Ces bêtes qu’on abat : Pince électrique jusque dans la bouche (dimanche, 29 juillet 2012)
C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...
C'est la saga interdite aux profanes.
AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.
Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.
Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.
Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :
Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.
Pince électrique jusque dans la bouche
Dans le Nord de la France, j’assistai aux abattages des ovins (moutons). Une trentaine de moutons furent abattus de manière rituelle. Renseignements pris, j’appris que les moutons étaient en fait destinés à la consommation non religieuse. Ils auraient dû être abattus de façon classique, c’est-à-dire avec un étourdissement préalable, de façon à leur éviter des souffrances dues à l’égorgement. Les moutons étaient en fait abattus de manière rituelle (c’est-à-dire sans être étourdis avant l’égorgement) parce que les boyaux étaient récupérés par des boucheries hallal pour faire des merguez. Il est fréquent, et cela pose un véritable problème, que des moutons destinés à la consommation classique soient abattus rituellement. Cette pratique tend à se généraliser. Et dans ce milieu, nul ne peut l’ignorer.
Dans le département d’Ille-et-Vilaine, par un froid glacial, j’assistai à l’abattage des porcs. Ils étaient tout simplement suspendus vivants avant d’être étourdis à l’aide d’une pince électrique. L’employé, qui ne pensait pas mal faire, s’appliquait à pratiquer l’étourdissement tout en me regardant.
Dans un autre abattoir de France, la responsable nous fit savoir que l’abattage rituel des veaux se déroulait à côté du box rotatif prévu pour l’abattage des gros bovins. Les veaux seraient couchés sur le sol, puis égorgés. Les employés, auxquels je posais des questions à ce sujet, me dirent que les veaux étaient égorgés dans ce box rotatif, pourtant uniquement agréé pour les gros bovins. Les employés se serviraient de cordes pour maintenir les veaux en position dans le box. Mais d’après moi, les veaux devaient être, tout simplement, suspendus par une patte arrière devant le box, avant d’être égorgés. Dans tous les cas, les trois méthodes annoncées sont interdites, mais il n’est pas rare d’enfreindre la réglementation pour pratiquer coûte que coûte l’abattage rituel, même si l’abattoir n’est pas équipé pour le faire. La demande et la pression sont tellement fortes que souvent des responsables d’abattoirs cèdent.
Concernant l’abattage rituel musulman des moutons, la contention est obligatoire. L’abattoir utilisait une berce, c’est-à-dire une sorte de table en V pour y mettre le mouton à l’envers, avant de l’égorger. Cette pratique est interdite au profit d’une contention mécanique. Pour la fête du mouton, l’Aïd-el-kébir, avant l’arrivée de la nouvelle responsable une fosse était creusée dans la cour de l’abattoir, et les moutons étaient égorgés par les particuliers musulmans au-dessus de celle-ci. C’est interdit. Lorsque je suis venu assister aux sacrifices des moutons lors de cette fête, ces derniers étaient égorgés à l’intérieur de l’abattoir par un sacrificateur, ce qui répond à l’exigence de la loi. Cependant, les moutons étaient suspendus, les uns après les autres, par une patte arrière avant l’égorgement, ce qui est interdit, puisqu’ils doivent être maintenus au moyen d’une piège à contention mécanique.
Dans un abattoir à petite production où j’avais été gentiment accueilli vers cinq heures du matin par le responsable, l’abattage des bovins et celui des porcs posaient des problèmes. Je commençai par ne pas trouver le numéro d'agrément du box rotatif. C'était un box rotatif mixte (permettant l’abattage classique et rituel), manifestement pour gros bovins, avec une ouverture sur la partie haute pour l'étourdissement en abattage classique. En position normale, le plancher du box était fortement incliné, ce qui effrayait les bovins qui, lorsqu’ils y entraient, avaient ensuite du mal à se tenir debout et avaient tendance à glisser sur le côté. Quelques bovins furent abattus pendant ma visite. Une seule personne effectuait toutes les opérations (faire entrer les bovins dans le box, les étourdir, puis les suspendre). L'accès à la partie haute du box se faisait par une petite échelle d'installation artisanale. L'employé devait effectuer l'étourdissement à partir d'une plate-forme où derrière lui, il n'y a aucune barrière le protégeant du vide. Après l'étourdissement, il devait redescendre de l'échelle, faire le tour du box, actionner l'ouverture de celui-ci pour dégager l'animal de côté, puis lui enchaîner une patte arrière pour le suspendre. Cela faisait beaucoup de manœuvres pour un seul homme ! Mais, surtout cela entraînait une énorme perte de temps entre l’étourdissement et la saignée, qui doit normalement intervenir rapidement. Si l’abattoir n’avait pas pratiqué l’abattage rituel, on n’y aurait pas utilisé de box rotatif, dont le maniement est beaucoup plus contraignant qu’un simple piège en forme de caisson, et, du coup, les abattages non rituels de bovins auraient été beaucoup plus simples à effectuer.
Pour l’abattage des porcs, un employé mettait une quinzaine de porcs dans une petite pièce (où se trouvait le poste d'étourdissement) séparée du poste de saignée par une barrière métallique. Il en faisait ensuite passer sept ou huit de l'autre côté et les étourdissait sans immobilisation par un piège. L'employé essayait tout de même de maintenir les cochons en dirigeant la tête des animaux vers l'angle de la pièce, avant de placer la pince. Au début, il y avait deux employés pour procéder à cette opération : les cochons s’écroulaient sous le choc électrique, puis l’un des deux employés plaçait la pince sur le côté de la tête pendant que l’autre attachait les bêtes par une patte arrière pour les suspendre. Un peu plus tard, le premier employé alla travailler sur la chaîne d’abattage, de sorte qu’il n’y en avait plus qu’un pour effectuer les étourdissements. Malheureusement, il plaçait la pince n'importe où sur le corps des porcs. Parfois l'un des pôles électriques se trouvait dans la bouche ou sur le groin des animaux, alors que la pince doit être appliquée derrière les oreilles ! Il se servait aussi de la pince électrique pour faire bouger les porcs afin de les amener le plus près possible du rail de suspension, en leur envoyant des décharges électriques. Lorsqu'ils étaient suspendus, il les poussait avec la pince pour les faire avancer vers le poste de saignée.
À mon arrivée dans l’abattoir, l'abattage des ovins était terminé. J'ai demandé à un employé comment ils avaient été abattus. Il me répondit qu'ils avaient été suspendus par une patte, puis qu'ils avaient été saignés. Tous les moutons étaient donc abattus rituellement (même ceux n’étant pas destinés à la consommation hallal. J'ai informé le responsable que, lors de l'abattage des ovins, la suspension avant la saignée était interdite. Il m'a répondu qu'il était impossible de faire attention à tout. C’est pourtant un gros détail qui ne peut échapper à personne, pas même aux membres des services vétérinaires de l’abattoir.
Dans un autre abattoir en Alsace, les porcs étaient étourdis après leur passage dans un Restrainer à électronarcose automatiquement réalisée à 600 V pendant 2,8 secondes. Cependant, alors que sur la chaîne d’abattage les employés ne suivaient pas le rythme du Restrainer qu’un employé alimentait en porcs, il a été procédé à l’arrêt volontaire de l’appareil. Un porc venant d’être étourdi était resté coincé au niveau des broches électriques sans être éjecté sur la table de réception. Tandis que les autres, complètement paniqués, étaient restés prisonniers entre les bandes entraîneuses du Restrainer. J’en ai informé le responsable de l’abattoir, qui m’a dit que cela n’était pas possible. J’avais donc certainement rêvé. Malgré tout, je suis resté ferme dans ma constatation, en lui demandant d’éviter ce genre de manœuvres préjudiciables aux animaux, lui expliquant que si en aval les employés n’arrivent pas à suivre, il ne faut en aucun cas, qu’en amont les autres employés « approvisionnent » en porcs le Restrainer.
Case dans un abattoir où sont regroupés les cochons malades ou blessés.
Phot Jean-Luc Daub
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