lundi, 18 février 2013
Lumières dans la ville morte
Phot. Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva
Lac de nuit, sur ta rive herbeuse je dansais,
Loin des villes lumière où tout s'éberluait.
C'était l'été naissant, mon père était parti,
Et la voix des amants m'ensorcelait l'esprit.
Entre deux crépuscules, il fallait que j'ordonne
Aux bateaux condamnés dans les Sables d'Olonne,
De naviguer encore et toujours sur le flot
De l'enfance oubliée où gisent les héros.
Lac de nuit, sur ta peau boueuse je dansais,
Loin des villes mystère où tout se mélangeait.
C'était l'hiver naissant, ma mère rentrait tard
Et les cris des voisins jaillissaient dans le noir.
Au milieu de la nuit il fallait que j'annone
La prière des fées, l'hymne de Perséphone,
Quand la faucheuse hantait les immeubles d'en face,
son ombre dessinant des gestes qui terrassent.
Lac de nuit, sur ton onde immense je dansais,
Loin des villes colère où tout s’ébouriffait.
C'était la saison sèche où les larmes tarissent
Et la peur des échecs alourdissait mon vice.
Entre deux solitudes, il fallait que j'invente
Un avenir radieux, un rêve qui m'enfante.
Pourtant le temps passé a déposé des rides
Sans jamais modifier le visage du vide.
EdeCL quelque part en 2012
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dimanche, 17 février 2013
Un autre monde
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Ces bêtes qu’on abat : Témoignages. Aurélie, Jean-Claude, Cécile
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Aurélie, 24 ans, Haute-Savoie
Son approche de l’animal s’est faite alors que ses parents tenaient une exploitation agricole. Le père avait un élevage traditionnel et son frère un élevage intensif. Aurélie est végétarienne depuis six mois, elle consomme des produits laitiers.
La famille du côté de son père est dans l’élevage de père en fils. Si le père appartient au monde traditionnel paysan, le fils, lui, appartient au monde paysan industriel. Le père et le fils travaillent sur la même exploitation. Aurélie reconnaît qu’il est un peu utopique de croire qu’on ne fait pas de mal en ne consommant que des produits laitiers et des œufs. Il existe le mythe de l’harmonie entre l’éleveur et les bêtes. Elle voulait pourtant devenir bergère en faisant une saison dans les Alpes.
Elle en eut l’expérience en Alsace, dans une ferme de montagne. Elle eut un contact direct avec les animaux, le respect était fort dans ce lieu. Mais Aurélie assistait déjà à une forme de souffrance avec les mises bas de cinq à six agneaux par jour. Ces bébés pouvaient boire le lait de leur mère. Un accompagnement idyllique semblait exister, mais la finalité de ces naissances était la transformation en viande de tous les agneaux mâles. Elle comprit donc que la fabrication du fromage posait un problème réel.
Puis Aurélie est partie en Suisse italienne dans une autre ferme, en pensant que le milieu de la bergerie était un monde féministe. Il existe un rapport intime entre l’animal et l’être humain lors de la traite à la main. Elle a dû procéder à la sélection des petits partant pour l’abattoir. Cela lui est resté en mémoire, ce qu’elle, elle appelle « sélection de mort ». Elle a découvert l’expérience de l’organisation familiale à la ferme dans un rapport « femme et fille » et « homme et fils ». L’esclavagiste, selon elle, se trouve des deux côtés. Il y a la beauté de l’indépendance, mais aussi le bon vouloir du berger pour la vie quotidienne des moutons. Lors d’un week-end de Pâques, Aurélie a assisté à la chaîne de vie et de mort des agneaux qui partaient pour l’abattoir. Elle disait qu’elle faisait vivre un être vivant, le nourrissait pour finalement qu’il soit tué. Il existe, dit-elle, une différence entre l’éleveur et le boucher, mais dans les deux cas, c’est la question de la vie ou de la mort qui se pose.
Aurélie mangeait donc de la viande et du fromage, mais elle sentait bien qu’elle n’était pas en harmonie. En tant que femme, le travail qui consistait à enlever les petits à leur mère était délicat. Il provoquait de la souffrance animale. Elle tentait de se mettre dans un rôle de professionnelle, avec un certain détachement. Sur la fin, elle ne voulait plus le faire, pour ne s’attacher qu’au travail des femmes (fromage, travaux intérieurs…). L’éleveur s’interdisait d’avoir des sentiments de culpabilité, il tuait lui-même des petits pour la viande en les assommant avec un bâton avant de les égorger. Les tueries étaient mal faites. Il y avait les tueries de Pâques, pour une tradition religieuse, mais ces agneaux étaient plutôt réservés aux riches, à une élite.
Aurélie a travaillé dans une ferme bio en Italie. Elle y a rencontré M. Tessin qui lui a expliqué qu’il ne fallait pas juste manifester à Pâques lors des ventes d’agneaux, mais tous les jours contre cette production de viande. Aux repas, il y avait tous les jours de la viande, elle reconnaît qu’il y avait abondance, excès, mais elle ne faisait pas encore vraiment le lien entre l’animal et la viande ; cela risquait de remettre en cause la production de fromage. Avec 60 chèvres, il y avait 80 à 100 chevreaux qui finissaient à l’abattoir. On faisait naître des bébés pour la production de lait et de fromage, pour finalement les tuer.
Aurélie a eu une expérience dans un lieu de vie retiré où séjournaient quatre personnes qui étaient végétariennes (dans le cadre d’une ferme française WWOOF, World Wide Opportunities on Organic Farms). Un mode de vie minimal, de l’autosuffisance, de la culture sauvage, de l’eau de source étaient le quotidien, sans aucune machine. Elle a alors rencontré Stefano, Italien et végétalien. Elle a découvert la nourriture végétalienne, un mode de culture sans machine, une vie non fondée sur les biens matériels. Aurélie s’y sentait bien. Germait alors l’idée d’une pratique alimentaire sans production animale. Elle prit conscience qu’il lui fallait renoncer au projet de travail avec les bêtes. « J’ai assisté à la chaîne de vie et de mort des agneaux. »
Jean-Claude, 57 ans, Chaumont
Jean-Claude aime les animaux, il avait dans son enfance des poules, des cochons, des lapins… Il avait de bons contacts avec eux, et quand ils étaient tués, il le vivait comme un drame, avec beaucoup de tristesse et des sentiments de douleur. Il est aujourd’hui bénévole à la SPA (soins aux animaux, promenade…).
Jean-Claude est végétarien, il ne mange pas non plus de poisson, mais des produits laitiers et des œufs. Il a découvert la violence à l’âge de quatre ou cinq ans, lorsqu’on lui tuait ses animaux. Ces événements l’ont traumatisé. À la suite de l’abattage de ses cochons, il s’était dit qu’il pourrait peut-être un jour développer une forme de communication par la pensée pour avertir, par exemple, les animaux de la présence de chasseurs en forêt. Ses sentiments sont si forts pour les animaux qu’il n’écrase pas une araignée. En général, il ne tue pas les insectes. Il était aussi contrôleur laitier, il voyait la vétusté des étables et les vaches à l’attache. Il est devenu végétarien pour les animaux. Il est d’accord pour le végétalisme, mais ça remet en question beaucoup de choses d’un point de vue social ; il faut en effet vérifier tous les ingrédients.
Il n’aime pas trop avoir des animaux domestiques, à cause de la soumission à l’homme. En fait cela dépend de la manière dont on les élève, dit-il. Il n’aime pas le marché des animaux de concours, les lof (comme pour les chiens par exemple)… Quant à la question de l’hippophagie, il est d’accord qu’un cheval cela ne se mange pas, mais pose la question : pour les autres animaux, que fait-on ?
Le végétarisme pour lui, c’est le fait de ne pas manger de viande pour enrayer les élevages intensifs, l’exploitation animale. Il est attristé par ce massacre. Il se sent impuissant en voyant les gens manger de la viande : « C’est désolant », dit-il. Les repas de famille sont difficiles, la question habituelle est : « Par quoi tu compenses ? » Les gens s’imaginent que ne pas manger de viande est un caprice, il reconnaît qu’il a de la difficulté à trouver des réponses à leur donner.
Il travaillait à la SNCF, à l’entretien des voies. Ses collègues étaient sidérés et lui disaient : « Tu ne tiendras pas le coup ! ». Jean-Claude était robuste. Il soulevait des poids lourds. Mais au moment du casse-croûte, il essuyait des réflexions, et il regrette de ne pas avoir eu assez d’assurance pour se défendre. Il en avait particulièrement marre de cette réflexion : « Tu es jeune, tu ne tiendras pas le coup ! ». Mais ses collègues étaient étonnés de ses exploits sportifs et de sa bonne forme physique.
Jean-Claude est allé aux « Estivales de la question animale », qui ont lieu à Parménie chaque année près de Grenoble. Il a fait cette démarche pour clarifier les raisons de son choix. Il souhaitait rencontrer des végétaliens pour comprendre leurs motivations. L’idée que la production des produits dérivés des animaux pose un problème faisait son chemin. Dès l’enfance, mangeant pourtant de la viande, il s’interrogeait sur le fait de manger des œufs puisque après les animaux sont quand même tués. Il est partant pour la consommation de produits bio en faisant des choix alternatifs.
Vers 18 ans, il fit le choix de ne plus manger de viande, sans penser qu’il devenait « végétarien ». Il était apprenti boulanger lorsqu’il prit cette décision. Avec son patron boulanger il a fallu s’expliquer. Puis Jean-Claude s’est marié avec une non végétarienne, mais il n’y a pas vraiment eu de difficulté car elle ne raffolait pas de la viande. Il n’a jamais eu de carence, il était pourtant un grand sportif (course à pied, cyclisme…). Il a même rencontré d’autres végétariens dans le milieu sportif alors que nous étions dans les années 70 / 80.
En 1994, il devient veuf. Il doit nourrir son enfant, il se sent obligé de lui donner de la viande, du lait et du poisson pané. Il adopte alors pour son enfant un mode alimentaire traditionnel. Son fils aujourd’hui est devenu toutefois végétarien par choix personnel.
Cécile, 30 ans, Lyon
Elle n’a jamais vécu avec un animal. La première réflexion de Cécile concernant le sort des animaux est survenue dès l’âge de quatre ans. Les récits de discours sur la prédation par sa maîtresse, à l’école, ont contribué à son refus de manger de la viande. Cécile pleura lors d’un repas lorsqu’elle vit dans son assiette une moule qui était orange. On lui donna des gifles pour la forcer à manger la viande, ce qui eut sur elle un effet traumatique. Elle était punie à chaque repas si l’assiette n’était pas vide. Jusqu’à l’âge de 10 ans, elle recrachait sa viande à la poubelle.
La nuit, pendant son sommeil, elle faisait des cauchemars d’animaux, qui la poursuivaient pour la manger. Elle avait l’angoisse des repas, c’était un cauchemar d’être obligée de manger de la viande. Elle imaginait les bouts de viande d’animaux encore vivants dans sa bouche. Ses parents refusèrent de prendre en compte son désir de végétarisme et la gavèrent de laitages. Lorsqu’elle eut dix ans, ses parents finirent par accepter son refus de viande, mais ils la culpabilisaient en lui disant : « Tu auras des problèmes au travail, avec tes amis et même avec ton mari ! ». Cécile pensait alors avoir un problème avec la nourriture, la chair, et s’excusait auprès des autres.
Vers 29 ans, elle rencontra d’autres végétariens, militants de la cause animale. Elle comprit alors que son choix n’était pas lié à un traumatisme, mais que c’était quelque chose de naturel qui s’imposait à elle. Cécile décida de militer auprès de l’association végétarienne de France. Aujourd’hui, son père ne la comprend toujours pas et sa mère lui dit qu’elle risque d’être entrée dans une secte…
« On ment aux enfants sur ce qu’est la viande en les trahissant, et en leur disant que ce qu’ils ont dans l’assiette n’est pas la même chose que l’animal », dit-elle. Cela est à ses yeux une situation schizophrénique. On participe au mensonge de l’industrie. Quant à l’hippophagie, elle dit qu’il ne faut pas faire du racisme animal en ne se préoccupant du cheval, et pas de la vache et du cochon. Selon elle, « le végétarisme devrait être le mode alimentaire que devraient adopter tous les autres humains, parce que c’est le seul moyen de faire cesser l’esclavage animal dans notre société ».
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samedi, 16 février 2013
Souviens-toi de l'été dernier
«C'était une de ces soirées d'été où l'air manque dans Paris. La ville, chaude comme une étuve, paraissait suer dans la nuit étouffante. Les égouts soufflaient par leurs bouches de granit leurs haleines empestées, et les cuisines souterraines jetaient à la rue, par leurs fenêters basses, les miasmes infâmes des eaux de vaisselle et des vieilles sauces.
Les concierges, en manches de chemise, à cheval sur des chaises en paille, fumaient la pipe sous des portes cochères, et les passants allaient d'un pas accapblé, le front nu, le chapeau à la main.»
Guy de Maupassant - Bel-Ami
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vendredi, 15 février 2013
David Nathanaël blues
Je ne supporte plus certaines relations, les coups au cœur que je reçois (et, peut-être, envoie).
En fait, je ne veux plus souffrir.
Et pourtant, souffrir, c'est vivre et mourir. Ne pas souffrir, c'est comme ne pas éprouver de plaisir. C'est vivre à l'écart de la vie.
Je crois chercher des relations dans lesquelles je ne souffre pas, mais précisément ces relations ne m'apportent pas plus de joie qu'elles ne me causent de souffrances.
Je cherche... Et je ne trouve pas.
David Nathanaël Steene
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jeudi, 14 février 2013
Je suis solitaire
Je suis solitaire, Toi seul es l'ami qui connais mon pas.
Mes yeux sont aveugles, Tu mets la lumière dans ma maison.
Nous sommes ton Peuple, pitié, nous crions vers toi !
Mon coeur n'est que cendres, Ton coeur est le feu du buisson ardent.
Mon corps n'est que lèpre, Tes mains sont la source qui me guérit.
Je vais dans le doute, Tu viens me rejoindre sur mes chemins.
Tu vois ma tristesse, L'Esprit me console en parlant de toi.
La nuit vient me prendre, ma nuit devient jour quand tu prends le pain.
La mort veut me perdre, Ta mort me fait vivre à ta vie de Dieu.
Je me souviens de la mélodie, lente, retenue, triste et belle de ce chant dont je ne trouve plus la trace.
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mercredi, 13 février 2013
Le dogme littéraire de Max Farmsen
Où comment accéder à une écriture somptueuse, ancrée dans le monde qui l'enfante et capable d'intemporalité.
Par Max Farmsen
1 Page après page, la vie des cinq + 1 sens est présente
Les images, les sons, la vie kinéstésique, les saveurs, les odeurs et l'intuition baigne l'histoire, qui reste ancrée à ces moyens d'être au monde utilisés par les hommes.
2 La Disparition de l'auteur
De toi, auteur, de ta vie, de ton nom, de ton histoire, de tes idées, de tes sentiments, de ton milieu, tout doit disparaitre. Personne ne doit pouvoir deviner des pans de ton histoire d'après ton roman.
3 Le narrateur suspend tout jugement de valeur
L'auteur a disparu. Le narrateur est présent dans les phrases, c'est lui qui raconte. S'il est omniscient, il doit s'interdire tout jugement de valeur, même d'allure innocente.
« Par une belle journée de printemps» contient un jugement de valeur. Ce n'est pas au narrateur de décréter si la journée est belle. Peut-être la journée est-elle ensoleillée, ou fraîche ?
4 Tout jugement de valeur implique sa contradiction
Si un des personnage (et parfois le narrateur est un des personnages), émet un jugement de valeur, celui-ci doit être contré quelque part dans le roman, soit par un fait, soit par un jugement contradictoire émanant de lui-même ou d'un autre.
Un roman n'est pas un tract, ni un manifeste, ni une confession personnelle.
5 Le paragraphe contient l'essence littéraire du roman
Extrait de l'ensemble, chaque paragraphe doit pouvoir paraître littéraire et chargé de sens à un néophyte à qui il serait présenté hors contexte.
6 Le roman appartient au peuple dans son ensemble
Il doit être accessible et respectable pour l'ensemble de la population, du peuple : le moins lettré doit y avoir accès, le plus lettré doit en reconnaître l'intelligence.
7 Tout chapitre est organique et capable d'autonomie
Il peut se lire, se comprendre et s'apprécier en lui-même, sans le reste du livre.
8 La langue vise l'intemporel
L'ensemble des phrases et du roman doit être accessible à un lecteur du passé (70 ans avant son écriture) et du furur (70 ans après). C'est un roman à la fois durable et connecté au passé.
9 Présence des mondes végétal, animal, enfantin, psychique et architectural
Monde végéral, monde animal, enfance ; psychisme humain ; bâti et éléments de civilisation, se côtoient et sont équilibrés en proportions.
Si l'un de ces éléments est absent du roman, par exemple le monde végétal si l'histoire se passe entre quatre murs de béton, il doit briller par son absence.
10 La puissante vérité recréée la spontanéïté
La spontanéïté de la vie (sa puissance suggestive) se reflète dans le roman grâce à la limpidité de la forme et à l'authenticité intérieure des expériences racontées.
Le travail élaboré pour respecter les 9 points précédents du Dogme, et particulièrement les points 5, 6 et 8, émousse une certaine spontanéïté de la fugacité, du pris sur le vif. Mais l'épure et la limpidité du style, allié au fait que l'auteur s'interdise d'inventer des émotions qu'il ne connaît pas, corrigent cette patine comme un pilote réoriente son bateau ou son avion en fonction de la réalité, après avoir choisi sa direction d'après ses calculs.
Max Farmsen, le 13 février 2013 avant 10h, au lit
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mardi, 12 février 2013
Le polar enfantin
Séries noires, souris noires
Où comment les grands noms du polar français ont tenté d'effrayer les enfants...
Histoire de la Série noire
Inspirés par les auteurs de roman policier américains (Dashiell Hammett, etc), des écrivains français créent, en 1947 au lendemain de la seconde guerre mondiale, une collection destinée au roman noir, au sein des editions Gallimard. C'est la première fois qu'une telle collection existe en France.
C'est Jacques Prévert qui trouve l'expression "série noire".
Autour de cette série une nébuleuse d'écrivains se forme. Si les institutions littéraires conservatrices continuent de mépriser le polar, ce genre obtient un succès d'estime, comme une forme à la fois plaisante et rebelle d'art (comme le cinéma, le rock...)
Histoire de la Souris noire
Un de ces écrivains de Série noire, Joseph Périgot, est appelé par les éditions Syros, pour créer une collection de romans policiers pour les enfants.
Joseph Périgot a toute latitude pour inventer cette série, il use de cette liberté en décidant qu'il n'ira pas chercher les auteurs de la collection dans le monde de la littérature enfantine, mais dans le monde du polar. Ainsi, ce sera du vrai polar, brut.
Périgot choisit le titre de Souris noire pour la collection, en référence à la série noire des adultes.
Les graphistes et illustrateurs sont choisis avec soin, là encore pas forcément dans le monde de l'illustration enfantine.
Le but est de conserver l'aspect sombre et puissant du polar. Un directeur artistique est nommé : Gérard Lo Monaco.
Ce type de collection pour enfants en choque certains. Ne plongeons pas nos chérubins dans le monde perverti des rues de nuit, des hommes troubles, des femmes perdues ! Le public enfantin des débuts de la Souris Noire restait un public d'initiés, dont les familles et le milieu sont particulièrement ouverts. Mais, la dégradation des moeurs, ma bonne dame, alliée à la déflagration de la liberté de pensée, chers concitoyens, ont quelque peu amolli l'aspect polardesque du polar pour chiards en couches-culottes.
Il n'empêche que l'émergence de Souris noire fait date dans l'édition jeunesse : c'est une expérience de mariage entre deux paralittératures (enfantine et polar), qui a contribué à démontrer aux écrivains de littérature générale qu'écrire pour le public enfantin peut être une expérience littéraire passionnante et artistique.
Par ailleurs, Souris noire a contribué à prouver que les enfants pouvaient lire autre chose que des contes ou des albums illustrés "sages".
Esthétique
La collection souris noire accorde beaucoup d'importance à l'esthétique de ses livres et à l'unité graphique des illustrations.
Depuis sa création, Souris noire a subi deux évolutions.
Evolution du graphisme de la Souris noire
Première période :
Deuxième période :
Troisième période :
Les titres
Sèvres-Babylone
Yacoub le fou
La nuit du voleur
L'assassin habite à côté
Albums illustrés
Nous présentons des albums des années 1990, qui, dans le domaine de "l'édition jeunesse", font déjà figure de classiques.
La reine des fourmis, de Fred Bernard et François Roca
DUO
Le duo Bernard-Roca a réalisé de nombreux albums illustrés.
Fred Bernard et François Roca
QUELQUES ALBUMS
STYLES
Le style, très littéraire, de Bernard, met une belle langue française au service des enfants.
Des trois niveaux de langues que j'appris à distinguer en cours de français, le langage soutenu, le langage courant, le langage familier, Fred Bernard reste toujours dans le langage soutenu.
STYLE OU PLAGIAT ?
François Roca est passionné par la peinture américaine du XX°siècle, qu'il a contribué à faire connaître auprès d'un large public en France, car ses propres images contiennent souvent des citations de peintures américaines.
Les peintres dont il fait des citations : Hopper, Remington, Waterhouse, Wyeth.
D'où l'accusation de plagiat. Je n'ai pas bien suivi l'histoire, et demeure partagé. Je ne comprends pas qu'une oeuvre soit aussi remplie de citations, cela me parait louche. En même temps, je ris (ah ah ah ah ah !) devant l'inculture totale des accusateurs, qui ont vu passer, placidement, durant de nombreuses années, les albums de Roca en y voyant que du feu. Il a fallu leur mettre le pot aux roses sous ne nez pour qu'ils tombent des nues !
LA REINE DES FOURMIS
Je n'ai quoi qu'il en soit pas trouvé de copie dans la Reine des fourmis. Cet album intéressant propose une enquête policière, mais l'univers de noirceur du polar n'est pas là.
L'histoire est la suivant : la reine des fourmis a disparu. Deux fourmis sont mandatées pour mener l'enquête. Elles partent de leur forêt tropicale et entament un long voyage qui les mènera jusqu'au Muséum d'Histoire naturelle de Paris, où elle pourront libérer leur reine et la ramener dans leur lointain pays.
Le Muséum d'histoire naturelle est admirablement décrit ! Le dessinateur y a passé des heures, et tous les lieux et les animaux empaillés sont parfaitement représentés.
Cette description réaliste du Muséum participe du genre du roman policier, souvent soucieux de détails, décrivant des lieux des villes avec précision.
Quelques images :
Yvan Pommaux :
une nuit, un chat et la série des Chatterton
Une nuit, un chat : le polar au biberon
Les Chatterton, d'Yvan Pommaux
Yvan Pommaux a la particularité de s'adresser aux très jeunes enfants. "Dès 3 ans", indique l'éditeur. Pommaux relève le défi incroyable de faire une oeuvre d'art, pleine de recul et d'humour, tout en y instaurant assez de poésie et de douceur pour faire rêver les petits enfants.
Le style graphique
Pommaux opère une stylisation à l'extrême de tout l'univers du polar. Description visuelle de la ville, de ses trottoirs sales, de ses bas-fonds. Pour montrer la foule bigarrée des villes, les différences d'univers, il utilise l'anthropomorphisme : ses personnages sont des animaux et des hommes mélangés.
Quant au personnage du détective, il est lui aussi stylisé à l'extrême : un condensé de clichés fait exprès.
Les citations
La série des Chatterton fait appel aux vieux contes de Perrault. Pommaux réutilise les contes du XVII°siècle, mais les transforme en polar.
Pommaux fait passer également, à travers les dialogues et les images, des références au roman policier américain des années 40-50, au cinéma, à l'art classique et moderne (peintures, sculptures)
L'atmosphère des mégalopoles de nuit, leurs grands squares qui se transforment en terrains de jeu pour une faune bien différente de celle des nourrices et des zenfants qui les hante le jour...
Tout cela procure aux enfants une initiation à la sombreur du monde parallèle. Les contes de fées reprennent leur force vitale de prévention contre le crime, parfois, peut-être, d'incitation dissimulée à la transgression.
Lilas
Yvan Pommaux s'attache à décrire les aspects oubliés de la ville Gouttières, poubelles, les portes du monde des déchets se révèlent à nos yeux qui cherchent d'habitude à les éviter. Cela permet au lecteur de petite taille ou promené dans une poussette de voir dans son livre le monde tel qu'il le voit, lui qui a encore les yeux au ras du sol.
Notons la foule bigarrée qui hante les albums chattertoniens. Chiens, chats, humains, tigres hantent la même ville, s'observent, se confrontent, et, parfois, oublient les convenances pour vivre une belle histoire d'amour...
Maestria
Pommaux a réalisé une oeuvre aussi exceptionnelle qu'elle a l'air facile d'accès. Tout est facile, très lisible, les images semblent lisses... Derrière cette simplicité, un immense travail est dissimulé.
Son plus grand succès est de faire cohabiter l'univers très noir du polar et du suspense, et l'illustration pour les tout-petits.
Sarah Moon et le chaperon rouge
Née en 1941 en France et exilée en Angleterre à cause de la guerre, la photographe Sarah Moon mène une carrière franco-anglo-américaine.
Elle a publié aux éditions Grasset, en 1986, Le petit chaperon rouge, une illustration photographique du Conte de Perrault.
CONTE CRUEL
Loin de l'aseptisation du texte à laquelle nous avait habitué Walt Disney, Sarah Moon illustre l'histoire à la lumière de la psychanalyse et de l'étude des contes.
Si elle garde le texte de Perrault tel quel, Sarah Moon photographie dans la ville. Ainsi, on lit "elle se promenait dans les bois" et on la voit marcher dans les rues d'une ville, longeant les immeubles.
Ce n'est pas un loup que la fillette rencontre, mais un homme...qui se transforme en loup dans une chambre à coucher.
POLAR
Toute l'atmosphère est celle d'un polar, d'un film noir.
CLASSEMENT IMPOSSIBLE
Le petit chaperon rouge de Sarah Moon n'a pas de place dans les librairies. On le trouve parfois en "littérature enfantine", parfois en "bande dessinée", parfois dans les rayons d'art photographique.
QUELQUES IMAGES
Le petit chaperon rouge :
La rencontre avec le loup :
L'agression :
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dimanche, 10 février 2013
Dernier voyage en Amérique
Mais ce que je vous propose ce soir, c'est de mettre la musique d'Angelo Badalamenti et de partir en voyage dans les photographies de Todd Hido. Parce que la buée de sa voiture rend les routes plus floues, les nuits plus mystérieuses ; parce que l'aube américaine s'y dévoile comme jamais.
Parce qu'il photographie la preuve du Grand Crime des banquiers et de l’État : les maison abandonnées par les familles qui ne pouvaient plus payer les traîtresses traites mensuelles. Mais toi, État américain, tu aurais dû imposer, par une loi, que les familles restent dans ces maisons qu'on n'aurait jamais dû leur vendre puisqu'elles n'avaient pas les moyens de les payer. Au lieu de cela tu as aidé les banques et tu as laissé les familles partir sur les routes et tomber dans la misère. Tu es l'un des pays les plus riches du monde et tu es l'un des plus cruels, comme ton épouse ignare et indigne, l'Arabie Saoudite. Vous croulez sous l'argent et vous assassinez vos peuples. Vous rentabilisez tout ce que vous touchez et vous créez de la misère. Familles américaines, on vous avait fait croire à un rêve. Mais ce rêve, la maison, est loin derrière vous. Il a le goût amer des cendres et la douleur des blessures mal recousues.
Quelque part en France, quelqu'un qui lit AlmaSoror, écoute la musique de Badalamenti et rêve devant les photos de Todd Hido. Dans cent ans nous serons morts depuis longtemps. Nous aurons cessé d'imaginer ce que peut-être le rêve américain et d'autres rêveront d'autres rêves, comme s'ils étaient éternels.
Les sociétés se suivent et se ressemblent toutes. En dépit d'une croyance religieuse en la bonté des hommes, en la sagesse de leurs institutions, nos coeurs sont broyés par l'implacable marteau du pouvoir. Sur nos terres dévastées, dans nos fuites éperdues, quelques rencontres nous réchaufferont, l'espace d'un instant. Un rayon de lumière venue du ciel, une main chaude qui presse notre épaule, quelques instants de rémission avant la reprise d'une vie de bagnard.
Qu'importe que nos vies soient broyées ? N'est-elle pas mille fois meilleure que la vie des poussins mâles des élevages industriels, déglutis par centaines, par milliers, dans de longs tuyaux de la mort et broyées par d'efficaces machines ?
Qu'importe que nos vies soient broyées si nous avons embrassé un être aimé, pardonné à un ami, prié pour la rédemption de notre âme ? Ceux qui gagnent volent ; ceux qui perdent se sauvent. Et dans sur la longue route du temps, le souvenir de nos existences s'efface.
Dans la route frappée par le vent, la vision de nos corps s'efface.
Sur la route que nous foulions, la trace de nos pas s'efface.
Edith de CL
J'ai glané sur Internet les photographies de Todd Hido et la musique d'Angelo Badalamenti
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Ces bêtes qu’on abat : Que faire ?
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Que faire ?
Dans les élevages intensifs et concentrationnaires, une tenue réglementaire est indispensable : combinaison propre, bottes passées dans un bac à pédiluve pour détruire tout microbe, charlotte pour les cheveux. Il est même des lieux d’élevage où une pancarte mentionne l’interdiction à toute personne d’entrer, hormis le propriétaire, les salariés, ou les services vétérinaires. Ces mesures sont prises pour éviter toute contamination par des microbes provenant de l’extérieur. Le milieu est aseptisé. L’argument avancé est le souci sanitaire et notre sécurité alimentaire. Mais la face cachée est la misère animale. Les conditions d’élevages déplorables, la sélection génétique ont rendu les animaux si faibles, que même la poussière est à combattre. Les animaux, machines à viande, sont si fragiles, par manque d’immunité naturelle, qu’ils attrapent n’importe quelle maladie.
Ici, l’élevage ne consiste pas à mener à l’âge adulte, mais à faire grossir, à développer de la chair, à faire de la viande. L’animal n’est rien d’autre qu’une chose à produire de la viande. Les éleveurs raisonnent en GMQ (Gain Moyen Quotidien), ce qui correspond à la prise de poids en grammes par jour. Par exemple, pour un jeune porc qui va entrer en phase d’engraissement, et qui est maintenu en bâtiment dans le noir complet, sur un sol en caillebotis, s’il a un poids de 36,89 kg à sa date d’entrée, et s’il en ressort pour l’abattoir avec un poids moyen de 123 kilos, l’éleveur déterminera le GMQ de 916 grammes atteint par jour. Ce GMQ est très maîtrisé. La nourriture est programmée et donnée en conséquence, en contrôlant l’IC (l’Indice de Consommation), c’est-à-dire la quantité d’aliment nécessaire pour que l’animal grossisse d’un kilogramme. La prise de poids est maîtrisée par la seule alimentation dans un contexte d’élevage où l’animal n’a aucune activité physique. Il est inutile de donner trop d’aliment, même si l’animal a encore faim, car il y a un seuil à partir duquel l’aliment se transformerait en graisse et non en viande ; or ce qui est valorisé en « poids carcasse » à l’abattoir, c’est la viande. Sur le site Web d’un éleveur porcin, on peut lire que « le but de l'élevage porcin est de produire à moindre coût et dans les meilleures conditions possibles des porcs charcutiers d'environ 110 Kg de poids vif destinés à l'abattoir et à la transformation en charcuterie ». Voilà qui a le mérite d’être clair. Ce qui pousse également l’éleveur à obtenir un porc sans gras, c’est l’indice exigé par les abatteurs / transformateurs : le TVM (Taux de Viandes Maigres). L’abatteur / transformateur a un cahier des charges qui répond à un certain système de transformation et de résultat de produits finis. L’animal, surtout le porc, n’est qu’une chose, une sorte de matière première prise dans un processus de transformation en produits finis et standardisés.
Pour l’élevage des taurillons, les éleveurs maîtrisent assez bien le GMQ et l’IC. Les animaux sont élevés en groupes dans des étables. Ils sont parqués dans des cases, suivant leur âge et leur stade de développement. On ne mélangera pas les jeunes et les moins jeunes, la quantité de nourriture n’est pas la même. Les taurillons en cases sont rigoureusement suivis quant à leur GMQ. Ce sont des bêtes à viande. Ils doivent produire du muscle le plus vite possible, mais l’inactivité ne doit pas favoriser la prise de graisse. C’est pourquoi leur aliment est là aussi rationné. Si les taurillons se dépensaient en se déplaçant dans le pré, ils consommeraient leur nourriture pour la transformer en énergie, et donc perdraient en GMQ. Il faudrait alors leur donner plus à manger pour avoir la même chose. Leur seul bien-être qui leur soit accordé, sans être toutefois une obligation réglementaire, c’est la garniture de paille de leur lieu de vie, à la place du caillebotis qui était utilisé couramment.
Ce n’est certes pas toujours facile pour les éleveurs. Ils raisonnent en termes de coût et de recette, ce sont des gestionnaires, des chefs d’entreprises. Suivant le coût de l’aliment, le cours des viandes, le classement de la carcasse à l’abattoir, tel revenu sera obtenu. Les éleveurs payent leurs charges, leurs factures, puis il leur reste une part de bénéfice ou pas.
Les porcs charcutiers dans les élevages intensifs ont la vie pénible, contrairement à ceux élevés en bio, en plein air, ou en élevage fermier. Leur activité se limite à… l’engraissement dans des centres d’engraissement. Ils sont engraissés dans des bâtiments fermés, aseptisés, sans lumière, trop souvent dans le noir, sans activité possible. Des méthodes d’élevage pourtant validées par l’INRA (Institut National de Recherche Agroalimentaire) et l’ITP (Institut Technique du Porc). Mieux vaut une croissance d’un animal élevé sur paille, à la lumière du jour, ou en plein air. En élevage intensif, n’ayant aucune activité et étant stressés par le surnombre, les porcs ont la queue coupée afin d’éviter les morsures mutuelles. Ils n’ont en effet que cette occupation : se mordre, ce qui indique leur mal-être. Ce n’est pas la blessure douloureuse en tant que telle qui pose problème au producteur, mais le risque d’infection, la nécrose qui pourrait entraîner la perte financière de l’animal, et la saisie en abattoir. Dans de telles conditions de survie, les animaux sont littéralement gavés d’antibiotiques. En production porcine, les antibiotiques sont utilisés pour traiter des animaux malades, mais le plus souvent pour prévenir des maladies ou pour favoriser la croissance des porcs et améliorer l’indice de conversion alimentaire. Mais la mortalité est malgré tout importante. Chaque fois que je visitais des élevages de porcs, je voyais quelques porcs morts mis à l’écart. Alors que récemment lors de la visite d’un élevage bio de porcs en Mayenne, je n’ai vu aucun cadavre. Ni même dans l’élevage alternatif où j’étais en stage pendant plusieurs semaines. Les porcs étaient élevés sur de la paille, en bâtiments ouverts, laissant la lumière du jour, l’air et le vent y circuler. Durant mon stage, aucun animal n’est mort, aucune truie n’est tombée malade ni ne s’est blessée, excepté les quelques porcelets mort-nés ou trop chétifs pour survivre. J’ai pu constater la différence entre l’état physique de porcs élevés dans de bonnes conditions et celui de porcs élevés de manière intensive. L’œil est plus vif, l’animal plus vigoureux ; les porcs sont moins craintifs, ce sont des animaux qui respirent la vie. Alors qu’en élevage intensif, ils ont peur de l’homme, l’œil est triste, une ambiance mortuaire émane de ces élevages. Les jeunes cochons y passent environ un mois en sevrage et trois mois en engraissement. S’ils devaient y passer plus de temps, je pense qu’ils y mourraient au fur et à mesure. Malheureusement pour eux, comme pour les volailles en intensif, l’abattoir est une délivrance, la fin de leur misérable vie.
Les porcs ont une triste existence, notamment dans le grand Ouest et surtout en Bretagne, qui est spécialisée dans l’élevage intensif et concentrationnaire. Ces formes d’élevage sont légales, puisque la loi ne les interdit pas. Ils bénéficient d’une sorte de bienveillance de la part des autorités que sont nos gouvernements successifs, les services vétérinaires, et même les différents vétérinaires des groupements ou coopératives des producteurs. Le Comité scientifique de la commission européenne s’est pourtant clairement prononcé : « l’élevage intensif des porcs est préjudiciable à leur bien-être ». D’un seul coup d’œil, je pouvais dire, en le voyant à l’abattoir, de quel type d’élevage provenait le porc : d’un système intensif en bâtiment clos ou d’un élevage en plein air. Les tueurs me disaient préférer abattre les porcs d’élevage intensif : plus fragiles, ils sont plus faciles à abattre que les autres. J’ai moi-même élevé des porcs dans mon adolescence, et je connais bien les animaux. Je me préoccupais déjà de leur bien-être, alors que je ne savais même ce qu’était la protection animale. Lors d’une conférence en Alsace, un vétérinaire disait que les truies et les porcs étaient bien traités dans ce genre d’élevage industriel. Je l’ai interrompu, car il avait eu le culot de dire que les animaux bénéficiaient même d’une ventilation ! J’ai pu expliquer à l’assemblée ce qu’était en réalité un élevage intensif pour porcs, et que bénéficier de ventilation n’était pas un signe de bonne volonté du producteur pour favoriser un mieux-être, mais une nécessité : il faut réguler la température dans un milieu confiné. Cela apportait également un peu d’oxygène dans un environnement irrespirable. En effet, le lisier colle aux pattes des cochons, le sol en caillebotis laisse passer les urines et les déjections dans des bacs de récupération, où elles macèrent…
Des millions de porcs sont passés et passent encore dans ces systèmes d’élevage, pour finir dans nos assiettes. Lors de la crise de la vache folle, qui avait porté à la connaissance des journalistes ce type d’élevage, un producteur avait répondu que lui ne mangeait pas la viande de ses propres porcs, ce qui avait valu un dessin dans la presse. L’éleveur disait : « Je ne suis pas fou, je ne mange pas les porcs que je produis ! ». Comment notre corps transforme-t-il un produit issu d’animaux ayant souffert toute leur vie ? Si lors de l’ingestion, il ne semble pas y avoir de mal en apparence, n’y en a t-il pas sous une autre forme ?
Si le consommateur n’a aucune idée de ce que sont ces élevages industriels, comment peut-il prendre conscience du problème ? Si vous visitiez un élevage de poules pondeuses en batteries, et si le producteur vous offrait des œufs à la sortie, voire une poule à manger, vous n’y toucheriez pas, car vous seriez dégoûté. En Alsace, un éleveur de porcs sur paille organise des journées portes ouvertes au public. Comme il n’a rien à cacher, il laisse les gens venir voir son élevage, et cela toute l’année s’il y a des demandes. En réaction, la filière intensive de porcs avait organisé également une porte ouverte, mais en appelant cela la « Fête du cochon ». Les portes étaient effectivement ouvertes, mais dans certains endroits, l’on ne pouvait même pas dépasser le seuil de la porte. Notamment en maternité et dans la partie des truies gestantes. Alors que chez le précédent, les enfants pouvaient caresser les animaux. Dans l’élevage industriel, certes, le public a pu voir des salles très propres, des cases et des sols très propres, tant le moindre excrément avait été enlevé. Tout avait été nettoyé à l’eau pulvérisée à haute pression, mais pas un brin de paille à l’horizon. Les animaux reposaient sur des sols ajourés pour laisser passer les excréments et les urines. Ces sols ne sont pas adaptés aux onglons des cochons, ce qui leur pose des problèmes d’aplomb ; parfois les onglons restent coincés dans les rayures du caillebotis. De plus la paille présente un intérêt écologique car lorsqu’elle est répandue dans les champs, elle permet une transformation lente des déjections sans polluer le sol, les nappes phréatiques, et les rivières par le ruissellement des eaux.
Les truies étaient immobilisées dans des stalles, cages en fer où elles ne pouvaient que se lever ou se coucher. Au final, les gens étaient en fait consternés de voir qu’on pouvait détenir des animaux dans de telles conditions. Pour couronner le tout, lors de cette fameuse porte ouverte de l’élevage intensif, un masquant d’odeur avait été répandu partout pour cacher l’irrespirable odeur d’ammoniaque.
Si vous voulez vraiment faire quelque chose pour les animaux dits de boucherie, le mieux est de ne plus les manger. De ne plus acheter de viande en pensant aux 3 millions d’animaux abattus par jour en France. C’est le plus beau cadeau que l’on puisse faire aux animaux. Certes, c’est un peu radical, mais c’est une solution pacifique. Si vous pensez ne pas pouvoir vous passer de la viande, dans ce cas, choisissez bien vos produits, car le plus grand responsable n’est pas forcément le producteur en élevage intensif, le producteur de foie gras qui cloisonne les canards dans de minuscules cages, ou les abattoirs où des dérives sont parfois exercées. Non, le premier responsable est le consommateur qui achète les produits qui en découlent. Si vous ne pouvez pas faire autrement que d’acheter de la viande à bas prix issue d’élevage intensif, je dirais que d’une part nous ne sommes pas obligés d’acheter de la viande, et d’autre part, au lieu de choisir deux ou trois poulets pas chers, n’en achetez qu’un « label Rouge » ou « Bio ». Certainement, cela a un coût dissuasif pour nombre de personnes, mais il n’est pas indispensable de manger beaucoup de viande, puisque l’on peut s’en passer totalement. Le nombre croissant de végétariens le prouve ! Préférez au moins les produits d’élevage plein air, les produits bio, ceux d’élevages alternatifs. Mais je conçois que pour s’y retrouver, il faut s’armer de patience, lire les étiquettes, s’intéresser de près aux produits, à leur provenance, et déjouer les pièges marketing qui induisent en erreur les consommateurs avec la bénédiction des pouvoirs publiques. Par exemple, une marque alsacienne d’œufs affiche en grand dans les magasins commercialisant leurs œufs : « R…, les œufs de la poule qui cavale ». En effet, quelques œufs plein air sont vendus, mais la plupart sont issus de poules élevées au sol dans des bâtiments fermés où elles sont regroupées par millier. On ne peut pas dire qu’elles cavalent, mais elles peuvent se déplacer. Ce terme, « cavaler », induit le consommateur en erreur par une image erronée. Pour mieux le désinformer, on ne voit pas une seule poule sur la photo, mais juste un grand pré vert. Pour ne pas être dans l’illégalité complète, il n’y a pas de poules dans le pré vert. De toute façon, il n’y a pas vraiment de tromperie puisqu’il n’est pas dit que les poules sont élevées dans le pré de l’image qui est sur la boîte. Les appellations « œufs bien de chez nous » ne veulent non plus rien dire sur la qualité de vie des poules, tout comme « œufs datés du jour de ponte », « poules nourries aux céréales » (de toute façon la farine animale est interdite), « œufs aux oméga trois »…. Tout cela n’est qu’allégations marketing ! Si vous voulez être certains de votre choix pour favoriser le bien-être des animaux et ne pas participer indirectement à leur mal-être, les mentions « Bio » ou « Label Rouge », « Plein air » garantissent le respect de l’animal, surtout en agriculture biologique.
Ne vous laissez pas non plus endormir par les grandes instances qui vous noient dans des termes rassurants, comme ceux que j’ai pu trouver sur le site Web du Ministère de l’Agriculture : « …Chaque professionnel est responsable des produits qu’il met sur le marché et il doit en garantir la sécurité sanitaire. Il doit respecter la réglementation en vigueur. Cette réglementation, européenne et française, permet d’assurer un niveau élevé de protection du consommateur tout en intégrant notre patrimoine gastronomique. Elle prend en compte la sécurité sanitaire de l’alimentation humaine et animale, la santé et le bien-être des animaux, la santé des plantes et la protection de l’environnement. Il dispose d’outils comme la traçabilité, les auto-contrôles et les démarches qualité pour sécuriser ses activités et produire sain et sûr ». Ou encore :« Sur le terrain, le Ministère de l’Agriculture et de la Pêche s’appuie sur deux réseaux pour contrôler l’application de la réglementation :
– les DDSV, chargées de la santé et de la protection animale, de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments ;
– les SRPV, chargés de la… »
Ou encore : « Santé et protection animales, 194 600 inspections, relatives à la santé animale 20 733 contrôles de protection animale, 2,3 millions de bovins testés à l’abattoir (ESB), 2,8 millions de bovins contrôlés et 9 000 contrôles pour l’identification et la traçabilité, 8 000 animaux contrôlés à l’importation ». Ces informations sont disponibles sur le site. En quoi tous ces propos indiquent-ils que les animaux bénéficient de quoi que ce soit puisque les contrôles effectués au nom de la protection animale par ces instances ne conduisent pas à mettre en question les élevages industriels et ne mettent pas non plus fin aux infractions qui ont toujours cours dans les abattoirs ?
Nous ne voyons pas sur le site du Centre d’Information des Viandes (CIV) d’images de cages de batteries pour les poules, de cochons dans le noir en centre d’engraissement, de castration à vif des porcelets, des truies confinées qui sont dans l’impossibilité de se retourner, de bouger librement dans des stalles métalliques… Et pourtant c’est une réalité quotidienne et majoritairement pratiquée. Il est dit, par contre, concernant le bien-être des animaux en élevage que « La manipulation, les soins et le transport des animaux sont les actes quotidiens de l’élevage. L’éleveur veille sur le bien-être de ses animaux car il connaît leurs comportements naturels ». Ah bon ? Quant on sait que la majeure partie des élevages notamment en volailles et en porcs sont des élevages intensifs et industriels, que veut dire « il connaît leurs comportements naturels », alors que les animaux sont confinés dans un environnement artificiel ? Ce genre d’éleveurs se préoccupe tellement du bien-être de ses animaux qu’ils attendent qu’une réglementation européenne les oblige à un aménagement en faveur des animaux. Prenons l’exemple de l’élevage des veaux de boucherie, qui sont en fait le rebut des vaches laitières, car pour produire du lait, il faut que les vaches donnent naissance à un veau. Ce dernier, si c’est un mâle, ne pouvant pas produire de lait, est envoyé en centre d’engraissement pour cinq à six mois, puis à l’abattoir. Sur le site du CIV, on essaye de nous montrer un exemple de prise en compte du bien-être des veaux de boucherie, la préoccupation des éleveurs, nous dit-on, alors qu’ils ne font qu’appliquer la réglementation ! Je cite : « Depuis 1998, en accord avec la réglementation européenne, pour permettre le contact entre eux, les veaux ne sont plus élevés dans des boxes individuels. Ils évoluent en groupe, dans des bâtiments qui doivent être spacieux, bien éclairés et aérés, leur permettant de s'ébattre, courir, se coucher librement, en un mot d'exprimer leur comportement naturel ». Cette réglementation n’est effective que depuis le 1er janvier 2007 pour toutes les exploitations. Les veaux étaient élevés dans des cases individuelles si étroites qu’ils ne pouvaient pas bouger. Ils étaient même parfois attachés par une chaîne au niveau du cou, voire la tête entravée entre deux barreaux. Lors de la visite d’un élevage que j’ai faite en Bretagne, un veau s’est écroulé de faiblesse. En ma présence, l’éleveur lui a fait une injection (une sorte de petit remontant, m’a t-il dit). Beaucoup de ces veaux étaient anémiés en raison de l’alimentation qui leur était donnée pour obtenir une viande blanche. La directive européenne a obligé les éleveurs à donner une autre alimentation, notamment fibreuse, en lieu et place d’une alimentation liquide (poudre de lait mixé avec de l’eau). Dans de bonnes conditions d’élevage, dès deux semaines, les veaux commencent naturellement à consommer des aliments solides pour que se mette en place un développement normal du rumen. Ceci n’était pas possible avant cette directive pour les élevages de veaux en intensif. Les éleveurs s’en sont-ils préoccupés ? Non. La vérité est que les améliorations apportées sont le fruit des efforts des associations de protection des animaux, comme la PMAF (Protection Mondiale des Animaux de Ferme), qui ont milité pour faire interdire ce type d’élevage monstrueux. Lorsque j’avais visité en 2000, un abattoir qui n’abattait que des veaux provenant d’élevages en batterie, pas moins de sept cadavres avaient été mis à l’écart près de l’aire de lavage des camions. Un autre veau gisait mort en bas du quai de déchargement. Certes ces petites bêtes étaient mortes pendant les transports. Cependant ce ne n’étaient pas les transports qui les avaient tuées puisque les veaux n’avaient parcouru que de très courtes distances. De surcroît, il n’était que 8 heures du matin, la journée d’abattage se terminant à 15 heures, la mortalité durant le transport était plutôt énorme ! Là encore, se posait le même problème qu’avec les coches dont j’ai déjà parlé. La responsable qui m’avait fait visiter l’abattoir m’indiqua que les éleveurs ne faisaient pas intervenir de vétérinaires lorsqu’un veau tombait malade en élevage, et qu’ils l’envoyaient à l’abattoir seulement si un lot entier était prévu pour l’abattage. Elle ajouta que beaucoup de veaux agonisaient dans les élevages, et qu’au lieu de les envoyer en abattage d’urgence, il fallait souvent en achever sur le quai de déchargement de l’abattoir. Tous les consommateurs ayant acheté des escalopes de « veau blanc » ont participé sans le savoir à cette forme d’exploitation animale.
Pour les truies, c’est également une réglementation européenne qui a mis fin à l’attache qui les sanglait au sol, sous le ventre. Les sangles s’incrustaient dans la chair des truies. Avant l’interdiction, ça ne semblait pas déranger beaucoup d’éleveurs.
Méfiez-vous de ce genre d’affirmations : elles ont pour but le maintien économique par la viabilité des produits carnés, quel que soit le mode de production. En effet, trop de consommateurs sont devenus méfiants et il y a de plus en plus de végétariens. Par exemple, dans un manifeste que l’on trouve sur le site du CIV, il est demandé, et c’est presque un appel au secours (je cite) « que soit réaffirmée la place légitime des produits d’origine animale : la viande et le lait dans notre alimentation et donc la nécessité de l’élevage qui a toujours contribué au développement de nos sociétés ». En d’autres termes, il faudrait lutter contre le choix du végétarisme ou du végétalisme et contre le militantisme qui peut en découler, car il peut faire du tort aux filières. Une crainte est affichée, c’est un peu normal, car il y a beaucoup plus de personnes qui mangent moins de viande, et de plus en plus de végétariens.
On trouve sur ce même site (dans le dossier « bien-être animal ») des propos du même acabit concernant le respect des animaux dans les abattoirs. Je ne dirai ici rien de plus ; je me suis assez exprimé à ce sujet tout au long de ce livre. Mais on entend, là encore, le sempiternel refrain sur la professionnalisation des acteurs très soucieux et des contrôles rigoureux des services vétérinaires en matière de protection animale est de nature à nous laisser penser que tout va bien.
Notons que, selon le CIV, « l’obligation de protection et de bientraitance qui pèse sur l’homme envers les animaux vise à assurer leur bien-être dont les critères doivent encore faire l’objet d’évaluations et d’investigations scientifiques qu’il convient d’encourager ». D’abord, il est dit que les éleveurs connaissent et savent ce dont ont besoin les animaux, donc qu’ils s’en soucient, et maintenant, il est dit qu’il ne devrait être concédé du bien-être animal qu’après évaluations et investigations scientifiques. C’est-à-dire que vous voyez bien que votre tapisserie d’appartement est à refaire, mais vous allez d’abord solliciter une expertise scientifique ! Faut-il comprendre que si vous vous trouviez dans un ascenseur enfermé avec cinq personnes pendant plusieurs semaines, il faudrait faire une expertise scientifique pour savoir si cela est préjudiciable à votre bien-être ? Cette volonté de subordonner les mesures de bien-être à l’expertise ne vise-t-elle pas à freiner la demande sociale impulsée par des associations de protection animale dans ce domaine ? Pourtant, l’avis des vétérinaires de la Commission Européenne concluait, en janvier 1991, que « la conduite des porcs dans l'isolement social, et notamment l'utilisation de systèmes de stalles individuelles pour les truies, sont la cause de graves problèmes portant atteinte au bien-être des animaux […] L'élevage des porcs sur des sols artificiels, et notamment l'utilisation de caillebotis intégral, portent atteinte au bien-être des animaux ». Ne sont-ils pas des scientifiques ?
Si les éleveurs en élevage intensif se préoccupaient vraiment du bien-être de leurs animaux, une telle commission n’aurait pas besoin d’intervenir.
Le plus facile, pour commencer, est d’effectuer le bon choix lorsque vous achetez des œufs. Les œufs vendus sur les marchés et dans les commerces doivent comporter sur la coquille un code permettant une traçabilité. Après la mention FR, suit une série de chiffres. C’est le premier numéro qui nous intéresse. En voici donc le décodage :
Code « 0 » : oeufs de poules élevées en plein air issus de l'agriculture biologique.
Code « 1 » :oeufs de poules élevées en plein air.
Code « 2 » : oeufs de poules élevées au sol.
Code « 3 » :oeufs de poules élevées en cage.
À vous de bien choisir, en pensant au 200 millions de poules pondeuses élevées en cage de batterie dans l’Union européenne en privilégiant les codes 0 et 1 !
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vendredi, 08 février 2013
Où vont les âmes des esclaves ?
«N'an laara, an saara»
Si nous nous couchons, nous sommes morts
«Au-dessous du vernis du christianisme qui se limitait souvent à la hâtive formalité du baptême, il s'agissait surtout des dieux animistes de la Côte du Bénin. C'est la tante du roi Ghézo qui, déportée par Adandozan, aurait introduit le culte des vodouns de la famille princière du Dahomey à Saint-Louis de Maranhon au Brésil. Le Vodou africain, avec ses rites de possession et d'extase, fut conservé à Haïti comme un viatique sur les chemins de la souffrance. Néanmoins les dieux les plus invoqués ici n'étaient plus les symboles de la fécondité ou de la prospérité agricole ni la délicieuse Yemandja, qui personnifiait l'écume enjouée, turbulente et étincelante des flots. C'étaient les dieux de la lutte, de la violence, de la rupture et du refus. Shango, dieu du tonnerre, Ogoun, dieu de la forge, Echou, l'inévitable intermédiaire des dieux mais aussi le principe dynamique du changement et le désir inassouvi. Le culte des défunts, si caractéristique de la religion des Africains, pour qui les morts ne vivent pas, mais existent plus forts qu'ici-bas, prit dans ce contexte une signification touchante jusqu'au sublime : les morts, libérés maintenant de la férule du maître-tyran, étaient censés refaire en sens inverse l'infernale traversée de l'Océan. Voguant sans entraves vers le continent bien-aimé, ils allaient rejoindre l'assemblée vénérée des ancêtres, là-bas, par-delà la "grande eau", "là-bas au pays de Guinée". De cette nostalgie pathétique témoigne la cantilène suivante :
"Dieu d'Angole, Dieu d'Angole, tu enseigneras trois mois de prière, trois Pater, trois Ave Maria qui permettront à l'Africain de s'en retourner en Guinée"».
Joseph Ki-Zerbo, Histoire de l'Afrique noire, chapitre sur la traite des noirs du XV au XIX°siècle.
C'est la quatrième fois qu'AlmaSoror rend hommage à Joseph Ki-Zerbo.
Vous pouvez lire :
Et Un voyage comparatif à travers l'Europe et l'Afrique féodales...
Jean Bouchenoire avait en outre cité Joseph Ki-Zerbo dans sa contribution intitulée "Un billet sur Mongo Beti ?"
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mercredi, 06 février 2013
Carte d'identité musicale
Je ne fume plus ; je ne veux pas travailler. Que faire ? Je succombe à la tentation d'élaborer, de façon forcément aléatoire, ma carte d'identité musicale, à la suite de Music Lodge.
Musicien que vous admirez le plus :
Richard Wagner
Groupes / artistes qui ont le plus compté dans votre adolescence
Tracy Chapman, Barbara, the Doors, Leonard Cohen, Daniel Balavoine, Patricia Kaas
Styles musicaux favoris :
Rock, classique, musique de films, grégorien
Un album
Tracy Chapman (l'album éponyme, comme on dit)
Une chanson
The Stranger Song, de L.C
Une oeuvre classique
Le miserere d'Allegri
Groupes / artistes qui vous ont le plus marqué (par ordre d’apparition dans votre vie, et 15 max.)
Ennio Morricone, The Doors, Barbara, Preisner, Ligeti, Schubert, Arvo Pärt, Terje Rypdal
L'artiste qui vous a le plus fasciné en live :
Aucun, je ne vais jamais au concert.
Si, en fait : le quatuor Ludwig, interprétant les 7 dernières paroles du Christ en Croix, de Haydn. C'était en 2011
Plaisir coupable (3 max)
Starmania ; Era ; le Grand Bleu
Jouez-vous (ou avez-vous joué) d’un instrument, si oui, le(s)quel(s) :
Guitare, chant, piano
Ce que vous préférez en musique :
Planer dans des zones où je ne me reconnais plus moi-même, ou je m'oublie, ou j'oublie le monde, ou, au contraire, être traversée d'admiration pour ce qui a lieu,la maestria avec laquelle l'oeuvre a été composée.
Par quel biais découvrez-vous de nouveaux artistes et albums :
blogs, ouïe-dire
Lisez-vous toujours la presse musicale (si oui, quels magazines) :
non
Combien de temps passez-vous à écouter de la musique :
Deux heures par jour, en ce moment, grâce à Grooveshark. Ça n'a pas toujours été le cas. Parfois, dans ma vie, durant de longs mois je n'écoute pas de musique, tout simplement parce que je n'ai pas l'instrument adéquat.
Hors de votre univers musical :
Groupe / artiste “respecté” que vous n’avez jamais supporté :
Noir Désir, trop moraliste (les FN y sont méchants et les gauchos y sont gentils et l'argent c'est pas bien et le peuple c'est bien oh yeah)
Styles musicaux que vous détestez le plus (3 max.)
Musique de supermarché, quelle qu'elle soit ; rap victimaire de débiles qui se croient malins de haïr la France qu'ils squattent.
Genre musical qui ne vous a jamais touché, mais que vous ne méprisez pas pour autant :
Le ska, l'opéra
Ce qui vous rebute le plus en musique :
Le bruit
Chanteurs que vous détestez viscéralement (5 max) :
Si c'est un rejet viscéral, je ne les connais même pas car je m'enfuis avant la fin...
Trois tubes que vous haïssez plus que tout (vous avez beau être pacifique, le simple fait de les entendre vous donne des envies de meurtre)
Femme libérée ; Allo maman bobo ; un homme O comme ils disent...
Pour finir sur une note positive, vos dernières grandes claques musicales cette année (3 max.) :
Jan Gabarek, Angelo Badalamenti, Frank Martin, mais sont-ce des claques ?
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mardi, 05 février 2013
Lupinerie
Arsène Lupin s'appelle Lupin en référence à l'étymologie : lupus signifie loup en latin. Or, le loup est l'ennemi des hommes...
Mais, le lupin est aussi une fleur très ornementale, qui reflète la sophistication des "coups" d'Arsène Lupin, la beauté de son art hors-la-loi.
LUPIN CONTRE LEBLANC : une relation tumultueuse
Arsène Lupin (par Léon Fontan)
Maurice Leblanc
HONTE & GLOIRE
Maurice Leblanc vivait sa gloire comme une honte : il aurait voulu être un académicien ; il n'était qu'un auteur populaire ! A ses contemporains, il répétait : "Lupin, ce n'est pas moi !" de la même façon que Gustave Flaubert avait dit : "Madame Bovary, c'est moi !"
Tout au long de sa carrière, Leblanc a tenté de tuer Arsène Lupin pour en être débarrassé, mais chaque fois, l'insistance des éditeurs et la facilité avec laquelle Arsène faisait rentrer l'argent dans la caisse, il a craqué et ressuscité son héros.
Univers d'Arsène Lupin
Dans l'univers de la série d'Arsène Lupin, on retrouve les mêmes thèmes, aventure après aventure : Les pseudonymes d'Arsène (une trentaine !)
La vieille aristocratie décadente
La neuve bourgeoisie montante
Le monde de l'art
Le mythe du cambrioleur gentil
Le séducteur invétéré
Le pays de Caux, en Normandie
Là, aux abords des falaises d'Etretat, se déroulent bon nombre des aventures d'Arsène Lupin.
UN PERSONNAGE REEL
Arsène Lupin n'est pas un criminel. Il est un artiste du cambriolage. Il cambriole, soit par dandysme, soit par philanthropie (pour faire du bien à des personnes en difficulté). Or, à cet égard la figure fictionnelle de Lupin doit beaucoup à un homme réel. Il s'agit de l'anarchiste Alexandre Marius Jacob (1879 - 1954). Jacob et ses camarades s'appellaient "les travailleurs de la nuit". Leurs cambriolages furent des exploits rocambolesques qui tinrent les policiers - et la France entière - en haleine ; le butin était utilisé pour publier des journaux anarchistes ou bien envoyer de l'argent aux familles des prisonniers anarchistes.
Marius Jacob a organisé 150 cambriolages, qui ont tous réussi, sans jamais faire couler le sang !
Il a passé 25 ans au bagne avant de rentrer vivre dans sa maison du Berry, où il s'est donné la mort.
Alexandre Marius Jacob, Pourquoi j'ai cambriolé... par guyprestige
On pense, bien sûr, à Stances pour un cambrioleur, la chanson de Brassens : "mets-toi dans les affaires et tu auras les flics même comme chalands".
LUPINOPHILIE
Les Lupinophiles aujourd'hui viennet de tous les pays du monde pour visiter la maison de Maurice Leblanc et marcher sur les lieux où se situent les intrigues d'Arsène Lupin.
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lundi, 04 février 2013
Les visages hâves des parisiens des bas-fonds, les visages lumineux des saints des cieux
«Un des spectacles où se rencontre le plus d’épouvantement est certes l’aspect général de la population parisienne, peuple horrible à voir, hâve, jaune, tanné. Paris n’est-il pas un vaste champ incessamment remué par une tempête d’intérêts sous laquelle tourbillonne une moisson d’hommes que la mort fauche plus souvent qu’ailleurs et qui renaissent toujours aussi serrés, dont les visages contournés, tordus, rendent par tous les pores l’esprit, les désirs, les poisons dont sont engrossés leurs cerveaux ; non pas des visages, mais bien des masques : masques de faiblesse, masques de force, masques de misère, masques de joie, masques d’hypocrisie ; tous exténués, tous empreints des signes ineffaçables d’une haletante avidité ? Que veulent-ils ? De l’or, ou du plaisir ?»
Honoré de Balzac, La Fille aux yeux d'or - Histoire des Treize
L'histoire des Treize, du très Honoré de Balzac, contient trois histoires. La première, Ferragus, est dédié au musicien Hector Berlioz. La seconde, La Duchesse de Langeais, est offerte à Franz Liszt. Le dédicataire de la troisième, La Fille aux yeux d'or, est le peintre Eugène Delacroix.
Il faut aller (re)lire, dans un des cafés de la place Franz Liszt, La fille aux yeux d'or. Pour l'accompagner, un mauvais kir n'est pas une mauvaise idée, accompagné si possible des cacahuètes des bars parisiens sur lesquelles, parait-il, on prélève des traces d'urine. Et si l'église est ouverte, et que l'organiste répète un air de Théodore Dubois ou de Louis Vierne, pourquoi ne pas faire une prière à Sainte Geneviève et à Saint Denis, patrons des parisiens ? Rougissez nos joues, adoucissez nos masques, Ô chers saints ! Sanctifiez-nous, rendez-nous sains.
Si personne n'est à l'orgue, alors on peut chantonner en murmurant la litanie des saints de Paris :
Trilogie balzacienne, premier volet
Trilogie balzacienne, second volet
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dimanche, 03 février 2013
Ces bêtes qu’on abat : Des animaux qui s’échappent des abattoirs
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Des animaux qui s’échappent des abattoirs
Voici des faits qui se sont déroulés dans le cadre d’abattoirs, et qui méritent une attention particulière. L’histoire, qui commence pour une jument par un départ à l’abattoir, parmi tant d’autres congénères, se termine bien. La jument poulina durant le week-end. Rappelons-nous que j’ai déjà assisté à la naissance de porcelets d’une pauvre coche qui mit au monde ses petits dans une case surchargée d’un abattoir. Je n’avais pu rien faire pour elle, malgré mon appel téléphonique à une SPA. Pour un cheval, un chien, un chat ou un dauphin, les mobilisations sont possibles, mais il en va tout autrement pour les « animaux d’abattoirs » qui ne suscitent guère la même sympathie.
L’idée de saleté que les gens associent au cochon, même ceux qui disent aimer et protéger les animaux, ne laisse d’autre place à cet animal, pourtant si intelligent et si attachant, que nos assiettes. L’image véhiculée par les élevages intensifs, avec son lot de pollution des eaux et de la terre, ainsi que de la mer, comme sur les côtes nord de la Bretagne, la pollution olfactive provenant des élevages hideux et concentrationnaires a même fait échouer, par la mobilisation d’habitants, le projet d’un élevage de porcs Bio, près de chez moi en Alsace. Que penser de ces personnes qui sont contre les élevages polluants comme ceux de Bretagne, qui achètent pourtant le produit de cette industrie du mal-être animal, et qui refusent la mise en place d’un élevage plus respectueux des animaux et de l’environnement ?
Dernièrement, une jument et son « bébé » ont été sauvés d’un abattoir, tandis qu’il arrive fréquemment que des bovins s’échappent des abattoirs pour sauver leur peau. Dans ce cas, les histoires sont tout aussi touchantes, mais se terminent comme prévu. Une amie me disait qu’il était beau qu'un animal « offre » sa vie pour l’Homme, et que ce dernier pouvait avoir de la gratitude envers l'animal qui s'était offert. Pour moi, comme pour beaucoup de personnes ayant une réflexion avancée sur la question des animaux destinés à finir dans nos assiettes, « aucun animal n'offre sa vie, on la lui prend ! ». Je ne connais pas d'animaux volontaires pour s'offrir en sacrifice lors de l’Aïd-el-kébir, ni même pour aller dans les abattoirs. Ils aspirent, comme nous, à vivre, ils nous font qui plus est confiance ! Voici quelques exemples de bovins qui n’ont pas désiré passer par l’abattoir pour finir dans nos casseroles, mais au contraire ont essayé de prendre le chemin inverse.
Un matin, me rendant à mon travail en voiture et passant près d’un abattoir (classé « lanterne rouge » en matière de protection animale), j’ai vu une vache qui courait dans le sens contraire de l’abattoir. Elle s’était échappée, et courait le long d’une piste cyclable. Hélas, je n’ai rien fait pour elle, car à cette époque je n’avais guère réfléchi à la cause des animaux de boucherie, même si, comme beaucoup, je pensais aimer les animaux ! Je les aimais tellement, comme d’autres personnes aujourd’hui qui me disent les aimer, que j’allais jusqu’à y mettre du sel lorsqu’ils étaient dans mon assiette ! Quelle contradiction ! Je n’ai donc rien fait pour cette vache, et aujourd’hui encore, j’en ai des regrets. Si cette situation devait se reproduire, personne ne m’empêcherait de la sauver, pas même les services vétérinaires qui ordonneraient son retour à l’abattoir, puisqu’ils appliqueraient la règle selon laquelle un animal entré en abattoir ne peut en ressortir vivant. Règle qui s’applique différemment suivant que l’on en fait le commerce de boucherie ou non, puisque dans le cadre de mes enquêtes d’abattoirs, j’ai déjà vu des camions de bovins ou de cochons ne décharger qu’une partie des bêtes pour repartir avec le reste du chargement vers d’autres abattoirs. Ce qui est interdit.
L’histoire de la jument et de sa pouliche a paru dans ladépêche.fr, je la reproduis ici avec l’aimable autorisation du journal.
Publié le 09/05/2008 12:00 de Richard Bornia.Lavaur.
Il sauve une jument et sa pouliche de l'abattoir.
Une belle histoire. Elles étaient promises à une mort certaine.
Leïla, une jument de 5 ans et Malika sa pouliche âgée de 2 semaines paissent tranquillement sous le grand chêne, dans la prairie de Jacques Cany, éleveur de bovins à Lavaur. En toute logique, vous devriez aujourd'hui retrouver Leïla, en tranches et en barquettes dans les rayons d'un hypermarché. Et sa pouliche, euthanasiée, serait déjà transformée en engrais. En effet, quand Leïla franchit la frontière espagnole le 18 avril dernier, son sort est scellé : elle sera abattue à l'abattoir de Narbonne, le jour même. Mais ce jour-là, le planning déborde et Leïla échappe à la mort. On l'abattra après le week-end. Le 21 avril, les saigneurs viennent chercher la bête pour son ultime voyage. Mais Leïla n'est plus seule. Une magnifique pouliche est là, à ses côtés. La jument a mis bas. Les tueurs refusent alors d'abattre la jument. Sa mort signifierait aussi l'euthanasie de la pouliche. « J'ai vu pour la première fois Leïla et sa pouliche Malika le mercredi 23 avril. Je conduis toutes les semaines des bovins à l'abattoir de Narbonne. Les employés refusaient de sacrifier les deux bêtes, je suis allé voir le directeur et je me suis porté acquéreur», explique Jacques Cany. « J'étais révolté. Sacrifier deux bêtes comme ça, une maman avec sa fille, sans défense, m'était insupportable ». La loi est dure, mais c'est la loi. « Tout animal qui rentre vivant dans un abattoir doit en ressortir mort », précisent les textes. « Quand je suis revenu, le 28 avril, les employés étaient tristes, craignant le pire pour la jument et la pouliche». La décision de la direction des services vétérinaires venait de tomber, irrévocable : «Le 5 mai, Leïla sera tuée et Malika euthanasiée ».
La SPA de Lézignan est intervenue en vain pour sauver la vie aux animaux. Le sort de Leïla et Malika devient alors une affaire nationale. « À Paris, la SPA fait part de l'histoire à la direction générale de l'alimentation ». L'intervention porte ses fruits. Le ministre de l'agriculture finit par accorder sa grâce. « J'étais chez moi à Lavaur, vendredi dernier, quand on m'a annoncé la bonne nouvelle. J'ai pris le camion et je suis allé les récupérer », raconte Jacques. Après avoir indemnisé l'éleveur espagnol, Jacques est revenu avec ses deux bêtes qu'il a lâchées dans son grand champ, derrière sa maison.
« Elles sont encore un peu farouches, il faut leur laisser du temps pour qu'elles sentent qu'on les aime. Mon plaisir, ce sera de les voir grandir. » Jacques au grand cœur a déjà récupéré deux agneaux qu'il nourrit au biberon et compte aussi trois petites chèvres, trois ânes et quatre chevaux. « Ça coûte cher toutes ces bestioles. Mais c'est tellement beau de les voir ainsi, libres et heureuses. »
Belle histoire qui finit bien, mais je n’ai encore aujourd’hui toujours pas compris pourquoi ce marchand en bestiaux vend des bovins à l’abattoir, et sauve deux chevaux ? Il serait intéressant de connaître les faits qui sont reprochés aux autres animaux !
Vaches qui s’échappent
Voici maintenant des cas de vaches échappées des abattoirs, et qui ne connaissent pas forcément une fin heureuse. En août 2008, deux vaches se sont échappées d’un abattoir du Pas-de-Calais lors du déchargement de la bétaillère, on ne sait comment. Probablement appréhendaient-elles la mort. Le lieu, les bruits et les odeurs ne leur laissaient aucun doute. L’une des deux vaches a été rapidement rattrapée, pour être tuée plus tard dans la journée. La deuxième, une charolaise de 600 kilos, qui avait réussi à fuir les tueurs de l’abattoir s’est réfugiée dans une canalisation d’égout de la ville. Elle s’est retrouvée piégée dans un resserrement de canalisations alors qu’elle avait tout de même parcouru 1500 mètres dans le noir. Les services techniques ont tenté de lui faire rebrousser chemin, en envoyant de l’eau dans les différentes canalisations. Il s’agissait de sauver la vache, mais pour mieux la tuer après et éviter ainsi une perte sèche. Les pompiers étaient également de la partie, mais au bout de 36 heures, un vétérinaire a été appelé afin de procéder à une euthanasie. La route a dû être ensuite percée par une entreprise de travaux publics afin de remonter l’animal à l’aide d’une grue.
Il arrive parfois que l’échappée d’un bovin se termine également de façon tragique pour un être humain. Ce fut le cas lors d’une fuite, fort compréhensible, d’une vache d’un abattoir de la Côte-Saint-André dans l’Isère. En effet, en 2005 la vache a causé un accident qui a coûté la vie à une jeune femme. La commune, propriétaire de l’abattoir, a été, alors, reconnue responsable par une décision de justice, et condamnée à une forte amende, en plus d’une indemnisation sous forme de dommages et intérêts.
Je voudrais relater un autre cas. Une vache qui ne s’était pas résignée à attendre dans le couloir de la mort d’un abattoir s’est échappée avec la force du désespoir, et a fini sa course pour la vie dans le jardin d’une propriété. Elle a bien entendu été rattrapée par les tueurs de l’abattoir, mais les services vétérinaires ayant estimé que l’animal était trop stressé (présentant un pH trop haut, qui aurait altéré la qualité de la viande) ont décidé de reporter son abattage, pour qu’elle se repose, afin de la tuer le lendemain dans de meilleures conditions.
Heureusement, une association de protection des animaux, alertée par une personne au grand cœur, a immédiatement réagi : le sauvetage de la vache devenait impératif. Il n’était pas question de la laisser à son triste sort. L’association a alors fait des démarches auprès du directeur de l’abattoir qui a pu la mettre en relation avec le propriétaire de l’animal. Après d’âpres négociations, car dans ce cas aussi les services vétérinaires voulaient appliquer la loi, la vache a été confiée à l’association qui emmena la vache, pour une nouvelle vie dans un refuge qui s’appelle justement « la Ferme des Animaux Sauvés de la Mort ». Un îlot de douceur, et de paix, sur l’herbe verte d’un pré, lui offrira tranquillité. La vache a été baptisée « Liberté ».
En décembre 2008, les éditions du journal Midi-Libre rapportent le cas récent d’une vache de race Aubrac de 450 kg qui s’est échappée des abattoirs narbonnais juste au moment de sa mise à mort. Le directeur de l’abattoir a expliqué qu’au moment où elle devait être abattue à l’aide du Matador (pistolet qui perfore le crâne), et parce que l’employé l’avait ratée, en la blessant tout de même, la vache avait réussi à s’enfuir. L’animal aurait été jusqu’à semer la panique dans une des grandes avenues de l’agglomération. Sans faire de blessés, elle aurait chargé tous ceux qui tentaient de l’approcher sous le regard des automobilistes médusés. La bête s’est réfugiée sur la pelouse d’un terrain de foot transformé en Arène. Les policiers, les gendarmes et les pompiers ont alors mis en place un périmètre de sécurité. La circulation aurait été arrêtée, et des maisons à proximité auraient été évacuées. Que de remue-ménage pour une pauvre vache ! Le sous-préfet a même ordonné d’abattre l’animal (qui aurait pu être confié à une association de protection des animaux). Le tir d’une balle à sanglier a été effectué par un jeune employé des abattoirs en se postant sur un toit.
Voici un autre cas en Belgique relaté par le quotidien La Dernière-Heure. Un bovin qui s'était échappé des abattoirs d'Anderlecht a endommagé des voitures de police. L'histoire a failli se passer comme dans un film qui aurait été « une belle histoire entre une vache et des policiers ». Mais la réalité fut tout autre. La vache a tenté d'écraser les agents de police, mais surtout elle finit par être abattue. Un lundi matin, plusieurs patrouilles de police ont été appelées, vers 7 h 30, aux Abattoirs d'Anderlecht : une vache venait de s'échapper et provoquait la panique dans les rues avoisinantes. Quelques équipes de police venues sur place ont tenté de maîtriser la bête. Il leur a été impossible de ramener la vache aux abattoirs. Dans un état de surexcitation, mais surtout d’affolement, la bête ne s'est pas laissé faire. Après quelques ruades, dignes d'une corrida, elle a foncé sur les inspecteurs de police. Plusieurs véhicules de police ont été placés pour lui barrer la route. Cela n'a pas suffit. Au contraire, les voitures ont été embouties par la bête apeurée. Comme elle représentait un danger pour les passants, l’ordre a été donné de l'abattre. La vache a été emmenée à l'écart des curieux et a été abattue de plusieurs coups de feu. La mésaventure de cette vache ne s'est pas arrêtée là, puisque la bête s'est écroulée dans un fossé. Il a fallu une grue pour l'en extraire. (Source : E. Pr. LaDernièreheure, 2003).
Le cas qui suit est tiré d’un article du site web1 « Le Jardin de Dominique Bardel » : « Vache en balade »
De temps en temps, devant les abattoirs d’Aurillac, une vache échappe à l’attention de ses bourreaux et s’échappe. C’est ce qui est arrivé la semaine dernière, avec une belle Aubrac qui, dès sa descente du camion, a pris la poudre d’escampette et est partie se promener. Vers deux heures du matin, les gendarmes la trouvèrent près de l’école d’équitation et, ne sachant que faire de l’animal, l’ont fait rentrer dans un pré du centre équestre. Ils ignoraient que des stagiaires campaient là, terrorisés par le bruit et les lampes torches des représentants de la maréchaussée. Au matin, la vache était toujours là, et un camion de l’abattoir devait venir la chercher. Mais les stagiaires s’étaient pris d’amitié pour le doux bovin, et ont cherché à cacher leur nouvelle copine pour lui éviter un sort funeste. Hélas, ils n’ont pas eu le temps de mener à bien leur projet...
« Vaches vagabondes à l’abattoir de Strasbourg »
Deux vaches qui ont eu l’idée de fuir l’endroit macabre dans lequel leur éleveur les avait laissées partir, se sont tout simplement échappées de l’abattoir. Toutefois, elles ont été tuées peu de temps après. Vers 6 h 30, les vaches ont profité d'une porte mal fermée par le service de nettoyage mercredi soir pour se faire la belle, et tenter de prendre la clef des champs ! Les « fuyardes » (terme que je reprends à l’article) ont pris la direction de l'aire des gens du voyage située à proximité. L'une des vaches a été rapidement abattue par le personnel de l'abattoir. La seconde vache a, en revanche, pu divaguer un peu plus longuement dans la zone industrielle, sans toutefois causer de gêne particulière aux personnes ou aux automobilistes. Elle a été ensuite localisée près d’un supermarché, mais elle a subi le même sort que sa compagne d'évasion. « Les gendarmes de Geispolsheim n'ont pas eu à intervenir, car les animaux ont été mis hors d'état de nuire avant leur arrivée sur les lieux ». Ici, je me permets de rappeler que ceux qui nuisent le plus à autrui ne sont pas les animaux. « Les carcasses des deux vaches ont été ramenées aux abattoirs vers 8 h ». Il est mentionné qu’une inspection des services vétérinaires vérifiera l’état des carcasses, car il serait tout de même bon de manger ces deux « fuyardes ». Source : Dernières nouvelles d’Alsace
Septembre 2000 : une vache sème la panique en s’échappant d’un abattoir du Finistère.
« La bête résiste au tir de quatre flèches hypodermiques »
Une vache échappée d'un abattoir à Gouesnou aura semé la panique dans la zone industrielle de Brest-Kergaradec, dit l’article de presse. Il aura fallu 2 h 30 et pas moins de quatre flèches hypodermiques pour anéantir la vache. « Ce n'est pas possible. C'est incroyable. Il est toujours debout et excité... » Le gendarme du Peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale (PSIG) qui vient de tirer au fusil hypodermique pour la quatrième fois sur le bovin est estomaqué. »En plus, pour la dernière piqûre, il aurait doublé la dose. Ce dernier n’aurait peut-être pas bien compris que le désir de la vache était de vivre !
Une bête, une « blonde d'Aquitaine », de 700 kg s'est échappée dès les premières minutes de la tuerie. « Le personnel de l'entreprise a, dans un premier temps, réussi à bloquer la vache dans une rue de la zone artisanale de Kergaradec, devant la Serrurerie Brestoise ». Là, les gendarmes du peloton de surveillance et d'intervention de la gendarmerie nationale appelés pour maîtriser l’animal paniqué, « tirent deux flèches sur l'animal qui prend la fuite et se promène durant une bonne demi-heure dans le secteur ». Cette histoire montre bien que dans une arène, le combat n’est pas égal, et ne laisse pas aux taureaux la possibilité de fuir, puisque la corrida se déroule dans un lieu clos. Je voudrais rajouter, à ce sujet - car je suis un grand amateur de corrida, vous l’aurez compris, et j’ai beaucoup de respect pour ces danseuses en habit de lumière, qui cache dans leur danse des armes meurtrières redoutables - que le combat est tellement égal, que dès que le dénommé torero se trouve en difficulté, plusieurs « passionnés d’animaux » lui viennent au secours pour faire diversion, afin que l’animal ne sache plus où donner de la tête ! Tandis que pour cette vache échappée de l’abattoir finistérien, on peut voir qu’elle ne cherche ni le combat avec les hommes d’abattoirs déguisés en blanc, ni avec ceux déguisés en bleu. Ce qu’elle veut c’est avant tout sauver sa peau en fuyant, ce qui est impossible au taureau dont la mort est donnée en spectacle.
Pour revenir à cette vache, elle a effectivement fini par mettre en danger des automobilistes, puisqu’elle s’est retrouvée sur un rond-point juste avant une bretelle d’accès vers la voie express. Heureusement, est-il dit dans l’article, une troisième flèche a été tirée, ce qui fit prendre à la bête une autre direction. Avec l'aide des services de la direction départementale de l'Equipement, la gendarmerie a pu barrer les accès et détourner la circulation. Dans une prairie, la vache a repéré quelques congénères et rejoint le troupeau. « C’est là qu'une quatrième flèche sera finalement tirée ». « Pour autant, l'animal bien que quelque peu groggy, offrira encore une grande résistance ». Eh bien oui, quand on tient tellement à la Vie !
Avec des cordes, plusieurs salariés de l'abattoir, aidés de quelques agriculteurs, parviendront enfin, après que la vache sera repartie encore plus loin, à la faire monter dans une bétaillère. Le journal indique qu’il aura fallu la présence de quatre patrouilles de gendarmerie dont celle du PSIG, de la DDE, d'une équipe de pompiers avec un fusil hypodermique et du personnel des abattoirs. Certes, je comprends les efforts entrepris pour mettre en sécurité des personnes se trouvant sur le passage de la vache, mais si seulement les autorités compétentes déployaient autant de moyens et d’énergie pour remédier à la souffrance des animaux dans les abattoirs, aux infractions toujours en cours, ce serait un grand pas. Il ne s’agit pas de poser le pied sur la lune mais, ici et maintenant, sur terre. Pour expliquer cette fuite, les gendarmes avancent que « Les bêtes sentent le sang et cela les affole. C'est sans doute pour cette raison que l'animal est parti ». Belle conclusion.
J’ai parsemé ce récit de propos personnels qui n’engagent que moi, et non le journal dont provient la source (le quotidien Ouest-France).
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