mardi, 20 septembre 2011
Automnal andantino : oublier, ressentir, pleurer sans s’en rendre compte
Photo Sara
Je me suis offert un dimanche après-midi voluptueux, automnal, chargé de douce mélancolie et d’extase douloureux.
J’ai téléchargé (via Grooveshark) douze versions de l’andantino fascinant de Schubert, de la sonate 959, un andantino qui sauve les âmes perdues en leur rappelant que se perdre c’est un peu comprendre la poésie.
Et je les ai écouté, plusieurs fois, l’une à la suite de l’autre, ces versions de l’andantino qui ressuscite l’enfance et sied si bien aux automnes lents, roux et hésitants.
En boucle, on finit par les reconnaître, les attendre, ces diverses interprétations d’un même thème, par accéder à une certaine intimité envers les deux mains qui dispensent avec précision leurs dix doigts sur les touches. Et au bout du chemin onze ou douze fois accompli, les tenants de la lenteur –une lenteur vibrante, pas mécanique- ont conquis mon cœur. Ils savent faire croire qu’ils vont mourir avant la note qui veut venir, qu’ils ne parviennent à attraper... Les plus agiles ne sont pas les plus romantiques, ni les plus travailleurs les plus artistes.
Ce dimanche suspendu à leurs doigts, je crois l’avoir passé au paradis, dans un paradis où la beauté prédomine et où la paix s’installe au milieu des dépouillements.
Pianistes du monde entier, des Asies, des Europes et des Amériques surtout, pianistes à cheval entre la perfection et la souffrance, entre la retenue et le déploiement, chacun tentant de faire vivre le balancement d’un homme qui souffrit et créa dans la passion.
Il s’appelait Franz, Franz Schubert et ses copains l’aimaient beaucoup, l’admiraient vraiment et le plaignaient un peu. Il était bon avec les chiens et avec les hommes. Il a écrit des merveilles avant de mourir, à trente-et-un ans, à côté de Vienne.
Un après-midi pour effacer les idées, les pensées et tout ce qui vient du mental ; une après-midi consacrée à l’attente de la note qui vient, au regret de celle qui passe, à la contemplation auditive des silences qui les séparent. Oh, gratuité et gratitude viennent du même père-mot et à la gratuité des heures passées à seulement écouter succéda la gratitude d’avoir oublié que dehors, dans la vie réelle sociétale, tout se mesure.
Phot Sara
Publié dans L'oiseau, Super flumina babylonis | Lien permanent | Commentaires (2) | | Facebook | Imprimer |
Commentaires
Un moment que j'aurais volontiers partagé!...Vous avez raison d'insister sur les interprétations différentes qui appuient chacune sur un registre d'émotions particulier en imprégnant la partition de son propre ressenti ...et nous -mêmes nous adhérons plus ou moins à leur sensibilité ( au-delà des jugements de valeur artistique,ou technique, , de virtuosité ou de fidelité à l'oeuvre. )
C'est peut être particulièrement vrai pour Schubert où chaque composition est un drame, son propre dialogue intérieur , remettant en scène inlassablement ses tourments , ses questionnements sans réponses où s'affrontent alternativement raison et passion , désir et capitulation sans que l'un ou l'autre s'épuise jamais . Le motif du discours peut être plus ou moins tragique , les épisodes apaisés plus ou moins légers , les révoltes plus ou moins violentes, laissant à l'interprete un peu de liberté Mais Douleur et énergie, c'est ce que j'aime entendre dans une interprétation de Schubert . Richter me plait particulièrement Le jeu d'un jeune musicien actuel lui ressemble , mais hélas son nom m'échappe .. je le retrouverai ! (j'étais avec Schubert en écrivant ce message , merci :D
Écrit par : Emma | mardi, 20 septembre 2011
Si vous retrouvez le nom de ce musicien ce sera avec plaisir que j'écouterai son interprétation.
C'est par Schubert d'ailleurs que j'ai rencontré votre sogno italiano, il n'y a pas longtemps.
Écrit par : Édith | dimanche, 25 septembre 2011
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