Crachats du temps (vendredi, 25 janvier 2013)
Une oeuvre de Hanno Buddenbrook, traduite par le comte Mölln aidé d'Edith de Cornulier-Lucinière
I
Cendres aux bords des lèvres
Je ne sais si je pourrai survivre à la lutte effroyable que je mène contre mon fantôme intérieur. Il veut danser avec moi. Il dit : même les morts dansent, viens avec nous. Je tente de fuir. Je cours dans la rue, je fend la foule, mais partout où je m'arrête pour souffler, pour reprendre haleine, il est là. Il apparaît. Il sourit. Je me réfugie dans mon lit, mais il est là, entouré autour des draps, et il me prend dans ses bras.
Qui est-il ? J'interroge de mon regard angoissé, mais rien ne me répond. Sa voix est livide, son corps flasque. Les autres, que vivent-ils ? Eux, ils sont chacun dans leur cauchemar, comme moi ? Ou suis-je la seule hors du monde, dans un réel à part, où rien ne coule de source, rien n'est beau ni facile ni tendre ? J'interroge les regards qui m'entourent mais aussitôt, les paires d'yeux les portent ailleurs.
Il faut veiller ; il faut prier. Espérer, attendre, et continuer de garder une lumière, ou une lueur, si petite soit-elle, au fond de soi. Car on en aura besoin pour mourir. Veiller et prier, car nous ne savons l'heure ni le jour de notre adieu au monde.
Dans la ville, je marche, et je rêve d'un jour différent, dans un espace libre : une promenade heureuse sous un ciel gris et long comme mon enfance, mais vide de ces mots et de ces machines, de ces fils et de ces idées qui m'ont vieillie. Un ciel gris, bas et long sur des champs boueux. J'aurais des bottes et du vent dans les cheveux, les joues fraiches. Et je pourrais sentir le mouvement en moi, ce mouvement de la vie qui va vers la mort, avec élan.
Ici, dans la ville, nous sommes des restes de vie qui attendons la mort, sans élan.
II
Tabous blancs
La manipulation mentale et la torture physique sont si semblables. Je bois ma bière au fond du café, un véritable plaisir. Je sirote,je fumote, je pensote. Les gens passent et m'observent ; je les observe en contrepartie.
On m’a interdit d’avoir des relations incestueuses avec la mort. Je ne sais plus où aller.
Oui, il y a le soleil du ciel
Et il y a le soleil mystique
L’un se pare parfois d’arc en ciel
L’autre est toujours psychédélique
Non mon amour tu n’auras pas
Le regard noir que tu voulais
Depuis que tu es partie, mon amour, la mort ne me fait plus peur. Elle est devenue mon amie. Et de temps en temps, quand la ville tourbillonne et que je m’en éloigne mentalement, j’ai l’impression, au fond d’un bar fatigué, de lui payer un verre.
III
Entrailles futuristes
Mon rêve est technologicide. Je crée un logiciel libre pour le cerveau et je l'offre au monde. Mes frères lointains, chacun d'entre vous pourra l'utiliser rapidement. Il faut juste vous reconfigurer. Ensuite, cela marche tout seul. Ça permet de rêver et ça permet d'oublier, sans substances interdites. Il faut juste laisser tomber les vieux concepts, ceux qui gèrent votre cerveau depuis l'enfance.
Hanno Buddenbrook
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Commentaires
Stephen demeure aussi !
Écrit par : Edith | samedi, 26 janvier 2013
Très belle musique d'artemiev...
Écrit par : hélène l | mercredi, 28 août 2013
oui, hélène h
Stephen, votre phrase nous a fait réfléchir six mois pour mieux nous comprendre nous-même...
Écrit par : AlmaSoror | dimanche, 01 septembre 2013