Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 28 décembre 2012

J'ai erré sur Internet,

sans but, mais aux aguets, et j'ai cherché à travers ses labyrinthes où nourrir mon coeur, en ces jours de défaite entre deux fêtes, en cette trêve des confiseurs.

IMAG3850.jpg

Et j'ai trouvé la France sauvage, film d'Augustin Viatte et de Frédéric Fèbvre (2012), et Les Vendéens, de Jacques Dupont (1993).

Deux épopées, celle de la vie animale au creux des terriers et dans les hautes branches, sous les eaux et à l'intérieur des fleurs, dont les caméras cachées volent des instants magiques.

Et celle de la Révolution et de sa contre-révolution, dont les archéologues de l'INRAP retrouvent des traces sous les villes de l'Ouest.

Les voici :

 I

IMAG3741.jpg

II

Un texte, "L'homme des mégalopoles ou le rêve de liberté", avait été publié sur l'ancien site d'AlmaSoror en décembre 2006, et repris sur ce blog par ici...

mardi, 25 décembre 2012

L'artiste comme le public tirent leur dignité de leur exigence

 IMAG1740.jpg
Photo d'une vitrine de boutique sablaise


Extraits des Entretiens sur la musique, de Wilhelm Furtwaengler (1947)

Ces entretiens furement menés par Walter Abendroth. Ils furent traduits en 1953 chez Albin Michel par J-G Prod'homme et F.G. C'est un exemplaire de cette édition que j'ai trouvé par terre, dans un carton de livre laissés là exprès, rue du Cherche-Midi, un jour d'août 2011. Wilhelm Furtwaengler,Walter Abendroth,Prod'homme, rue du Cherche-Midi,août 2011,Albin Michel, Beethoven,Goethe, Wagner

 Les Sables, entre mer et lac de Tanchet

 

A : Ne serait-ce pas le devoir de la critique que d'expliquer l'idée que se fait le public, et de soi-même, et de ses propres jugements ?

 

 F : Elle ne le peut pas – quand bien même elle le voudrait et s'imaginerait le pouvoir. Car elle-même fait partie du public.

 Si la réaction immédiate du public est souvent injuste, son jugement définitif est pourtant fondé. J'ai donné déjà la raison de ce paradoxe : c'est qu'il faut du temps pour entendre un artiste et répondre à son œuvre. Et il en faut d'autant plus que l'artiste sera plus original et l’œuvre profonde. Il est tout naturel que, de prime abord, le public oppose de la résistance à ce qu'il ignore. Et pourtant, il est absolument certain qu'à la longue il sera vaincu par la nouveauté – si toutefois elle est vraiment de qualité.

 Tâchons donc de nous rendre compte de ce qui se passe entre l'artiste et le public. D'abord, l'un et l'autre ne deviennent vraiment « eux-mêmes » que dans leur rencontre, et par cette rencontre. Tant que l'artiste n'a pas dompté son public, tant qu'il n'a su en réveiller et aiguiller les inconscientes aspirations vers l’œuvre d'art, ce public – et au lieu de dire : « le public » on dirait aussi bien « le peuple » - ne prend ni conscience de soi-même, ni qualité de public, mais reste ce qu'il était tout d'abord : une foule quelconque, indéfinie.

 Qu'en serait-il, par exemple, de toute notre « vie musicale » si – supposition paradoxale – Beethoven n'avait pas écrit ses symphonies ? Prédécesseurs et successeurs de Beethoven, et surtout Beethoven lui-même, ont, en fait, créé, par l'action de leurs œuvres, ce que nous avons depuis appelé « le public de concert ». Ce public-là est sans doute autre chose qu'une foule amorphe et passive. Depuis que des maîtres l'ont formé, il porte en lui une échelle de valeurs. Il a des exigences ; l'artiste y devra suffire. Et l'artiste, à son tour, a des exigences envers le public – exigences auxquelles le public ne demande qu'à répondre : car c'est d'elles qu'il tire sa véritable dignité. C'est qu'il y a public et public : il y a grande différence selon qu'une foule « devient un public » à l'occasion d'une course de chevaux ou d'un combat de boxe, ou à l'occasion d'une symphonie de Beethoven. La qualité – qui seule importe – de son « unanimité de public » ne sera pas, dans le cas sportif, le même que dans le cas musical.

 Mais encore : Même lorsqu'il s'agit du seul domaine des événements artistiques, nous constatons des différences de cette sorte. Wagner appelle « Effekte » (effets extérieurs), les effets qui ne visent qu'à « frapper » la foule et qui peut-être l'emballeront momentanément, mais n'en feront pas une véritable communauté. L'Effekt, disait-il, est par définition « effet sans cause », - et c'était précisément à l'époque de Wagner, à l'époque de l'avènement des grands virtuoses, que les musiciens se mirent à rechercher ces « effets sans cause », et à s'en servir. Mais ainsi, pour la première fois, les rapports du public avec l'artiste devinrent le problème qu'ils sont aujourd'hui : c'est alors que commença, de l'un à l'autre, cette progressive aliénation qui, à présent, met en question toute notre « vie musicale ». Vouloir faire de l'effet à tout prix : ce fut là, dès l'époque de Wagner et de Liszt, le signe que l'on allait vers la désaffection. Et, par la surenchère de l'effet, on cherchait éperdument à garder un contact qui menaçait rupture, et à maintenir entre les musiciens sur l'estrade et les auditeurs la « vraie communauté ».

 Mais voilà : transformer un public en « vraie communauté », ne fut-ce que momentanément, - il faut pour cela des œuvres qui sachent empoigner l'individu, non pas en tant qu'individu isolé, mais comme faisant partie d'un peuple, comme faisant partie de l'humanité, comme créature habitée par une étincelle divine. C'est seulement grâce à de telles œuvres qu'un public prend pleine conscience des forces latentes qu'il porte en lui ; et ce n'est que de ces œuvres-là qu'au plus profond d'eux-mêmes les hommes ont vraiment besoin, en dépit de leurs réactions superficielles, de leurs arbitraires entraînements et de leurs prédilections momentanées. Ce qui n'empêche pas que, dans la vie musicale de tous les jours, toutes les fois qu'il les rencontre, le public oppose la plus vive résistance à de telles œuvres, et ne s'abandonne que de mauvaise grâce. En quoi le public ressemble à une femme qui ne trouve son bonheur qu'à céder à la contrainte.

 

 A : Voulez-vous dire par là que l'effet produit sur le public serait plutôt un argument contre une œuvre ?

 F : Ce serait raisonner de façon hâtive et simpliste. Qui nierait, par exemple, la valeur des œuvres d'un Beethoven à cause de leur effet sur le public ? Au contraire, c'est précisément « le fait Beethoven » qui nous permet le mieux de comprendre ce qu'est l'effet authentique et « légitime ». C'est que les œuvres de Beethoven produisent leur effet absolument et exclusivement par ce qu'elles sont – par leur essence, non par leur façade. Et encore : si Beethoven a cette efficacité, c'est grâce à la clarté avec laquelle il exprime ce qu'il a à dire. Le maximum de clarté dans l'expression est, pour l'artiste, la manière – la seule bonne manière – de tenir compte de son public. Goethe l'a bien dit : « Si quelqu'un a quelque chose à dire, qu'il me le dise clair et net. Pour ce qui est des choses problématiques, celles que je porte en moi me suffisent ». Mais pour répondre à cette exigence, il faut que tout d'abord on ait vraiment quelque chose à dire ; et que l'on puisse oser se montrer sans apprêt ni voile, tel que l'on est – et cela n'est évidemment pas donné à tout le monde. Et tous ceux qui dans la vie, et même (et surtout) dans leur art, s'expriment de façon tarabiscotée, j'ai peur qu'ils n'aient, le plus souvent, de bonnes raisons pour éviter la manière simple et directe.

 Il y a des œuvres qui font de l'effet parce qu'elles visent à en faire et s'y efforcent. Il en est d'autres qui, pour faire de l'effet, n'ont qu'à exister. Et c'est pourquoi l'action des unes à la longue s'exténue, alors que le Temps ne semble point entamer l'efficace des autres.

 

Wilhelm Furtwängler

1886-1954

Wilhelm Furtwaengler,Walter Abendroth,Prod'homme, rue du Cherche-Midi,août 2011,Albin Michel, Beethoven,Goethe, Wagner

(photo trouvée sur Internet)

 

lundi, 24 décembre 2012

Trois photographies

Toutes trois ont été prises à Paris par votre serviteuse, Edith de Cornulier Lucinière ; la première en 2006 dans une pièce sombre d'un appartement de Montparnasse, un soir de fête, de littérature et de photographie.

La seconde, en 2011, rue de Rennes... Merci à celle qui posa.

La troisième en 2012, dans le quartier de la Madeleine. J'ai rêvé depuis de cet enfant qui est le mien et que vous ne connaissez pas.

Edith de Cornulier-Lucinière

 

Edith de Cornulier-Lucinière

 

Edith de Cornulier-Lucinière

dimanche, 23 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : La crise de la vache folle et les veaux de la Prime Hérode

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


La crise de la vache folle et les veaux de la Prime Hérode

 

Je voudrais évoquer maintenant le cas des bovins qui ont fait l’objet de destruction massive lors de la maladie de la vache folle, ne serait-ce que pour leur rendre hommage et afin de ne pas les oublier si vite. Si elle a permis au consommateur de découvrir enfin les coulisses de l’élevage, la crise de la vache folle a envoyé au bûcher des millions de bovins. L’incinération des bovins, par principe de précaution (enrayer la maladie) permettait surtout de rassurer le consommateur.

 

abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande ; animaux, animal ; bêtes, fraternité, abattage rituel, halal, hallal, casher

Vache déchargée morte sur un tas de fumier d’un marché à bestiaux.
Phot Jean-Luc Daub

 

La consommation de viande bovine était en baisse. Un déclin économique se fit sentir. L’Union Européenne décida de racheter des millions de vaches laitières et de vaches allaitantes. Une prime était versée à l’éleveur qui envoyait à l’abattoir des animaux en bonne santé, et qui finissaient à l’équarrissage. De même, les troupeaux suspectés de comporter un cas d’Encéphalite Spongiforme Bovine finissaient d’office, tout entiers, en tuerie organisée dans le cadre d’un abattage systématique, puis étaient envoyés sur un bûcher (tout cela, loin des journalistes, sur des lieux bien gardés par nos gendarmes).

 

L’Encéphalite Spongiforme Bovine est une maladie incurable qui entraîne la mort de l’animal porteur, après une atteinte dégénérative du système nerveux central (cerveau, moelle épinière). La période d’incubation est assez longue, en moyenne 5 ans.

 

Les premiers cas d’ESB ont été rapportés officiellement en 1985 au Royaume-Uni. Dans ce pays, ce fut le début d’une importante épidémie chez les animaux. Plus de 184 000 cas ont été recensés. En France, alors que la maladie sévissait aussi, les premiers cas furent déclarés en 1991 : au total 978 cas d’ESB furent confirmés début février 2006. Une possible contamination entre l’animal et l’homme par la voie alimentaire fut déclarée. Connue depuis 1920, la maladie de Creutzfeldt-Jakob, similaire à l’ESB à bien des égards, n'était pas une maladie nouvelle chez l'homme. C’est une forme de démence incurable qui apparaît, en général, chez des patients âgés de 60 à 65 ans. Depuis 1996, au Royaume-Uni, 159 cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob ont été constatés chez l’homme. En France, 14 personnes sont mortes de cette maladie. Les causes de la propagation de l’ESB au Royaume-Uni ont rapidement été circonscrites. Le lien fut établi entre l’incorporation, dans les compléments alimentaires des bovins, de farines de viande et d’os contaminés par l’agent de l’ESB, et la rapide diffusion de la maladie dans le cheptel bovin. L’abattage systématique de tout le troupeau dans lequel une vache manifestait les symptômes de la maladie a été mis en place. Le ministère de l'Agriculture, de la Pêche et de l'Alimentation britannique avait pris la décision d’interdire de nourrir les bovins avec des farines d’origine animale le 18 juillet 1988. Par contre, les exportations de ces mêmes farines animales dites contaminées restaient autorisées. Et quels sont les pays qui, tout en n’ignorant pas le problème de l’ESB du Royaume-Uni, continuaient d’acheter et de donner allègrement ce « poison » aux animaux d’élevage ? Je ne citerai que le pays le plus proche, la France. C’est seulement en 1990, que la France interdit l’emploi des farines de viandes dans l’alimentation des bovins. Ce n’est que cette même année qu’éleveurs et vétérinaires furent obligés de déclarer les cas d’ESB sur le territoire. Et curieusement, ce n’est qu’en 1991 que le premier cas d’ESB fut déclaré dans les Côtes-d’Armor. Mais puisque les premiers cas ont été déclarés en 1985 de l’autre côté de la Manche, n’y en avait-il pas eu chez nous avant 1991 ? En 1994, les farines étaient interdites pour les autres ruminants d’élevage. Et en novembre 2000 seulement, cette interdiction s’étendit à tous les animaux d’élevage dont nous consommons les produits. C’est pourquoi lorsque vous trouvez sur les produits une mention indiquant qu’il s’agit d’animaux issus d’élevage intensif (c’est le cas pour les œufs de batterie où il est mentionné « animaux nourris avec de l’alimentation 100 % végétale »), on vous fait croire à l’honorabilité d’éleveurs, alors que finalement cela leur a été imposé par la loi. Le choix de donner des protéines animales était volontaire en raison du prix, proposé par les firmes, moins élevé que celui des protéines végétales (qui constituent pourtant la base naturelle du mode alimentaire des vaches). Savez-vous que dans les farines animales qui étaient données aux animaux d’élevage provenaient du traitement des cadavres de chiens et de chats morts sur les routes ou euthanasiés chez le vétérinaire ou à la SPA, de vaches ou de cochons morts de n’importe quelles maladies, enfin de tout type de cadavre transformé en farine animale et « recyclé » en alimentation animale ? Actuellement, tous les bovins âgés de 24 à 30 mois entrant dans la chaîne alimentaire subissent un test rapide de dépistage de l’ESB à l’abattoir. Si des carcasses testées se révèlent contaminées par l’ESB, elles sont obligatoirement détruites par incinération. Ce qui veut dire qu’après avoir laissé s’écouler des stocks de farines potentiellement contaminées par le biais des fabricants d’alimentation pour animaux d’élevage, les précautions pour rassurer le consommateur et relancer les ventes des produits carnés ont été soigneusement mises en place. Ce fut également le cas des dispositions sécurisantes. Le coût de cette surveillance sanitaire est supporté par les consommateurs et par l’Etat (donc le contribuable), et cela même si vous êtes végétarien !

 

Sans l’ESB, les vaches mangeraient encore aujourd’hui des farines de viandes, tout comme les cochons et les poules...

 

Retenons que l’interdiction des farines animales pour tous les ruminants a été mise en place en Grande-Bretagne dès juillet 1988, alors que cette interdiction n’a eu lieu en France qu’en juillet 1990, et seulement pour les bovins. Ceci fut étendu à d’autres animaux, en décembre 1994, mais seulement pour les ruminants (soit 8 ans après la Grande-Bretagne). L’interdiction des farines animales pour l’ensemble des animaux de rente date en Grande-Bretagne de mars 1996, en France de novembre 2000. Le retrait des SBO (abats spécifiques des bovins) a été mis en place en Angleterre et au Pays de Galle dès novembre 1989 à cause de la possible transmission de la maladie à l’homme. Ce n’est qu’en août 1996 que la France a retiré les MRS (Matériaux à Risque Spécifique, « certains abats »), ainsi que les cadavres d’animaux de la fabrication des farines animales. Les cochons, les poules pouvaient encore être nourris avec de la farine qui n’intégrait plus les cadavres d’animaux (vaches mortes, chiens et chats). Ce n’est qu’en novembre 2000 que les farines animales furent interdites à l’ensemble des animaux de rente. Les ministres de l’Agriculture et de la Santé ont mis du temps à appliquer le principe de précaution. La même chose se produit pour les pesticides dans notre alimentation, ils sont reconnus néfastes pour notre santé, ainsi que pour l’environnement, et pourtant le principe de précaution n’est toujours pas mis en place. Seule une réduction de la moitié de leur usage est en projet pour… 2018 ! Seront aussi retirés du marché (progressivement…) ceux qui sont reconnus les plus dangereux et dont les agriculteurs sont les premières victimes ! Le tout, dans le respect de la compétitivité de notre agriculture, ainsi que l’annonce le site Web du ministère de l’Agriculture.

 

« L’annonce, en mars 1996, par les autorités britanniques, de la possible transmission à l’homme de l’ESB déclenche la première grande crise sanitaire pesant sur la consommation de viande des ménages. Elle est le point d’orgue d’une forte hausse de défiance, depuis la révélation concernant le rôle des farines animales dans l’ESB et leur interdiction en juillet 1990 dans l’alimentation des bovins »1. Mais ne vous inquiétez pas, le retour des farines animales est discuté au sein de la Commission Européenne. Pour les éleveurs, l’intérêt est économique, et il ne semble pas qu’ils soient opposés au retour des farines animales si l’on en juge par les propos, parus dans le Figaro du 25 février 2008, du président de la Fédération des industries avicoles : « Ces derniers temps, le prix du blé a augmenté de 150 % et celui du soja a doublé ». Pour eux, ce type de farine serait une source de protéines à bon marché pour compléter les rations alimentaires des animaux. Les résultats de ces recherches et palabres seront connus dans le courant de l’année 2009. Point sécurisant annoncé, les porcs mangeront de la farine de volailles, et les volailles de la farine de porcs. C’est un exemple. Ce qu’il faudrait, c’est interdire la vente de produits, carnés notamment, venus de pays extérieurs à l’Union Européenne. C’est vrai qu’il y a un manque d’équité de ce côté-là. Mais la France, pour l’instant, est contre la réintroduction de ces farines dans l'alimentation animale. Cependant, il n'y aurait eu que deux cents cas de bêtes touchées par l'ESB l'an dernier en Europe. Le nombre de cas serait en diminution d'environ 40 % tous les ans, d’après les experts de la Commission européenne. Donc, attendons-nous au retour des farines animales.

 

L’Europe produirait chaque année 16 millions de tonnes de déchets bruts animaux. Avant la crise de la vache folle, ils étaient recyclés dans l’alimentation animale et représentaient un marché de 500 millions d’euros. Alors qu’aujourd’hui, leur destruction coûte annuellement environ 1 milliard d’euros2. Le problème ne se poserait pas si tout le monde était végétarien. Qui plus est, l’économie réalisée sur les dépenses qu’occasionne la destruction des farines permettrait de nourrir un grand nombre de personnes défavorisées, ou d’apporter de l’aide aux pays où la famine sévit.

 

Revenons aux veaux qui ont également été victimes de la crise de la vache folle. En 1996, à cause de l’ESB, les autorités européennes mettaient en place une subvention accordée aux éleveurs qui envoyaient leurs veaux de huit jours et plus à l’abattage et à l’équarrissage. C’était la « Prime Hérode », du nom du gouverneur romain qui ordonna le massacre des jeunes enfants à l’époque de la naissance du Christ. Quel symbole !

 

La prime d’abattage de 754 francs (115 euros) par veau de moins de 20 jours était versée jusqu’en 1999. Elle avait été mise en place pour retirer un grand nombre d’animaux du marché. Il s’agissait de limiter les excédents dus à la baisse de consommation pendant cette crise de la vache folle. Notons que la « prime Hérode », instituée en 1996, ne profita guère aux producteurs nationaux, puisque la moitié des veaux alors abattus était d'origine étrangère, ce qui laisse sous-entendre que ces petites bêtes subissaient de longs transports, parce qu’elles étaient cherchées par des grossistes dans les autres pays. La « prime Hérode », de 1996 à 1999, a encouragé la destruction pure et simple de 2,8 millions de veaux européens et a rempli les poches de certains marchands et responsables d’abattoirs.

 

Rappelons que c’est grâce aux soi-disant professionnels que nous avons connu la maladie de la vache folle, car il a été permis de donner des farines animales provenant de carcasses ou de déchets d’animaux aux vaches pourtant herbivores.

 

Considérés comme des sous-produits dans le système de production, plusieurs millions de veaux de huit jours et plus ont été tués pour rien. Ils étaient éliminés pour rétablir l’équilibre économique ébranlé par la baisse de consommation de viande bovine.

 

Certains faisaient des trajets en camion sur de très longues distances, puisqu’ils pouvaient venir d’autres pays de l’Union (qui ne voulaient pas pratiquer cet abattage) pour être abattus en France. Souvent, le voyage était fatal à ces très jeunes veaux à cause du temps de trajet trop long, du manque d’alimentation et d’abreuvement.

 

Dans ce cadre, un abattoir en France les tuait de façon horrible. Des images avaient été tournées par un journaliste allemand. Elles avaient été diffusées au journal télévisé. Le journaliste avait embarqué avec le chauffeur d’un camion qui transportait des veaux de moins de huit jours en provenance d’Allemagne qui devaient être abattus en France. A l’abattoir, en caméra cachée, il avait pu filmer la mise à mort des veaux qui arrivaient en si grand nombre que le pistolet à tige perforante, appliqué sur le crâne des veaux, surchauffait. Le rythme de son utilisation, à la chaîne, était si intense (un veau derrière l’autre, toute la journée) qu’il en devenait brûlant. L’utilisateur ne pouvait plus le tenir, ni même remettre de nouvelles cartouches.

 

Un nouveau pistolet a alors été commandé pour effectuer des rotations, mais en attendant, au lieu de différer les abattages de veaux, on a continué à les tuer de façon monstrueuse. Pour cela, les employés utilisaient les crochets (qui servaient d’ordinaire à la suspension des carcasses par une patte) pour frapper violemment sur la tête des veaux. Ces derniers perdaient plus ou moins connaissance, ils étaient ensuite jetés (encore vivants, car ils ne mouraient pas tout de suite) dans des bacs, les uns sur les autres. Les images montraient les veaux agonisants qui bougeaient encore, livrés à une mort lente.

 

Des pratiques qui surprennent. Comment en est-on arrivé là ? Les services vétérinaires qui se trouvaient sur place ne pouvaient-ils pas intervenir ? N’aurait-il pas été possible d’emprunter à un autre abattoir un pistolet à tige perforante ?

 

Pourquoi un animal, à partir du moment où il est décrété « sous-produit », sans grande valeur marchande, fait-il l’objet d’un manque de considération ? Que le petit veau fût en bon état ou non en arrivant à l’abattoir, peu importait : dans tous les cas, les 754 francs tombaient dans la poche.

 

Dans un autre abattoir, où je n’avais pas assisté aux abattages des veaux de la « prime Hérode », j’avais pu observer dans un camion immatriculé en Allemagne, les petits bébés des vaches qui étaient dans un état lamentable. Les différents trajets (le rassemblement et le regroupement en lots en partance de pays de l’Union européenne vers les abattoirs français) provoquaient la déshydratation et le mal-être des veaux. Certains étaient même déjà morts avant d’arriver. Enfin, ce n’était pas vraiment le trajet qui causait les souffrances, mais plutôt les éleveurs, les négociateurs, les transporteurs et les abatteurs qui en faisaient le commerce. Évidemment, pourquoi agir avec soin pour de petites bêtes destinées à l’équarrissage ?

 

Il était important pour moi de vous parler, même s’il n’a plus cours, de cet épisode misérable qu’ont vécu des centaines de milliers d’animaux.

 

 

 

 

1 http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp?ref_id=ip1166

 

2 Source www.cite-sciences.fr

 

 

 

 

samedi, 22 décembre 2012

Il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.

 Les Sables au temps de la grande pêche, André Collinet, traite des noirs, histoire du sucre, Saint-Domingue, le grand commerce, les Sables d'Olonne

Le grand commerce et la traite des noirs, vu par André Collinet, armateur des Sables d'Olonne, qui tint son journal durant de nombreuses années.

“Le grand commerce occasionne une consommation d’hommes. Le luxe en est encore une autre. Il attire les richesses en les villes et laisse les campagnes désertes et dans la disette, favorise le pouvoir arbitraire, l’augmentation des subsides, qui donne aux nations opulentes la facilité de contracter des dettes. La Hollande, l’Angleterre, la France sont chargées de dettes, et la Suisse ne doit rien.
La consommation des hommes est si grande, que l’on ne peut sans frémir considérer celle que suppose notre commerce de l’Amérique. L’humanité, que commande l’amour de tous les hommes, veut que dans la traite des nègres, je mette également au rang des malheurs et la mort de mes compatriotes et celle de tant d’Africains qu’anime au combat l’espoir de faire des prisonniers et le désir de les échanger contre nos marchandises. Si on suppute le nombre d’hommes qui périt, tant par les guerres que dans la traversée d’Afrique, en Amérique, que l’on y ajoute celui des nègres qui, arrivés à leur destination, deviennent la victime des caprices de la cupidité et du pouvoir arbitraire d’un maître , et qu’on joigne à ce nombre celui des citoyens qui périssent par le feu, le naufrage, ou le scorbut, et enfin qu’on y ajoute celui des matelots qui meurent pendant leur séjour à Saint-Domingue ou par les maladies affectées à la température particulière de ce climat, ou par les suites d’un libertinage toujours si dangereux en ce pays, on conviendra qu’il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.”

Les Sables au temps de la grande pêche, Manuscrits de Collinet (1739 - 1782) 
Tome 1, éditions CVRH

Les Sables au temps de la grande pêche, André Collinet, traite des noirs, histoire du sucre, Saint-Domingue, le grand commerce, les Sables d'Olonne

 Nous avons déjà cité le journal de Collinet deux fois. Un passage un peu moins humaniste est lisible par ici ; son journal est également cité dans la lettre qui annonça la création de la Confrérie de Baude Fastoul.

jeudi, 20 décembre 2012

Lettre de Loup

 Roll1.Christ10-500x338.jpg


Chère Édith,

 

Un vieux roman allemand  " L'Ami de Dieu de l'Oberland / Der Gottesfreund vom Oberland ", eut une influence malheureuse sur le destin de la Russie. L'ouvrage de la fin du moyen-âge, est dû à un marchand strasbourgeois, Rulman Merswin, (né vers 1307 - mort en 1382), tombé dans le mysticisme. Il avait créé une communauté pseudo-mystique nommée " l'Île verte", et correspondait ardemment avec Johannes Tauler, le théologien dominicain établi à Strasbourg. Rulman Merswin prétendait avoir rencontré en 1351 le personnage de son livre.

 

Le nom " Ami de Dieu " fut employé par divers personnes en référence à l'évangile de Jean 15:15, pour dire leur appartenance à un mouvement mystique durant le 14e. Comme je vous l'ai expliqué, l'ouvrage est présenté comme vrai par l'auteur, mais n'est en fait qu'un roman. Il se veut comme le récit des quatre premières années de la nouvelle vie du héros,  personnage idéal collant à l'esprit du mouvement mystique des Amis de Dieu... Le personnage est le fils d'un marchant, et a pour interdiction de dire son nom et de révéler tout ce que Dieu a révélé en lui, sauf à un inconnu vivant dans l'Oberland. Il vit toutes sortes d'aventures pieuses, devient le guide spirituel d'un prince hongrois. La conclusion de ce roman est que le Ciel accorde sa grâce à certains souverains en leur envoyant un homme pieux, doté de clairvoyance, venant à leur secours dans les moments difficiles. Dans le roman on ne sait pas ce que devient l'homme de Dieu, car il poursuit sa vie en ermite, et l'auteur dit avoir perdu sa trace.

L'ouvrage fut retrouvé au XIXe siècle, et tous les princes allemands le lurent ; plusieurs historiens firent des recherches pour savoir s'il y avait de la véracité dans le texte. Quand Alix de Hesse, future impératrice Alexandre Feodorovna  de Russie, eut l'ouvrage en main, il était acquit que c'était un roman, mais elle crut que c'était une vérité, car il la confirmait dans le pseudo-mysticisme.

 

NB : on a beaucoup dit que cela lui avait été lui avait transmis par sa mère, Alice de Grande-Bretagne, mais en fait sa mère n'était pas du tout une superstitieuse, elle était amie avec le théologien David Friedrich Strauss, l'auteur de "La vie de Jésus",  qui fit valoir que la Bible ne pouvait pas être interprétée littéralement comme la parole de Dieu, ce qui avait fait scandale à l'époque. Le "mysticisme de l'Impératrice lui provenait certainement de l'entourage de sa famille paternelle - parmi les exemples de cette influence : l'Impératrice porta toute sa vie une bague avec une svastika, porte bonheur pangermanique. Arrivée en Russie, éblouie par les courants superstitieux qui parasitaient l’Église orthodoxe, elle passa des années à la recherche de ce guide, rencontrant régulièrement ce que l'on nomme en orthodoxie, les fous de Dieu, qui a cette époque étaient généralement des simples d'esprits. Elle rencontra finalement finalement Raspoutine, qui bénéficiait d'une réputation exagérée par son entourage. L'Impératrice avait des bouffées délirantes, elle interprétait la réalité à sa manière, et la force de Raspoutine a été d'arriver au bon moment, de dire à l'Impératrice ce qu'elle voulait entendre, et de l’influencer en la laissant croire qu’elle avait besoin de lui.

 

Loup Odoevsky-Maslov

 (photos de Sara)

2011.avril.Edith.Tour2.jpg

photos de Sara

mardi, 18 décembre 2012

Monsieur Bovary

« Si j'étais un homme, je ferais ce que vous me dites. Mais les pauvres bêtes qui veulent montrer leur amour ne savent que se coucher par terre et mourir ».

La Bête, dans le film La Belle et la Bête, de Jean Cocteau

(Extrait de Madame Bovary, de Vincente Minnelli, 1950.
Musique de Miklós Rózsa. Vidéo trouvée sur YT, merci à l'internaute qui l'a postée !)

Edith de Cornulier-Lucinière, monsieur Bovary, madame Bovary, Vicente Minnelli, Miklós Rózsa

 

A l'intention de monsieur Charles Bovary, époux malheureux et médecin de province.

 

 

Monsieur Bovary

 

Personne encore n'a écrit votre histoire.

 Aucun écrivain n'a vomi en portant vos douleurs dans son ventre. Mais je vous promets qu'un jour vous aussi aurez votre roman. Ce sera le roman d'un médecin de campagne, mari et père, englué dans une vie taillé sur mesure pour un cœur plus cynique que le sien.

 Dans ce roman, vous ne vous appellerez plus monsieur Bovary, afin que personne ne vous reconnaisse. Mais vous, vous vous reconnaîtrez. Et ceux qui ont aperçu l'image de votre cœur derrière la description de votre épouse, vous reconnaîtront aussi sans l'ombre d'un doute.

 Je vous promets que ce roman sera plus grand encore, plus beau que celui qu'on fit pour elle. Il sera taillé dans une langue française toujours aussi belle bien que métamorphosée par la modernité que vous sentiez poindre en votre temps. Et il fera le tour du monde pour conter votre cœur mis à nu aux millions de frères qui vous restent ici-bas, qui vous ressemblent, et que vous ne connaissez pas.

Je vous prie de croire, monsieur Bovary, en l'expression de ma sororale cordialité.

 

Edith de Cornulier-Lucinière

 

lundi, 17 décembre 2012

Carte du Tendre

 
Comme tant d'entre nous je vis noyée dans un chagrin poussiéreux, parsemé de halos de lumière d'aube. Comme tant d'entre vous je suis seule au milieu des ruines de mes amours mortes.
Draps froissés, solitudes, mécompréhensions, dépits, tristesses, ratages, instants de bonheur, exaltations, désespoirs... Tels sont les sentiments que nous portons comme une croix sans honneur, sans grandeur, mais d'une lourdeur qui pèse sur le cœur. Je relate ici toutes les déceptions amoureuses auxquelles mes rencontres avec quelques hommes, femmes et hermaphrodites ont irrémédiablement abouti.
 
Je m'excuse auprès de mes ex-amants de les classer ici par ordre chronologique de leur arrivée dans ma vie.
N'ayant pas une claire conscience des frontières mystérieuses entre l'amour et l'amitié, j'indique entre parenthèse s'il s 'est agi d'amours charnelles, aux morsures brûlantes, ou platoniques (morsures glaciales). La surconsommation de substances, parmi lesquels le traitre alcool de salamandres, à certaines périodes de ma vie, rendant la mémoire défaillante et le souvenir tangent, j'indique "incertitude" lorsque j'ignore si la morsure fut brûlante ou glaciale, autrement dit si la rencontre amoureuse fut charnelle ou platonique.

(N.B. Au bas de ce billet, j'ajoute une description synthétique de mes amants, grâce à une question de Tieri).

Alix Durand-Boucher (amours charnelles)
Rencontrée en 2005
Création d'un groupe de musique beith. Passion, gloire et déchirements. Lendemains qui pituitent, comme l'a si bien dit Katharina. Alix me quitte brutalement pour convoler avec Gangs of the world. Je pouvais tout pardonner ; tout, sauf cela. Je tombe en dépression nerveuse.
 
Étienne Destranges (amours charnelles)
Au fond du gouffre, je rencontre Etienne, qui venait de quitter les Stonehengers et qui, sous la direction d'un professeur assassiné depuis, rédigeait une thèse sur l'apocalypse qui vient. Il me sauve. Je manque de le faire sombrer. Nous remontons la pense. Dégoûtée par la musique beith et son milieu, je me lance dans le dark rock. Etienne et moi nous nous séparons finalement, lassés par la tourmente innombrable des choses quotidiennes qui reviennent cogner nos cerveaux quand nous voudrions planer bien au-dessus du monde matériel et des mots banals.
 
Miles Yufitran (amours charnelles)
J'ai partagé la vie de Miles pendant trois ans. Qui mieux que moi peut savoir ce qu'il a souffert ? Souffrances  et mémoires de sa mère Aïda, prostituée, douleurs de la séparation d'avec sa sœur Joan. Un soir je suis rentrée chez moi - chez nous - et je l'ai retrouvé. J'ai appelé les policiers et je les ai attendus en pleurant, assise entre Miles et sa trompette veuve, désormais. Quand je pense à lui, je me souviens de ce texte qu'il avait écrit un soir de brume, une brume qui évoquait pour lui ses deux pays, l'Irlande et la Berbérie : « Ma trompette fait la gueule. Alors je la laisse tomber et je bois. C’est dur d’être un musicien. On est des poètes du sable, à la moindre vague notre œuvre est détruite, effacée à jamais. On balance du vent dans les oreilles des gens et ils nous remercient en ne comprenant pas le fond de notre âme. On zone, on boit, on crève jusqu’à l’aube, et on se réveille avec une mélodie qui pince le cœur. Alors on attrape la trompette, on souffle nos douleurs dedans et ya un voisin qui crie : «Ta gueule ! »
Mais on continue quand même.
La rue est belle, les poubelles aussi sont belles, tout peut être beau quand on a les yeux remplis de ciel. Ma musique, mon amour, tu m’entraînes loin des hommes, alors parfois je te hais. Puis je me souviens que si tu m’entraînes si loin des hommes, c’est pour m’emmener plus près des étoiles ».
Miles, ton absence est bleue comme une étrange note de jazz perdue dans une mélodie classique...
 
Siobhan Hollow (incertitude)
Siobhan, tu nies que nous sommes amoureuses à jeun. Mais lorsque tu as bu tes bras m'enserrent et je sais que tu m'aimes. Tu es furieuse que j'écrive cela. Peu importe. Je ne l'effacerai pas. Pas avant que tu m'aies dit quelque chose de gentil, à jeun.
 
Axel Randers (amours platoniques)
Axel, amants des après-midi d'hiver interminables, des longues soirées dans des bars mal chauffés à parler en fumant, ou plutôt, à fumer en parlant. Toi, à la bière, moi à la tisane. Esther avec nous, quelque fois. Puis la mort t'a ravi à nos amours platoniques. Le baiser de la mort n'est jamais platonique. La mort y va franco. La mort consomme. Que ce soir dans un lit ou dans une voiture, à n'importe quelle saison, à n'importe quel moment, la mort nous baisera tous.
 
Esther Mar (amours platoniques)
Tu vis dans une maison au bord de la Marne et j'ai le droit de venir te voir quelquefois. Tu ne veux jamais parler de ton hermaphrodisme. Je te promets que je t'aimerais toujours autant si tu te dévoilais. Je te le promets, tu souris et tu remets à plus tard. Encore plus tard. Toujours plus tard. Il faudra pourtant que s'accomplissent un jour, une nuit, nos noces faméliques.
 
Réponse à une question de Tieri
 
 
Tieri : Tu crois qu'on va mourir ?
A quoi ressemblent tes amoureux Édith ?
 
Édith :
"Mes amoureux ressemblent à des frères d'ailleurs. Ils ont des longues jambes, des longs bras, des voix graves et des visages qu'on ne distingue pas très bien. Seuls leurs yeux brillent. Ils ne mangent pas, ils ne dorment pas, ils marchent sous la pluie. Ils ne lisent plus rien car ils ont appris tous les livres par cœur, comme dans Fahrenheit. Ils m'entourent, marchent autour de moi, armée d'amants qui me protègent du monde réel et des coups bas. Ils n'ont pas de maisons, mais des vaisseaux spatiaux. Ils surfent dans le ciel. Ils aiment mes écritures et mes danses. Ils ressemblent à des Peter Pan d'un autre monde, d'un autre temps, un temps qui vient lentement, lentement, ils ont un temps d'avance.
Ils sont géographes, astrophysiciens et chevaliers. Ils viennent de nulle part, ou plutôt, de si loin que l'on ne sait plus le nom de leur pays d'origine et ils savent parler aux poissons. Ils aiment les sonorités du monde, les bulles d'eau, les ballons que les enfants envoient dans le ciel après la fête. Ils me donnent leurs desserts.
Ils sont plus fidèles que la fidélité, plus aventureux que l'aventure. Je soupçonnent certains d'entre eux d'être des femmes déguisées. Je m'en fiche".
 
(Edith avait déjà répondu à une question de Tieri à cet endroit...)

dimanche, 16 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : L’électronarcose par la pince électrique

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


L’électronarcose par la pince électrique

 

 L’électronarcose est un procédé provoquant un évanouissement par un courant électrique qui traverse le cerveau. On procède à cet acte avant la saignée.

Le décret n° 80-791 du 1er octobre 1980 rend obligatoire l'immobilisation des porcs avant tout abattage ainsi que leur étourdissement avant leur suspension et/ou mise à mort, à l’exception des abattages d'extrême urgence ou rituels. Le premier décret à ce sujet est celui de 1964 obligeant un étourdissement avant tout abattage, sauf dans le cadre de l’abattage rituel. Ce décret a été pris sur la demande de Madame Jacqueline Gilardoni, qui avait créé une association qui œuvrait à l’assistance des bêtes d’abattoirs. Le sort réservé aux animaux d’élevage l’avait amenée à devenir végétarienne par amour et par respect des animaux.

Il existe trois méthodes couramment employées pour l’étourdissement des porcs : l’étourdissement au CO2 dans des fosses, l’étourdissement automatique au bout d’un Restrainer ou d’un Midas, et l’étourdissement à la pince manuelle. L’étourdissement électrique a fait son apparition dans les années 1920, le gaz dans les années 1950.

La méthode d’étourdissement par le gaz dans des fosses est source de souffrance, car les animaux sont conduits sur une nacelle qui les y descend. Cette première étape les apeure. Plus ils descendent, moins il y a d’oxygène, la panique s’empare d’eux, il s’ensuit la recherche de l’air, des convulsions, une suffocation et la perte de connaissance intervient alors seulement.

L’autre méthode plus efficace est l’utilisation d’un Restrainer ou d’un Midas avec un étourdissement électrique automatique. Dans le Restrainer, sorte de long tunnel, les porcs sont convoyés en étant coincés entre deux bandes latérales qui les entraînent vers des broches électriques. Dans le Midas, sorte de tunnel également, les porcs sont amenés vers les broches en étant transportés par le dessous. Lors du passage dans ce tunnel, des broches entrent en contact avec la tête et provoquent une électronarcose1. Parfois une plaque supplémentaire vient s’appliquer au niveau du cœur pour provoquer un arrêt cardiaque. Lorsque ces appareillages sont bien réglés, bien que ce tunnel soit une source de frayeur qu’atteste une augmentation du pH (niveau d’acidité dans les tissus musculaires) due au stress intense provoqué par toute cette mécanique, l’électronarcose, elle, est assez efficace et généralement radicale : les porcs perdent conscience. Toutefois, une synthèse technique rédigée à ce propos par l’Institut Technique du Porc relève que « les anesthésies électriques et au gaz restent imparfaites quant aux défauts engendrés sur les carcasses (points de sang, hématomes, fractures, baisse du pH) et laissent des incertitudes par rapport à la rapidité et la durée de la perte de conscience totale »2.

L’utilisation manuelle de la pince électrique, assez aléatoire, peut être pire. Son efficacité varie selon le passage du courant entre la bête et le sol, selon que l’animal a été aspergé d’eau ou non, selon l’endroit d’application de la pince par l’employé sur le porc, selon l’état d’entretien de la pince, et surtout selon son réglage (ampérage, voltage, temporisation…). La durée d’application est également importante. Elle varie en fonction de la présence d’une temporisation sur la pince. S’il n’y en a pas, elle est laissée à l’appréciation de l’employé, ce qui est trop aléatoire. Bref, tous ces éléments mettent en question son efficacité, sans parler d’un manque d’uniformisation des méthodes d’utilisation des pinces électriques manuelles ; c’est un problème que j’ai remarqué de nombreuses fois. Mes observations en abattoir corroborent les propos de l’Institut Technique du Porc : « Aujourd'hui encore, l'opération d'étourdissement n'a fait l'objet que de peu d'études dans quelques pays comme le Danemark, les Pays-Bas, l’Allemagne et le Royaume-Uni en Europe. En France, cela concerne le bien-être et la qualité des carcasses de plus de 26 millions de porcs abattus annuellement »3.

Avec une application, qui dure parfois plus de 25 secondes, d’une pince réglée à un voltage très bas, l’étourdissement s’apparente à une séance de torture à l’électricité. L’animal devrait subir un choc électrique instantané qui le plonge immédiatement dans un état d’inconscience afin qu’il ne ressente pas la douleur de la saignée. J’ai vu trop souvent dans plusieurs abattoirs une utilisation désastreuse de la pince. L’application doit être faite derrière les oreilles pour que le courant choque le cerveau. J’ai déjà vu l’application sur les épaules, sur l’arrière-train de coches, dans les yeux, ou sur le cœur. Dans un abattoir de Bretagne qui était en réfection, le système et la pince était si vétuste que les porcs hurlaient pendant l’application de la pince ; cela durait longtemps avant qu’ils ne s’écroulent. Dans d’autres abattoirs, la pince est appliquée si longtemps que l’animal est mis à mort par électrocution. Une enquête commandée par la commission Européenne (1989) et publié dans la revue Pig International (juin 1990) estime que 90 % des porcs sont tués par le choc électrique, les autres étant seulement étourdis. Cette enquête effectuée dans 39 abattoirs porcins et 12 pays a montré des variations considérables entre les voltages et ampérages pratiqués. Par exemple pour une intensité de 240 V (≈1,25 A), la durée d'anesthésie variait de 1-2 secondes à 12-16 secondes4.

La pince doit plonger dans un étourdissement brutal et sans douleur, et c’est la saignée qui doit provoquer la mise à mort. J’ai également vu des porcs si peu étourdis qu’ils étaient suspendus se débattant par les pattes ; ils étaient donc parfaitement conscients au moment de la saignée. Les porcs sont également souvent conscients au moment de la saignée parce qu’il s’écoule trop de temps entre l’électronarcose, la suspension et la saignée. Parfois un réglage assez bas du voltage occasionne volontairement un mauvais étourdissement. Cela est fait pour préserver la qualité de la viande afin de ne pas avoir de problème sur la carcasse (pétéchies, fractures des épaules, déchirements musculaires notamment des jambons…). Ces problèmes sont liés à une mauvaise installation, de mauvais réglages, une mauvaise utilisation de la pince, et à un manque de formation de l’utilisateur. Il faudrait uniformiser les installations et la méthode d’utilisation de la pince manuelle.

 

Il existe plusieurs types de pinces pour les cochons : la pince Schermer, Etime, Morphée, et Ninjhuis. Je vais illustrer ce chapitre par la triste visite d’un abattoir de truies que j’ai effectuée à la fin de l’année 2008, en Bretagne. C’était un abattoir spécialisé dans l’abattage des coches de réforme. Il travaille à une cadence de 70 bêtes par heure. Cela parait peu, par rapport à un abattoir qui peut faire passer sur la chaîne d’abattage 500 à 700 porcs à l’heure. Cependant, les coches sont plus difficiles à manipuler et à abattre. Les coches étaient menées à l’aide d’une pile électrique allègrement utilisée. Ces grosses bêtes avaient du mal à marcher et ne voulaient pas rentrer dans le couloir de la mort. Une fois dans ce couloir, certaines tentaient de faire demi-tour, et c’est encore à coups de pile électrique que le porcher leur rappelait la direction fatale. Un employé faisait entrer une truie après l’autre dans un piège rectangulaire ouvert sur le dessus. Une porte latérale très lourde se refermait derrière elles, en leur percutant sans ménagement l’arrière-train. Je ne vous parle pas avec sensiblerie (je n’ai pas plus de sensiblerie qu’un escargot), mais le regard désespéré de ces truies qui ne comprennent pas ce qui se passe, mais qui sentent bien que rien ne va plus, ne peut vous laisser indifférent. La personne qui m’accompagnait a fondu en larmes lorsque nous sommes retournés à la voiture pour repartir.

 

L’employé tentait d’appliquer la pince de type Ninjhuis, alors que les coches baissaient la tête pour ne pas se laisser attraper par le tueur. L’application se faisait derrière les oreilles, parfois dans les yeux. Il s’agit normalement, dans le cadre d’une électronarcose, d’un choc électrique qui fait s’écrouler instantanément l’animal à terre. Il n’en était rien. La pince était appliquée beaucoup trop longtemps, jusqu’à 45 secondes. Les truies se crispaient et relevaient la tête en contractant les muscles pendant que les décharges électriques (qui véritablement les faisaient souffrir) traversaient leur corps. Elles ne s’écroulaient au sol, lâchant prise, que plusieurs dizaines de secondes plus tard. Ensuite, l’employé insistait encore sur le cœur car, me disait la responsable, si l’on ne fait pas comme cela, lorsqu’elles sont suspendues et qu’on veut les saigner, elles donnent des coups de pattes et c’est dangereux pour le tueur. C’est donc encore une fois l’animal qui « trinque » pour le confort de l’humain. Certes, la sécurité des employés était engagée, mais justement les installations mal conçues ne permettaient pas une bonne sécurité du personnel. J’ai pu constater l’absence du tableau électrique auquel est normalement reliée la pince : il se trouvait dans une autre pièce. Pourtant l’arrêté du 12 décembre 1997 relatif aux procédés d'immobilisation, d'étourdissement et de mise à mort des animaux et aux conditions de protection animale dans les abattoirs (Annexe III - paragraphe 5 point A alinéa 2) précise pour le boîtier électrique qu’il doit :

 

« a) être pourvu d'un dispositif mesurant l'impédance de la charge et empêchant l'appareil de fonctionner si le courant minimal requis ne passe pas ;

 

b) être pourvu d'un dispositif sonore ou visuel indiquant la durée d'application à un animal ;

 

c) être connecté à un dispositif, placé de manière à être nettement visible pour l'opérateur, indiquant la tension et l'intensité du courant. »

 

Nous étions en 2008 au moment de la visite de cet abattoir, onze ans après l’arrêté. Nous sommes en droit de nous poser la question suivante : qu’ont mis en place les autorités compétentes qui sont chargées de vérifier la mise en application des réglementations de protection animale en abattoir ?

Selon la responsable de l’abattoir, les truies sont aspergées d’eau pour un meilleur passage du courant vers le sol via l’animal, mais nous n’avons rien vu de tel. Personne n’effectuait cette opération pourtant recommandée.

Dans cet exemple d’abattage de coches de réforme, si leur vie a été misérable en élevage intensif, leur mise à mort est elle aussi cruelle. Leur souffrance ne connaît aucun répit.

Autre exemple de mauvaise utilisation manuelle de la pince électrique dans un abattoir de la région Picardie. Voici ce que j’ai constaté. Je commence par l’abattage des porcs et des ovins. Les porcs sont emmenés calmement par groupe de 10 à 15 dans le local d’abattage. L’employé se saisit d’une pince électrique ÉTIME, boîtier AGR 84 OP qu’il applique de façon très précise derrière les oreilles, mais durant très peu de temps, à peine une seconde. L’animal tombe aussitôt, il semble étourdi, l’intensité est puissante. La pince électrique est proprement appliquée (derrière les oreilles), mais pas assez longtemps. Les cochons devraient être saignés tout de suite, car certains se réveillaient avant même d’être suspendus. L’employé ne procédait pas à une seconde application, alors même que des porcs hurlaient pendant la suspension.

Durant la suspension et avant la saignée, j’ai pu voir des porcs qui suivaient du regard les déplacements du deuxième employé. Certains porcs sous l’effet de l’électronarcose étaient raides et contractaient les pattes avant pendant la suspension. Au sol et pendant la suspension, certains se relâchaient. On pouvait voir qu’ils étaient réveillés. Ils s’agitaient énormément. Quelques-uns hurlaient pendant et même après la saignée qui était effectuée avec un trocart. Certains étaient encore conscients et ont hurlé largement après la saignée. J’ai effectué le test occulopalpébral avant et après la saignée sur plusieurs porcs. Il s’est révélé positif de nombreuses fois sur des porcs qui n’avaient pas perdu conscience.

La saignée est effectuée à l’aide d’un trocart pour la récupération du sang. Le trocart est appliqué sous la gorge, à la hauteur de l’œsophage. L’employé ne fait qu’une petite entaille et le laisse quelques instants dans la gorge. Parfois, l’employé remuait le trocart dans l’orifice effectué. Un porc, après la saignée, s’est décroché tant il s’était débattu. Il s’écoulait entre 30 et 35 secondes de l’électronarcose jusqu’à la saignée. Le temps plus rapide a été de 25 secondes et le plus long de 40 secondes sur la cinquantaine de porcs que j’ai vus. Ce qui prend du temps, c’est la rampe qui est haute et la montée de la chaîne jusqu’au poste de saignée. Un réglage plus puissant de la pince permettrait une bonne anesthésie et empêcherait que les porcs se réveillent une fois suspendus. Mais ce petit réglage et cette courte application sont volontaires. Car avant, la conséquence d’une électronarcose plus longue laissait apparaître des dégâts sur les carcasses. Des fractures au niveau des échines, sur les fémurs, aux épaules et des déchirements au niveau du jambon, ainsi que du purpura étaient retrouvés sur la viande.

Ces problèmes sont apparus depuis les rénovations et l’installation du nouveau boîtier. L’ancien boîtier ETIMA ne posait pas de problèmes. Les porcs étaient arrosés d’eau et les employés utilisaient la temporisation. Le responsable de production a fait venir deux fois des électriciens, en plus du technicien qui a installé le boîtier ETIMA. Ce dernier a même fait une démonstration sur un cochon en lui appliquant la pince derrière les oreilles, puis sur le côté du cœur. Les résultats ont été pires. Les employés ont également essayé de les doucher, mais, ce fut encore pire. Il apparaissait, en plus, des problèmes sur les poumons qui devenaient rouges et se couvraient de pigments de sang.

Depuis, l’abattoir a essayé de trouver un compromis en appliquant la pince durant un temps très court et à une faible intensité. Le boîtier est réglable à 180 V pour les agneaux, 220 V pour les moutons, 275 et 330 V pour les porcs, 325 V pour les coches de moins de 200 kg et 370 V pour les autres coches.

En comparaison avec d’autres abattoirs, les porcs saignés au trocart semblaient mettre plus de temps à mourir que ceux saignés au couteau, surtout si l’étourdissement n’est pas efficace. De plus, le sang s’écoule moins vite avec le trocart. Le trocart est une sorte de grosse seringue formée de deux lames avec un trou au milieu. Il est relié à un tuyau pour la récupération du sang par aspiration. (La récupération du sang par une saignée au couteau est interdite). Le tueur le plante sous la gorge au niveau de la trachée (point appelé aussi « trou épaule ») et le laisse un petit moment pendant que le sang s’écoule dans le tuyau.

Le sang s’écoule moins vite qu’un égorgement qui serait effectué de côté en sectionnant les veines jugulaires et les carotides. Si l’électronarcose est mal faite, l’animal reste conscient et meurt lentement comme pendant l’abattage rituel.

Concernant les abattages des ovins, les seuls problèmes que j’ai rencontrés concernaient les agneaux de 100 jours qui sont sensibles à l’électronarcose et dont la viande présente ensuite du purpura. Pour les moutons adultes, l’étourdissement se passait mieux, selon le responsable, que pour les porcs. C’est la même personne qui étourdissait et pratiquait la saignée pendant la montée, donc c’est très rapide. La différence est que le sang n’est pas récupéré et les moutons sont saignés avant d’atteindre le poste où se trouve le trocart.

On peut constater, ici, que les porcs sont insuffisamment étourdis de façon délibérée, pour diminuer les conséquences d’une électronarcose mal adaptée. Dans un Restrainer à étourdissement automatique, en général, si l’électronarcose est bien réglée, et si la saignée intervient dans la foulée, il n’y a pas de conséquence sur la viande. Cependant le Restrainer stresse beaucoup les porcs, et fait par conséquent augmenter l’acidité dans la viande. Les porcs sont terriblement apeurés par cette espèce de tunnel qui les absorbe en les entraînant par deux bandes latérales vers des broches électriques.

 

 

 

1 Exemple de réglage moyen pour un Midas qui fonctionnait bien pour des porcs charcutiers : 1,3 ampère – 150 à 220 volts sur les broches et 100 volts sur la plaque qui permet une défibrillation du cœur.

 

2 L’anesthésie des porcs (extrait d’une synthèse bibliographique de l’Institut Technique du Porc de 1998)

 

3Techni Porc, volume 21, n°4, 1998.

 

4 Source ITP.

 

 

samedi, 15 décembre 2012

Elle partie

 SAM_2627.JPG

Lorsqu'on regarde vers la vie on souhaite se jeter dans la course pour attraper les meilleurs morceaux. Lorsqu'on s'arrête pour contempler la mort, la mort douloureuse, la mort que précède l'agonie, la mort suivie par la disparition et l'oubli, on se demande s'il ne vaut pas mieux renoncer à toutes les guerres pour vivre au milieu des fleurs, sentir de tout son cœur les beautés des saisons et la douceur des rencontres.

SAM_2501.JPG

 Tempus fugit... Sic transit gloria mundi... Vanitas vanitatum... Mais l'amour ne passera jamais.

ECL

Photos de Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

 

vendredi, 14 décembre 2012

La fête du Grand Meaulnes

Qu'il est grand et beau, ce Meaulnes. Qu'elle est belle cette fête. Qu'il est fascinant ce film de Jean-Gabriel Albicocco...

Alain-Fournier, je t'ai aimé deux fois. A quinze ans dans ton livre, à vingt-cinq ans par ce film.

Mais tu es mort à la Grande Boucherie, comme tant de jeunes hommes qui avaient tant à écrire, à aimer, à vivre.

mercredi, 12 décembre 2012

Sur la monarchie de juillet

"Louis Veuillot détestait ce régime bourgeois jouisseur, pratiquement athée, qui donnait à l'ouvrier des maîtres pour lui vendre l'eau, le sel et l'air, pour lever la dîme de ses sueurs, pour lui demander le sang de ses fils".
Fernand Mourret "L'Eglise contemporaine"

IMAG2025.jpg

Quelques extraits de La monarchie de juillet, de Thureau-Dangin

 

Guizot parle sur la démocratie :
"Nous avons tous, presque tous, conquis nos grades à la sueur de notre front et sur le champ de bataille. Voilà la vraie liberté, la liberté féconde, au lieu de cette démocratie envieuse, jalouse, inquiète, tracassière, qui veut tout abaisser à son niveau, qui n'est pas contente si elle voit une tête dépasser les autres têtes"
Guizot

 

Discours de Guizot du 6 décembre 1834 :
"Il y a des peurs viles et honteuses, et il y a des peurs sages et raisonnables... Savez-vous pourquoi l'on ferme les yeux sur les dangers ? C'est parcequ'on a peur... Savez-vous ce qu'on fait quand on a peur des passions populaires ? On dit qu'elles n'existent pas, que cela passera. Et les passions populaires passent en effet, mais comme un torrent torrent qui dévaste tout devant lui."

Thureau-Dangin, Guizot, 1834, Fernand Mourret, l'église contemporaine, comte Molé

 

Molé achète les voix à coups de subventions :
"Sur 459 députés, on ne comptait pas moins de 191 fonctionnaires : ceux qui ne l'étaient pas pour eux-même avaient à caser ou à faire avancer des parents, des amis, des clients. Ce mal n'était pas né avec Molé ; il datait du jour où avait été dissous le cabinet du 11 octobre, où les partis s'étaient trouvés déclassés, morcelés, mêlés, désorientés, et où les compétitions de personnes avaient remplacé au Parlement, les luttes de principes".

Tirés de revues clandestines en août 1838 :


"Guerre à mort entre vous qui jouissez d'une insolente oisiveté et nous qui souffrons depuis longtemps"


"... Le temps approche où le peuple exigera, les armes à la mains que ses biens lui soient restitués"



Lu dans La Monarchie de juillet Thureau-Dangin

 

 

mardi, 11 décembre 2012

Souvenir de l'été dernier

IMAG1907.jpg

lundi, 10 décembre 2012

Carte d'identité, carte de fumée

Réponses d'Edith de CL aux jeunes Hugues et Dylan Gabridelis
18 mars 2012

enfance nocturne, Dylan, carte d'identité



Ta chanson préférée : Emmanuelle, de Pierre Bachelet.

Ton chanteur préféré : Viktor Tsoi et Jim Morrison. 

Ta bande dessinée préférée : Orchidéa, de Cosey.

Ton tableau préféré : L'amour victorieux, du Caravage.

Ta statue préférée : La pietà de Michel-Ange et la piéta de l'église du Poiré sur Vie.

Ta musique préférée : Le corpus grégorien de l'église catholique.

Oui, mais ton disque préféré : Odyssée, de Terje Rypdal.

Ton film préféré : J'en ai trois.

Dis les trois : Un ange à ma table, de Jane Campion. Guerre et paix, de Serguei Bondartchouk. Cria cuervos, de Carlos Saura. Mais j'en ai des dizaines d'autres, des films préférés.

Tu n'as pas le droit de les dire.

dimanche, 09 décembre 2012

Ces bêtes qu’on abat : Un chien dans un fossé

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


Un chien dans un fossé

 

 abattoirs, condition animale, transports animaux, végétarisme, protection animale, droits des animaux, Jean-Luc Daub, Ces bêtes qu'on abat, maltraitance, législation animale, viande ; animaux, animal ; bêtes, fraternité, abattage rituel, halal, hallal, casher

Transport de canards pour l’abattoir.
Phot Jean-Luc Daub

 

Un jour, alors que j’étais en déplacement dans le Finistère, je fis une drôle de rencontre sur le bord de la route. Après avoir visité un abattoir, je cherchais mon chemin en voiture. Je fus amené à faire un demi-tour sur un petit croisement. Après une manœuvre bien exécutée, j’allais reprendre ma direction quant une forme aux taches blanches attira mon regard vers le fossé. C’était un chien, apparemment mort.

 

Quoi de plus banal qu’un chien mort au bord d’une route, qui aurait été renversé par une voiture ? Tellement banal que le conducteur de la voiture qui me précédait n’avait pas jugé utile de vérifier l’état du chien. Pour ma part, il fallait que je m’en rende compte. Il était étalé dans le fossé, maigre, et semblait bien mort. Mais quand je me suis penché sur lui, il m’a surpris en remuant sa queue en signe de contentement. Il semblait heureux de voir quelqu’un, mais il était dans l’incapacité de se lever. Ce chien avait dû marcher durant plusieurs jours sans s’alimenter et avait dû tomber d’épuisement dans ce fossé.

 

Lorsque je lui demandais ce qu’il faisait là, il remuait encore plus la queue. C’était émouvant. Je pris une couverture pour l’enrouler et je le mis dans ma voiture. Je partis en direction du centre-ville à la recherche de la mairie. Après avoir fait plusieurs fois le tour du centre, j’ai enfin trouvé l’établissement administratif. Je suis rentré avec le chien et j’ai demandé à la secrétaire d’accueil quelle était la démarche à suivre lorsque l’on trouve un chien. Elle me demanda tout simplement, sans y jeter un coup d’œil, de le déposer dans le bâtiment des services techniques. Là mon sang ne fit qu’un tour. Je lui ai demandé si elle plaisantait, car le chien était en mauvais état et avait besoin de soins. Elle m’indiqua alors l’adresse d’un vétérinaire.

Je partis à la recherche du vétérinaire. Je fus accueilli dans sa clinique. Je lui expliquai la situation et lui présentai le chien. Ronchonnant, pas très content d’être sollicité pour un chien perdu, il l’examina quand même. Il me confia qu’il allait le mettre sous perfusion. Je lui demandai ce qu’il comptait faire de l’animal une fois qu’il serait remis sur patte. Il me répondit qu’il le ferait prendre par un refuge qui le proposerait à l’adoption. J’ai caressé le chien, remercié le vétérinaire, et suis reparti sur la route vers d’autres aventures, cependant peu rassuré sur le devenir du chien. Si j’avais pu, je l’aurais adopté, mais j’avais déjà le mien dans la voiture. Aujourd’hui, je regrette de ne pas l’avoir pris avec moi, j’aurais été plus tranquille quant à son devenir.