Mémoires d’une voyouse (mercredi, 23 janvier 2013)
Avertissement
Enfants, ne lisez pas ce qui va suivre.
C’est une histoire avec des salauds, des délits, des remords.
C’est une histoire pour les filous, pour les méchants, pour les gueux.
Hors-la-loi
Je suis une gueuse, une malfrate, une hors-la-loi. Si vous connaissiez tous les crimes que j’ai commis, vous fermeriez cette webpage et vous vous enfuiriez en courant vers des sites moins terribles. Ah ! ah ! ah ! Je fais peur aux bonnes gens, aux honnêtes gens, aux petites gens et même aux gens qui ont de l’entregent.
Toutes les histoires que j’ai vécues dans ma vie ont fini comme dans un film noir : course poursuite avec la police, batailles, hurlements, prison. Mais l’histoire que je veux vous raconter tourne différemment.
Adieu Johnnie Walker
En ce temps là, j’avais arrêté de boire. Quand une hors-la-loi arrête de boire, c’est TRES dangereux.
Pourtant, il le fallait. Le docteur m’avait dit : « c’est Johnnie Walker ou vous ». Johnnie Walker, c’est le type qui est dessiné sur les bouteilles de whisky.
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En êtes-vous sûre, docteur ? Lui demandai-je effrayée.
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Sûr.
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Dis-moi la vérité, minable ! Lui hurlai-je en pointant Coco sur son cœur. (coco, c’est mon flingue. Coco était mon meilleur ami).
-
Hélas oui, répondit courageusement le docteur.
J’ai donc dit : Adieu Johnnie Walker. J’ai rempli mon frigo de jus de fruits, de Coca-Cola et de yaourts. J’ai pleuré tous les soirs, mais j’ai tenu le coup.
Bon anniversaire, pauvre idiote !
J’avais une longue vie de voyouse derrière moi.
Grâce à mes cachettes et à mon intelligence, les policiers ne me trouvaient jamais. Les gens qui savaient où j’étais n’osaient pas me dénoncer de peur que je les butte avec Coco.
Le soir de mon anniversaire, je m’apprêtais à déguster un immense gâteau à la fraise quand je me rendis compte que je n’avais aucun ami. Mon âme éclata en sanglot (mais mon visage resta très dur).
Je me regardai dans la glace et murmurai :
- Bon anniversaire, pauvre idiote !
Je pointai Coco vers mon cœur, mais il refusa de me planter.
- Que ferai-je sans toi ? Me demanda-t-il.
Alors je rangeai Coco dans un tiroir et j’allai me coucher.
Ce soir là, je décidai de transformer ma vie.
Le procès
J’étais en train de me demander comment devenir honnête quand les journalistes, les juges et les policiers me tombèrent dessus. Cela arriva par un soir de septembre. C’était l’automne et Paris était beau.
On m’arrêta alors que je marchais tranquillement sur le boulevard Raspail.
Mon procès fut rapide. Le juge parla avec éloquence.
Il relata mes crimes:
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17 pompiers remplis d’hématomes, tous malmenés par l’accusée à la fin d’une rixe dans le terrible quartier de Pigalle.
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4 hommes et 5 femmes séduits et manipulés par l’accusée pour lui donner de l’argent.
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480 tonnes de chocolat, bonbons et yaourts à la fraise volés par l’accusée dans 140 magasins.
-
Une vieille femme effrayée et contrainte de laisser l’accusée jouer avec son chien yorkshire.
A la fin du procès, le juge cria : « qu’on jette l’accusée en prison ! » Des applaudissements s’élevèrent dans la salle. On me menotta, on m’emmena.
Au trou !
Au trou (c'est-à-dire en taule, en cabane, au violon, au placard, en prison), je réfléchis beaucoup.
Trois religieux vinrent me parler de Dieu. Cela m’intéressa mais je n’arrivai pas à choisir entre les trois religions, alors je laissai tomber.
Les mois passaient. Peu à peu, j’arrêtai de ricaner en pensant aux coups que j’avais faits.
Au bout d'un moment, je commençai même à lire des livres.
Enfin, je décidai d’arrêter cette vie de perdition et d’écrire l'histoire de ma vie.
Ma rédemption
J’étais respectée dans toute la prison. Les autres filles me craignaient. Elles me donnaient leur dessert.
L’une d’elle s’appelait Stella. Elle m’apprit à parler avec mon cœur. Nous rêvions de marcher ensemble dans la ville, en liberté.
- Tu sortiras d’ici avant moi, me disait-elle.
- Je préparerai tout pour notre vie, répondais-je. On aura notre frigo, des fenêtres sans barreaux, un chat.
La veille de ma sortie de prison, elle me prit la main. « Je sais que tu m’oublieras, me dit-elle, mais sache que tes yeux ont transformé ma vie ».
« Je ne t’oublierai pas », pensai-je dans ma tête.
L’amitié
Quand je sortis de prison, la lumière de la vie me stupéfia. Lors de mon procès, la société m’avait confisqué sans vergogne mes biens durement volés. Dépitée, je décidai de gagner ma vie honnêtement. Je trouvai un boulot dans un bar.
Le jour, je servais dans un restaurant des assiettes de fromage et des chocolats chauds à d’honnêtes gens.
La nuit, je me réfugiais dans ma piaule, au septième étage d’un immeuble. Par la fenêtre, les toits de la plus belle ville du monde m’apparaissaient éclairés par la lune. J’écrivais ma vie palpitante sur mon ordinateur. Je racontais tous mes coups, toutes mes planques, tous mes secrets, pour publier mes mémoires à titre posthume. Mon œuvre s'appellait : les Mémoires d'une voyouse.
Parfois je regrettais Coco. La vie est si facile quand on peut pointer son flingue sur les gens énervants ! Mais je pensais à Stella. Elle et moi, nous nous étions promis de devenir sages comme des images. Un jour, elle sortirait de prison… Alors la vie serait douce comme l'amitié.
FIN
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Edith de CL
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Commentaires
Je suis Coco. Un flingue comme ça existe que dans les films ou presque. Mais je suis un flingue qu'était pas dans un film. J'étais le flingue et l'ami, le poteau d'une voyouse. Un jour, elle a voulu que je la flingue et j'ai dit non. Non mais ça va pas ! Un jour des types sont venus et m'ont dit: tu ne verras plus ta voyouse, c'est fini. Ils m'ont mis avec d'autres flingues pour qu'on fasse ami-ami. Mais tu penses, j'ai pas voulu. Du coup je suis mort, mais c'est pas grave. Ma vie c'était avec la voyouse.
Écrit par : Coco Posthume | mercredi, 23 janvier 2013
Coco, je pleure en lisant votre point de vue, c'est celui qui manquait à l'autobiographie de la voyouse. Merci !
Écrit par : Edith | mercredi, 23 janvier 2013
Dès le début, j'ai pensé à Lautréamont.
C'est de ma part un immense compliment.
Écrit par : Henri-Pierre | jeudi, 24 janvier 2013
Cher Stephen, merci de votre passage et de votre référence au chapitre "Hors la loi" de ces Mémoires tragiques.
Cher Henri-Pierre, merci de ce compliment.
Écrit par : Edith | jeudi, 24 janvier 2013