lundi, 03 décembre 2012
Gesril
Un souvenir d'enfance de Chateaubriand, qui parle de Gesril.
Gesril, meilleur ami de l'écrivain et compagnon des jeux et des bêtises de son enfance, sera fusillé à la Révolution. La France est la gouvernante des enfants Chateaubriand.
"J"allais avec Gesril à Saint-Servan, faubourg séparé de Saint-Malo par le port marchand. Pour y arriver à basse mer, on franchit des courants d'eau sur des ponts étroits de pierres plates, que recouvre la marée montante. Les domestiques qui nous accompagnaient, étaient restés assez loin derrière nous. Nous apercevons à l'extrémité d'un de ces ponts deux mousses qui venaient à notre rencontre ; Gesril me dit : "Laisserons-nous passer ces gueux-là ," et aussitôt il leur crie : A l'eau, canards !". Ceux-ci, en qualité de mousses, n'entendant pas raillerie, avancent ; Gesril recule ; nous nous plaçons au bout du pont, et saisissant des galets, nous les jetons à la tête des mousses. Ils fondent sur nous, nous obligent à lâcher pied, s'arment eux-mêmes de cailloux, et nous mènent battant jusqu'à notre corps de réserve, c'est-à-dire jusqu'à nos domestiques. Je ne fus pas comme Horatius frappé à l’œil : une pierre m'atteignit si durement que mon oreille gauche, à moitié détachée, tombait sur mon épaule.
Je ne pensai point à mon mal, mais à mon retour. Quand mon ami rapportait de ses courses un oeil poché, un habit déchiré, il était plaint, caressé, choyé, rhabillé : en pareil cas, j'étais mis en pénitence. Le coup que j'avais reçu était dangereux, mais jamais La France ne put me persuader de rentrer, tant j'étais effrayé. Je m'allais cacher au second étage de la maison, chez Gesril qui m'entortilla la tête d'une serviette. Cette serviette le mit en train : elle lui représenta une mitre ; il me transforma en évêque, et me fit chanter la grand'messe avec lui et ses sœurs jusqu'à l'heure du souper. Le pontife fut alors obligé de descendre : le cœur me battait. Surpris de ma figure débiffée et barbouillée de sang, mon père ne dit pas un mot ; ma mère poussa un cri ; La France conta mon cas piteux, en m'excusant ; je n'en fus pas moins rabroué. On pansa mon oreille, et monsieur et madame de Chateaubriand résolurent de me séparer de Gesril le plus tôt possible."
Mémoires d'Outre-tombe - François-René de Chateaubriand
(Photo : au large des Sables d'Olonne, par Mavra V-N)
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dimanche, 02 décembre 2012
Ces bêtes qu’on abat : Un chariot de lapins blancs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Un chariot de lapins blancs
En Moselle, la visite d’un abattoir de lapins et de l’élevage attenant à l’abattoir s’était révélée pitoyable. La production en tuerie était de 8000 à 10000 lapins blancs par semaine, provenant d'élevages intensifs de Bretagne, de Hollande et de la région. 1000 lapins par semaine provenaient de l'élevage personnel du propriétaire de l’établissement. Les lapins, arrivés par camion, étaient entassés dans des caisses en plastique très basses, les unes sur les autres. Lors de l'abattage, l’employé attrapait un des lapins dans la caisse, et plaçait la tête de l'animal sur une petite table où se trouvaient des broches électriques : deux broches qui, en entrant en contact avec la tête, provoquaient l’électrocution de l’animal. Le choc électrique provoquait des résultats différents suivant la manière dont l’employé s’y prenait. On pouvait d’ailleurs voir certains lapins suspendus se débattre beaucoup. Il fallait alors les saigner immédiatement, et un peu plus que les autres. Le propriétaire m’indiqua recevoir la visite régulière des services vétérinaires. L’appareil à électronarcose, qui doit toujours être agréé avant sa mise en service, n’était pas pourvu de la plaquette mentionnant la date et le numéro de l’agrément. Le directeur de l’abattoir n’avait pas les papiers qui m’auraient prouvé que l’agrément avait été bien donné. L’appareil avait été installé par un électricien, mais le directeur m’avoua que l’appareil n’avait pas reçu de procédure d’agrément. Pourtant, comme il me l’indiqua, les services vétérinaires visitaient régulièrement son abattoir, certainement pour l’hygiène et la salubrité des viandes, mais à l’évidence pas pour la protection des animaux. Le directeur m’avoua aussi que toute la matinée, l’appareil électrique était tombé en panne, et que cela les mettait dans une situation de crise, car une commande devait partir à 14 heures.
Lors de ma visite, la machine est d’ailleurs une nouvelle fois tombée en panne. Le directeur décida alors d'arrêter les abattages et d'apporter l'appareil chez un électricien. Naïvement, je pensais que les lapins allaient rester dans les caisses en attendant la réparation de l’appareil. Mais alors que je réécris cette histoire, je me rends compte qu’après ma visite, les abattages ont dû reprendre sans étourdissement préalable, c’est-à-dire en saignant les lapins directement. Cela me paraît tout à coup évident : on n’aurait pas laissé les lapins sans boire et sans manger dans les caisses en attendant la réparation du matériel, alors que la commande de 14 heures devait être honorée.
Au moment où j’arrivai à l’abattoir, une employée revenait de l’élevage qui se trouvait à proximité. Elle se dirigeait vers le local d'abattage avec un chariot métallique (une sorte de grand caddie) rempli de lapins (il y avait trois à quatre couches de lapins vivants, superposés les uns sur les autres). Le Directeur, un peu gêné, me dit que d’habitude, il lui demandait de les mettre dans deux chariots ! Comme par hasard, alors que j’étais là, elle n’avait pas suivi ses recommandations. Ces lapins restèrent entassés dans le chariot au moins une heure. Je m’aperçus que ceux qui se trouvaient tout à fait en dessous étaient écrasés, compressés contre les grilles métalliques. Des lapins avaient les yeux qui leur sortaient véritablement des orbites. Il était inutile d’être pourvu d’une âme sensible pour lire la détresse et juger préjudiciable la situation que vivaient ces lapins. Je suis allé demander au directeur de faire décharger (immédiatement) ce chariot. Pendant ce temps, ce dernier, qui n’avait pas l’apparence d’un être sans cœur, me fit visiter l'élevage.
À notre retour, cinq lapins étaient morts au fond du chariot qui avait enfin été vidé de son contenu. Le directeur me dit que ce n'était rien, que c’était habituel et sans gravité. Il se justifiait en disant qu’il s’agissait de lapins de réforme qui seraient morts de toute façon. Je lui ai répondu que cela, de toute façon, ne se faisait pas. Il m'a assuré qu’on ne procédait pas de cette manière d'habitude. Cela paraît peu probable puisque cette façon de faire semblait coutumière, et que c’était moi qui me suis inquiété du sort des animaux. Lui jugeait cela sans importance. J'ai donc eu du mal à le croire. Manifestement, aucune considération pour ces petites bêtes n’émanait de la part des employés. J’ai aussi vu que, sans ménagement, des lapins qui se trouvaient sur une caisse en hauteur avaient été jetés vers d'autres caisses en contrebas.
Lors de la visite de l'élevage de type intensif, j’observai une multitude de cages alignées dans un bâtiment au plafond assez bas, avec un nombre important de lapins par cage, laissant ainsi peu de place pour chaque animal. Je vis que le sol grillagé des cages provoquait des blessures aux pattes et de l’inconfort. Il n’y avait pas d’éclairage naturel. Le directeur m’assura que durant les deux dernières semaines de vie, un lapin par cage est enlevé, ceci afin que les animaux gagnent du poids, tout en reconnaissant qu'ils se sentent aussi un peu mieux avec cet espace supplémentaire. Au total, ils sont engraissés pendant trois ou quatre mois. Quant aux lapines reproductrices, elles donnent des petits durant une année. Lorsqu'elles sont abattues, elles ne sont plus bonnes pour la consommation. Ce qui explique le manque de considération que j’ai constaté à leur égard : on les empile dans un chariot métallique, en ne leur épargnant aucune souffrance, puisque les lapines de réforme n’ont pas de valeur marchande. J'ai également pu constater les blessures aux pattes dues au grillage qui revêt le sol de leur cage. Faute de ne pouvoir ronger, leurs incisives sont extrêmement longues et provoquent des blessures dans la bouche. Certains lapins perdaient leurs poils par plaques entières. Enfin, leur charpente osseuse est si misérable, qu'ils semblaient pouvoir se casser comme du verre. Amis consommateurs, pratiquement 100 % des lapins sont élevés ainsi.
Transport de dindes pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
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vendredi, 30 novembre 2012
Une minute hypocondriaque
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mercredi, 28 novembre 2012
Honneur à Caroline
Voici un texte écrit samedi dernier, avant la fin (à l'avant veille exactement). Maintenant tu dors...
Chère Caroline,
Ces deux ou trois rues de Villejuif sont gravées dans ma mémoire... Villejuif... Où je te vis pour les dernières fois, changeante de jour en jour, mais toujours toi.
Toi qui était si différente, de moi, de nous, et que nous avons découverte année après année, que nous avons aimée, sans nous soucier de cet amour... Parce qu'il était normal, un amour de voisinage, un amour de copinage, un amour parsemé de joies autant que de rancœurs, d'admiration autant que d'incompréhensions, un amour qui coule de source, dont on reçoit les douces effluves sans les remarquer et dont on sent l'épine aux moments où tout tremble, où tout chute, où tout s'effondre.
En ce moment, là bas, tu respires à chaque souffle plus difficilement, chaque souffle peut être le dernier. Et moi je suis là dans cet endroit que tu connais si bien, et qui parle de toi : cet immeuble à mi-chemin entre les Invalides et Montparnasse, un lieu où tu grandis, élevas tes enfants, accompagnas tes parents, vécus ton drame et y reçus les soins de ta maladie. Un lieu qui résonne encore de tes rires et de tes coups de colère, de tes blagues et de tes phrases impérieuses. Un lieu où ta silhouette n'apparaîtra plus qu'en rêve.
J'ai découvert Villejuif à l'automne 2012, cette ville si proche, si lointaine où tu m'as fait vivre d'inoubliables moments. La vie nous a montré, une fois de plus, immeuble 62, chambre 210, qu'elle est inséparable de la mort, que nos moments d'insouciance sont fragiles comme une caresse, comme le vent qui traverse la ville, comme un nuage qui passe.
Mais je ferme les yeux et Villejuif s'éloigne et disparaît. Je remonte le temps et ton visage s'embellit, il rougit à nouveau et voilà qu'un sourire apparaît, qui se transforme en rire bon vivant ; à nouveau le sérieux te reprend : c'est pour expliquer à quelqu'un un passage de l'histoire de France, une règle d'orthographe. La table est pleine de mets et de bouteilles et les convives t'écoutent défendre ta vision du monde, toujours campée sur des connaissances et toujours vaillante face aux contradicteurs. Je peux remonter le temps et je mesure ainsi la somme d'échanges et de partage que nous avons eus et qui nous ont nourris en profondeur.
Nous avons beau tenter de l'oublier, de nous distraire, la vie sait où elle nous emmène inéluctablement. Aucun d'entre nous ne sortira de ce monde vivant ! Lorsque l'un d'entre nous s'en va, et surtout dans la force de l'âge, et encore plus lorsqu'il n'est qu'un enfant, nous oublions soudain nos rires, nos joies, nos habitudes, nos énervements et debout au bord du gouffre, nous nous demandons : comment est-ce possible ? Je l'aimais, nous l'aimions, elle nous aimait, rien n'était achevé. Pourquoi cette route de douleur et la mort pour récompense ?
Parce que... Parce que ? Le mystère est aussi grand que cet amour que nous éprouvions pour toi, que nous continuerons à arroser comme l'une des plus belles fleurs de notre jardin secret.
En regardant tes filles et tes petits-enfants pousser, grandir, vieillir et poursuivre la voie que tu leur as ouverte, la vie que tu leur as donnée ; en suivant chacun notre route personnelle ; en tombant, chacun notre tour, par hasard, par fatigue ou par maladie ; nous garderons vivant et vibrant ce que nous avons vécu par toi et avec toi.
Adieu et à tout à l'heure, pardon et merci, voilà ce que nous pouvons dire à celle que nous aimons, et qui nous précède au-delà...
J'écoute en t'imaginant partir cet Adagio de Secret Garden, qui restera à jamais lié à ton image dans ma mémoire.
J'ai prié pour ton cœur, pour ton corps, pour ton âme au son de cette mélopée douce et lancinante, qui va droit au cœur. Je n'aurai qu'à l'écouter pour que ma prière s'élève à nouveau vers toi et que ton visage m'apparaisse, tel qu'il était quand tu riais, tel qu'il était quand tu dansais sur l'herbe à la fête du 21 juin.
Te sachant au bord de mourir, j'écoutais cet adagio, mais chaque fois que je l'écouterai encore c'est une image de vie qui m’apparaîtra.
Honneur à Caroline É......., qui ne manqua pas d'honneur.
Samedi 24 novembre 2012 vers neuf heures du soir,
Edith de CL
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Désire novembre, novembre désirs
« Ô, je voudrais épouser l'automne, lui donner un baiser éternel, sentir toujours ses odeurs, son trouble, ses peurs, ses souvenirs, sa mélancolie douce. Automne malade et adoré, je t'aime et ne parviens pas à te saisir. Tu m'échappes, je te regarde me traverser sans pouvoir te retenir, sans profiter de tes beautés. Insaisissable, mystérieux, profond, entre deux eaux. Et tu contiens des essences d'éternité ».
Nadège Steene
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lundi, 26 novembre 2012
...où les ténèbres se font, là...
"Tout ce que l'entendement peut comprendre, tout ce que nos désirs peuvent désirer, ce n'est pas Dieu. Mais là où finissent l'entendement et les désirs, où les ténèbres se font, là commence la lumière de Dieu."
Maître Eckhart
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dimanche, 25 novembre 2012
Appel nocturne
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Ces bêtes qu’on abat : Infractions en abattage rituel
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Infractions en abattage rituel
Dans un abattoir près de Paris, dont le responsable s’était converti à l’islam, tous les animaux étaient abattus selon le mode rituel, y compris ceux qui, précisément, n’étaient pas destinés à l’abattage rituel. Ce qui est interdit, car les animaux destinés à l’abattage classique doivent faire l’objet d’un étourdissement préalable, juste avant la saignée. Pire encore, le matériel d’étourdissement avait été enlevé et proscrit, car il avait été déclaré « impur ». Dans cet abattoir, un jeune technicien vétérinaire s’était opposé à un abattage barbare. En effet, une personne voulait tuer un bovin selon le mode opératoire de son pays, en lui sectionnant les tendons des pattes à l’aide d’un couteau pour le faire tomber au sol et l’égorger par la suite. De plus, les bovins étaient suspendus par les deux pattes arrières avant d’être égorgés rituellement. L’abattoir, connu des services vétérinaires, existait alors qu’il n’avait aucun agrément administratif. Il n’avait théoriquement pas le droit de fonctionner. Pourtant, les activités se déroulaient au quotidien, avec la présence d’un technicien vétérinaire.
Mouton suspendu par une patte, ce qui est interdit !
Phot Jean-Luc Daub
Voici encore d’autres cas d’infractions relevées, concernant l’abattage rituel dans un abattoir du sud-ouest de la France. Il s’agissait d’infractions commises lors de l’abattage rituel musulman. En effet, après avoir mis une quinzaine de moutons dans la case où avait lieu l’abattage, l’employé les suspendait un par un par une patte arrière. Un stock tampon de moutons se créait, car l’égorgeur prenait tout son temps pour les saigner. Non seulement, l’infraction était caractérisée par la suspension des ovins mais, de plus, plusieurs moutons en attente la tête en bas se débattaient pour se dépêtrer de cette situation.
À mon arrivée, l’abattage rituel des veaux avait été interrompu. Après avoir demandé des explications, le directeur de l’abattoir m’indiqua évasivement qu’un sacrificateur venant de Nîmes devait arriver. Comme je le questionnais encore, il
m’avoua que celui que je venais de voir n’était pas en possession de l’autorisation officielle de sacrificateur, et que par conséquent il n’avait pas le droit d’égorger les veaux.
Dans un autre abattoir, du Puy-de-Dôme, il en était de même concernant l’abattage rituel musulman. Les moutons étaient suspendus par une patte arrière à plusieurs mètres du sol, le rail de suspension étant très haut. Les moutons étaient égorgés loin de l’enclos de départ. Ils se débattaient tout au long du parcours. De plus, le poste de saignée était très en hauteur. Les deux sacrificateurs n’étaient pas en règle concernant leur agrément. Ils n’avaient pas d’autorisations délivrées par les grandes mosquées agréées ou par les préfectures. L’un deux, lorsque je lui demandai s’il pouvait me montrer son agrément, me dit qu’il n’en avait pas besoin puisqu’il était imam, que cela était suffisant et que je devais aller me faire voir !
En abattage classique, l’employé était seul à effectuer l’acheminement, la suspension et l’étourdissement. Il accrochait les moutons sur la rampe de montée, se saisissait de la pince électrique qu’il appliquait en même temps que les moutons étaient tirés en hauteur par la rampe. Dans l’ensemble, les moutons étaient suffisamment étourdis, mais certains avaient tendance à se réveiller une fois arrivés au poste de saignée, qui se trouvait très loin du poste d’étourdissement.
Quant à la formation obligatoire du personnel concernant la protection des animaux au cours de l’abattage, rien n’avait été mis en place, ainsi que me l’ont dit les employés eux-mêmes. La réponse du bureau de la protection animale du Ministère de l’Agriculture concernant cet abattoir fut laconiquement administrative : « Les problèmes d’hygiène de l’établissement sont prioritaires sur la protection animale, aucune action ne pourra être prise par le Bureau de la Protection Animale. Les manquements à la protection animale sont imputés à un employé qui mettrait de la mauvaise volonté. Les conséquences d’une fermeture seraient trop importantes pour la situation économique générale ». Sans commentaire !
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jeudi, 22 novembre 2012
Souvenir de l'école primaire : deux poésies d'automne
« Automne malade et adoré
Tu mourras quand l'ouragan soufflera dans les roseraies
Quand il aura neigé
Dans les vergers
Pauvre automne
Meurs en blancheur et en richesse
De neige et de fruits mûrs
Au fond du ciel
Des éperviers planent
Sur les nixes nicettes aux cheveux verts et naines
Qui n'ont jamais aimé
Aux lisières lointaines
Les cerfs ont bramé
Et que j'aime ô saison que j'aime tes rumeurs
Les fruits tombant sans qu'on les cueille
Le vent et la forêt qui pleurent
Toutes leurs larmes en automne feuille à feuille
Les feuilles
Qu'on foule
Un train
Qui roule
La vie
S'écoule»
Guillaume Apollinaire
«Je vais vous dire ce que me rappellent tous les ans, le ciel agité de l’automne, les premiers dîners à la lampe et les feuilles qui jaunissent dans les arbres qui frissonnent ; je vais vous dire ce que je vois quand je traverse le Luxembourg dans les premiers jours d’octobre, alors qu’il est un peu triste et plus beau que jamais ; car c’est le temps où les feuilles tombent une à une sur les blanches épaules des statues.
Ce que je vois alors dans ce jardin, c’est un petit bonhomme qui, les mains dans les poches et sa gibecière au dos, s’en va au collège en sautillant comme un moineau.
Ma pensée seule le voit ; car ce petit bonhomme est une ombre ; c’est l’ombre du moi que j’étais il y a vingt-cinq ans ; Vraiment, il m’intéresse, ce petit : quand il existait, je ne me souciais guère de lui ; mais, maintenant qu’il n’est plus, je l’aime bien.
Il valait mieux, en somme, que les autres moi que j’ai eus après avoir perdu celui-là. Il était bien étourdi; mais il n’était pas méchant, et je dois lui rendre cette justice qu’il ne m’a pas laissé un seul mauvais souvenir ; c’est un innocent que j’ai perdu : il est bien naturel que je le regrette ; il est bien naturel que je le voie en pensée et que mon esprit s’amuse à ranimer son souvenir.
Il y a vingt-cinq ans, à pareille époque, il traversait, avant huit heures, ce beau jardin pour aller en classe. Il avait le coeur un peu serré : c’était la rentrée».
Anatole France
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mercredi, 21 novembre 2012
Fragment de Nietzsche
« Tous les peuples se couvrent de honte lorsqu'on se réfère à une société de philosophes si merveilleusement exemplaire : celle des premiers maîtres en Grèce, Thalès, Anaximandre, Héraclite, Parménide, Anaxagore, Empédocle, Démocrite et Socrate. Tous ces hommes sont taillés tout d'une pièce et dans le même roc. Une stricte nécessité régit le lien qui unit leur pensée et leur caractère. Toute convention leur est étrangère, car la classe des philosophes et des savants n'existaient pas à l'époque. Ils sont tous, dans leur grandiose solitude, les seuls qui, en ce temps-là, aient vécu pour la seule connaissance. Tous possèdent cette vigoureuse énergie des Anciens par quoi ils surpassent toute leur postérité, l'énergie de trouver leur forme propre, et d'en poursuivre, grâce à la métamorphose, l'avènement dans son plus infime détail et dans son ampleur la plus grande. Aucune mode en effet n'est venue leur prêter main-forte et leur faciliter les choses. Ils forment ainsi, à eux tous, ce que Schopenhauer, par opposition à la République des savants, a appelé une République des génies. Les géants s'interpellent à travers les intervalles désertiques de l'histoire et, sans qu'il soit troublés par les nains insouciants et bruyants qui continuent à ramper au-dessous d'eux, leur sublime dialogue entre esprits se poursuit ».
Friedrich Nietzsche
La philosophie à l'époque tragique des Grecs (vers 18701-73)
Chapitre premier
Traduction J-L Backe, M Haar & B de Launay
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mardi, 20 novembre 2012
Peine de cœur
Papa habite dans une très grande maison loin derrière la ville, avec d’autres papas.
Comme nous, ils mangent à la cantine,
ils se disputent dans la cour de récréation.
Comme nous, ils n’aiment pas obéir, ils ont peur du noir.
Comme nous, ils rêvent de jouer à quelque chose.
Papa apprend à fabriquer des boites dans un atelier.
Son maître est gentil.
Il apprend à écrire dans un autre atelier. Sa maîtresse est nulle.
Comme moi, il voudrait voler dans le ciel avec les oiseaux.
Comme moi, il voudrait dormir dans le lit de maman.
Comme moi, il rêve de partir quelque part.
Papa s’ennuie dans la très grande maison loin derrière la ville.
Il s’ennuie du matin au soir au milieu du fer, des clous, des portes.
Le jour, son cœur est fermé.
La nuit, il entend son cœur frapper comme un tambour.
Comme moi, il ferme les yeux pour se souvenir de notre porte d’entrée.
Comme moi, il sent des larmes quand il imagine notre princesse avec sa robe bleue, avec son sourire rouge.
Comme moi, il attend de rentrer à la maison.
Papa a pris quatre ans, dont deux avec sursis.
Edith de CL
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dimanche, 18 novembre 2012
L'orgueil
Nous reproduisons ici, un extrait du Manuel de spiritualité composé par l'abbé Saudreau (1859-1946).
C'est la seconde fois que nous reproduisons un fragment de ce livre. Le premier passage enseignait que tous les métiers mènent au ciel ; celui-ci définit l'orgueil.
Nature de l’orgueil ; ses diverses formes.
" Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui l’emporte et le séduit " dit l’apôtre saint Jacques (i, 14). Les attaques du démon, dont nous parlerons bientôt, seraient peu dangereuses, si nous n’avions au-dedans de nous des ennemis redoutables, nos passions. Ces inclinations au mal, déjà par elles-mêmes impétueuses et ardentes, trop souvent sont devenues plus tyranniques par les fautes commises, par les concessions qui leur ont été faites. On ramène assez ordinairement à trois divisions principales les mauvais penchants : l’orgueil, la sensualité, l’attachement aux biens de la terre.
L’orgueil est un amour désordonné de sa propre excellence. Saint Thomas, reproduisant un texte de saint Grégoire, enseigne que l’orgueil se manifeste de quatre manières différentes : ou nous nous attribuons à nous mêmes ce que nous avons de bon, ou, si nous reconnaissons que ce bien vient de Dieu, nous croyons qu’il était dû à nos mérites, ou nous nous vantons de posséder des qualités que nous n’avons pas, ou méprisant les autres nous désirons être estimés singulièrement pour les qualités que nous avons. (2.2, q.162, a.4)
Le principe de l’orgueil réside dans une complaisance exagérée en soi-même : on aime à penser aux qualités que l’on a ou que l’on croit avoir, on s’en réjouit, non pas comme d’un don de Dieu accordé à un indigne, mais comme d’un bien personnel, dont on s’attribue la gloire, que l’on est fier de posséder ; l’homme ainsi disposé se fait une idée exagérée de ses qualités et souvent s’attribue des qualités qu’il n’a pas : ainsi font ceux qui n’ont confiance que dans leur propre jugement ; ou il prend pour des qualités ce qui n’en est pas : ainsi font ceux qui sont fiers de posséder des richesses, de porter de brillantes toilettes.
La complaisance exagérée en soi-même entraîne naturellement la dépréciation du prochain : l’orgueilleux, à son insu, est sévère et injuste dans les jugements qu’il porte sur ses frères, il veut se croire supérieur, et cette disposition de sa volonté le porte inconsciemment à abaisser les autres, il pensera volontiers que seul il a raison et que les autres se trompent.
De la complaisance en soi naît la vaine gloire, appelée encore la vanité, qui est le désir déréglé de l’estime et des louanges. Tout désir de gloire est désordonné si l’on cherche sa gloire dans des choses fragiles et éphémères, si l’on fait reposer sa gloire dans le jugement des hommes, qui sont si sujets à l’erreur, si on désire l’estime et l’approbation pour autre chose que pour l’honneur de Dieu et le bien des âmes. (S. th., 2.2, q. 132, a. 1) Elles ont donc le vice de la vaine gloire ces personnes éprises d’elles-mêmes qui tiennent à occuper l’esprit des autres, à être l’objet de leur attention, à en être admirées, mêmes pour de futiles avantages ; de même celles qui ont une crainte excessive d’être oubliées, d’être comptées pour rien, qui ont horreur d’être méprisées, d’être raillées.
L’orgueil produit aussi l’ambition, qui est l’amour de l’autorité et des honneurs. Imposer sa volonté, recevoir des marques de respect, voilà à quoi aspirent les personnes autoritaires et les personnes ambitieuses.
Une autre forme plus cachée de l’orgueil est celle qui porte à la tristesse, au dépit, au découragement. Si la personne qui nourrit en elle-même un amour désordonné de sa propre excellence, est par tempérament portée aux noires pensées, elle sera frappée de ses défauts, comme d’autres sont épris de leurs qualités ; elle y pensera sans cesse, elle en concevra une tristesse amère, et elle sera très vite la proie de l’abattement et du découragement. Cette forme de l’orgueil est dangereuse, parce qu’elle simule l’humilité et parce qu’elle paralyse les âmes".
Autre fragment du Manuel de spiritualité proposé par AlmaSoror
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Ces bêtes qu’on abat : Des chevaux qui attendent
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Des chevaux qui attendent
C’était en région parisienne, il y a plusieurs années. Je me rappelle les deux étables. Les chevaux étaient attachés de chaque côté d'un large abreuvoir en béton. Au-dessus, du foin était fourni pour les chevaux séjournant plusieurs jours. Les abreuvoirs étaient sans eau, l'un était sale avec des gravats dedans, quant à l'autre, le robinet d'eau était cassé et rouillé.
J'en ai parlé au directeur, lui signalant que cela avait été constaté par une association allemande, lorsque des personnes avaient observé, à l'issue du déchargement d'un convoi de chevaux qu'elles avaient suivi, que les animaux n'avaient pas été abreuvés alors qu'ils avaient effectué un long parcours. Le directeur, qui ignorait le mauvais état du matériel d’abreuvement, a alors téléphoné au responsable des arrivées de chevaux et à celui de l’entretien, pour régler le problème.
Les chevaux sont généralement déchargés la nuit du vendredi à 2 heures du matin. Étaient en attente dans les stabulations : deux chevaux, un âne et un poney. Les chevaux étaient conduits par un couloir dans un piège, avec une ouverture latérale, pour sortir l'animal après étourdissement au matador. L’abattage des chevaux avait essentiellement lieu le lundi, mais également le jeudi. Les chevaux peuvent très bien séjourner une semaine en stabulation, ils reçoivent du foin pour nourriture.
Vieux cheval attaché que l’on fait attendre durant une nuit devant un abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Dans cet abattoir, les bovins étaient rituellement abattus dans un box rotatif de marque FACOMIA type F4 1992 AGR 306 GB. Quant aux veaux, ils étaient égorgés dans le box rotatif des gros bovins. L’appareil a subi une modification depuis août 1997, pour adapter l'appareil aux veaux. Il n’y a à ce jour toujours pas de changement d'agrément. Cette amélioration est intervenue à la suite d'une visite des services vétérinaires il y a plusieurs mois. Auparavant tous les veaux étaient suspendus conscients avant la saignée. Lors d'un courrier des services vétérinaires pour la remise en conformité, que m'a lu le directeur, il était précisé d’une façon curieuse pour une autorité ayant compétence (même le directeur en a ri) : « La suspension des veaux est une infraction que pourrait relever la société de protection des animaux d'abattoirs ! ». Autrement dit, il était demandé au directeur de se mettre en conformité seulement parce que l’association de protection des animaux d’abattoirs pourrait s’apercevoir de l’infraction !
Un local équipé pour les abattages d’urgence était accessible aux camions. Les animaux ne pouvant marcher étaient sortis à l'aide d'un treuil et sont ensuite tués. Si l'un des animaux souffre beaucoup, ils l'abattent immédiatement (4 à 5 bêtes par semaine). Un jeune bovin famélique gisait mort dans la cour ; il avait été amené en abattage d'urgence par la personne qui effectue un ramassage des bêtes de réforme, mais il était mort dans le camion.
Pour l’Aïd-el-kébir (sacrifice du mouton par les pratiquants musulmans) : 2000 moutons ont été égorgés l’année précédente. À l'intérieur de l'abattoir, ce sont des sacrificateurs qui tuent. À l'extérieur, des parcs provisoirement aménagés sont à la disposition des particuliers qui égorgent eux-mêmes les animaux. Une partie des moutons est achetée sur place, mais pour le reste, les musulmans emmènent leurs moutons les pattes ficelées dans les coffres des voitures. Cette journée requiert de la part du directeur une organisation considérable et qui dépasse le déroulement d'une activité normale. Les musulmans viennent en voiture, ce qui crée des problèmes de circulation. Par ailleurs, des scènes d'atrocité se déroulent aux yeux de tous et font l'objet de plaintes de la part de civils à la mairie, qui se trouve en face. Le directeur ne souhaite pas organiser l'Aïd-el-kébir l'année prochaine. Il se sent seul pour cette journée, alors qu'on lui demande de faire de gros efforts et qu'on ne lui en donne pas les moyens.
L'abattoir abat en grand nombre des animaux de réforme. Un grossiste est installé dans la même ville. De nombreux animaux de réforme en provenance des marchés arrivent tous les jours suivant les achats effectués régulièrement sur les différents marchés (Arras, Nancy, Rethel, Sancoins...).
Des camions de Bretagne arrivent également à l'abattoir, chargés de bêtes de réforme. Dans les lots, on peut voir des bovins en très mauvais santé et en état de misère physiologique avancé. Pour les camions de Bretagne, il semble que des courriers ont été envoyés aux personnes concernées, grossistes, et services vétérinaires afin que des contrôles et des tris soient effectués à la source, pour éviter des souffrances qui se traduisent souvent par des agonies menant à la mort lente des vaches réformées. Pour les bêtes arrivant des différents marchés des alentours, les services vétérinaires constatent également la présence d’animaux en état de misère physiologique avancé, d’animaux qui n'ont pas été abreuvés depuis plusieurs jours, d’animaux qui souffrent de leurs blessures.
De nombreuses saisies partielles, totales et sur pied sont effectuées. Les services vétérinaires de l'abattoir s'insurgent, ils ont écrit à leur direction, en donnant les adresses des éleveurs qui méritaient d'être poursuivis, car outre les mauvais soins que font endurer les intermédiaires des fermes aux abattoirs, beaucoup d'animaux présentent des pathologies dues à une absence de soins. Les animaux sont délaissés plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Pour autant, les procès-verbaux sont rarement dressés. L'absence de contrôle des services vétérinaires et de répression sur les marchés aux bestiaux, favorisent le non-respect des règles de protection animale dans les fermes, sur les marchés, dans les transports, et pendant les séjours entre les intervenants avant l'abattoir.
Cet abattoir se sent montré du doigt en raison des bovins de réforme qui y sont abattus. Pourtant, c’est le type d’activité qu’ils avaient choisi de pratiquer. De grandes marques de viande viennent s’y approvisionner, et les grossistes en boucheries hallal également. Au déchargement, des bovins tombent d'épuisement sur le quai. Pas question de prendre la pile électrique, me dit le directeur, nous avons un bouvier qui s'en occupe. Il prend un seau d'eau, fait boire l'animal et au bout d'une demi-heure, celui-ci se relève. Ce qui prouve bien que les animaux ne sont pas abreuvés sur les marchés, dans les centres de rassemblement, et pendant les transports.
Des bovins sont abattus au pistolet Matador dans les camions et saisis sur patte, tant ils sont en état de dégradation et de souffrance extrêmes ; ils sont emmenés par des chevillards en abattage d'urgence et toujours au dernier moment. Par contre, ce matin, une flaque de sang teintait le sol des stabulations des chevaux. Je me suis renseigné, on m'a dit qu'un bovin qui ne pouvait plus marcher au sortir d'un camion avait été tiré au treuil, le plus près possible du poste d'abattage et a été ensuite tué dans les stabulations des chevaux. Il faut savoir qu'un treuil a été installé pour tirer les bêtes de réforme qui se trouvent dans le couloir d'amenée et qui tombent d'épuisement.
Le directeur me dit que, normalement, ils auraient dû partir du quai, étourdir la bête au Matador et ensuite la tirer avec le treuil vers le poste d'abattage. C'est d'ailleurs plus logique et plus facile, et c'est ce qu'il souhaite, a-t-il ajouté. Mais, le vétérinaire n'aime pas cette façon de procéder en raison des problèmes d'hygiène que cela pourrait poser ! En fait, le technicien vétérinaire m'a dit qu'ils ont procédé ainsi ce matin, étant donné que l'animal « est plus maniable vivant que mort » ! Il faut dire également que de nombreuses personnes téléphonent à l'abattoir et à la mairie, en traitant d'assassins et de bourreaux le personnel de l'abattoir, qui abat les bêtes sur le quai. Il faut savoir que le centre de tri postal se trouve juste en face. Ces personnes sensibles qui se trouvent là ne savent pas faire la différence entre le fait d’abréger les souffrances d'une vache sur le quai de déchargement et l’horreur d’une mise à mort standard qui se dissimule derrière les murs de l'abattoir.
Le directeur est très embêté par ce problème. Il aimerait très sincèrement ne plus recevoir d'animaux qui mériteraient d'être abattus par un vétérinaire, soit à la ferme soit sur le marché.
Il est à signaler qu'un bouvier qui s’était montré extrêmement brutal avec les animaux avait été dénoncé par des personnes extérieures. Il a été réprimandé et changé de poste.
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samedi, 17 novembre 2012
Balade québécoise, par Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
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vendredi, 16 novembre 2012
La minute hypocondriaque VII
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