samedi, 22 décembre 2012
Il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.
Le grand commerce et la traite des noirs, vu par André Collinet, armateur des Sables d'Olonne, qui tint son journal durant de nombreuses années.
“Le grand commerce occasionne une consommation d’hommes. Le luxe en est encore une autre. Il attire les richesses en les villes et laisse les campagnes désertes et dans la disette, favorise le pouvoir arbitraire, l’augmentation des subsides, qui donne aux nations opulentes la facilité de contracter des dettes. La Hollande, l’Angleterre, la France sont chargées de dettes, et la Suisse ne doit rien.
La consommation des hommes est si grande, que l’on ne peut sans frémir considérer celle que suppose notre commerce de l’Amérique. L’humanité, que commande l’amour de tous les hommes, veut que dans la traite des nègres, je mette également au rang des malheurs et la mort de mes compatriotes et celle de tant d’Africains qu’anime au combat l’espoir de faire des prisonniers et le désir de les échanger contre nos marchandises. Si on suppute le nombre d’hommes qui périt, tant par les guerres que dans la traversée d’Afrique, en Amérique, que l’on y ajoute celui des nègres qui, arrivés à leur destination, deviennent la victime des caprices de la cupidité et du pouvoir arbitraire d’un maître , et qu’on joigne à ce nombre celui des citoyens qui périssent par le feu, le naufrage, ou le scorbut, et enfin qu’on y ajoute celui des matelots qui meurent pendant leur séjour à Saint-Domingue ou par les maladies affectées à la température particulière de ce climat, ou par les suites d’un libertinage toujours si dangereux en ce pays, on conviendra qu’il n’arrive point de barriques de sucre en Europe qui ne soient teintées de sang humain.”
Les Sables au temps de la grande pêche, Manuscrits de Collinet (1739 - 1782)
Tome 1, éditions CVRH
Nous avons déjà cité le journal de Collinet deux fois. Un passage un peu moins humaniste est lisible par ici ; son journal est également cité dans la lettre qui annonça la création de la Confrérie de Baude Fastoul.
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Commentaires
"L'Histoire n'est qu'une histoire à dormir debout"
Jules Renard
Écrit par : AlmaSoror | samedi, 22 décembre 2012
L'Histoire ne bégaie pas : elle n'est que le reflet du bégaiement des hommes.
Écrit par : Axel Randers | dimanche, 23 décembre 2012
Qui veut faire l'ange en outre, fait la bête.
Écrit par : Hélène Lammermoor | mardi, 25 décembre 2012
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