Ces bêtes qu’on abat : Étourdissement de bovins (dimanche, 02 septembre 2012)

 C'est une saga qu'aucun scénariste n'aurait le courage d'écrire. Les films les plus gores ne sont que des comédies Walt Disney en comparaison. Les plus courageux d'entre vous auront sans doute du mal à la suivre jusqu'au bout...

C'est la saga interdite aux profanes.

AlmaSoror est fière de proposer sur son site l'extraordinaire saga de la viande. Celle qu'on ne lit jamais, celle dont on entend jamais parler, celle qui a lieu dans des endroits où l’œil citoyen ne peut pénétrer.

Si vous ne vous sentez pas capable de la lire, sachez que l'enquêteur l'a écrite. Sachez que des milliards d'individus la vivent aux portes de nos villes. Si vous n'êtes pas capable de la lire et que vous êtes capable de consommer le résultat, alors vous êtes un merveilleux citoyen du Meilleur des Mondes.

Voici donc le journal de Jean-Luc Daub, enquêteur dans les abattoirs français.

 Ces bêtes qu'on abat peut s'acheter en version imprimée :

Ou bien se lire sur cette page qui lui est dédié.


Étourdissement de bovins

 

Dans un abattoir de la région parisienne, l’abattage classique des bovins était critiquable. Les animaux empruntaient un chemin d’amenée qui montait progressivement vers un box rotatif à usage mixte. C’était un box agréé pour gros bovins, mais modifié pour les veaux. Je n’ai pas assisté aux abattages rituels car je suis arrivé le jour où ils n’avaient pas lieu, mais 80 % du temps est réservé à cette pratique. Pour ce qui concernait l’abattage classique, les bovins étaient assommés à l’aide d’un Matador A22 GBEV dans le box rotatif, par l’ouverture du dessus. L’animal était ensuite évacué par une porte latérale vers le local de saignée. Les étourdissements sur les gros bovins n’étaient pas entièrement satisfaisants. En effet, certains semblaient conscients, mal étourdis, les bovins n’étaient pas, comme on peut le constater d’habitude, complètement assommés après l’utilisation du Matador. En ma présence, deux se sont relevés conscients alors même qu’une perforation du crâne après l’utilisation du pistolet à étourdissement avait été effectuée. L’employé a réutilisé le Matador en l’appliquant une deuxième fois dans l’orifice créé par la première utilisation.

 

Saignée du bovin après son étourdissement au pistolet à tige perforante.
Phot Jean-Luc Daub

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Pour d’autres bovins, on pouvait voir qu’ils n’étaient pas complètement étourdis, l’employé ayant beaucoup de mal à passer la chaîne autour de la patte arrière. Certains animaux clignaient des yeux, ce n’étaient pas des réflexes nerveux. Faisant état de mes constatations sur l’étourdissement des bovins à l’employé, je lui demandai si le Matador était assez puissant. Il me répondit qu’effectivement d’habitude cela marchait mieux, mais que le joint intérieur du Matador avait été changé et que par conséquent il fallait du temps pour qu’il s’assouplisse. Il semblait en effet que la tige du Matador ne rentrait pas assez profondément dans le crâne des bovins. Le joint empêchait ou freinait la détente de la tige. J’en ai parlé au

directeur et au président de l’abattoir.

 

En outre, il n’était pas toujours possible d’effectuer la suspension rapidement. Les animaux se plaçaient mal à la sortie du box rotatif. Parfois, les bovins restaient accrochés dans le box rotatif par une patte arrière, ce qui les empêchait d’avoir le dos contre le box et les pattes vers le local. Or, cette position est requise pour que l’employé puisse convenablement et en toute sécurité passer la chaîne de suspension autour d’une patte arrière. Le problème vient de l’inadéquation entre le piège et le système de suspension. D’après moi, il s’écoule trop de temps entre cette manipulation et la saignée, même lorsque celle-ci intervient rapidement. Le plus rapide serait de saigner les bovins à la sortie du piège sur le sol, après étourdissement. La suspension pourrait venir ensuite, alors que le sang s’écoulerait. Cela serait beaucoup mieux mais, pour des questions d’hygiène, les services vétérinaires ne veulent pas.

 

Il est pourtant possible de mieux faire, puisque dans un abattoir de bovins se trouvant dans le Morbihan, la suspension intervenait très rapidement. L’employé baissait le palan et la chaîne, qui se trouvent au-dessus du box rotatif, de sorte qu’il était prêt à suspendre les bovins avant même d’avoir procédé à l’étourdissement. C’est de fort bon sens, mais ce n’est pas toujours une évidence dans d’autres abattoirs. J’ai même déjà assisté à une aberration. En effet, des employés qui venaient d’étourdir un bovin, au lieu de procéder tout de suite à l’évacuation, à la suspension et à la saignée, prenaient le temps de recharger le pistolet à tige perforante avec une cartouche. Manœuvre qui devrait être faite après la prise en charge finale de l’animal. Dans l’abattoir du Morbihan, ce n’était pas le cas, le pistolet était rechargé après, et les bovins étaient évacués du box rotatif sans perte de temps grâce au palan qui fut descendu avant l’étourdissement, ce qui permettait une saignée rapidement exécutée. De plus, une plaque en inox posée à plat sur le sol devant la sortie du box rotatif, avec un bord relevé au bout, permettait de stopper la chute des bovins, et de les bloquer sur le dos. Les pattes arrière étaient alors très accessibles pour effectuer la suspension. Je n’ai pu voir dans aucun autre abattoir

des manipulations aussi rapides, mais cela prouve qu’il est possible de mieux faire.

 

Dans cet abattoir de la région parisienne, en comparaison d’autres abattoirs munis du même matériel, j’ai trouvé l’étourdissement des bovins insuffisant et la suspension jusqu’à la saignée beaucoup trop longue. En plus, les employés n’attendaient pas la fin de la saignée pour intervenir. Alors que le sang s’écoulait encore et à plein débit, ils découpaient les antérieurs, puis la tête. À ce moment-là, les bovins n’étaient pas toujours morts. On pouvait voir un employé qui avait du mal à couper les antérieurs, le bovin les retirait systématiquement et s’agitait. De lui-même, l’employé comprenait qu’il fallait encore attendre. Le directeur et le président de l’abattoir m’ont dit qu’ils étaient obligés d’aller vite après l’étourdissement. Cela parce qu’ils n’avaient que vingt minutes pour dépouiller les animaux selon les normes des services vétérinaires et que par conséquent, ils ne pouvaient pas attendre la fin de la saignée. Si les opérations d’assommage et de suspension étaient plus rapides, il n’y aurait pas de problème de délai lors de la saignée ; car les employés doivent attendre la fin totale de l’écoulement du sang avant de procéder à toute découpe.

 

 

 

 

 

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