 5 heures du matin, je visitai un abattoir en Alsace. J’assistai à l’abattage des porcs ; ces derniers hurlaient et ne voulaient pas entrer dans le local d’abattage. L’employé frappait avec un bâton ceux qui étaient au bout du rang. De ce fait, ceux qui recevaient les coups fonçaient dans les premiers qui avançaient malgré eux sans comprendre quelle direction ils devaient prendre. Les hurlements des uns paniquaient les autres restés dans la porcherie. Les brutalités exercées par l’employeur stressaient les animaux. Les hurlements s’entendaient jusque dans la bouverie, où les bovins en attente étaient également pris de panique.

 

Un taureau qui était seul dans un box était complètement effrayé. On pouvait lire l’inquiétude dans son regard. Il allait et venait dans le box, cherchant désespérément à en sortir. Il avait bien compris que quelque chose n’allait pas et que bientôt ce serait son tour. Il me faisait mal au cœur, ce taureau. Un monstre, tant il était grand et costaud, une force de la nature réduit à avoir peur et à être impuissant. L’image la plus insupportable pour moi, ce fut lorsqu’il remarqua que les poutrelles métalliques du bas de son box étaient beaucoup plus écartées que celles du haut. Un grand espace lui donnait espoir de passer entre ces poutrelles pour s’enfuir (comme certains bovins ont déjà réussi à le faire, s’échappant ainsi que l’abattoir. J’en parlerai plus loin). Il tenta désespérément de sortir par ce petit espace. Rien à faire, il était bloqué par ses épaules. Il était désespéré et tellement apeuré ! Ce taureau m’a beaucoup marqué. Je suis parti de l’abattoir sans chercher à assister à sonabattage. Cette image me restera en mémoire.

 

L’abattage rituel des veaux était scabreux. Ces derniers étaient entrés dans le box rotatif, visiblement trop grand pour eux. Actionnant le bouton pressoir, un employé fit faire un demi-tour au box, tandis que le veau n’était pas fermement maintenu à l’intérieur. La tête se plaçant mal et n’étant pas tirée en arrière par une mentonnière, l’employé se servait d’une barre de fer pour la coincer et l’appuyer en arrière. Pendant ce temps, un sacrificateur musulman égorgeait l’animal tant bien que mal. Le veau perdant son sang s’éteignait doucement, parfois en meuglant de peur ou de souffrance.

 

Dans un autre abattoir, en Lorraine, j’assistai aux abattages des bovins. Ils étaient en file indienne dans le couloir de la mort. Celui qui était le plus près du piège recevait des coups de pile électrique pour qu’il entre dedans. Apeurées, certaines vaches meuglaient. Les abattages se déroulaient rapidement. Le pistolet à tige perforante était placé sur le crâne des bovins qui tombaient dans le piège. Une porte latérale s’ouvrait, les bovins tombaient sur le sol, un employé les suspendait par une patte arrière juste avant de les saigner à la gorge. Les animaux se vidaient de leur sang et finissaient par mourir.

 

Vache agonisante dans un local d’abattage d’urgence, elle a été déchargée en la tirant avec l’aide du câble actionné par un treuil, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub

 

 

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L’image qui m’a le plus marqué dans cet abattoir concerne un épisode qui s’est passé dans la bouverie, et que voici. Dans un box, un cochon et un mouton étaient ensemble. On voyait bien qu’ils se connaissaient et qu’ils avaient grandi ensemble. Le mouton était apeuré, il se blottissait contre le cochon. Ce dernier prenait son rôle de protecteur à cœur. C’est tout juste s’il ne gonflait pas sa poitrine pour impressionner quiconque tentait d’approcher. L’image était belle et faisait en même temps pitié. Puis, un employé est venu chercher le cochon. Ce dernier ne voulait pas sortir du box. Le mouton était paniqué. L’employé s’est équipé d’une planche avec laquelle il poussait le cochon vers l’extérieur, l’empêchant de reculer. Le mouton, qui voulait le suivre, dut rester en retrait, dans le box. Une fois dans le couloir, le cochon commença à être pris de panique, il hurlait de toutes ses forces. Le mouton courait dans

tous les sens et se cognait contre les parois du box pour tenter de sortir. Je trouvais la situation triste. Dans le local d’abattage, le cochon cherchait à fuir par la porte fermée. Mais l’employé s’étant saisi de la pince électrique lui donna un coup entre les oreilles et le cochon s’évanouit. Puis, à l’aide d’une chaîne, le tueur lui attacha une patte arrière et le suspendit. Il le saigna à la gorge. Dans la bouverie, on entendait le mouton qui bêlait d’affolement, désormais seul et complètement paniqué. Je n’ai pas assisté à l’abattage du mouton.

 

Dans un abattoir de l’Ain, alors que je me trouvais dans le hall regroupant les porcs en attente d’être abattus, il y avait dans une case des coches (truies) ; elles étaient nombreuses. L’une d’entre elles avait mis bas. Pas moins de douze porcelets étaient nés. Elle venait de donner la vie dans l’endroit le plus macabre qui soit, un lieu où l’on tue et dont la loi interdit à tout animal de sortir vivant. Les pauvres porcelets à peine nés étaient déjà condamnés à mort. Le personnel s’en chargea. Une fois mis dans un caisson roulant, ils furent conduits au poste d’abattage. Avec la pince électrique, un employé les électrocuta tous en même temps, puis il les saigna un après l’autre. Il les chargea dans le caisson, avant de les jeter dans une benne. Triste naissance, triste fin. Et que dire de la coche qui était obligée de mettre au monde ses petits sans pouvoir faire un petit nid de paille, sans pouvoir s’isoler de ses congénères. Les autres truies, par maladresse et à cause de l’exiguïté de la case, la bousculaient et piétinaient les nouveaux-nés. Lugubre endroit que l’abattoir pour donner la vie… Un peu comme les vaches qui pour donner du lait sont inséminées artificiellement. Elles mettent bas des veaux qui leur sont retirés dès la naissance. Ainsi, l’éleveur peut bénéficier du lait que fournit la vache pendant plusieurs mois. Les femelles sont généralement gardées, tandis que les mâles s’en vont dans des centres d’engraissement pour finir en viande.

 

Conformément à un texte de loi de la protection animale, les animaux sur le point de mettre bas ne doivent pas être transportés. Comment l’éleveur n’a-t-il pas vu que la coche était pleine ? Il l’a envoyée à l’abattoir pensant qu’elle ne serait

plus jamais gestante. Il l’a réformée en somme. Il y en a qui disent qu’ils aiment leurs animaux, mais quand ils ne rapportent plus ou ne produisent plus, ils les envoient à l’abattoir. Drôle de façon d’aimer les animaux !

 

En Franche-Comté, c’est à un abattage rituel de moutons que j’assistai. L’abattoir n’était pas équipé d’un piège mécanique, obligatoire pour ce type d’abattage. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière puis saignés. La suspension des ovins alors qu’ils sont encore vivants est interdite. Beaucoup d’abattoirs pratiquent cette méthode pour gagner du temps ou faire l’économie d’un piège. Un des moutons qui venaient d’être suspendus fut saigné par le sacrificateur musulman et, alors qu’il perdait tout son sang, il relevait la tête comme pour chercher à comprendre ce qui se passait. Ses yeux étaient fixés vers les miens, son regard était plein d’interrogation. Que pouvais-je faire ?

 

 

 

 

 

 

vendredi, 15 juin 2012

Dialogue entre Corto Maltese et Bouche Dorée

Corto Maltese, Bouche Dorée, Editions Casterman, Hugo Pratt, aventure, Sous le Drapeau des Pirates, l'aigle du Brésil
Phot. Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

- Alors, joli marin, tu pars ?

- Je suis bien obligé... Je ne suis pas de ceux qui prennent racine !

- Ici tu aurais trouvé tout ce que tu cherches... Mais tu es aveugle comme une taupe...

- C'est bien possible, Bouche Dorée... Mais c'est à moi de m'en apercevoir.

- Ah, oui... oui... mais souviens-toi de nous. Tu as une maison ici. Ne reviens pas trop vieux. Ce que tu cherches n'existe pas.

- Comment le sais-tu ?

- Je le sais par expérience. Adieu, yeux bruns !

Dialogue entre Corto Maltese et Bouche Dorée, dans L'aigle du Brésil, In Sous le Drapeau des pirates, de Hugo Pratt (éditions Casterman)

Corto Maltese, Bouche Dorée, Editions Casterman, Hugo Pratt, aventure, Sous le Drapeau des Pirates, l'aigle du Brésil
Photo volée sur une clef

mercredi, 13 juin 2012

Extase

Miserere, Allegri, Sara, Sainte Thérèse, extase, Sainte Thérèse d'Avila, Sainte Thérèse de Lisieux, Cambridge, King's Choir,

La vie vaut la peine d'être vécue puisqu'Allegri composa son Miserere et qu'il est audible aujourd'hui, en disque, sur Internet, en concert dans des églises...

J'ai trouvé deux vidéos britanniques, qui reflètent la splendeur de l'éducation anglaise et la grâce de la musique religieuse d'Allegri. Ce Miserere pour neuf voix a capella, composé en 1838 et chanté peu après, était réservé aux matines de la semaine sainte, au Vatican.

Je vous conjure des les regarder et les écouter toutes deux jusqu'au bout.

Voici d'abord le choeur de jeunes adultes. La soprane parait comme une image de Sainte Thérèse, et peut-être une image qui flotte entre les deux Sainte Thérèse.

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L'extase de Sainte Thérèse d'Avila, par le Bernin

Voici ensuite une version brève, pour les enfants du même choeur de Cambridge. Ces garçons et adolescents angéliques font honneur au Miserere d'Allegri, dont le génie de Mozart brisa le secret... Car c'est ce Miserere qu'il était interdit, sous peine d'excommunication, de recopier et d'interpréter hors de la chapelle Sixtine.

Âgé de quatorze ans, Wolfgang aimé de Dieu s'en empara par l'oreille : il lui suffit assister à deux offices, pour reporter entièrement la partition de mémoire, et dévoiler le secret du Miserere du Vatican.

Eh quoi, choeurs angéliques ! Vous existiez toujours, et je ne le savais pas ?!

 

(ECL)

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Merci aux internautes qui ont partagé ces moments de magie.
Deep thanks to the inspired souls who youtubed these videos.

 

Miserere mei, Deus: secundum magnam misericordiam tuam.
Et secundum multitudinem miserationum tuarum, dēlē iniquitatem meam.
Amplius lavā me ab iniquitate mea: et peccato meo mundā me.
Quoniam iniquitatem meam ego cognōscō: et peccatum meum contra me est semper.
Tibi soli peccāvī, et malum coram te fēcī: ut justificeris in sermonibus tuis, et vincās cum judicaris.
Ecce enim in inquitatibus conceptus sum: et in peccatis concepit me mater mea.
Ecce enim veritatem dilexisti: incerta et occulta sapientiae tuae manifestasti mihi.
Asperges me, Domine, hyssopo, et mundābor: lavābis me, et super nivem dēalbābor.
Auditui meo dabis gaudium et laetitiam: et exsultabunt ossa humiliata.
Averte faciem tuam a peccatis meis: et omnes iniquitates meas dele.
Cor mundum crea in me, Deus: et spiritum rectum innova in visceribus meis.
Ne projicias me a facie tua: et spiritum sanctum tuum ne auferas a me.
Redde mihi laetitiam salutaris tui: et spiritu principali confirma me.
Docebo iniquos vias tuas: et impii ad te convertentur.
Libera me de sanguinibus, Deus, Deus salutis meae: et exsultabit lingua mea justitiam tuam.
Domine, labia mea aperies: et os meum annuntiabit laudem tuam.
Quoniam si voluisses sacrificium, dedissem utique: holocaustis non delectaberis.
Sacrificium Deo spiritus contribulatus: cor contritum, et humiliatum, Deus, non despicies.
Benigne fac, Domine, in bona voluntate tua Sion: ut aedificentur muri Jerusalem.
Tunc acceptabis sacrificium justitiae, oblationes, et holocausta: tunc imponent super altare tuum vitulos.

lundi, 11 juin 2012

Ciel d'interné

Nos cerveaux ne sont pas à vos ordre. Alors vous nous donnez des médicaments. Voici le ciel mental d'un interné à l'asile d'Apsyaï. N'ayez pas peur. Le ciel est infini.

Edith CL

Ceux qui ne connaissent pas l'asile d'Apsyaï, merveilleux paradis intellectuel, peuvent se renseigner en se plongeant dans la Saga des voix lactées. 

Si le temps leur manque, le docteur Julie-Gilles Grivette parle de l'expérience d'Apsyaï ici.

dimanche, 10 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un abattoir qui aurait dû fermer

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 


Un abattoir qui aurait dû fermer

 

En août 2002, j’ai visité un abattoir en compagnie d’une stagiaire de l’association pour laquelle je travaillais, et qui voulait devenir enquêtrice. Elle en a pris plein les yeux, pour parler vulgairement, et moi-même je ne parviens toujours pas à croire à ce que nous avons vu.

 

Cochons déchargés brutalement avec des coups de piles électriques…
Phot Jean-Luc Daub

abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande

 

Au petit matin, nous nous sommes présentés dans un abattoir de porcs de la région Rhône-Alpes, qui était en pleine effervescence. C’était un abattoir qui avait déjà été visité par l’association, mais l’énergie déployée pour ce contrôle n’avait amené à aucun résultat. Le directeur des lieux nous a accueillis et, malgré sa réticence, nous a laissés visiter l’abattoir en compagnie de la « responsable qualité ». Cette dernière semblait dépassée par les événements et s’avérait incompétente concernant les abattages. Les conditions dans lesquelles se déroulait la tuerie étaient effarantes. Voici ce que nous avons constaté.

 

Un camion était en attente dans la cour de l’abattoir, dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison du manque de place dans les boxes des porcs. Les cochons étaient entassés dans les cases d’attente sur le quai. Un verrat était mélangé avec les truies, ce qui est interdit.

 

Le Restrainer avec étourdissement automatique était défectueux et obsolète. Les porcs en ressortaient mal ou pas du tout étourdis, et se retrouvaient à courir dans le local. Des porcs se coinçaient par deux dans le Restrainer. Utilisation d’une pince de secours défectueuse, cosses rouillées, courbées et non entretenues. Le câble électrique de la pince se débranchait pendant l’utilisation. Pince non reliée à un boîtier électrique conforme, mais à une simple prise de courant. Application de la pince électrique n’importe où et n’importe comment (sous le ventre, dans le cou, sur le dos, sur les fesses). Porcs hurlants pendant l’application de la pince, ce qui prouvait qu’elle n’était pas assez puissante pour les étourdir, mais suffisamment pour les faire souffrir. Utilisation de cette pince pour l’abattage des coches (animaux encore plus gros que les porcs charcutiers). Les porcs étaient suspendus et saignés en pleine conscience. L’employé quittait le poste de saignée alors qu’il y avait des porcs suspendus en attente d’être saignés.

 

Deux cochons blessés ne pouvant pas marcher sur le quai d’un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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L’abattoir était équipé de trois boxes de stockage accolés au quai de déchargement. Les boxes étaient exigus, on relevait un nombre important de porcs qui ne pouvaient se coucher et qui se marchaient les uns sur les autres. Dans l’une des cases, un verrat se trouvait parmi les coches ; or il est interdit de mélanger les mâles et les femelles. Un employé pendant notre présence mit en route les douchettes afin de pulvériser de l’eau sur les animaux. Outre le fait que cela permet de les laver, les douchettes ont pour fonction d’apaiser les animaux.

 

Deux autres camions étaient garés dans la cour dans l’impossibilité de décharger les animaux en raison des boxes surchargés. Le camion rouge avait seulement déchargé à 9 heures, alors qu’il était arrivé à l’abattoir la veille, à minuit. Il avait effectué son chargement la veille à 10 heures du matin en Bretagne. Le temps passé par les cochons dans le camion était de vingt-trois heures. De plus, il n’était équipé ni d’abreuvoirs, ni de ventilateurs. Je vous laisse imaginer dans quel état étaient les porcs en plein été. Le deuxième camion avait chargé à Dunkerque la veille vers 21 heures. Il était arrivé à l’abattoir à 7 heures du matin. Et il ne déchargea les animaux que vers 9h30, après le premier camion. Temps passé dans le camion : plus de douze heures. Celui-ci était en revanche équipé de ventilateurs et d’abreuvoirs, mais non utilisables par les porcs (car placés trop haut, et destinés plutôt à des bovins).

 

Truie blessée ne pouvant plus marcher jetée en bas du camion à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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Les animaux en attente dans les boxes et les camions étaient dans un grand état d’énervement, ils hurlaient et se mordaient. Ces transports se passaient en plein été, les cochons du premier camion avaient passé vingt-trois heures sans abreuvement, et il est probable que durant les vingt-quatre heures précédant le départ, ils n’avaient rien eu comme nourriture ni comme eau, selon les pratiques habituelles de mise à jeun. Ils avaient donc passé au moins quarante-sept heures sans eau ni nourriture.

 

La réglementation impose une formation du personnel au convoyage des animaux de boucherie. L’un des chauffeurs me confia avoir suivi une formation dans le département de la Sarthe. De son propre aveu, il avait déclaré que seul un film avait été diffusé, que dans l’ensemble il avait trouvé cela un peu léger, et que peu d’éléments avaient été donnés concernant la manipulation et le confort des animaux pendant les transports.

 

Les porcs étaient parqués dans des boxes disposés en longueur. Il y avait bien des abreuvoirs en forme de godet, mais ils étaient vides. Des douchettes étaient présentes, mais qui ne furent mises en marche qu’au moment de notre arrivée. Les porcs étaient extrêmement sales et provenaient d’élevages intensifs. Les locaux étaient sombres et sans aération. Il faisait déjà très chaud ce matin-là. Le site était très bruyant à cause des hurlements qui provenaient du poste d’abattage, ainsi que des porcs apeurés que l’employé faisait entrer dans le couloir de chargement du Restrainer. Pour les « mal à pied », c’est-à-dire les porcs boiteux ou ne pouvant se déplacer par eux-mêmes, la responsable qualité nous avait parlé d’un chariot mobile pour les déplacer, mais personne n’a pu nous le montrer.

 

Abattage raté sur le quai d’un abattoir, la truie a roulée sur elle-même pour se sauver. Les tueurs la saignent dans la cour de l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

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Le poste d’abattage est la partie la plus chaotique que la stagiaire et moi-même ayons visité. Elle en avait l’estomac retourné. L’immobilisation des porcs était effectuée à l’aide d’un Restrainer très vétuste. Un employé faisait entrer les porcs dans un couloir en béton relié au Restrainer. Il utilisait « une pile électrique » reliée à un câble sous tension pour les faire avancer entre les bandes entraîneuses de l’appareil. L’intensité du courant était trop forte et secouait violemment les porcs. L’électronarcose (l’anesthésie) se faisait automatiquement au bout du Restrainer, par deux broches électriques en forme de plaques verticales qui se plaquaient sur la tête. Ces dernières entraînaient ensuite les animaux en dehors du Restrainer. Ces manœuvres étaient effectuées trop lentement, ce qui retardait le moment de la suspension des porcs qui doit intervenir rapidement pour que les animaux ne se réveillent pas.

Nous avons constaté que les broches électriques étaient inadaptées pour les porcs de petite taille et que leur application se faisait sur n’importe quelle partie du corps, en lieu et place de la tête. L’ampérage était trop faible, ce qui fait que les porcs ne subissaient pas un choc électrique censé les anesthésier, mais au contraire, ils recevaient des décharges électriques qui les faisaient souffrir. En général, l’électronarcose des Restrainers est réglée entre 250 et 700 volts avec un temps d’application d’une seconde, voire moins. Personne ne pouvait me dire à quel voltage était réglée l’électronarcose. Certains passaient sous les broches sans être étourdis ou à peine. Ils étaient tout de même suspendus et saignés, donc en pleine conscience. Je suis intervenu pour empêcher la suspension d’un porc qui n’était pas étourdi, alors que l’employé en avait déjà suspendu trois autres en pleine conscience.

 

Pas moins de sept porcs qui étaient passés dans le Restrainer en étaient sortis en se sauvant dans le local d’abattage. Ceux trop maigres ou de petite taille étaient malgré tout poussés par l’employé dans le Restrainer, en sachant bien qu’ils ne seraient pas étourdis. Ils arrivaient parfois par deux, coincés côte à côte sous les broches électriques.

 

L’employé qui avait commencé à suspendre un porc qui n’était pas anesthésié interrompit cette manœuvre à ma demande. Il tenta alors de l’étourdir avec la pince de secours qu’il appliqua sur l’animal. La pauvre bête hurlait de douleur sous les coups électriques de la pince inefficace, mais suffisamment forte pour faire souffrir. En se débattant, l’animal qui était à moitié suspendu s’est décroché et l’employé lui appliqua la pince n’importe comment, sous le ventre, sur le dos, sur les fesses et sur le cou, alors qu’elle s’applique derrière les oreilles. Le porc hurlait toujours. Un autre employé vint et rebrancha la pince à la prise électrique qui s’était arrachée, et l’appliqua sur la tête. Ils suspendirent ensuite le cochon. Pendant ce temps, la chaîne d’abattage et le Restrainer avaient été interrompus à la demande de la responsable qualité qui ne pouvait que constater l’ampleur du problème. Pendant l’interruption, un porc était resté coincé entre les broches en sortie de Restrainer, assistant de ce fait, apeuré, à tout ce qui se passait.

 

Quelques mots concernant la pince électrique. La pince électrique de la marque Morphée était placée à proximité du Restrainer, mais beaucoup trop loin en cas d’urgence. C’est en fait une pince de secours au cas où l’animal ne serait pas bien étourdi avec le Restrainer. Elle était en mauvais état, les cosses étaient complètement rouillées et retournées. Elle n’était pas branchée à son boîtier d’origine qui était ouvert et vide, mais à une simple prise électrique, ce qui ne permet pas d’effectuer un réglage précis de l’intensité. La pince se débranchait lorsque l’employé la prenait en main et qu’il l’appliquait sur les porcs. L’intensité de la pince doit permettre à l’animal d’être immédiatement plongé dans un état d’inconscience, ce qui n’était pas le cas. On m’a dit qu’elle était utilisée pour les coches, animaux beaucoup plus grands que les porcs charcutiers. Lorsque j’ai voulu la montrer en exemple d’un mauvais matériel à la stagiaire, la pince avait disparu. Je l’ai retrouvée coincée derrière le piège de contention des coches. Elle avait certainement été jetée entre le mur et le piège de contention. On imagine bien que le personnel ne semble pas vraiment l’utiliser. De toute façon, elle était inopérante, elle ne permettait pas d’étourdir les animaux, mais leur infligeait des souffrances dues aux différentes décharges électriques. Notons encore que le piège de contention, qui doit en principe servir pour les coches, était complètement insalubre et rempli de papiers, vieux paquets de cigarettes, cannettes de boisson….

 

L’employé du poste de saignée attendait que plusieurs porcs soient suspendus à sa hauteur pour les saigner au couteau, alors qu’en principe, dès qu’un animal arrive suspendu au poste de saignée, il faut effectuer une incision sous la gorge afin que l’animal se vide de son sang le plus tôt possible après l’anesthésie, et avant qu’il ne reprenne conscience. À un moment donné, l’employé quitta son poste, alors qu’un porc était suspendu en attente d’être saigné et que d’autres arrivaient. Je l’ai signalé à la responsable qualité qui est allée le chercher. Ce dernier a manifesté son mécontentement, estimant que ce n’était pas la peine de venir pour si peu. Il a quand même effectué la saignée sur les porcs qui s’étaient réveillés.

 

Les coches sont en fait des truies réformées qui durant leur vie n’ont fait que mettre des petits au monde. Étant donné leur taille, elles sont difficiles à abattre et peu maniables. Le piège à contention n’était plus utilisé, alors que son emploi est obligatoire. Elles étaient étourdies à côté du Restrainer. Pour les porcelets, il n’y avait pas non plus de contention, et il est fréquent que les abattoirs ne soient pas équipés pour leur abattage ; on le pratique quand même, ce qui assure un revenu supplémentaire.

 

Nous n’avons pas assisté à l’abattage des coches, mais ce qui était inquiétant, c’est que la pince électrique, inefficace sur des porcs de 110 kilos était utilisée sur des truies qui peuvent atteindre 220 à 250 kilos, voire plus. Ces dernières doivent souffrir sous les décharges électriques.

 

Pour ce qui concernait le personnel, c’est simple : il était incompétent et n’avait reçu aucune formation ; celle-ci est pourtant obligatoire. Les directeurs d’abattoirs de porcs ont de la difficulté à trouver du personnel. Ces derniers ne savaient manifestement pas utiliser le matériel d’abattage. Le personnel n’était pas très consciencieux, loin de ses responsabilités, et complètement indiffèrent aux animaux. Les employés ont même souri en nous voyant. Ils ne se pressaient pas pour abréger les souffrances des porcs en difficulté.

 

Le local où travaillait le personnel était extrêmement bruyant (notamment à cause du retour des crochets contre une paroi métallique, en plus des cris des porcs). Le local était exigu et sombre. Le local d’abattage était sale et insalubre. Les lieux semblaient n’être ni entretenus ni nettoyés. Sans les excuser, les employés se trouvaient dans des conditions de travail difficiles et, comme bien souvent dans ce cas, leur mal-être se répercute sur le traitement des animaux.

 

J’ai fait part de nos constatations au directeur, qui nous avait informés qu’un nouveau Restrainer avait été commandé et qu’il serait livré prochainement par la société STORK. Le directeur semblait totalement indifférent aux souffrances infligées aux animaux dans son abattoir. L’absence de personnel compétent était manifeste.

 

Je fis remarquer au directeur qu’au moins une pince de secours en bon état pourrait limiter les souffrances. Il aurait même fallu interrompre les étourdissements automatiques et les effectuer manuellement avec une pince électrique convenable. Deux ans après, rien n’avait changé. Après cette visite, j’ai téléphoné à la Direction des Services Vétérinaire du département pour les informer de la situation critique de cet abattoir. Le technicien vétérinaire ne semblait pas vouloir agir, malgré l’urgence, mais me fit savoir qu’il allait prévenir sa direction. Rien ne fut fait. J’informai également le bureau de la Protection Animale du Ministère de l’Agriculture, où l’on m’a dit que le Chef de bureau serait averti. Là encore, aucune mesure d’urgence ne fut prise, même après divers courriers qui suivirent.

 

L’abattoir tuait 4000 porcs par semaine dans des conditions très critiquables. Une intervention urgente du Ministère de l’Agriculture aurait été souhaitable. Cela aurait été la moindre des choses puisque c’est à cette instance que revient la charge de faire appliquer la réglementation en matière de protection animale dans les abattoirs. Nous étions face à une inertie totale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

jeudi, 07 juin 2012

Le retour de Siobhan Hollow

 

Ciel mental.JPG

Siobhan, tu as beaucoup manqué à AlmaSoror et à ses visiteurs. Tu nous reviens après de longues semaines d'hospitalisation, qui ne t'ont pas guérie de ta manie de t'envoler !

Nous te lisons... (Bien entendu, je n'ai pas corrigé tes feauttes).

deltaplane, siobhan hollow

Photos : Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

Cela fait longtemps Edith que je ne t'ai rien écrit pour AlmaSoror mais c'est parce que suite aux deux accidents qui m'ont laissée alité trop lontemps j'ai eu besoin de tellement voler que je n'ai plus penser aux amis, aux amis qui pourtant étaient beaucoup venus me voir à l'hôpital. Maintenant que j'ai quitté le Nord je mesure tout ce que cette région froide m'apportait, même si je vole plus souvent aujourd'hui, le ciel du Nord me manque beaucoup. J'ai essayé comme je t'ai dit le planeur mais ce n'est pas le deltapane chère Edith. C'est l'avion qui plane dans le planeur, ce n'est pas le corps et le manque physique de planaison est très grand chez moi. Planaison, planance, il me faut planer ou mourir, planer et tomber mais planer encore.

Enfin, puisque tu me demandes avec instamitude un article le voilà, qui suit. Excuse les fautes et corrige-les si tu veux, moi je m'en fiche, tant qu'on comprend. C'est sur le vent (Eole est le Dieu du vent).

Un vol au dessus d'un nid de souvenirs vaut mieux que mille médicaments.

Le rêve des deltaplaneurs de l'extrême est de ne jamais redescendre. Le rêve des deltapanistes qualifiés, brevetés et modérés est de redescendre pour pouvoir repartir. Cette deuxième catégorie ne déteste pas la technique, s'occupe de son aile et de son delta, aime son matériel dont l'entretien est un plaisir et une passion. En revanche, les extrémistes ne voient dans le delta et dans la voile que l'outil pour accéder à la drogue, c'est à dire aux sensations qu'on éprouve dans le ciel, cette sensation de ne plus être possédé par cette maudite planète où nos yeux ont trop pleuré. Ceux-ci ont la rage qui les reprend dès qu'il reposent le pied à terre et leur matériel n'est plus qu'un objet inanimé.

Pour les deltamodérés, la compétition et le club sont des possibilités envisageables, une façon conviviale de pratiquer leur passion. Pour les extrémistes (dont je suis vous l'aurez compris, mais vous l'avez déjà compris depuis lontemps), ces formalités ne sont que des freins, des empêchements, voire des emmerdements qui mettent une distance haïssable entre le vol et eux.

Il ne s'agit pas de dénigrer les modérés, qui ne seraient que des faibles, des demi-passionnés, car leur passion est tout aussi grande que la nôtre, ce qui fait la différence ce n'est pas la passion pour le vol mais l'exclusivité. Un modéré est quelqu'un qui peut parfaitement être heureux à terre plusieurs semaines de suite. Il souhaite voler, il attend une opportunité mais il a une vie à vivre qui le comble en dehors du deltaplane. Un deltaplaneur de l'extrême a besoin de voler pour vivre et à terre il est comme en cage. Cette transition me permet de dire deux mots à propos des gens qui se permettent de mettre des oiseaux en cage (mais on pourrait faire un parallèle avec les enfermements de tous les animaux) : vous ne méritez pas une liberté que vous ôtez aux autres.

Sur cette évidence malheureusement oubliée par beaucoup, je vous souhaite de belles soirées de printemps et vous laisse avec un poème.

 

 

Mon enfant, jeune enfant,

tu t'appelleras Éole comme le vent

et tu seras fils de moi et du vent.

Tu joueras dans la cour de l'école

avec Dylan, le fils de la vague,

dont le père surfe sur les vagues loin des plages et des gens.

 

 

Tu t'appelleras Éole et tu seras fils du vent.

Et tu feras planer ta mère comme le vent.

 

 

 

Siobhan Hollow

 

lundi, 04 juin 2012

Remise des prix de 1840, par Jouffroy, au lycée Charlemagne à Paris

 

Jouffroy, lycée Charlemagne

AlmaSoror présente un extrait du discours prononcé en 1840 par Jouffroy, pour la distribution des prix au lycée Charlemagne à Paris.

(On trouve ici une notice biographique sur ce grand professeur du XIX°siècle).

Jouffroy, lycée Charlemagne

 

« Abordez la vie avec conviction, jeunes élèves, et vous n'y trouverez point de mécomptes. Dans quelque condition que le hasard vous place, vous vous y sentiez toujours dans l'ordre, associés aux desseins de la providence, y concourant librement par votre volonté, utiles à votre patrie autant qu'il vous a été donné de l'être ; maîtres de vous-mêmes et de votre destinée, maîtres de votre bonheur qui ne dépend que de vous, et sur lequel la fortune et les hommes ne pourront rien. Renversez cet ordre, abandonnez-vous aux ambitions de votre nature, et vous marcherez de déception en déception, et vous vous ferez une vie malheureuse pour vous, inutiles aux autres. Qu'importent aux autres et à nous, quand nous quittons ce monde, les plaisirs et les peines que nous y avons éprouvés ? Tout cela n'existe qu'au moment où il est senti ; la trace du vent dans les feuilles n'est pas plus fugitive. Nous n'emportons de cette vie que la perfection que nous avons donnée à notre âme ; nous n'y laissons que le bien que nous avons fait.

 

Pardonnez-moi, jeunes élèves, dans un jour si plein de joies pour vous, d'avoir arrêté votre pensée sur des idées si austères. C'est notre rôle à nous, à qui l'expérience a révélé la vraie vérité sur les choses de ce monde, de vous la dire. Le sommet de la vie vous en dérobe le déclin ; de ses deux pentes, vous n'en connaissez qu'une, celle que vous montez ; elle est belle, elle est riante, elle est parfumée comme le printemps. Il ne vous est pas donné comme à nous de contempler l'autre, avec ses aspects mélancoliques, le pâle soleil qui l'éclaire, et le rivage glacé qui la termine. Si nous avons le front triste, c'est que nous la voyons. Vivez, jeunes élèves, avec la pensée de cette autre pente que vous descendrez comme nous. Faites en sorte qu'alors vous soyez contents de vous-mêmes ; faites en sorte surtout de ne pas laisser s'éteindre en votre âme cette espérance que nous y avons nourrie, cette espérance que la foi et la philosophie allument, et qui rend visible, par delà les ombres du dernier rivage, l'aurore d'une vie immortelle ».

 

 

 

dimanche, 03 juin 2012

Ces bêtes qu’on abat : Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.

 

 

 

Qu’est-ce que l’abattage rituel ?

L'étourdissement des animaux a été rendu obligatoire en France par décret en 1964. Ce texte réglemente la contention et la mise à mort des animaux de boucherie dans les abattoirs et comporte l'obligation d'étourdir les animaux avant leur abattage. La mise en place de ce texte a constitué une avancée majeure pour la protection animale, améliorant ainsi les conditions moyenâgeuses d'abattage sans étourdissement. Cependant, les autorités religieuses juives et musulmanes, qui ne voulaient pas du matériel d'étourdissement, ont refusé de suivre la réglementation en prétendant l’emploi de ce matériel incompatible avec la pratique religieuse. Leur voix a été entendue, et l'abattage rituel a par conséquent échappé, par dérogation, à cette obligation. Néanmoins, l'abattage rituel en France doit se conformer aux exigences de la législation de protection animale en cours, laquelle impose des méthodes de contention et de manipulation (qui ne sont pas toujours respectées, comme nous le verrons).

 

La législation qui protège les animaux consiste dans :

 

- l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs ;

 

- le décret n° 97-903 du 1er octobre 1997relatif à la protection des animaux au moment de leur abattage ou de leur mise à mort.

 

Mouton transporté dans un coffre de voiture, les pattes ficelées, il va être égorgé pour l’aid el kébir.
Phot Jean-Luc Daub

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Qu'est-ce qu'un abattage rituel ?

 

L'abattage rituel est la mise à mort d'un animal dans un contexte religieux qui impose certaines façons de procéder ; la viande de l’animal ainsi abattu est destinée à la consommation des pratiquants concernés. L’un des impératifs consiste à tuer l’animal en pleine conscience, en le saignant à la gorge à l'aide d'un couteau.

Ce qui oppose l'abattage rituel à un abattage classique, c’est que ce dernier s'effectue sur un animal rendu inconscient par des méthodes d'étourdissement. L'abattage classique (normal ou conventionnel) répond à la réglementation actuelle qui demande à ce qu'un étourdissement préalable soit effectué sur l'animal lors de son abattage. L'animal doit être plongé dans un état d'inconscience jusqu'à sa mort, dans le souci de lui éviter des souffrances.

A contrario, dans le cadre de l'abattage rituel, pour que soit autorisée à la consommation des pratiquants la chair d'un animal, il ne doit être ni déjà mort ni blessé au moment de son abattage, suivant des prescriptions de textes religieux. De ce fait, une interprétation de ces textes conduit les pratiquants de l'abattage rituel à rejeter l'emploi des méthodes d'étourdissement. Ces derniers par exemple doutent de l'état de l'animal au moment de l’étourdissement : on ne sait pas s’il est vivant ou mort. L'interdiction de consommer du sang conduit également les pratiquants de l'abattage sans étourdissement à penser qu'il faut égorger vivant l'animal pour qu'il se vide de son sang. Pourtant, l'étourdissement d'un animal ne gêne en rien l'évacuation du sang, puisqu'il est saigné à la gorge, et rapidement après l'étourdissement. De plus, le cœur continu de battre, effectuant son rôle de « pompe » et permettant lors de la saignée une évacuation du sang par jet des artères et veines jugulaires. L'étourdissement n'étant pas la mise à mort de l'animal, c'est la saignée qui met fin à la vie de l'animal.

Pratique du rituel

Pour que les demandeurs puissent pratiquer l'abattage rituel, les abattoirs doivent être dotés d’un équipement spécifique. Il en est de même pour le tueur, qui doit posséder un agrément de « sacrificateur habilité ». La technique d'abattage rituel diffère de celle de l'abattage classique ; il en est de même pour la commercialisation des viandes, qui suivent des circuits propres.

Sacrificateurs

Les tueurs sont appelés « sacrificateurs », et seules les personnes possédant une autorisation administrative en règle peuvent pratiquer un égorgement sans étourdissement préalable dans le cadre de l'abattage rituel. Cette habilitation est accordée par le Grand Rabbinat de France pour les sacrificateurs juifs et par l'une des trois Grandes Mosquées de France pour les sacrificateurs musulmans. Ces organismes ont été agréés par arrêtés ministériels.
 

Matériel

 

L'abattage rituel, comme je l’ai dit, nécessite l'acquisition d'un matériel supplémentaire à celui qui est requis pour l’abattage normal. Pour pouvoir effectuer l'égorgement selon les normes d'abattage relatives à la protection animale, l'abattoir doit s'équiper d'un système de contention mécanique permettant de maintenir l'animal dans une position propice à l'égorgement en le retournant sur le dos. La contention mécanique doit être effectuée au moyen d'un box rotatif de forme cylindrique pour les grands bovins et les veaux, d'un piège de contention mécanique pour les ovins. L'acquisition de ce matériel crée un coût financier supplémentaire pour l'abattoir. En outre, l'installation de ce matériel doit répondre à une orientation vers les lieux saints respectifs, surchargeant parfois l'abattoir d'aménagements et de contraintes pratiques et techniques. De plus, ni les personnes juives pratiquantes ni les personnes musulmanes pratiquantes n'ont, en principe, le droit de consommer de la viande de porc. Ce mammifère étant considéré comme un animal impur, une séparation des chaînes d'abattage ou des circuits de déplacement des carcasses est donc souvent exigée.

 

L’abattage rituel

Les bovins (taureaux, bœufs, vaches et les veaux)

 

Afin de procéder à la contention mécanique, les bovins doivent être conduits dans un box rotatif de forme cylindrique. Lorsque l'un d'entre eux se trouve à l'intérieur, une porte guillotine se referme derrière l'animal qui ne doit pouvoir ni reculer, ni avancer. Des vérins hydrauliques, sous l'impulsion provoquée par un employé, poussent des battants métalliques à l'arrière de l'animal, ainsi que sur les côtés. Ce dernier est alors coincé par la pression des battants. La contention est alors effectuée. Seule la tête dépasse par une ouverture à l'avant du box. Une mentonnière placée à cet endroit est activée. Elle se relève et rabat la tête de l'animal en la tirant vers l'arrière. Ainsi, la tête est coincée. L'animal est alors complètement immobilisé. Un employé active un bouton poussoir et une demi rotation (de 180 degrés) est effectuée. L'animal se retrouve dans une position peu naturelle, sur le dos, les quatre pattes en l'air. La tête est alors à l'envers et laisse en principe apparaître le cou totalement dégagé. Le sacrificateur, qui doit avoir rincé son couteau et vérifié sa lame, procède à l'égorgement en prononçant des paroles religieuses. En principe (quand les choses se passent sans problème particulier), le sacrificateur effectue un mouvement d'aller et un retour avec un couteau tranchant. Il sectionne, après que la lame a coupé la peau et les muscles du cou, la trachée et les artères, l'œsophage. Sous la pression sanguine, le sang gicle et coule abondamment. L'animal doit être laissé dans sa position jusqu'à la perte de connaissance et jusqu'à la fin de la saignée. Une porte latérale au niveau du box s'ouvre pour l'évacuation de l'animal sur le sol. Il est ensuite attaché par une patte arrière et suspendu sur un rail.

 

Moutons, chèvres

 

Les moutons et les chèvres sont conduits par un couloir vers un piège à contention mécanique. Lorsque l’un d'entre eux se retrouve dans le piège, un battant métallique se rabat derrière l'animal, le poussant vers l'avant et un battant se positionne au-dessus de lui. La tête dépasse. Un basculement sur le côté est effectué et l'animal se retrouve sur le flanc. Le sacrificateur maintient la tête d'une main et pratique la saignée avec l'autre. En principe, un seul mouvement avec le couteau doit suffire pour que la saignée soit complète et profuse. Normalement, l'animal doit être laissé dans le piège jusqu'à la fin de la saignée, et seulement après, il peut être suspendu par une patte arrière sur un rail. Mais ce n’est pas toujours le cas.

 

Veaux et ovins parfois saignés debout

 

Parfois, ces petits animaux sont conduits au bout d'un couloir dans un convoyeur muni de bandes latérales entraîneuses. Lorsqu'il arrive au bout du convoyeur, ce dernier est stoppé. Soit une mentonnière mobile maintient la tête vers l'arrière, soit elle est maintenue à la main avant de procéder à la saignée. On dit alors qu'il est saigné debout.

 

Volailles

 

Les volailles sont saignées au bout d'une chaîne d'abattage où elles sont suspendues conscientes par les pattes (la suspension de volailles vivantes par les pattes est autorisée).

 

Certification « Hallal » ou « Casher »

 

Pour les abattages rituels musulmans, selon les exigences religieuses, il suffit que la personne qui abat l'animal soit mentalement équilibrée, qu'elle ait suivi les préceptes religieux et qu'elle ait prononcé le nom de Dieu au moment du sacrifice pour permettre la certification « Hallal ». En outre, il faut que les recommandations prescrites dans le Coran aient été suivies et qu'il n'y ait pas eu de contamination de la chaîne par la présence du porc ou d'un animal qui n'aurait pas été tué en prononçant le nom de Dieu. Mais aucune formation ni connaissances particulières ne sont demandées, il suffit d'être musulman, majeur et sain d’esprit selon les critères d'organismes de certification.

 

Concernant les abattages rituels juifs, la pratique est beaucoup plus codifiée. Il faut que le shohet (sacrificateur juif) possède des compétences techniques et religieuses, et qu'il soit agréé par les autorités juives après avoir suivi une formation. Une faute commise lors du rituel peut, selon sa gravité, entraîner le retrait de l'agrément. Le shohet doit en permanence réviser les enseignements théoriques de la Shehita (abattage rituel codifié dans la Torah). De plus, un contrôle du cadavre de l'animal est opéré pour attribuer ou non la certification Casher. L'inspection s’applique à la carcasse et aux viscères. Sur un lot d'animaux abattus rituellement, après un contrôle, il est possible que plus de la moitié soit rejetée et déclarée non Casher, donc non consommable. Ces animaux retournent alors dans le circuit classique, c’est-à-dire que des animaux abattus rituellement entrent dans la consommation commune, qui doit normalement provenir d’animaux étourdis avant l’abattage. L’abattage rituel excède donc le cercle qui est en principe le sien. De dérogatoire, l’abattage rituel tend par ce biais à se banaliser. En effet, lors de l’abattage juif, les parties arrière jusqu’à la huitième côte pour les bovins, en plus d’un certain nombre de carcasses entières (parfois plus de 50 %) sont refusées par l’abatteur juif (le shohet) après une inspection post mortem. Il vérifie la carcasse et les principaux viscères afin de valider définitivement l’aspect Casher ou non Casher. Si elle est déclarée non Casher, la carcasse de l’animal abattu rituellement retourne dans le circuit classique de la consommation (boucheries, restaurants, collectivités, hypermarchés…), et cela à l’insu des consommateurs. Dans les abattoirs où sont pratiqués les abattages rituels musulmans, les moutons sont très souvent tous abattus rituellement y compris ceux qui sont destinés à la consommation classique. En Belgique, tous les moutons sans exception seraient abattus rituellement. Les boucheries musulmanes achetant les boyaux, le choix est fait par l’abattoir ou par un grossiste d’abattre rituellement tous les ovins, même ceux qui sont destinés à l’abattage classique, afin de récupérer les boyaux, qui bénéficient ainsi de l’appellation Hallal. Les carcasses de moutons rejoignent ensuite le circuit classique. Pour les gros bovins, principalement pour des raisons économiques, en général seules les parties avant seraient vendues sur les étals Hallal, le reste repartirait dans le circuit classique.

 

Commercialisation

 

Les viandes dites Casher et Hallal sont vendues dans des circuits très spécialisés. Des boucheries distinctes, musulmanes et juives, vendent les viandes certifiant une traçabilité qui garantit leur origine et le respect des préceptes religieux. On trouve également pour les viandes Hallal un circuit possible dans les hypermarchés où un rayon réservé en permet la vente. Mais l'acquisition des viandes en boucherie spécialisée donne davantage satisfaction aux consommateurs musulmans, car elle permet l'identification culturelle et communautaire.

 

Conclusion

 

Il n’appartient pas aux associations de protection des animaux de remettre en cause le caractère cérémoniel et religieux de l’abattage rituel. La liberté religieuse est autorisée du moment qu’elle ne trouble pas l’ordre public. Ce qui est critiquable, ce sont des abattages sans étourdissement, d’autant que l’étourdissement des animaux a été rendu obligatoire pour éviter toute souffrance inutile lors de la mise à mort. Il n’y a pas de raison pour que l’abattage rituel échappe à cette règle. La saignée est un acte violent qui entraîne des souffrances. Nous nous sommes tous, un jour ou l’autre, coupés, et nous savons tous que cela fait mal. Imaginez la douleur provoquée par le couteau qui tranche la gorge. L’étourdissement sert à éviter cette douleur. C’est pour cela que les associations demandent à ce que l’étourdissement soit également appliqué à l’abattage rituel. Notons que de nombreuses personnes juives et musulmanes ne suivent pas les prescriptions alimentaires.

 

Si les associations de protection animale lèvent le voile sur ce problème, ce n'est pas pour décrier la pratique religieuse en tant que telle, mais parce qu'elles sont concernées par le sort des animaux. Il est bien entendu que le regard porté sur la religion est apolitique et laïque, neutre et sans prise de position. Ce regard s'inscrit dans le cadre de la défense de l'animal.

 

Pour l'abattage rituel, le box rotatif, également appelé Casting-pen est utilisé pour l'immobilisation des animaux avant la saignée. On doit faire entrer l’animal dans ce piège en forme de cylindre. Il est compressé par des volets qui se rabattent hydrauliquement. Il faut lui tirer et lui maintenir la tête en arrière, à l'aide d'une mentonnière mécanique, puis lui infliger une demi rotation pour le retourner sur le dos avant de l’égorger en pleine conscience. Ces manipulations contraignantes sont source de stress et peu habituelles pour une bête. J’ai pu maintes fois constater l’état de frayeur des animaux lorsqu’ils sont victimes d’un abattage rituel. Il est facile de comprendre qu’il est beaucoup plus stressant et apeurant pour un animal d’être abattu rituellement. Prenons l’exemple d’un abattage

rituel d’un bovin. Au bout d’un couloir, il doit entrer dans un box métallique où seule la tête dépasse. À la seule vue du box, l’animal est apeuré. Ensuite, le bovin est compressé par les côtés et par l’arrière avec des plaques métalliques qui se rabattent sur lui, une mentonnière vient lui lever la tête par-dessous la gorge, puis le box est retourné de façon à ce que l’animal ait les quatre pattes en l’air et qu’il se retrouve sur le dos. Je ne pense pas que ce soit une position tout à fait naturelle pour un animal ! Je vous laisse imaginer la terreur que peut ressentir le bovin. Il y en a qui lâchent leurs urines, d’autres ont les yeux qui sortent des orbites, d’autres encore meuglent de panique et de peur. Il est alors horrible d’entendre leurs gémissements s’éteindre au fur et à mesure que la gorge est tranchée.

 

Dans le cadre d'un abattage classique, l'animal entre dans un piège, le plus souvent en béton formé de quatre parois et ouvert sur le dessus. Il reste debout et le tueur applique le pistolet à tige perforante pour l'étourdissement sur le front de l'animal qui s'écroule sur le sol. Le piège est alors ouvert, l'animal suspendu, puis saigné rapidement. La méthode est bien plus rapide, sans manipulations stressantes et l'animal garde sa position debout pendant les opérations d'étourdissement. Il serait plus simple de n'utiliser que ce genre de contention accompagné d'une méthode d'étourdissement qui peut être mécanique ou électrique.

 

Il existe dans d'autres pays des abattages rituels avec étourdissement par électronarcose, méthode intégrée à la pratique et très bien acceptée par les communautés religieuses. D'autre part, l'étourdissement ne crée pas de problème d'évacuation du sang après la saignée, l'animal n'étant pas mort et le cœur continuant de battre, comme on l’a expliqué plus haut. Le rituel peut avoir lieu même avec un étourdissement, il n'empêche pas la prononciation des paroles saintes. D'ailleurs, des sacrificateurs le pratiquent au quotidien dans des abattoirs français, mais de façon non avouée. Le Recteur de la Grande Mosquée de Paris se prononce favorablement à l'étourdissement par électronarcose, à condition que l'animal n'en meure pas,

c’est-à-dire en imaginant qu’il se réveillerait si la saignée n’avait pas lieu.

 

Alors pourquoi les dirigeants ne prennent-ils pas leurs responsabilités à cet égard ? Peut-être pour maintenir une certaine paix sociale. Et peut-être aussi pour protéger les intérêts économiques, car si l’étourdissement était rendu obligatoire pour tous les modes d’abattage, cela entraînerait probablement l’importation de viande issue d’animaux tués sans étourdissement, et rituellement. Le problème de l’abattage sans étourdissement a été discuté lors du Grenelle des Animaux qui s’est déroulé cette année, mais pour l’instant cette question est demeurée dans l’impasse.

 

Si les communautés religieuses concernées disent que les moyens d’étourdissement actuels ne les satisfont pas, pourquoi ne pas chercher à mettre en place d’autres moyens d’étourdissement, afin de trouver un terrain d’entente satisfaisant pour tout le monde et pour le bien des animaux ? Ce n’est pas compliqué, il faudrait juste y mettre de la bonne volonté. Bien que l’électronarcose, moyen d’étourdissement actuel, soit un acte réversible puisque l’animal ne meurt pas et que par conséquent la viande pourrait être considérée comme Hallal ou Casher avec l’utilisation de ce moyen, les réticences sont fortes.

 

 

 

 

 

 

 

vendredi, 01 juin 2012

La nuit

Esther Mar, Ernst von Kleist, Charles Baudelaire, Pedro Calderon de la Barca, Alfred de Musset, nuit
Phot.Mavra
Nicolaïevna Novogrochneïeva


Un billet d'Esther Mar-Adentro

La vie est une nuit. Nous attendons tous l'aube, qui nous délivrera du poids des ténèbres, ténèbres de nos entrailles, ténèbres de nos douleurs, de nos tentatives et de nos échecs, de nos tentations et de nos âmes piégées.

"La vie est un songe", disait Pédro Calderon de la Barca.

"La vie n'est qu'une nuit à passer dans une mauvaise auberge", disait Sainte Thérèse d'Avila.

"La vie est un voyage", disait Ernst von Kleist.

"La vie est un sommeil", disait Alfred de Musset.

"Cette vie est un hôpital", disait Charles Baudelaire.

La vie est une nuit, où la lune brille trop faiblement pour guider nos pas. Nous nous cognons les uns contre les autres, et pour nous venger de notre condition, de nos espoirs déçus, nous bridons l'enfance et malmenons les bêtes.

La vie est une nuit et nous attendons la fin du noir, la venue de l'aube, l'avenue du jour qui se déploie sous nos yeux jusqu'à l'horizon. Alors, que ferons-nous ?

Nous verrons. Pour l'instant, nous geignons et nous prions.

 

Esther Mar-Adentro

Boris Bérard, Charles Baudelaire, Ernst von Kleist, William Shakespeare
Phot.VillaBar

mardi, 29 mai 2012

John-Antoine Nau et Jean de La Ville de Mirmont : écritures dont la révélation viendra

Jean de La Ville de Mirmont, City of Benares, dimanches de jean dezert, John-Antoine Nau, Force ennemie, trois amours de Benigno Reyes, Lily Dale

Deux écrivains dont je n'ai pas connu les noms, ni les œuvres, moi qui passais mes errances buissonnières au fond des livres, et qui m'apparaissent aujourd'hui comme deux des grandes plumes françaises, les connaissez-vous ? John-Antoine Nau, le récipiendaire du premier prix Goncourt, et Jean de La Ville de Mirmont, ami d'un singe et mort des tranchées.

Jean de La Ville de Mirmont, City of Benares, dimanches de jean dezert, John-Antoine Nau, Force ennemie, trois amours de Benigno Reyes, Lily Dale

Cette fois mon cœur, c’est le grand voyage.
Nous ne savons pas quand nous reviendrons.
Serons-nous plus fiers, plus fous ou plus sages ?
Qu’importe, mon cœur, puisque nous partons !

Jean de La Ville de Mirmont

De Mirmont on peut lire Les dimanches de Jean Dezert, l'histoire sans saveur, pourtant fascinante, d'un fonctionnaire monotone, des poèmes (que Gabriel Fauré mit en musique), des contes, dont le joli City of Benares, l'histoire d'un bateau devenu maître de lui-même.

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« Je prie les amis inconnus qui voudront bien me, ou plutôt nous, lire de ne pas réclamer, d'urgence, mon internement à Sainte-Anne ou dans tout autre asile ».
John-Antoine Nau

De Nau, allez respirer les phrases des Trois amours de Benigno Reyes, à moins que vous ne préfériez faire connaissance avec sa science-fiction, Force ennemie, celle-là même qui reçut le premier prix Goncourt.

Jean de La Ville de Mirmont, City of Benares, dimanches de jean dezert, John-Antoine Nau, Force ennemie, trois amours de Benigno Reyes, Lily Dale

Ces deux écrivains sont atmosphériques : de leur littérature s'échappe la senteur marine des voyages intérieurs, ceux qu'on ne peut raconter avec des mots, ceux qu'on évoque juste, qu'on suggère entre les phrases, et qui impriment au cœur du lecteur leur marque indélébile.

Jean de La Ville de Mirmont : l'ennui, le voyage, la fraternité faible et profonde baignent ses oeuvres.

John-Antoine Nau : l'alcool, la sensualité, la folie cimentent ses textes.

Deux stylistes, avant tout. Deux de ceux qui mettent la forme avant le fond, comme si un fond sans forme sonnait creux comme une barrique vidée. La pensée, le thème de l'histoire, sont esclaves du style, et pourtant ils ne sont pas moins absents qu'ailleurs, pas moins absents que dans les scénarios ficelés ou les romans à thèmes. Comme si l'on arrivait à la suprême pensée, à l'histoire impeccable, par la route escarpée du style.

Avaient-ils écouté les conseils stylistiques de Théophile Gautier ?

"Sculpte, lime, ciselle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !"

Avaient-ils entendu la douloureuse philosophie de Ludwig Van Beethoven ?

"Nous, êtres limités à l'esprit infini, sommes uniquement nés pour la joie et la souffrance. Et on pourrait dire que les plus éminents s'emparent de la joie par la souffrance."

Ils se sont emparés du monde entier, de toutes ses pensées, de toutes ses élévations, de tous ses miasmes et de toutes ses édifications, par le style !

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Voici, amis, des liens.

Lien vers un article sur les dimanches de Jean Dezert, de Jean de La Ville de Mirmont.

Vidéo d'un poème musicalisé par Gabriel Fauré.

Quelques textes en ligne, de La Ville de Mirmont

Lien vers le texte entier du poème Lily Dale, de John-Antoine Nau...

Puis une vidéo de ce poème adapté en chanson par Arthur H :

 

Lien vers Les trois amours de Benigno Reyes, de Nau

Lien vers un article sur Force ennemie, de Nau

 

Tombes

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Un homme évoque celle de Mirmont.

Elle se trouve au cimetière protestant de Bordeaux, rue Judaïque. (Son corps a été retrouvé dans les tranchées, puis rapatrié).

Une femme évoque celle de Nau.

Elle se trouve au cimetière marin de Tréboul, en Bretagne.