John-Antoine Nau et Jean de La Ville de Mirmont : écritures dont la révélation viendra (mardi, 29 mai 2012)
Deux écrivains dont je n'ai pas connu les noms, ni les œuvres, moi qui passais mes errances buissonnières au fond des livres, et qui m'apparaissent aujourd'hui comme deux des grandes plumes françaises, les connaissez-vous ? John-Antoine Nau, le récipiendaire du premier prix Goncourt, et Jean de La Ville de Mirmont, ami d'un singe et mort des tranchées.
Cette fois mon cœur, c’est le grand voyage.
Nous ne savons pas quand nous reviendrons.
Serons-nous plus fiers, plus fous ou plus sages ?
Qu’importe, mon cœur, puisque nous partons !
Jean de La Ville de Mirmont
De Mirmont on peut lire Les dimanches de Jean Dezert, l'histoire sans saveur, pourtant fascinante, d'un fonctionnaire monotone, des poèmes (que Gabriel Fauré mit en musique), des contes, dont le joli City of Benares, l'histoire d'un bateau devenu maître de lui-même.
« Je prie les amis inconnus qui voudront bien me, ou plutôt nous, lire de ne pas réclamer, d'urgence, mon internement à Sainte-Anne ou dans tout autre asile ».
John-Antoine Nau
De Nau, allez respirer les phrases des Trois amours de Benigno Reyes, à moins que vous ne préfériez faire connaissance avec sa science-fiction, Force ennemie, celle-là même qui reçut le premier prix Goncourt.
Ces deux écrivains sont atmosphériques : de leur littérature s'échappe la senteur marine des voyages intérieurs, ceux qu'on ne peut raconter avec des mots, ceux qu'on évoque juste, qu'on suggère entre les phrases, et qui impriment au cœur du lecteur leur marque indélébile.
Jean de La Ville de Mirmont : l'ennui, le voyage, la fraternité faible et profonde baignent ses oeuvres.
John-Antoine Nau : l'alcool, la sensualité, la folie cimentent ses textes.
Deux stylistes, avant tout. Deux de ceux qui mettent la forme avant le fond, comme si un fond sans forme sonnait creux comme une barrique vidée. La pensée, le thème de l'histoire, sont esclaves du style, et pourtant ils ne sont pas moins absents qu'ailleurs, pas moins absents que dans les scénarios ficelés ou les romans à thèmes. Comme si l'on arrivait à la suprême pensée, à l'histoire impeccable, par la route escarpée du style.
Avaient-ils écouté les conseils stylistiques de Théophile Gautier ?
"Sculpte, lime, ciselle ;
Que ton rêve flottant
Se scelle
Dans le bloc résistant !"
Avaient-ils entendu la douloureuse philosophie de Ludwig Van Beethoven ?
"Nous, êtres limités à l'esprit infini, sommes uniquement nés pour la joie et la souffrance. Et on pourrait dire que les plus éminents s'emparent de la joie par la souffrance."
Ils se sont emparés du monde entier, de toutes ses pensées, de toutes ses élévations, de tous ses miasmes et de toutes ses édifications, par le style !
Voici, amis, des liens.
Lien vers un article sur les dimanches de Jean Dezert, de Jean de La Ville de Mirmont.
Vidéo d'un poème musicalisé par Gabriel Fauré.
Quelques textes en ligne, de La Ville de Mirmont
Lien vers le texte entier du poème Lily Dale, de John-Antoine Nau...
Puis une vidéo de ce poème adapté en chanson par Arthur H :
Lien vers Les trois amours de Benigno Reyes, de Nau
Lien vers un article sur Force ennemie, de Nau
Tombes
Un homme évoque celle de Mirmont.
Elle se trouve au cimetière protestant de Bordeaux, rue Judaïque. (Son corps a été retrouvé dans les tranchées, puis rapatrié).
Une femme évoque celle de Nau.
Elle se trouve au cimetière marin de Tréboul, en Bretagne.
| Lien permanent | Commentaires (1) | | Facebook | Imprimer |
Commentaires
Et cela :
Novembres pluvieux, tristes au bord des fleuves
Qui ne reflètent plus le mirage mouvant
Des nuages au ciel, des arbres dans le vent,
Ni l’aveuglant soleil dont nos âmes sont veuves,
Faut-il que notre exil sous vos froides clartés
Ne conserve d’espoir que le peu que nous laisse
Le cri des trains de nuit qui sifflent leur détresse,
Quand les rêves sont morts dans les grandes cités ?
Jean de La Ville de Mirmont
Écrit par : Un passager du web-steamer | mardi, 29 mai 2012