mardi, 05 février 2013
Lupinerie
Arsène Lupin s'appelle Lupin en référence à l'étymologie : lupus signifie loup en latin. Or, le loup est l'ennemi des hommes...
Mais, le lupin est aussi une fleur très ornementale, qui reflète la sophistication des "coups" d'Arsène Lupin, la beauté de son art hors-la-loi.
LUPIN CONTRE LEBLANC : une relation tumultueuse
Arsène Lupin (par Léon Fontan)
Maurice Leblanc
HONTE & GLOIRE
Maurice Leblanc vivait sa gloire comme une honte : il aurait voulu être un académicien ; il n'était qu'un auteur populaire ! A ses contemporains, il répétait : "Lupin, ce n'est pas moi !" de la même façon que Gustave Flaubert avait dit : "Madame Bovary, c'est moi !"
Tout au long de sa carrière, Leblanc a tenté de tuer Arsène Lupin pour en être débarrassé, mais chaque fois, l'insistance des éditeurs et la facilité avec laquelle Arsène faisait rentrer l'argent dans la caisse, il a craqué et ressuscité son héros.
Univers d'Arsène Lupin
Dans l'univers de la série d'Arsène Lupin, on retrouve les mêmes thèmes, aventure après aventure : Les pseudonymes d'Arsène (une trentaine !)
La vieille aristocratie décadente
La neuve bourgeoisie montante
Le monde de l'art
Le mythe du cambrioleur gentil
Le séducteur invétéré
Le pays de Caux, en Normandie
Là, aux abords des falaises d'Etretat, se déroulent bon nombre des aventures d'Arsène Lupin.
UN PERSONNAGE REEL
Arsène Lupin n'est pas un criminel. Il est un artiste du cambriolage. Il cambriole, soit par dandysme, soit par philanthropie (pour faire du bien à des personnes en difficulté). Or, à cet égard la figure fictionnelle de Lupin doit beaucoup à un homme réel. Il s'agit de l'anarchiste Alexandre Marius Jacob (1879 - 1954). Jacob et ses camarades s'appellaient "les travailleurs de la nuit". Leurs cambriolages furent des exploits rocambolesques qui tinrent les policiers - et la France entière - en haleine ; le butin était utilisé pour publier des journaux anarchistes ou bien envoyer de l'argent aux familles des prisonniers anarchistes.
Marius Jacob a organisé 150 cambriolages, qui ont tous réussi, sans jamais faire couler le sang !
Il a passé 25 ans au bagne avant de rentrer vivre dans sa maison du Berry, où il s'est donné la mort.
Alexandre Marius Jacob, Pourquoi j'ai cambriolé... par guyprestige
On pense, bien sûr, à Stances pour un cambrioleur, la chanson de Brassens : "mets-toi dans les affaires et tu auras les flics même comme chalands".
LUPINOPHILIE
Les Lupinophiles aujourd'hui viennet de tous les pays du monde pour visiter la maison de Maurice Leblanc et marcher sur les lieux où se situent les intrigues d'Arsène Lupin.
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lundi, 04 février 2013
Les visages hâves des parisiens des bas-fonds, les visages lumineux des saints des cieux
«Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect général de la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné. Paris n’est-il pas un vaste champ incessamment remué par une tempête d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes que la mort fauche plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons dont sont engrossés leurs cerveaux ; non pas des visages, mais bien des masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère, masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des signes ineffaçables d’une haletante avidité ? Que veulent-ils ? De l’or, ou du plaisir ?»
Honoré de Balzac, La Fille aux yeux d'or - Histoire des Treize
L'histoire des Treize, du très Honoré de Balzac, contient trois histoires. La première, Ferragus, est dédié au musicien Hector Berlioz. La seconde, La Duchesse de Langeais, est offerte à Franz Liszt. Le dédicataire de la troisième, La Fille aux yeux d'or, est le peintre Eugène Delacroix.
Il faut aller (re)lire, dans un des cafés de la place Franz Liszt, La fille aux yeux d'or. Pour l'accompagner, un mauvais kir n'est pas une mauvaise idée, accompagné si possible des cacahuètes des bars parisiens sur lesquelles, parait-il, on prélève des traces d'urine. Et si l'église est ouverte, et que l'organiste répète un air de Théodore Dubois ou de Louis Vierne, pourquoi ne pas faire une prière à Sainte Geneviève et à Saint Denis, patrons des parisiens ? Rougissez nos joues, adoucissez nos masques, Ô chers saints ! Sanctifiez-nous, rendez-nous sains.
Si personne n'est à l'orgue, alors on peut chantonner en murmurant la litanie des saints de Paris :
Trilogie balzacienne, premier volet
Trilogie balzacienne, second volet
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dimanche, 03 février 2013
Ces bêtes qu’on abat : Des animaux qui s’échappent des abattoirs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Des animaux qui s’échappent des abattoirs
Voici des faits qui se sont déroulés dans le cadre d’abattoirs, et qui méritent une attention particulière. L’histoire, qui commence pour une jument par un départ à l’abattoir, parmi tant d’autres congénères, se termine bien. La jument poulina durant le week-end. Rappelons-nous que j’ai déjà assisté à la naissance de porcelets d’une pauvre coche qui mit au monde ses petits dans une case surchargée d’un abattoir. Je n’avais pu rien faire pour elle, malgré mon appel téléphonique à une SPA. Pour un cheval, un chien, un chat ou un dauphin, les mobilisations sont possibles, mais il en va tout autrement pour les « animaux d’abattoirs » qui ne suscitent guère la même sympathie.
L’idée de saleté que les gens associent au cochon, même ceux qui disent aimer et protéger les animaux, ne laisse d’autre place à cet animal, pourtant si intelligent et si attachant, que nos assiettes. L’image véhiculée par les élevages intensifs, avec son lot de pollution des eaux et de la terre, ainsi que de la mer, comme sur les côtes nord de la Bretagne, la pollution olfactive provenant des élevages hideux et concentrationnaires a même fait échouer, par la mobilisation d’habitants, le projet d’un élevage de porcs Bio, près de chez moi en Alsace. Que penser de ces personnes qui sont contre les élevages polluants comme ceux de Bretagne, qui achètent pourtant le produit de cette industrie du mal-être animal, et qui refusent la mise en place d’un élevage plus respectueux des animaux et de l’environnement ?
Dernièrement, une jument et son « bébé » ont été sauvés d’un abattoir, tandis qu’il arrive fréquemment que des bovins s’échappent des abattoirs pour sauver leur peau. Dans ce cas, les histoires sont tout aussi touchantes, mais se terminent comme prévu. Une amie me disait qu’il était beau qu'un animal « offre » sa vie pour l’Homme, et que ce dernier pouvait avoir de la gratitude envers l'animal qui s'était offert. Pour moi, comme pour beaucoup de personnes ayant une réflexion avancée sur la question des animaux destinés à finir dans nos assiettes, « aucun animal n'offre sa vie, on la lui prend ! ». Je ne connais pas d'animaux volontaires pour s'offrir en sacrifice lors de l’Aïd-el-kébir, ni même pour aller dans les abattoirs. Ils aspirent, comme nous, à vivre, ils nous font qui plus est confiance ! Voici quelques exemples de bovins qui n’ont pas désiré passer par l’abattoir pour finir dans nos casseroles, mais au contraire ont essayé de prendre le chemin inverse.
Un matin, me rendant à mon travail en voiture et passant près d’un abattoir (classé « lanterne rouge » en matière de protection animale), j’ai vu une vache qui courait dans le sens contraire de l’abattoir. Elle s’était échappée, et courait le long d’une piste cyclable. Hélas, je n’ai rien fait pour elle, car à cette époque je n’avais guère réfléchi à la cause des animaux de boucherie, même si, comme beaucoup, je pensais aimer les animaux ! Je les aimais tellement, comme d’autres personnes aujourd’hui qui me disent les aimer, que j’allais jusqu’à y mettre du sel lorsqu’ils étaient dans mon assiette ! Quelle contradiction ! Je n’ai donc rien fait pour cette vache, et aujourd’hui encore, j’en ai des regrets. Si cette situation devait se reproduire, personne ne m’empêcherait de la sauver, pas même les services vétérinaires qui ordonneraient son retour à l’abattoir, puisqu’ils appliqueraient la règle selon laquelle un animal entré en abattoir ne peut en ressortir vivant. Règle qui s’applique différemment suivant que l’on en fait le commerce de boucherie ou non, puisque dans le cadre de mes enquêtes d’abattoirs, j’ai déjà vu des camions de bovins ou de cochons ne décharger qu’une partie des bêtes pour repartir avec le reste du chargement vers d’autres abattoirs. Ce qui est interdit.
L’histoire de la jument et de sa pouliche a paru dans ladépêche.fr, je la reproduis ici avec l’aimable autorisation du journal.
Publié le 09/05/2008 12:00 de Richard Bornia.Lavaur.
Il sauve une jument et sa pouliche de l'abattoir.
Une belle histoire. Elles étaient promises à une mort certaine.
Leïla, une jument de 5 ans et Malika sa pouliche âgée de 2 semaines paissent tranquillement sous le grand chêne, dans la prairie de Jacques Cany, éleveur de bovins à Lavaur. En toute logique, vous devriez aujourd'hui retrouver Leïla, en tranches et en barquettes dans les rayons d'un hypermarché. Et sa pouliche, euthanasiée, serait déjà transformée en engrais. En effet, quand Leïla franchit la frontière espagnole le 18 avril dernier, son sort est scellé : elle sera abattue à l'abattoir de Narbonne, le jour même. Mais ce jour-là, le planning déborde et Leïla échappe à la mort. On l'abattra après le week-end. Le 21 avril, les saigneurs viennent chercher la bête pour son ultime voyage. Mais Leïla n'est plus seule. Une magnifique pouliche est là, à ses côtés. La jument a mis bas. Les tueurs refusent alors d'abattre la jument. Sa mort signifierait aussi l'euthanasie de la pouliche. « J'ai vu pour la première fois Leïla et sa pouliche Malika le mercredi 23 avril. Je conduis toutes les semaines des bovins à l'abattoir de Narbonne. Les employés refusaient de sacrifier les deux bêtes, je suis allé voir le directeur et je me suis porté acquéreur», explique Jacques Cany. « J'étais révolté. Sacrifier deux bêtes comme ça, une maman avec sa fille, sans défense, m'était insupportable ». La loi est dure, mais c'est la loi. « Tout animal qui rentre vivant dans un abattoir doit en ressortir mort », précisent les textes. « Quand je suis revenu, le 28 avril, les employés étaient tristes, craignant le pire pour la jument et la pouliche». La décision de la direction des services vétérinaires venait de tomber, irrévocable : «Le 5 mai, Leïla sera tuée et Malika euthanasiée ».
La SPA de Lézignan est intervenue en vain pour sauver la vie aux animaux. Le sort de Leïla et Malika devient alors une affaire nationale. « À Paris, la SPA fait part de l'histoire à la direction générale de l'alimentation ». L'intervention porte ses fruits. Le ministre de l'agriculture finit par accorder sa grâce. « J'étais chez moi à Lavaur, vendredi dernier, quand on m'a annoncé la bonne nouvelle. J'ai pris le camion et je suis allé les récupérer », raconte Jacques. Après avoir indemnisé l'éleveur espagnol, Jacques est revenu avec ses deux bêtes qu'il a lâchées dans son grand champ, derrière sa maison.
« Elles sont encore un peu farouches, il faut leur laisser du temps pour qu'elles sentent qu'on les aime. Mon plaisir, ce sera de les voir grandir. » Jacques au grand cœur a déjà récupéré deux agneaux qu'il nourrit au biberon et compte aussi trois petites chèvres, trois ânes et quatre chevaux. « Ça coûte cher toutes ces bestioles. Mais c'est tellement beau de les voir ainsi, libres et heureuses. »
Belle histoire qui finit bien, mais je n’ai encore aujourd’hui toujours pas compris pourquoi ce marchand en bestiaux vend des bovins à l’abattoir, et sauve deux chevaux ? Il serait intéressant de connaître les faits qui sont reprochés aux autres animaux !
Vaches qui s’échappent
Voici maintenant des cas de vaches échappées des abattoirs, et qui ne connaissent pas forcément une fin heureuse. En août 2008, deux vaches se sont échappées d’un abattoir du Pas-de-Calais lors du déchargement de la bétaillère, on ne sait comment. Probablement appréhendaient-elles la mort. Le lieu, les bruits et les odeurs ne leur laissaient aucun doute. L’une des deux vaches a été rapidement rattrapée, pour être tuée plus tard dans la journée. La deuxième, une charolaise de 600 kilos, qui avait réussi à fuir les tueurs de l’abattoir s’est réfugiée dans une canalisation d’égout de la ville. Elle s’est retrouvée piégée dans un resserrement de canalisations alors qu’elle avait tout de même parcouru 1500 mètres dans le noir. Les services techniques ont tenté de lui faire rebrousser chemin, en envoyant de l’eau dans les différentes canalisations. Il s’agissait de sauver la vache, mais pour mieux la tuer après et éviter ainsi une perte sèche. Les pompiers étaient également de la partie, mais au bout de 36 heures, un vétérinaire a été appelé afin de procéder à une euthanasie. La route a dû être ensuite percée par une entreprise de travaux publics afin de remonter l’animal à l’aide d’une grue.
Il arrive parfois que l’échappée d’un bovin se termine également de façon tragique pour un être humain. Ce fut le cas lors d’une fuite, fort compréhensible, d’une vache d’un abattoir de la Côte-Saint-André dans l’Isère. En effet, en 2005 la vache a causé un accident qui a coûté la vie à une jeune femme. La commune, propriétaire de l’abattoir, a été, alors, reconnue responsable par une décision de justice, et condamnée à une forte amende, en plus d’une indemnisation sous forme de dommages et intérêts.
Je voudrais relater un autre cas. Une vache qui ne s’était pas résignée à attendre dans le couloir de la mort d’un abattoir s’est échappée avec la force du désespoir, et a fini sa course pour la vie dans le jardin d’une propriété. Elle a bien entendu été rattrapée par les tueurs de l’abattoir, mais les services vétérinaires ayant estimé que l’animal était trop stressé (présentant un pH trop haut, qui aurait altéré la qualité de la viande) ont décidé de reporter son abattage, pour qu’elle se repose, afin de la tuer le lendemain dans de meilleures conditions.
Heureusement, une association de protection des animaux, alertée par une personne au grand cœur, a immédiatement réagi : le sauvetage de la vache devenait impératif. Il n’était pas question de la laisser à son triste sort. L’association a alors fait des démarches auprès du directeur de l’abattoir qui a pu la mettre en relation avec le propriétaire de l’animal. Après d’âpres négociations, car dans ce cas aussi les services vétérinaires voulaient appliquer la loi, la vache a été confiée à l’association qui emmena la vache, pour une nouvelle vie dans un refuge qui s’appelle justement « la Ferme des Animaux Sauvés de la Mort ». Un îlot de douceur, et de paix, sur l’herbe verte d’un pré, lui offrira tranquillité. La vache a été baptisée « Liberté ».
En décembre 2008, les éditions du journal Midi-Libre rapportent le cas récent d’une vache de race Aubrac de 450 kg qui s’est échappée des abattoirs narbonnais juste au moment de sa mise à mort. Le directeur de l’abattoir a expliqué qu’au moment où elle devait être abattue à l’aide du Matador (pistolet qui perfore le crâne), et parce que l’employé l’avait ratée, en la blessant tout de même, la vache avait réussi à s’enfuir. L’animal aurait été jusqu’à semer la panique dans une des grandes avenues de l’agglomération. Sans faire de blessés, elle aurait chargé tous ceux qui tentaient de l’approcher sous le regard des automobilistes médusés. La bête s’est réfugiée sur la pelouse d’un terrain de foot transformé en Arène. Les policiers, les gendarmes et les pompiers ont alors mis en place un périmètre de sécurité. La circulation aurait été arrêtée, et des maisons à proximité auraient été évacuées. Que de remue-ménage pour une pauvre vache ! Le sous-préfet a même ordonné d’abattre l’animal (qui aurait pu être confié à une association de protection des animaux). Le tir d’une balle à sanglier a été effectué par un jeune employé des abattoirs en se postant sur un toit.
Voici un autre cas en Belgique relaté par le quotidien La Dernière-Heure. Un bovin qui s'était échappé des abattoirs d'Anderlecht a endommagé des voitures de police. L'histoire a failli se passer comme dans un film qui aurait été « une belle histoire entre une vache et des policiers ». Mais la réalité fut tout autre. La vache a tenté d'écraser les agents de police, mais surtout elle finit par être abattue. Un lundi matin, plusieurs patrouilles de police ont été appelées, vers 7 h 30, aux Abattoirs d'Anderlecht : une vache venait de s'échapper et provoquait la panique dans les rues avoisinantes. Quelques équipes de police venues sur place ont tenté de maîtriser la bête. Il leur a été impossible de ramener la vache aux abattoirs. Dans un état de surexcitation, mais surtout d’affolement, la bête ne s'est pas laissé faire. Après quelques ruades, dignes d'une corrida, elle a foncé sur les inspecteurs de police. Plusieurs véhicules de police ont été placés pour lui barrer la route. Cela n'a pas suffit. Au contraire, les voitures ont été embouties par la bête apeurée. Comme elle représentait un danger pour les passants, l’ordre a été donné de l'abattre. La vache a été emmenée à l'écart des curieux et a été abattue de plusieurs coups de feu. La mésaventure de cette vache ne s'est pas arrêtée là, puisque la bête s'est écroulée dans un fossé. Il a fallu une grue pour l'en extraire. (Source : E. Pr. LaDernièreheure, 2003).
Le cas qui suit est tiré d’un article du site web1 « Le Jardin de Dominique Bardel » : « Vache en balade »
De temps en temps, devant les abattoirs d’Aurillac, une vache échappe à l’attention de ses bourreaux et s’échappe. C’est ce qui est arrivé la semaine dernière, avec une belle Aubrac qui, dès sa descente du camion, a pris la poudre d’escampette et est partie se promener. Vers deux heures du matin, les gendarmes la trouvèrent près de l’école d’équitation et, ne sachant que faire de l’animal, l’ont fait rentrer dans un pré du centre équestre. Ils ignoraient que des stagiaires campaient là, terrorisés par le bruit et les lampes torches des représentants de la maréchaussée. Au matin, la vache était toujours là, et un camion de l’abattoir devait venir la chercher. Mais les stagiaires s’étaient pris d’amitié pour le doux bovin, et ont cherché à cacher leur nouvelle copine pour lui éviter un sort funeste. Hélas, ils n’ont pas eu le temps de mener à bien leur projet...
« Vaches vagabondes à l’abattoir de Strasbourg »
Deux vaches qui ont eu l’idée de fuir l’endroit macabre dans lequel leur éleveur les avait laissées partir, se sont tout simplement échappées de l’abattoir. Toutefois, elles ont été tuées peu de temps après. Vers 6 h 30, les vaches ont profité d'une porte mal fermée par le service de nettoyage mercredi soir pour se faire la belle, et tenter de prendre la clef des champs ! Les « fuyardes » (terme que je reprends à l’article) ont pris la direction de l'aire des gens du voyage située à proximité. L'une des vaches a été rapidement abattue par le personnel de l'abattoir. La seconde vache a, en revanche, pu divaguer un peu plus longuement dans la zone industrielle, sans toutefois causer de gêne particulière aux personnes ou aux automobilistes. Elle a été ensuite localisée près d’un supermarché, mais elle a subi le même sort que sa compagne d'évasion. « Les gendarmes de Geispolsheim n'ont pas eu à intervenir, car les animaux ont été mis hors d'état de nuire avant leur arrivée sur les lieux ». Ici, je me permets de rappeler que ceux qui nuisent le plus à autrui ne sont pas les animaux. « Les carcasses des deux vaches ont été ramenées aux abattoirs vers 8 h ». Il est mentionné qu’une inspection des services vétérinaires vérifiera l’état des carcasses, car il serait tout de même bon de manger ces deux « fuyardes ». Source : Dernières nouvelles d’Alsace
Septembre 2000 : une vache sème la panique en s’échappant d’un abattoir du Finistère.
« La bête résiste au tir de quatre flèches hypodermiques »
Une vache échappée d'un abattoir à Gouesnou aura semé la panique dans la zone industrielle de Brest-Kergaradec, dit l’article de presse. Il aura fallu 2 h 30 et pas moins de quatre flèches hypodermiques pour anéantir la vache. « Ce n'est pas possible. C'est incroyable. Il est toujours debout et excité... » Le gendarme du Peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) qui vient de tirer au fusil hypodermique pour la quatrième fois sur le bovin est estomaqué. »En plus, pour la dernière piqûre, il aurait doublé la dose. Ce dernier n’aurait peut-être pas bien compris que le désir de la vache était de vivre !
Une bête, une « blonde d'Aquitaine », de 700 kg s'est échappée dès les premières minutes de la tuerie. « Le personnel de l'entreprise a, dans un premier temps, réussi à bloquer la vache dans une rue de la zone artisanale de Kergaradec, devant la Serrurerie Brestoise ». Là, les gendarmes du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale appelés pour maîtriser l’animal paniqué, « tirent deux flèches sur l'animal qui prend la fuite et se promène durant une bonne demi-heure dans le secteur ». Cette histoire montre bien que dans une arène, le combat n’est pas égal, et ne laisse pas aux taureaux la possibilité de fuir, puisque la corrida se déroule dans un lieu clos. Je voudrais rajouter, à ce sujet - car je suis un grand amateur de corrida, vous l’aurez compris, et j’ai beaucoup de respect pour ces danseuses en habit de lumière, qui cache dans leur danse des armes meurtrières redoutables - que le combat est tellement égal, que dès que le dénommé torero se trouve en difficulté, plusieurs « passionnés d’animaux » lui viennent au secours pour faire diversion, afin que l’animal ne sache plus où donner de la tête ! Tandis que pour cette vache échappée de l’abattoir finistérien, on peut voir qu’elle ne cherche ni le combat avec les hommes d’abattoirs déguisés en blanc, ni avec ceux déguisés en bleu. Ce qu’elle veut c’est avant tout sauver sa peau en fuyant, ce qui est impossible au taureau dont la mort est donnée en spectacle.
Pour revenir à cette vache, elle a effectivement fini par mettre en danger des automobilistes, puisqu’elle s’est retrouvée sur un rond-point juste avant une bretelle d’accès vers la voie express. Heureusement, est-il dit dans l’article, une troisième flèche a été tirée, ce qui fit prendre à la bête une autre direction. Avec l'aide des services de la direction départementale de l'Equipement, la gendarmerie a pu barrer les accès et détourner la circulation. Dans une prairie, la vache a repéré quelques congénères et rejoint le troupeau. « C’est là qu'une quatrième flèche sera finalement tirée ». « Pour autant, l'animal bien que quelque peu groggy, offrira encore une grande résistance ». Eh bien oui, quand on tient tellement à la Vie !
Avec des cordes, plusieurs salariés de l'abattoir, aidés de quelques agriculteurs, parviendront enfin, après que la vache sera repartie encore plus loin, à la faire monter dans une bétaillère. Le journal indique qu’il aura fallu la présence de quatre patrouilles de gendarmerie dont celle du PSIG, de la DDE, d'une équipe de pompiers avec un fusil hypodermique et du personnel des abattoirs. Certes, je comprends les efforts entrepris pour mettre en sécurité des personnes se trouvant sur le passage de la vache, mais si seulement les autorités compétentes déployaient autant de moyens et d’énergie pour remédier à la souffrance des animaux dans les abattoirs, aux infractions toujours en cours, ce serait un grand pas. Il ne s’agit pas de poser le pied sur la lune mais, ici et maintenant, sur terre. Pour expliquer cette fuite, les gendarmes avancent que « Les bêtes sentent le sang et cela les affole. C'est sans doute pour cette raison que l'animal est parti ». Belle conclusion.
J’ai parsemé ce récit de propos personnels qui n’engagent que moi, et non le journal dont provient la source (le quotidien Ouest-France).
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vendredi, 01 février 2013
La minute hypocondriaque VIII
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Ode à Saint Kevin
Our Lady of Knock Shrine, Irlande
(Dans la rubrique d'AlmaSoror intitulée :"Jeune littérature",
nous publierons des oeuvres de tout jeunes gens de moins de quinze ans
Voici un poème de Gaëlle le Joube).
« Kevin, prince irlandais qui vainquis ta naissance,
La violence du monde et la peur du silence,
Quel oiseau n’a trouvé dans tes mains arrondies
Un endroit où nicher, où nourrir ses petits ?
Vagabond descendu de ton riche village
Pour vivre dans les grottes et chanter sur les plages,
Quel cochon n’a trouvé blotti contre ton sein
Un cœur pour sa douleur, un abri pour les siens ?
Kevin, ton ombre en croix, charriant la boue des fleuves,
Hante les abattoirs, erre dans les prisons,
Caresse les douleurs des êtres qu'y s'y meuvent,
Et leur verse un amour qui défie la raison.»
Gaëlle le Joube
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mercredi, 30 janvier 2013
Roule ta bille, Gaston le roux ! (Mais qui aime Ivana ?)
Gaston Leroux
(1868-1927)
Normand, il fit ses études dans la ville d'Eu... qui voudrait aujourd'hui changer de nom pour avoir une visibilité web plus grande ! Les .eu en effet pullulent en Europe. Eu veut donc devenir Ville d'Eu.
Le château d'Eu - Photo trouvée ici
Comme son contemporain Paul d'Ivoi, Gaston Leroux mena une double carrière de journaliste et d'écrivain.
N'est-il pas véritablement le pionnier du polar français ? Il créa le personnage de Rouletabille, qui évolue à travers plusieurs romans.
Il créa également la série des Chéri Bibi.
Enfin, il est le père du célèbre Fantôme de l'opéra.
La série Rouletabille est souvent donnée à lire aux adolescents à l'école (au collège). Chéri-Bibi et Le fantôme de l'opéra sont trop proches de l'horreur. On les lit seuls, lors des longs mois d'été, pour oublier la déception des vacances tant attendues.
AUTOUR DE ROULETABILLE
Le personnage de Rouletabille possède la particularité d'être émouvant, mais pas sympathique. C'est un cas assez rare dans la littérature. On ne peut vraiment l'aimer parce qu'il est trop parfait et trop fermé, peut-être en veut-il un peu à la société, y compris à la société des lecteurs. Peut-être est-il trop fier de son intelligence.
Derrière cette intelligence froide et ce petit sentiment de supériorité, des failles affectives très grandes (Rouletabille n'a pas été élevé par sa mère, ce qu'on découvre au fil de ses enquetes) et l'excuse d'une enfance pauvre et malaimée, nourrissent l'émotion que procure un personnage au physique un peu ridicule, avec une grosse tête toute ronde et des yeux d'enfant seul.
Génial, Rouletabille n'en est pas moins laid, timide, renfrogné. Ce paradoxe du héros imparfait, qui n'est pas non plus un antihéros, existe dans le monde réel depuis toujours, mais cela ne fait pas si longtemps qu'il est entré en littérature. De ce point de vue, Leroux est très réaliste même s'il est par ailleurs un maître du fantastique !
Le génie de Rouletabille ne le rend pas heureux. S'il débrouille toutes les énigmes, c'est pour mieux comprendre qu'il est le fils d'un grand criminel et que sa mère n'a pas voulu de lui.
Les deux meilleurs épisodes de la série, sont les premiers : Le mystère de la chambre jaune et La parfum de la dame en noir. Dans les épisodes suivants, Joseph Rouletabille se marie avec Ivana. Et je n'aime pas Ivana. (Qui aime Ivana ?)
AUTOUR DE CHERI-BIBI
Chéri-Bibi met en scène un forçat innocent.
Un forçat, c'est un prisonnier que l'on envoie au bagne, en Guyane, à Cayenne, après l'avoir embarqué à l'île de Ré, enchaîné avec ses compagnons de grand malheur, sous les rires et les pleurs des foules mêlées. Les derniers bagnards sont rentrés en France métropolitaine en 1953... (mais depuis la France s'est dotée de la plus grande prison d'Europe : Fleury Mérogis !)
Outre Chéri Bibi, un autre forçat de la littérature est resté célèbre : Jean Valjean, l'ami de Gavroche et de Cosette.
Le poème «au forçat innocent», de Jules Supervielle.
Solitude au grand coeur encombré par des glaces,
Comment me pourrais-tu donner cette chaleur
Qui te manque et dont le regret nous embarrasse
Et vient nous faire peur?
Va-t'en, nous ne saurions rien faire l'un de l'autre,
Nous pourrions tout au plus échanger nos glaçons
Et rester un moment à les regarder fondre
Sous la sombre chaleur qui consume nos fronts.
Jules Supervielle, 1930
AUTOUR DU FANTÔME DE L'OPERA
Insipré de faits réels, Le fantôme de l'opéra met en scène le bel opéra Garnier de Paris. Des événements extraordinaires et effrayants y ont lieu.
Avez-vous vu toutes les adaptations cinématographiques du Fantôme de l'opéra ?
On en trouve, sur Internet, des extraits, gentiment mis à disposition par les internautes vidéomanes :
La première adaptation, c'est celle de 1925, par Rupert Julian.
1925 - Le fantome de l'Opera - Rupert Julian par Altanisetta
La seconde adaptation date 1943. Elle est due à Arthur Lubin
Bande-annonce Le Fantome de l'opéra - Arthur Lubin par Altanisetta
La troisième adaptation : 1962, Terence Fisher
Adaptation de 1989 : Dwight H Little
Il y a aussi la version de 1989, de Dario Argento. Je n'ai pas trouvé, sur les plateformes vidéotes d'échanges, d'extrait où il n'y a pas de scène d'horreur ou de sexe. Mes lecteurs iront s'abreuver tout seuls à ces sources obscures.
Quant à la version de 2004, de Joel Schumacher, on peut en voir le clip à cette e-adresse.
(c'est la version cinéma de la comédie musicale écrite par Andrew Lloyd Weber).
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lundi, 28 janvier 2013
Balzac et un verre de Marsannay
Vue de chez Marie Petitjean
«Il est dans Paris certaines rues déshonorées autant que peut l'être un homme coupable d'infamie ; puis il existe des rues nobles, puis des rues simplement honnêtes, puis de jeunes rues sur la moralité desquelles le public ne s'est pas encore formé d'opinion; puis des rues assassines, des rues plus vieilles que de vieilles douairières ne sont vieilles, des rues estimables, des rues toujours propres, des rues toujours sales, des rues ouvrières, travailleuses, mercantiles. Enfin, les rues de Paris ont des qualités humaines, et nous impriment par leur physionomie certaines idées contre lesquelles nous sommes sans défense».
Honoré de Balzac, In Ferragus - Histoire des Treize
L'histoire des Treize, du très Honoré de Balzac, contient trois histoires. La première, Ferragus, est dédié au musicien Hector Berlioz. La seconde, La Duchesse de Langeais, est offerte à Franz Liszt. Le dédicataire de la troisième, La Fille aux yeux d'or, est le peintre Eugène Delacroix.
Et vous le rouvrirez, ce livre, ou vous l'ouvrirez, un soir avec un verre de Marsannay. Pour l'accompagner, pourquoi ne pas écouter la musique de César Franck ? Mettez le Panis Angelicus. Et quand la musique s'arrêtera, vous serez loin, très loin dans l'Histoire des Treize.
Trilogie balzacienne, premier volet
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dimanche, 27 janvier 2013
Si loin d'Olonne...
Qui suis-je ? Cela importe peu. Pourtant, je me pose parfois la question...
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Ces bêtes qu’on abat : Une coche assoiffée
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Une coche assoiffée
Voici comment on pourrait définir prosaïquement un abattoir : c’est un lieu où l’on abat des animaux pour la consommation humaine. Cela répond à une demande sociale, qui est celle de consommer de la viande. Notons tout de même qu’il existe des personnes qui ne mangent pas de viande, selon un choix délibéré. Cependant, le passage brutal de la vie à la mort doit s’effectuer avec le moins de souffrance possible. Des responsables d’abattoir font cet effort. Ils agissent ou mettent en place des aménagements qui permettent d’améliorer les conditions d’abattage. Il existe des aménagements qui répondent à un cahier des charges, lui-même parfois établi pour répondre à un objectif de marketing. La prise en compte du bien-être animal dans la publicité séduit souvent le consommateur. Il faut être vigilant et s’assurer que les actions entreprises sont réellement destinées au bien-être des animaux.
Truie en très mauvais état, laissée sans soins dans un élevage et emmenée à l’abattoir, déposée encore vivante sur le quai de l’abattoir…
Phot Jean-Luc Daub
Cette année encore, je remercie les responsables d’abattoirs qui agissent dans leur établissement de façon désintéressée pour éviter un mal-être animal et cela même cinq minutes avant la mort de l’animal. Je sais qu’il n’est pas évident d’installer ou de mener des actions dans ce cadre, alors même que cela ne rapporte pas plus d’argent et qu’aucune personne extérieure à l’abattoir n’est là pour le voir. Mais, chaque effort n’a pas forcément besoin d’être vu et d’être en attente d’une reconnaissance. Le simple fait de l’entreprendre est une démarche humaine qui grandit l’individu.
Ô combien il est important pour l’animal de ne pas être mené avec brutalité, d’être abreuvé à son arrivée, de ne pas assister à la mise à mort de ses congénères, d’être isolé des bruits métalliques et des cris poussés par les autres animaux dans le couloir de la mort, d’être étourdi convenablement afin de ne pas être saigné en pleine conscience, d’être abattu avec le matériel approprié et sans brutalité.
Truie ne pouvant pas marcher présentant des traces de frottement sur le sol qui sont dues à son chargement coûte que coûte dans le camion qui l’a emmenée à l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub
Je sais que de nombreux responsables travaillent déjà dans ce sens alors même que les normes sanitaires prennent bien souvent la priorité. L’amélioration des conditions de travail, le respect et la prise en compte de l’animal, permettent à l’individu de participer à une démarche humaine qui, dans un pays développé comme la France, ne devrait aller qu’en s’améliorant.
Vache abattue sur place à ma demande car elle ne pouvait plus marcher. Les employés voulaient la traîner vivante avec un petit tracto-pelle jusqu’au poste d’abattage.
Phot Jean-Luc Daub
Lorsque je visitais un abattoir, un seul animal gisant sur le quai de déchargement où agonisant dans un box retenait toute mon attention. Et cela, même si l’abattage des 500 à 800 cochons tués par heure se déroule normalement.
J’ai une pensée particulière pour une coche (une truie, vous le savez maintenant) qui, dans un abattoir, gisait à terre sur le flanc, dans l’incapacité de se relever. L’état dans lequel elle se trouvait n’avait rien à voir avec la responsabilité de l’abattoir (mais elle avait quand même été déchargée, et tirée par un câble actionné électriquement jusqu’au poste d’abattage. Cette coche provenait d’un élevage intensif où, durant sa courte vie, elle était restée prisonnière d’une cage métallique. Le rendement lui imposait de mettre au monde des porcelets à une grande fréquence. Ces porcelets eux-mêmes étaient destinés à grandir dans des élevages concentrationnaires, pourtant autorisés.
La pauvre bête était trop usée. Faute de n’avoir pu se reposer entre les mises bas et de n’avoir pu gambader dans des espaces sans barreaux, elle ne pouvait ni marcher, ni se tenir debout. Elle était restée affaiblie et sans soins durant plusieurs semaines sur le lieu d’élevage. Souvent, comme d’autres dans le même état, ces coches ne partent à l’abattoir que lorsque le départ d’un lot entier est prévu. Une économie de transport et de soins vétérinaires peuvent-ils justifier de laisser sur place un cochon ou une coche blessés, en attente du départ d’un camion. Certains abattoirs ou coopératives ont prévu des navettes spéciales pour ce genre d’animaux. Mais cela n’est pas encore répandu.
Arrivée à l’abattoir, cette coche attendait son tour dans le local d’abattage. Elle avait auparavant été tirée au bout d’un câble métallique à même le sol, du quai de déchargement jusqu’au poste d’abattage, éraflant un peu plus les plaies qui recouvraient son corps. Son chargement dans le camion s’était effectué de la même façon.
Le regard livide et empreint de tristesse reflétait la vie misérable qu’elle avait eue. Même son attente vers la mort ne lui laissait présager aucun réconfort.
Il m’était inconcevable de ne rien faire pour elle, même si dans l’absolu, je ne pouvais pas la sauver. La seule chose possible était d’exiger que son abattage intervienne rapidement. Mais avant cela, pris d’un sentiment de pitié (ce qui ne devrait rien avoir d’exceptionnel), je me suis saisi d’un tuyau de nettoyage dont j’ai actionné le robinet. Attirée par l’eau fraîche et claire qui coulait agréablement, la coche à relevé la tête. Je me suis approché d’elle et je l’ai fait boire. J’ai cru qu’elle ne s’arrêterait plus jamais. Pourquoi cette truie était-elle si assoiffée ? Au bout d’un moment, après avoir été observé en train de faire quelque chose de peu habituel, j’ai retiré le tuyau de sa bouche. Elle a reposé sa tête sur le sol. Son regard semblait montrer de l’apaisement. Je ne pouvais rien faire de plus, excepté lui gratouiller la fine peau juste en dessous de ses yeux bleus.
J’ai fait ensuite quelques pas en arrière et j’ai laissé le personnel de l’abattoir accomplir son travail.
S’inscrire dans une logique de productivité et d’économie, de procédures administratives, pousse l’homme à devenir lui-même une machine incapable de réagir dans l’immédiat aux situations qu’il n’a pas prévues ou qu’il n’a pas voulu prévoir. En raison du conditionnement, l’homme se dépersonnalise et refoule sa sensibilité sous prétexte de servitude à la production et à l’économie humaine. À tous ceux du milieu de l’élevage, des abattoirs, aux représentants des services d’inspection de ces milieux, je dis qu’aucune action menée pour l’animal n’est futile, inutile et encore moins honteuse. Agir dans ce sens ne déprécie pas l’intervenant, mais au contraire cela permet de faire humblement grandir la personne humaine. De nombreux professionnels sont déjà soucieux du bien-être animal et de son respect, ainsi que de l’application des textes réglementaires relatifs à la protection animale. Mais force est de constater qu’il y a encore beaucoup à faire dans le milieu des abattoirs !
Toutefois, l’indifférence anime encore des professionnels qui laissent en situation de souffrance de nombreux animaux.
Truie déchargée au treuil, ce qui est interdit.
Phot Jean-Luc Daub
Notre rôle est de leur faire prendre conscience de ce véritable problème et de les pousser à réagir en faveur de ces êtres innocents et dotés d’une réelle sensibilité.
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vendredi, 25 janvier 2013
Crachats du temps
Une oeuvre de Hanno Buddenbrook, traduite par le comte Mölln aidé d'Edith de Cornulier-Lucinière
I
Cendres aux bords des lèvres
Je ne sais si je pourrai survivre à la lutte effroyable que je mène contre mon fantôme intérieur. Il veut danser avec moi. Il dit : même les morts dansent, viens avec nous. Je tente de fuir. Je cours dans la rue, je fend la foule, mais partout où je m'arrête pour souffler, pour reprendre haleine, il est là. Il apparaît. Il sourit. Je me réfugie dans mon lit, mais il est là, entouré autour des draps, et il me prend dans ses bras.
Qui est-il ? J'interroge de mon regard angoissé, mais rien ne me répond. Sa voix est livide, son corps flasque. Les autres, que vivent-ils ? Eux, ils sont chacun dans leur cauchemar, comme moi ? Ou suis-je la seule hors du monde, dans un réel à part, où rien ne coule de source, rien n'est beau ni facile ni tendre ? J'interroge les regards qui m'entourent mais aussitôt, les paires d'yeux les portent ailleurs.
Il faut veiller ; il faut prier. Espérer, attendre, et continuer de garder une lumière, ou une lueur, si petite soit-elle, au fond de soi. Car on en aura besoin pour mourir. Veiller et prier, car nous ne savons l'heure ni le jour de notre adieu au monde.
Dans la ville, je marche, et je rêve d'un jour différent, dans un espace libre : une promenade heureuse sous un ciel gris et long comme mon enfance, mais vide de ces mots et de ces machines, de ces fils et de ces idées qui m'ont vieillie. Un ciel gris, bas et long sur des champs boueux. J'aurais des bottes et du vent dans les cheveux, les joues fraiches. Et je pourrais sentir le mouvement en moi, ce mouvement de la vie qui va vers la mort, avec élan.
Ici, dans la ville, nous sommes des restes de vie qui attendons la mort, sans élan.
II
Tabous blancs
La manipulation mentale et la torture physique sont si semblables. Je bois ma bière au fond du café, un véritable plaisir. Je sirote,je fumote, je pensote. Les gens passent et m'observent ; je les observe en contrepartie.
On m’a interdit d’avoir des relations incestueuses avec la mort. Je ne sais plus où aller.
Oui, il y a le soleil du ciel
Et il y a le soleil mystique
L’un se pare parfois d’arc en ciel
L’autre est toujours psychédélique
Non mon amour tu n’auras pas
Le regard noir que tu voulais
Depuis que tu es partie, mon amour, la mort ne me fait plus peur. Elle est devenue mon amie. Et de temps en temps, quand la ville tourbillonne et que je m’en éloigne mentalement, j’ai l’impression, au fond d’un bar fatigué, de lui payer un verre.
III
Entrailles futuristes
Mon rêve est technologicide. Je crée un logiciel libre pour le cerveau et je l'offre au monde. Mes frères lointains, chacun d'entre vous pourra l'utiliser rapidement. Il faut juste vous reconfigurer. Ensuite, cela marche tout seul. Ça permet de rêver et ça permet d'oublier, sans substances interdites. Il faut juste laisser tomber les vieux concepts, ceux qui gèrent votre cerveau depuis l'enfance.
Hanno Buddenbrook
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mercredi, 23 janvier 2013
Mémoires d’une voyouse
Avertissement
Enfants, ne lisez pas ce qui va suivre.
C’est une histoire avec des salauds, des délits, des remords.
C’est une histoire pour les filous, pour les méchants, pour les gueux.
Hors-la-loi
Je suis une gueuse, une malfrate, une hors-la-loi. Si vous connaissiez tous les crimes que j’ai commis, vous fermeriez cette webpage et vous vous enfuiriez en courant vers des sites moins terribles. Ah ! ah ! ah ! Je fais peur aux bonnes gens, aux honnêtes gens, aux petites gens et même aux gens qui ont de l’entregent.
Toutes les histoires que j’ai vécues dans ma vie ont fini comme dans un film noir : course poursuite avec la police, batailles, hurlements, prison. Mais l’histoire que je veux vous raconter tourne différemment.
Adieu Johnnie Walker
En ce temps là, j’avais arrêté de boire. Quand une hors-la-loi arrête de boire, c’est TRES dangereux.
Pourtant, il le fallait. Le docteur m’avait dit : « c’est Johnnie Walker ou vous ». Johnnie Walker, c’est le type qui est dessiné sur les bouteilles de whisky.
-
En êtes-vous sûre, docteur ? Lui demandai-je effrayée.
-
Sûr.
-
Dis-moi la vérité, minable ! Lui hurlai-je en pointant Coco sur son cœur. (coco, c’est mon flingue. Coco était mon meilleur ami).
-
Hélas oui, répondit courageusement le docteur.
J’ai donc dit : Adieu Johnnie Walker. J’ai rempli mon frigo de jus de fruits, de Coca-Cola et de yaourts. J’ai pleuré tous les soirs, mais j’ai tenu le coup.
Bon anniversaire, pauvre idiote !
J’avais une longue vie de voyouse derrière moi.
Grâce à mes cachettes et à mon intelligence, les policiers ne me trouvaient jamais. Les gens qui savaient où j’étais n’osaient pas me dénoncer de peur que je les butte avec Coco.
Le soir de mon anniversaire, je m’apprêtais à déguster un immense gâteau à la fraise quand je me rendis compte que je n’avais aucun ami. Mon âme éclata en sanglot (mais mon visage resta très dur).
Je me regardai dans la glace et murmurai :
- Bon anniversaire, pauvre idiote !
Je pointai Coco vers mon cœur, mais il refusa de me planter.
- Que ferai-je sans toi ? Me demanda-t-il.
Alors je rangeai Coco dans un tiroir et j’allai me coucher.
Ce soir là, je décidai de transformer ma vie.
Le procès
J’étais en train de me demander comment devenir honnête quand les journalistes, les juges et les policiers me tombèrent dessus. Cela arriva par un soir de septembre. C’était l’automne et Paris était beau.
On m’arrêta alors que je marchais tranquillement sur le boulevard Raspail.
Mon procès fut rapide. Le juge parla avec éloquence.
Il relata mes crimes:
-
17 pompiers remplis d’hématomes, tous malmenés par l’accusée à la fin d’une rixe dans le terrible quartier de Pigalle.
-
4 hommes et 5 femmes séduits et manipulés par l’accusée pour lui donner de l’argent.
-
480 tonnes de chocolat, bonbons et yaourts à la fraise volés par l’accusée dans 140 magasins.
-
Une vieille femme effrayée et contrainte de laisser l’accusée jouer avec son chien yorkshire.
A la fin du procès, le juge cria : « qu’on jette l’accusée en prison ! » Des applaudissements s’élevèrent dans la salle. On me menotta, on m’emmena.
Au trou !
Au trou (c'est-à-dire en taule, en cabane, au violon, au placard, en prison), je réfléchis beaucoup.
Trois religieux vinrent me parler de Dieu. Cela m’intéressa mais je n’arrivai pas à choisir entre les trois religions, alors je laissai tomber.
Les mois passaient. Peu à peu, j’arrêtai de ricaner en pensant aux coups que j’avais faits.
Au bout d'un moment, je commençai même à lire des livres.
Enfin, je décidai d’arrêter cette vie de perdition et d’écrire l'histoire de ma vie.
Ma rédemption
J’étais respectée dans toute la prison. Les autres filles me craignaient. Elles me donnaient leur dessert.
L’une d’elle s’appelait Stella. Elle m’apprit à parler avec mon cœur. Nous rêvions de marcher ensemble dans la ville, en liberté.
- Tu sortiras d’ici avant moi, me disait-elle.
- Je préparerai tout pour notre vie, répondais-je. On aura notre frigo, des fenêtres sans barreaux, un chat.
La veille de ma sortie de prison, elle me prit la main. « Je sais que tu m’oublieras, me dit-elle, mais sache que tes yeux ont transformé ma vie ».
« Je ne t’oublierai pas », pensai-je dans ma tête.
L’amitié
Quand je sortis de prison, la lumière de la vie me stupéfia. Lors de mon procès, la société m’avait confisqué sans vergogne mes biens durement volés. Dépitée, je décidai de gagner ma vie honnêtement. Je trouvai un boulot dans un bar.
Le jour, je servais dans un restaurant des assiettes de fromage et des chocolats chauds à d’honnêtes gens.
La nuit, je me réfugiais dans ma piaule, au septième étage d’un immeuble. Par la fenêtre, les toits de la plus belle ville du monde m’apparaissaient éclairés par la lune. J’écrivais ma vie palpitante sur mon ordinateur. Je racontais tous mes coups, toutes mes planques, tous mes secrets, pour publier mes mémoires à titre posthume. Mon œuvre s'appellait : les Mémoires d'une voyouse.
Parfois je regrettais Coco. La vie est si facile quand on peut pointer son flingue sur les gens énervants ! Mais je pensais à Stella. Elle et moi, nous nous étions promis de devenir sages comme des images. Un jour, elle sortirait de prison… Alors la vie serait douce comme l'amitié.
FIN
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Edith de CL
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mardi, 22 janvier 2013
Le balcon de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva : l'Oiseau de neige
L'oiseau de neige
Addendus : SORTILEGES
"J'ai vu deux oiseaux dans la neige
L'un était noir, l'autre tout blanc.
J'ai vu deux oiseaux dans la neige
La belle rêve au bois dormant...
J'ai vu deux chevaux dans la neige
L'un était noir, l'autre tout blanc.
J'ai vu deux chevaux en cortège,
Ne m'ont pas dit pour quel amant...
J'ai vu deux tombeaux sous la neige.
L'un est-il noir, l'autre tout blanc ?
J'ai vu deux tombeaux - mais que sais-je
Des froides noces des gisants ?
Venez, revenez, sortilèges...
L'hiver est noir et long le temps.
Venez, revenez, sortilèges :
Derrière chez moi, y a un étang".
Didier Rimaud.
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Lettre à ma mutuelle
Le 21 janvier 2013
Chère madame,
Je reçois la lettre par laquelle, en me remerciant de ma confiance, vous m'envoyez l'avis d'échéance de mes cotisations 2013.
Hélas ! Toute ma confiance sera inutile. L'augmentation stupéfiante que vous m'imposez arrive à un moment où mes revenus sont loin de connaître une telle expansion.
Il me sera impossible de m'acquitter de ces grasses cotisations. Je suis dans l'obligation de résilier notre contrat et ai déjà suspendu les prélèvements automatiques.
Je renonce donc à avoir une mutuelle, car, comme l'aurait écrit Molière s'il vivait à notre époque, « Il faut une mutuelle pour vivre et non pas vivre pour avoir une mutuelle ».
Je vous prie de recevoir, chère madame, l'expression de ma grande considération,
Édith de Cornulier
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lundi, 21 janvier 2013
sous l'Empire et dans Paris
«Il s'est rencontré, sous l'Empire et dans Paris, treize hommes également frappés du même sentiment, tous doués d'une assez grande énergie pour être fidèles à la même pensée, assez probes entre eux pour ne point se trahir, alors même que leurs intérêts se trouvaient opposés, assez profondément politiques pour dissimuler les liens sacrés qui les unissaient, assez forts pour se mettre au-dessus de toutes les lois, assez hardis pour tout entreprendre, et assez heureux pour avoir presque toujours réussi dans leurs desseins; ayant couru les plus grands dangers, mais taisant leurs défaites ; inaccessibles à la peur, et n'ayant tremblé ni devant le prince, ni devant le bourreau, ni devant l'innocence ; s'étant acceptés tous, tels qu'ils étaient, sans tenir compte des préjugés sociaux; criminels sans doute, mais certainement remarquables par quelques-unes des qualités qui font les grands hommes, et ne se recrutant que parmi les hommes d'élite. Enfin, pour que rien ne manquât à la sombre et mystérieuse poésie de cette histoire, ces treize hommes sont restés inconnus, quoique tous aient réalisé les plus bizarres idées que suggère à l'imagination la fantastique puissance faussement attribuée aux Manfred, aux Faust, aux Melmoth, et tous aujourd'hui sont brisés, dispersés du moins. Ils sont paisiblement rentrés sous le joug des lois civiles, de même que Morgan, l'Achille des pirates, se fit, de ravageur, colon tranquille, et disposa sans remords, à la lueur du foyer domestique, de millions ramassés dans le sang, à la rouge clarté des incendies».
Honoré de Balzac, Histoire des Treize, 1831
L'histoire des Treize, du très Honoré de Balzac, contient trois histoires. La première, Ferragus, est dédié au musicien Hector Berlioz. La seconde, La Duchesse de Langeais, est offerte à Franz Liszt. Le dédicataire de la troisième, La Fille aux yeux d'or, est le peintre Eugène Delacroix.
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dimanche, 20 janvier 2013
Ces bêtes qu’on abat : Des infractions qui ont toujours cours
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Des infractions qui ont toujours cours
Je vais vous parler maintenant d’infractions qui perdurent. Le premier grand succès législatif en matière d’abattage, c’est le décret de 1964 qui réglementait la contention et la mise à mort des animaux de boucherie et de charcuterie. S’en est suivi le décret du 1er octobre 1980, du 18 mai 1981, une Directive Européenne de 1993, le décret du 1er octobre 1997 accompagné de l’arrêté du 12 décembre 1997, qui était tout simplement la transcription en droit français de la Directive Européenne.
On peut apprécier le décret de 1964 qui rendait obligatoire l’étourdissement des animaux avant leur mise à mort, sauf pour les abattages rituels et la corrida. Mais ce qu’il est important de relever, c’est la difficulté ou la mauvaise volonté à appliquer la réglementation en matière de protection animale, alors même que les Services Vétérinaires se trouvent dans les abattoirs. Depuis 1964, et comme cela est réitéré dans les différentes réglementations, il est interdit de suspendre un animal vivant par les pattes. Pourtant, cela se pratique encore dans certains abattoirs. La Directive Européenne n°93/119 sur les abattages, qui date de 1993 mais qui n’a été retranscrite en droit français qu’en 1997, redéfinit les règles de protection animale qui existaient déjà en grande partie dans les textes précédents. L’arrêté et le décret de 1997 devaient permettre de passer la vitesse supérieure, or cela fait plus de dix ans (depuis ce dernier texte), et en réalité plus de vingt, trente, voire quarante ans que certaines infractions perdurent, laissant souffrir les milliards d’animaux qui passent par l’abattoir.
Notons que le Code rural dans son Article 283-1 précise : « Les vétérinaires inspecteurs, qu'ils soient fonctionnaires ou agents contractuels de l'Etat, ont qualité, dans les limites du département où ils sont affectés, pour rechercher et constater les infractions aux dispositions des articles 276 à 283 du présent code sur la protection des animaux domestiques et des animaux sauvages apprivoisés ou tenus en captivité et des textes réglementaires pris pour leur application ». C’est donc bien à eux que revient la charge de protéger les animaux dans les abattoirs, cette charge que j’assumais pleinement pour le bien des animaux. Lorsque je venais visiter un abattoir, il m’a souvent été opposé que les agents des services vétérinaires étaient déjà là pour faire ce travail.
Pour autant, dans une circulaire interne du Ministère de l’Agriculture en date du 24 juin 1998, le signataire explique la nécessité de mettre en œuvre le décret de 1997, qui reprend pourtant en partie les dispositions précédentes. Je cite la circulaire adressée aux préfets et aux directeurs des Services Vétérinaires : « J’insiste sur la nécessité de veiller particulièrement désormais au respect des conditions de protection animale notamment dans les abattoirs, sur les lieux d’élevage, ainsi que dans les couvoirs. En effet, ces postes ont trop souvent été négligés… ». (C’est moi qui souligne). Un premier constat avoué : « Mais que fait la police ? ».
Mais voilà une douzaine d’années que cette circulaire a été adressée à qui de droit, et les infractions persistent. Je ne vais en citer que quelques-unes.
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On constate encore l’absence de contention mécanique obligatoire pour l’abattage rituel des animaux destinés à la consommation religieuse juive et musulmane.
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Encore beaucoup de boîtiers électriques qui alimentent les pinces à électronarcose sont dépourvus d’un système sonore, lumineux ou d’un voyant indiquant la tension et l’intensité du courant. Ils sont d’ailleurs trop souvent éloignés du lieu de la tuerie.
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L’intensité et la tension du courant ne sont pas toujours adaptées à l’animal lors de l’électronarcose. Une uniformisation du matériel est nécessaire et une formation à l’utilisation de la pince électrique pas seulement obligatoire mais effective, et ceci afin d’éviter des souffrances aux animaux lors de son emploi. Car en effet, il est constaté une incompétence
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ou une mauvaise utilisation par le personnel dans le maniement des pinces à électronarcose manuelles.
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On suspend encore des animaux vivants avant la saignée, surtout dans le cadre de l’abattage rituel, au lieu d’utiliser un piège de contention pourtant obligatoire. Dans ce cas, l’interdiction de procéder à un abattage sans étourdissement devrait être imposée par les services vétérinaires qui sont sur place dans les abattoirs concernés.
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La suspension des animaux vivants avant la saignée pour accélérer les cadences de production ne doit pas être une pratique banalisée, mais plutôt sanctionnée.
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On utilise en rituel des box pièges pour des veaux, alors qu’ils sont agréés et destinés à de gros bovins.
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On met parfois plusieurs veaux dans un box rotatif ou une case en béton, jusqu’à trois ou cinq pour les étourdir, alors qu’il faut tuer les animaux les uns après les autres, et qu’il faut être rapide entre l’étourdissement et la saignée.
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On effectue un étourdissement dans la nuque des veaux, en lieu et place de la partie frontale, pour ne pas abîmer la cervelle afin de la commercialiser. Cet étourdissement n’est pas réglementaire, il est inefficace et douloureux pour le veau, selon un vétérinaire.
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En abattage rituel, les bovins sont parfois évacués du box piège et suspendus conscients car, après l’égorgement, les employés n’attendent pas la fin de la saignée avant de les suspendre. C’est pourtant obligatoire. (J’ai déjà vu dans un abattoir, il y a plusieurs années, qu’on commençait à découper la tête ou les pattes alors que les bovins perdaient seulement leur sang et n’étaient pas encore morts).
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En abattage d’urgence, on constate que les animaux blessés (notamment les vaches) ne sont pas toujours abattus tout de suite, comme il se doit et selon le caractère d’abattage d’urgence, mais qu’ils sont laissés en souffrance dans le local.
De même, les conditions de chargement et déchargement des animaux blessés reste également à revoir.
Encore trop de cochons ou de truies, blessés ou dans l’incapacité de se mouvoir ne sont pas abattus là où ils se trouvent comme la loi l’exige, c’est-à-dire dans le camion ou sur le quai. Au contraire, ils sont tirés coûte que coûte au bout d’un câble métallique jusqu’au poste d’abattage, et parfois suspendus au bout d’un treuil. Parfois ces animaux peuvent être laissés sur le quai toute la nuit.
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Des animaux dont l’inaptitude aux transports est prévue par les textes pour les protéger sont toujours véhiculés jusqu’à l’abattoir, et trop souvent sans retour par un PV que peuvent dresser les services vétérinaires.
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Il y a aussi le problème de la compétence de certains sacrificateurs en abattage rituel, notamment pour les sacrificateurs musulmans, car il suffit d’une autorisation des Mosquées agréées pour être apte à devenir sacrificateur, sans avoir de réelles compétences. Bien souvent, il est constaté une absence de l’autorisation en cours de validité.
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Certains abattoirs sont mal équipés pour l’abattage des porcelets.
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L’abreuvement en eau des animaux en attente n’est pas toujours fait.
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Etc.
Toutefois, je dois dire qu’il y a une amélioration dans certains abattoirs qui font maintenant attention à l’animal lors de cette étape de la mise à mort. Il y en a qui s’en sont toujours préoccupés, et la demande du consommateur pour un traitement moins mauvais des animaux d’abattoirs rend certains plus vigilants. J’ai visité récemment un abattoir où, dans la bouverie, de la musique celtique était diffusée pour les vaches en attente. Pourquoi pas ? Dans la bouverie, les animaux profitaient de paille propre et d’eau claire à volonté. Mais était-ce vraiment représentatif ? Car j’avais dû prendre un rendez-vous pour effectuer cette visite : elle était programmée par la direction de l’abattoir.
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