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jeudi, 06 septembre 2012

Hildegarde, abbesse d'antan

Hildegarde de Bingen, Hildegard von Bingen, O vis aeternatatis, doctoresse de l'église, an 1000

Peut-être qu'elle est la femme que j'admire le plus au monde. Elle demeure mystérieuse à mes yeux, à mon esprit. Je n'ai pas assez de connaissance sur sa vie, sur l'époque qui l'a vue vivre, sur son œuvre et je ne peux que tenter d'imaginer son allure, son regard, sa voix.
Elle soignait, elle composait, elle écrivait, elle dominait les choses du Ciel et celles de la Terre, celles de l'Air et celles du Feu.
J'aimerais qu'un ange de l'étrange entre dans ma chambre, par une belle nuit d'été, et me prenne par la main. Sur le boulevard du Montparnasse un cortège de licornes attendrait. Nous monterions sur l'une d'entre elles, un mâle de sept ans. Nous partirions au galop devant de jeunes passants et des clochards médusés, qui mettraient peut-être sur le compte de l'alcool cette vision d'une nuit de pleine lune, et qui écarquilleraient les yeux, dans une détente suprême de la raison, en voyant notre cortège s'envoler puissamment et poursuivre sa cavalcade à travers ciel.
L'Ange et ses licornes m'emporteraient vers elle. Je n'aurais rien à lui offrir, mais elle sourirait, dirait que cela n'est pas grave, que c'est elle qui va m'offrir à boire un élixir, qu'elle voulait de longue date converser avec moi.
Et nous parlerions ainsi, une nuit entière, dans une abbaye du ciel. Les chants des sœurs en prière dans la chapelle nous parviendraient amoindris par le vent. 
C'est mon rêve.


Elle m'invite la nuit pour parler de Dieu et des plantes, de musique et d'animaux, des mystères de l'âme et du cœur, des tentatives de vivre et des résurrections. Elle est fascinante comme l'aurore au lendemain du monde.
Elle s'appelle Hildegarde. Elle est de Bingen, et de l'an 1000.

 

E CL

mercredi, 05 septembre 2012

Ultime surprise du jour : une taverne québecoise

taverne du Saint-Sacrement, boire et manger, Québec, Mavra Nicolaïevna Novogrochneïeva

Merci à Mavra pour cette photo québécoise d'un jour de prime-septembre 2012

mercredi, 29 août 2012

Spa musical : deux bains de musique

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Un billet d'Edith, dédié à Mathilde F-P

Inviter une amie dans son bain, c'est risquer de la choquer beaucoup. L'inviter à prendre le même bain que soi, n'est-ce pas plus acceptable ? Mathilde, voici mes deux bains de musique quotidiens. Je les prends, l'un dans la matinée, l'autre un peu avant de dîner. Aussitôt que commence la musique, je clos mes yeux pour tourner mon regard vers l'intérieur du monde, celui qui sent tout et qu'on ne voit jamais.

Je les laisse fermés, ces yeux si sollicités d'ordinaire, le temps que s'écoule toute la musique. Je laisse ma respiration trouver un rythme en accord avec la mélodie ; je laisse mes jambes, mes bras, s'étendre et relâcher leurs tensions. Un recueillement liturgique se fait dans ce corps qui devient église. La musique est prière du cœur et silence des mots. Les événements extérieurs s'effacent comme un paysage qui s'éloigne, les idées se dissolvent dans le paradis de musique.

 

Premier bain : Spiegel im spiegel, la berceuse d'Arvo Pärt.

Je l'ai découverte le jour qui précéda la naissance de mon filleul Orso. C'était la berceuse que son père et sa mère écoutaient ensemble en l'attendant venir lentement.

 

Deuxième bain : le Miserere d'Allegri.

J'avais entendu parler de cette œuvre à chaque fois qu'on me parlait de Mozart : ce coup de génie qu'il fit, en mémorisant, sans papier ni crayon, la partition secrète de ce Miserere, en deux écoutes seulement, à l'âge de quatorze ans.

 

Quelquefois, enveloppée de langueur, je prends ces deux bains à la suite l'un de l'autre. Tout notre corps est massé doucement par les notes de ces deux musiciens, l'italien et l'estonien, qui ont cherché leur trésor musical au cœur même de la simplicité.

Wikipédia enseigne que « le mot simples a été employé à partir du XVIe siècle pour distinguer les remèdes végétaux populaires non composés des remèdes médicaux « savants » d'alors, souvent très sophistiqués (élixir, thériaque, etc.) ».

Certains musiciens, las des complexités de la musique savante, composent des Simples, qui contiennent toute les puissances de la Nature et de la Culture réunies et qui détiennent un pouvoir de calme et d'élévation étonnants.

Massages du corps et de l'âme, qui provoquent la détente des muscles et des nerfs et la dilatation bienheureuse du cœur décomprimé, ces bains musicaux sont des élixirs de santé, des sources inépuisables de joie intérieure.

 

Bon spa, Mathilde !

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vendredi, 24 août 2012

De l'humiliation

 

Green Hill, Beagles
Photo de la libération de Green Hill

Nous vivons sous le signe de l'humiliation.

La voiture de police qui passe pour écarter le peuple et laisser passer la personne « importante ».

L'humiliation que l'on éprouve vis à vis de tous ceux qui possèdent un peu plus (en aura, en argent...) que nous.

L'humiliation quotidienne au travail : celle de la posture de subordonné ; celle de la posture de patron aussi, quelquefois (le patron solitaire subit l'exclusion par les autres).

L'humiliation de ce que nous devenons par rapport à ce que nous désirions.

L'humiliation dans nos amitiés, où la compétition se dissimule derrière les apparences.

L'humiliation dans notre famille, dès notre naissance et malgré les stratégies d'entente et l'amour qui circule.

L'humiliation au cœur même de notre couple, dans notre lit, au milieu de la nuit.

Pire que tout cela... Les images visibles de l'humiliation ne doivent pas nous faire oublier que les pires humiliations sont insaisissables pour qui n'est pas dans le cœur de celui qui la subit.

Dans les professions subordonnées et domestiques (= de maison), on raconte de nombreuses histoires de méchantes bourgeoises méprisantes avec leurs femmes de ménage, de cruels patrons méprisants avec les subalternes. Ces histoires sont vraies, bien réelles.

Or, ce n'est pas l'arrogance de ces bourgeoises ni la méchanceté de ces patrons qui est critiquée par leurs victimes : car l'arrogance et la méchanceté sont également répandues dans toute la société. Qui se plaint de l'arrogance et de la méchanceté d'un clochard assis à côté de sa pisse, d'une pute harassée par l'abattage du jour ? On se laisse insulter par eux en passant tranquillement, sans se sentir humilié... On peut même recevoir les tombereaux de mépris qu'ils nous versent et soupirer : "pauvre bougre !" Parce qu'on méprise leur position.

Ce qui fait mal dans la méchanceté de la bourgeoise, du patron, ce n'est donc pas la mesure de cette méchanceté, qui ne nous dérange plus ou plus beaucoup dès lors que l'arrogance qui nous vise vient d'en bas. C'est le degré d'envie et d'admiration que nous éprouvons envers cette bourgeoise et ce patron.

On pourrait croire que c'est leur pouvoir, qui leur donne la capacité de nous humilier, un pouvoir arbitraire, un pouvoir inégal, un pouvoir illégitime. Mais qu'est-ce qu'un pouvoir dont personne d'autre ne voudrait ?

Il suffirait en ce monde que dix pour cent des gens cessent d'obéir aux puissants et cessent de désirer un plus haut statut social, pour que le pouvoir lié à la puissance extérieure et au statut social s'effondre comme un château de sable.

Mais ce pouvoir ne s'effondrera jamais parce qu'il n'est pas seulement ancré dans le cœur des méchantes bourgeoises et des méchants patrons. Il est ancré dans le cœur de tout homme.

Ce n'est donc pas le pouvoir des personnes haut-situées qui nous écrase. C'est notre désir d'être à leur place qui nous lacère.

Qui plus que l'ouvrier ou le paysan se réjouit de voir un fils de riche échouer dans son intégration sociale et prendre le même métier qu'eux ? Quelle jubilation étrange ! Preuve qu'il n'ont aucun respect pour leur métier, aucun respect pour leur statut, pour leur être même, ils n'ont que respect pour ce qui les méprise. Preuve, surtout, qu'ils jouissent de l'humiliation d'autrui avec délectation. Le seule et unique élément qui les rend conscient de l'horreur du mépris, c'est d’être dans la situation de le subir. Cela reflète ce triste fait que ce n'est pas leur conscience qui les fait haïr le mépris et l'humiliation, c'est leur ego.

La conscience ne demande que la liberté ; l'ego exige la flatterie. La conscience n'a besoin que de parité ; l'ego cherche la supériorité, et c'est seulement s'il ne parvient pas l'obtenir, qu'il se refuge dans un égalitarisme de revanche.

C'est l'incapacité de choisir la parité, dans les domaines de notre vie sociale comme dans ses recoins les plus intimes, qui nous détruit.

Le mépris de celui qui nous paraît plus bas se confond avec l'admiration de celui qui nous paraît plus haut : ces deux sentiments viennent de la même source. Il peut nous arriver de transformer notre mépris en condescendance, de transformer notre admiration en haine ; nous croyons ainsi échapper à l'humiliation qui nous crucifie. Mais ni la haine, ni la condescendance ne peuvent nous sauver. 

Pour vaincre l'humiliation, il faut dissoudre notre ego dans la conscience.

C'est cette humiliation que Bouddha voulut découvrir, qui le fascina, qu'il voulut expérimenter en sortant de son palais où il était le beau petit prince.

C'est cette humiliation que le Christ prit sur lui entièrement pour en décharger ses frères.

C'est cette humiliation qui nous blesse au quotidien : la vie amoureuse - ou l'absence de vie amoureuse -, sans l'humiliation qu'elle charrie, intrinsèque au couple ou issue du regard des autres, ferait beaucoup moins souffrir et ne nous inspirerait pas tant de chansons et de films languissants et répétitifs.

La dureté matérielle et financière serait allégée de la plus grande partie de son poids si elle n'était pas accompagnée de l'humiliation.

Les relations familiales, amicales perderaient beaucoup de leurs capacités de nous blesser sans le poids de l'humiliation qui les accompagne.

Le fait d'avoir ou non des enfants, et, lorsqu'ils sont nés, nos relations avec eux, leur parcours de vie, seraient cause de beaucoup moins de douleur si ces éléments n'avaient rien à voir avec l'humiliation.

Il n'y aurait pas de problème de statut social.

Si chacun de nous pouvait voir son prochain comme une étoile scintillante dans un ciel étoilé (hiérarchise-ton les étoiles ?) et se voir soi-même comme tel, le monde serait déchargé de la plus grande part de son malheur.

Nous souffririons simplement des vraies souffrances, et la principale souffrance du monde, qui se greffe à toutes les autres, l'humiliation, serait abolie.

Peut être alors que par un mouvement naturel, nos cœurs guéris n'éprouveraient plus le besoin de laver leurs douleurs dans la douleur d'autres corps. Nous deviendrions fraternels et libéraux envers les animaux, leur laissant leur place dans ce vaste monde.

 

Green Hill, air souffrance

Les héros en route vers la libération des chiens de labos.

 

 

mercredi, 22 août 2012

Florent Schmitt, l'éclat de votre musique nous fascine...

Florent Schmitt

Un hommage à Florent Schmitt,

par Hélène Lammermoor,

Hanno Buddenbrook et

Edith CL

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Chagrin de mélomane, par H.B

De Lorraine et de France, Florent Schmitt est aujourd'hui bien boudé. En quelques mois, grâce à un professeur de musique mélomane bien intentionné, le lycée de Saint-Cloud a perdu son nom de lycée Florent Schmitt pour s'appeler désormais lycée Alexandre Dumas. Presque rien n'a eu lieu pour le cinquantenaire de sa mort, et une bonne partie de ses oeuvres n'est pas enregistrée. Pourtant, n'est-ce pas un des plus grands musiciens du XX°siècle ? Si, bien sûr ! Et cela éclatera comme une évidence... Un jour, pour toujours.

Florent Schmitt, les amoureux de la musique ne t'oublient pas. Même ils t'aiment et te soutiennent dans cette traversée du désert post-mortem.

Et ils savent que ton oeuvre profonde, puissante, douce, qui touche au sublime, durera plus longtemps que les sentences qui t'ont condamné.

Tu vis dans nos coeurs, ta musique se joue dans nos maisons, et celle qui n'est pas enregistrée, se rêve, surtout dans les après-midi de juin, quand l'orage éclate et que le jaune-tonnerre envahit l'air du jour.

Hanno Buddenbrook

La sauvage et le musicien, par H.L

(Florent Schmitt, est-vous qui inspirâtes à Jean Anouilh son personnage de Florent, le beau, le lisse, l'élégant musicien de la Sauvage ? J'ai lu cette pièce bien jeune encore, et n'ai découvert votre œuvre que bien après. Eh bien, je vous ai reconnu !)

 

Comme vous êtes oublié aujourd'hui ! Moins que d'autres grands artistes, certes, mais plus que ce que vous méritez. Eh bien, vous reviendrez ! C'est certain : vous reviendrez sur le devant de la scène, et votre musique prendra la place qui lui revient, au soleil de notre culture.

Hélène Lammermoor, un jour du début de l'été...

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Grands artistes et pauvres pécheurs, par Edith de CL

Il y avait un lycée de Saint-Cloud qui portait votre nom. Le zèle d'un professeur de philosophie y remédia, et le lycée de Saint-Cloud est devenu le lycée Alexandre Dumas. Il est heureux que toutes les bien-pensances n'aboutissent pas avec autant de facilité : combien d'écoles, de rues, faudrait-il débaptiser !

Lorsqu'on lit certaines phrases de Jean Cocteau, d'André Gide, de Voltaire, sur les Juifs ; lorsqu'on découvre les idées de Victor Hugo, de Cuvier, et de tant d'autres, sur les Noirs, sans compter les myriades de jugements comminatoires sur les femmes, qui n'ont pas moins d'impact sur le bonheur de millions d'êtres, on se dit que les fourches caudines de l'épuration intellectuelle pourraient bien détruire le meilleur de la littérature, de la musique, de la science des deux derniers siècles.

Oui, les grands artistes ne sont que des êtres humains, et passée l'inspiration qui les élève au-dessus des foules, ils redeviennent des individus bien critiquables. Et l'on peut dire en retour que beaucoup de personnes qui n'inspirent pas l'admiration artistique ou intellectuelle, et ne se font remarquer en aucune sorte, ont l'âme plus élevée que bien des génies.

Un mathématicien invente un théorème essentiel ; il commet ensuite une série de meurtres, ou prône l'extermination des Irlandais. Son théorème en devient-il caduc pour autant ? Certes, non.

Il en va de même pour les arts : « Incorruptibilité de l'art », notait l'anarchiste Victor Serge en rencontrant Paul Claudel, dont il admirait l’œuvre et détestait la personnalité.

Alors pourquoi se priver de l’œuvre de Florent Schmitt, qui n'est ni un assassin, ni un dénonciateur, et dont la musique, comme celle de César Franck, d'Alexis de Castillon ou de Maurice Duruflé, restera certainement comme une flamme de beauté illuminant les amoureux de l'art ?

 

 Edith CL

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Sur AlmaSoror, on peut lire et entendre d'autres notes musicales.

Ainsi, l'auteur de Musiques de notre monde propose une balade à travers les musiciens préférés de notre temps.

Hanno Buddenbrook a consacré un billet au musicien anglais Herbert Howells et au requiem qu'il écrivit dans la douleur à la mort de son enfant.

Edith CL s'est extasiée sur le Miserere d'Allegri et quelques interprétations dans une note de juin 2012.
Arvo Pärt a eu sa part sur notre plateforme.

Elle a aussi payé son tribut à la sonate 959.

Par ici, allez voir Alfred Cortot et Debussy. Par là, Louis Vierne le désespéré.

Paul Rougnon, grand pédagogue, a eu son billet en fanfare.

Miles Davis et Franz Schubert se sont rencontrés, le temps d'une note, le temps d'un bout de film, le temps d'une sonate.

La mémoire de l'opéra de chasse Actéon !

Et nous avons plongé dans les les mots sublimes que Romain Rolland a dédiés à la musique : tu es la mer intérieure, tu es l'âme profonde...

 

Dans le domaine de la chanson, on trouve sur notre blog divers billets doux, dont celui d'Esther Mar, Nostalgie des chansons de la comtesse au coeur brûlé.

AlmaSoror a rendu un hommage à John Littleton, l'homme de Louisiane et de Reims.

Chanson d'antan et de révolte, voici Filles d'ouvriers.

 

Atmosphère, atmosphère ! Edith et Axel ont joué à Mood Organ Playlist.

 

Quant aux pochettes des vieux vinyles, elles n'ont pas été oubliées !

Pochette d'un Concerto de Aranjuez

Pochettes des concertos pour mandoline

Pochette d'un disque schubertien

Une pochette Deutsche Grammophon

Une pochette Prestige DG

Et encore une, sur Brahms

Pochette du Rorate Caeli

Et la pochette d'un CD, qui vaut son pesant de cacahuètes, certes

 

En vrac, il y eut aussi...

Lle film A quai (de Sara) et sa musique de Radikal Satan.

Un petit extrait (sur Verdi) de l'Histoire musicale de Rebatet ; Un extrait du même, sur le club des cinq Russes

La mémoire de l'origine grégorienne de la gamme

Quelques mots de Siobhan Hollow sur la musique qu'elle écoute au ciel

La chanson de Valentine Morning (nièce d'Edith) Lubitel Tszalaï

Luke Ghost interprète le Songe solitaire de l'oiseau en cage (c'est particulièrement mal enregistré, très cher Luke)

 

Du côté de la politique : un article sur le rock antispéciste

 

La Bretagne (oui, elle) a eu des miettes, dont celle-ci.

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Ce n'était rien.

Ce n'était rien, tout ces liens.
Ce n'était qu'un peu de ce que nous fîmes. En voyageant à travers AlmaSoror vous découvrirez encore beaucoup d'autres chansons, références, mélodies...

Ce n'était rien qu'un peu de pluie musicale dans votre mois d'août. Ne vous inquiétez pas. Partez. C'est fini.

samedi, 18 août 2012

Mystique littéraire

Le petit garçon à la vie de bohème a joué un jeu sur son blog, et j'ai eu envie de jouer aussi.
Il s'agit de répondre à une série de questions en utilisant des titres de livres. J'ai ajouté cinq questions à celles qui existaient.

Jack Kerouak,Eugène Savitskaya,Léon Tolstoï,Victor Hugo,Janet Frame,Maurice Druon,John Fante,Robert Musil,Truman Capote,Saint Jean de la Croix,Dante Alighieri,André Dhôtel,Paul Féval,Thomas Mann,Marcel Brion,Marcel Proust,Alfred de Vigny,Hubert Mingarelli,Saint François de Sales,Jean Marie Gustave Le Clezio,,Louis Ferdinand Céline,Terence Edward Lawrence d'Arabie, la beauté des loutres, demande à la poussière,le pays où l'on n'arrive jamais ,
Photo prise à l'orgue de ND d'Auteuil
, par Sara

 

Comment te sens-tu ? Sur la route
(Jack Kerouak)

La condition actuelle de ton âme ? Marin mon cœur
(Eugène Savitskaya)

Qu'est-ce que la vie pour toi ? La guerre et la paix
(Léon Tolstoï)

Ta peur ? Les châtiments
(Victor Hugo)

Ton histoire d'amour ? Un ange à ma table
(Janet Frame)

Tes meilleurs amis sont ? Les rois maudits
(Maurice Druon)

Quel est le meilleur conseil que tu aies à donner ? Demande à la poussière...
(John Fante)

Le défaut qui t'horripile le plus ? L'homme sans qualité
(Robert Musil)

Comment est le temps ? Un été indien
(Truman Capote)

 Ton moment préféré de la journée ? La nuit obscure
(Saint Jean de la Croix)

 Décris où tu vis actuellement: Le Purgatoire
(Dante Alighieri)


Ton moyen de transport préféré ? Vol de nuit
(Antoine de Saint-Exupéry)

Si tu pouvais aller n'importe où, où irais-tu ? Le pays où l'on n'arrive jamais
(André Dhôtel)

Ton animal préféré ? Le loup blanc
(Paul Féval)

Comment aimerais-tu mourir ? La mort à Venise
(Thomas Mann)

Ton rêve le plus cher ? La résurrection des villes mortes
(Marcel Brion)

Le métier qui te fait rêver ? Grandeur et servitude militaire
(Alfred de Vigny)

Ta passion ? La recherche du temps perdu
(Marcel Proust)
 
Une faiblesse : la beauté des loutres
Hubert Mingarelli
 
Un aveu : L'amour de Dieu
(Saint François de Sales)
 
Un souvenir cuisant : Le procès verbal
(Jean Marie Gustave Le Clezio)

Ton plus beau souvenir : Voyage au bout de la nuit 
(Louis Ferdinand Céline)
 
Que cherches-tu ? : Les sept piliers de la sagesse
(Terence Edward Lawrence d'Arabie)

lundi, 13 août 2012

Soror Renée Vivien

 

monastère.jpg

« La plus jeune sœur vint à moi comme l'incarnation de ma pensée la plus belle. Sa robe était du même violet que le soir. Cette femme m'évoquait la fragilité de la nacre et la tristesse altière des cygnes noirs au sillage obscur. Répondant à mon silence, elle murmura :

« J'ai cherché dans cette ombre non point la paix, comme l'Exilé frappant aux portes du monastère, mais l'Infini. » 

Et je vis que son visage ressemblait au divin visage de la Solitude. »

 
Renée Vivien, in Les sœurs du silence

 

mardi, 07 août 2012

de l'autre côté d'hier

cathédrale de Bourges, John Murphy, ave maria, taxi
Phot. Sara

La cathédrale de Bourges effleurée, un taxi bizarre, l'ave maria remixé, c'était un jour d'été d'un autre monde, il y a mille ans, hier ou avant-hier.

mercredi, 01 août 2012

La Résurrection des villes mortes : Ur ! Raffinement des sacrifices humains

Marcel Brion, Ur, Sumer, Basrah, Taylor, 1853, Nabonide, Chaldée, Campbell Thompson, Leonard Woolley,Shubad, sacrifices humains, rites funéraires, psychopompe, royaume des ombres

Voici un extrait tiré de La résurrection des villes mortes, de Marcel Brion.

Où les serviteurs des rois descendent vaillamment dans la tombe aux côté de la dépouille de leur maître, une fiole de poison à la main.

"Les ruines d'Ur se trouvent dans une plaine à douze milles environ au sud de l'Euphrate, qui, jadis, coulait juste sous les murailles de la ville. À cette époque, la plaine était d'une remarquable fertilité et, à l'endroit où nous apercevons aujourd'hui le désert, s'étendaient les cultures qui faisaient la richesse d'Ur. Dès 1853, Taylor, consul d'Angleterre à Basrah, commença des fouilles dans l'immense masse de débris qui révélaient la présence d'une cité importante, mais comme les ruines d'Ur n'avaient pas donné ce qu'on cherchait à cette époque, c'est-à-dire des oeuvres d'art, surtout des sculptures, on abandonna bientôt cette masse de briques dont on ne reconnaissait pas l'importance. Taylor y avait découvert pourtant des documents précieux, car ils permirent d'identifier le site avec l'antique Ur des Chaldéens, les cylindres dits de Nabonide.

En 1920, une expédition de reconnaissance, dirigée par le docteur Campbell Thompson, vint examiner le tell et, sur le rapport qu'elle fit, le docteur H.R. Hall entreprit les fouilles que continua activement, à partir de 1922, sir Leonard Woolley, pour le compte du British Museum et de l'Université de Pennsylvania.

On ne pouvait souhaiter un directeur de travaux plus compétent et plus consciencieux que sir Léonard Woolley ; à peine l'éminent archéologue eut-il reconnu, en effet, la richesse du site qu'il arrêta les travaux, craignant d'endommager des ruines précieuses en les faisant fouiller par des ouvriers indigènes mal préparés à ce travail. C'est grâce à cette précaution que l'excavation des tombes put être conduite plus tard avec le soin, la précision et la minutie auxquels nous sommes redevables des trésors artistiques et des inappréciables renseignements historiques fournis par les ruines d'Ur.

(...)

La tombe adjacente était celle de sa femme, la reine Shubad.

Il semble que celle-ci ait voulu emmener toute sa cour avec elle dans l'au-delà, car dix dames d'honneur l'accompagnaient, avec cinq soldats, et les conducteurs qui dirigeaient le traîneau conduit par deux ânes sauvages. Les objets enterrés avec Shubad sont d'une richesse et d'une beauté que l'on ne peut imaginer, même d'après les descriptions les plus enthousiastes ; il faut voir à Londres, à Philadelphie et à Bagdad, ce mobilier funéraire pour comprendre quel haut degré d'art, de culture et de civilisation avaient atteint les Sumériens au III°millénaire. La cruauté des sacrifices humains ne contredit pas, en effet, le goût exquis qui préside à la fabrication de ces harpes, de ces chars, de ces lampes, de ces vases dont la richesse matérielle n'est rien comparée à l'art prodigieux des orfèvres et des joailliers. La coiffure de Shubad, qui a été si souvent reproduite, est une merveille de fantaisie et de délicatesse.

Et d'autres tombes encore apparurent, celle d'un souverain non identifié, qui était entouré, lui, par des cadavres de six hommes et de soixante-huit femmes, dont l'une n'avait pas encore eu le temps de mettre son diadème d'argent que l'on trouva dans une poche de sa robe.

On se demande comment tous ces serviteurs et ces soldats sont morts, car les cadavres sont disposés dans un ordre parfait au fond du puits et qu'aucun ne porte trace de mort violente. Sit Leonard Woolley tire argument de ce que chacun de ces mort tient un petit gobelet de cuivre pour supposer que ce gobelet contenait un poison. On imagine alors le cortège funèbre descendant dans la tombe, derrière le corps du roi, se plaçant selon un protocole autour de la dépouille sacrée, puis buvant le poison qui permettra d'escorter le maître dans le royaume des ombres".

 

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vendredi, 27 juillet 2012

Mémoire d'India Song, pour Sara et Gange

India Song, jeanne Moreau, Marguerite Duras, Carlo d'Alessio

Ce billet est dédié à Sara et Gange.

 

À Sara, qui me traîna un jour pour voir ce film si long. Au bout de dix minutes, la moitié de la salle déjà peu nombreuse était partie. Il ne restait plus que la caste, la secte, ces gens seuls, solitaires, qui regardaient ce film qu'ils connaissaient déjà avec des yeux de ceux qui sont ailleurs, des yeux plongés dans quelque chose que je ne comprenais pas. Et, vraiment, ce fut une expérience gênante, bouleversante, étonnante, agaçante, fascinante, de voir ces gens fous regarder ce film fou. Grande, grande communion de solitudes inextricables !

 

À Gange, auprès du fleuve totémique de laquelle ce film est dit se passer. À toi, Gange, qui nous a illuminés, à toi notre soeur-chienne, notre fille, notre mère, notre fleuve d'amour.

 

Sara au café et Gange embrassée

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Gange, Edith de Cornulier, India Song, Carlo d'Alessio, Marguerite Duras, Jeanne Moreau

Je remercie les internautes qui ont mis en ligne ces vidéos, que j'emprunte...

mardi, 24 juillet 2012

Je crois vous reconnaître, homme bizarre qui m'évitez

Jean-Christian Michel, monsieur Marchand, préretraite, maçon, 2087, ventôse, Mont Ventoux, vins du mont ventoux, pirate, rorate caeli, chant grégorien, barmaid, caresse

Marchand, étiez-vous au bar des désespérés le soir où Nayon s'est noyé ? Y buviez-vous cette bière oblongue, vers neuf heures du soir, le 23 ventôse de l'an 2087 ? Si oui, avez-vous noté la lueur falote qui dansait au fond des yeux de la barmaid noire, quand son amie l'a caressée aux cheveux ? Et croyez-vous qu'on puisse un jour réécrire l'histoire, cette histoire du pirate blessé qui chantait le rorate caeli grégorien en levant le regard vers le ciel ? Et savez-vous ce que sont devenus ces âmes éparses qui nous lorgnaient en vidant des verres de Côtes du Mont Ventoux ? Marchand, était-ce vous qui chantonniez l'angélus de Jean-Christian Michel en dépassant d'un pas rapide les trois hommes en noir, comme pour une procession funèbre ? Marchand, je crois vous reconnaître. Je crois me souvenir de votre nom : Marchand. Et de votre sourire : triste. Et de votre profession : maçon en préretraite. Et je crois que c'était vous, et que vous le savez, et que vous ne le direz pas.

Edith CL

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mardi, 17 juillet 2012

s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué

Jean-Christophe, Romain Rolland

"Elle s'ennuyait, s'ennuyait... Elle s'ennuyait d'autant plus qu'elle ne pouvait se donner comme excuse qu'elle n'était pas aimée, ou qu'elle ne pouvait souffrir Olivier. Sa vie lui paraissait bloquée, murée, sans avenir, elle aspirait à un bonheur nouveau, sans cesse renouvelé, - rêve enfantin que ne légitimait point la médiocrité de son aptitude au bonheur. Elle était comme tant d'autres femmes, tant de ménages désoeuvrés, qui ont toutes les raisons d'être heureux, et qui ne cessent de se torturer. On en voit qui sont riches, qui ont de beaux enfants, une bonne santé, qui sont intelligents et capables de sentir les belles choses, qui possèdent tous les moyens d'agir, de faire du bien, d'enrichir leur vie et celle des autres. Et ils passent leur temps à gémir qu'ils ne s'aiment pas, qu'ils en aiment d'autres, ou qu'ils n'en aiment pas d'autres, - perpétuellement occupés d'eux-mêmes, de leurs rapports sentimentaux ou sexuels, de leurs prétendus droits au bonheur, de leurs égoïsmes contradictoires, et discutant, discutant, jouant la comédie du grand amour, la comédie de la grande souffrance, et finissant par y croire... Qui leur dira :

- Vous n'êtes aucunement intéressants. Il est indécent de se plaindre, quand on a tant de moyens de bonheur !

Qui leur arrachera leur fortune, leur santé, tous ces dons merveilleux, dont ils sont indignes ! Qui remettra sous le joug de la misère et de la peine véritable ces esclaves incapables d'être libres, que leur liberté affole ! S'ils avaient à gagner durement leur pain, ils seraient contents de le manger. Et s'ils voyaient en face le visage terrible de la souffrance, ils n'oseraient plus en jouer la comédie révoltante...

Mais, au bout du compte, ils souffrent. Ils sont des malades. Comment ne pas les plaindre ?  - La pauvre Jacqueline était aussi innocente de se détacher d'Olivier qu'Olivier l'était de ne pas la tenir attachée. Elle était ce que la nature l'avait faite. Elle ne savait pas que le mariage est un défi à la nature, et que, quand on a jeté le gant à la nature, il faut s'attendre à ce qu'elle le relève, et s'apprêter à soutenir vaillamment le combat qu'on a provoqué".

In Jean Christophe, de Romain Rolland.

lundi, 09 juillet 2012

La nuit latente de Renée Vivien

 

Renée Vivien, La nuit latente, Natalie Clifford Barney
"J'attends le retour des cygnes sauvages".

Renée, tu avais construit ton nom et ton mythe, et tu es morte d'autoépuisement à trente-deux ans, laissant derrière toi un sillon de poèmes qu'il faudra apprendre à retenir par cœur, peu à peu. Tu aimais ce prénom, cette fleur et cette couleur : violette. Tu souffrais des trahisons, tu aspirais à une violence différente de celle à laquelle s'adonnent les viveurs du monde.

 

Ton sommeil venu si tôt est souvent troublé par des frères, par des sœurs, qui viennent faire trembler ta mémoire en osant réciter, comme une prière, tes poèmes, ou bien les dialogues de Svanhild.

 

Comme Milosz, le cher lituanien qui écrivait en français, tu as choisi notre langue pour dire ton cœur. Alors nous te devons mille ans d'amour, au moins mille ans.

 

E.CL

Renée Vivien, La nuit latente,Natalie Clifford Barney

 

La Nuit latente

Le soir, doux berger, développe
Son rustique solo...
Je mâche un brin d’héliotrope
Comme Fra Diavolo.
La nuit latente fume, et cuve
Des cendres, tel un noir Vésuve,
Voilant d’une vapeur d’étuve
La lune au blanc halo.

Je suis la fervente disciple
De la mer et du soir.
La luxure unique et multiple
Se mire à mon miroir...
Mon visage de clown me navre.
Je cherche ton lit de cadavre
Ainsi que le calme d’un havre,
O mon beau Désespoir !

Ah ! la froideur de tes mains jointes
Sous le marbre et le stuc
Et sous le poids des terres ointes
De parfum et de suc !
Mon âme, que l’angoisse exalte,
Vient, en pleurant, faire une halte
Devant ces parois de basalte
Aux bleus de viaduc.

Lorsque l’analyse compulse
Les nuits, gouffre béant,
Dans ma révolte se convulse
La fureur d’un géant.
Et, lasse de la beauté fourbe,
De la joie où l’esprit s’embourbe,
Je me détourne et je me courbe
Sur ton vitreux néant.

 

Renée Vivien

 

1877-1909

 

 

 

jeudi, 21 juin 2012

Poème de Milosz

 

Venu de sa Lituanie natale, demeuré en France, écrivant en français, Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz, dit Milosz, fut une voix. Que sa voix ne s'enfonce pas dans le silence.Oscar Vladislas de Lubicz Milosz

Et surtout que Demain n’apprenne pas où je suis —
Les bois, les bois sont pleins de baies noires —
Ta voix est comme un son de lune dans le vieux puits
Où l’écho, l’écho de juin vient boire.

Et que nul ne prononce mon nom là-bas, en rêve,
Les temps, les temps sont bien accomplis —
Comme un tout petit arbre souffrant de prime sève
Est ta blancheur en robe sans pli.

Et que les ronces se referment derrière nous,
Car j’ai peur, car j’ai peur du retour.
Les grandes fleurs blanches caressent tes doux genoux
Et l’ombre, et l’ombre est pâle d’amour.

Et ne dis pas à l’eau de la forêt qui je suis ;
Mon nom, mon nom est tellement mort.
Tes yeux ont la couleur des jeunes pluies,
Des jeunes pluies sur l’étang qui dort.

Et ne raconte rien au vent du vieux cimetière.
Il pourrait m’ordonner de le suivre.
Ta chevelure sent l’été, la lune et la terre.
Il faut vivre, vivre, rien que vivre...

Oscar Vladislas de Lubicz-Milosz
1877 - 1939

 

lundi, 18 juin 2012

Pleines de grâce

 

Lux et Nox

(ou les pietas de Saint-Pierre de Rome et du Poiré-sur-Vie)

 

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange, ALine de La Roche Saint-André
Phot Aline de LA RSA

 

1499 : Michel Ange, jeune sculpteur, fait surgir de la pierre la modernité la plus folle, à l'aube du XVI°siècle : la pieta de la basilique Saint-Pierre de Rome.

 

1655 : 56 ans plus tard, l'antique horreur de la mort baigne la sculpture de pierre polychromée que l'on trouve aujourd'hui dans l'église du Poiré-sur-Vie et qui était auparavant à l'entrée du cimetière.

 

Et pourtant, il ne faut pas les juger par une comparaison chronologique. Elles sont chacune de toute beauté.

La pieta de Michel-Ange représente la face vivifiante de la Mort par la Croix. Celle du Poiré sur vie en représente la face mortelle.
Michel-Ange en sculptant la mort a filmé la résurrection. La douleur, la douleur sans cesse recommencée est captée par le sculpteur de Vendée (ou de passage) avec une parfaite vérité.

Devenue sœur en Christ de son propre fils Jésus, Marie de Michel-Ange, douce comme les câlins de grande sœur des après-midi de l'enfance, se penche sur l'enfant qui sourit presque dans son envol, elle se penche sur l'homme parfait, si proche d'elle dans sa chair, si lointain dans son âme.

Ainsi, Michel-Ange, dans le feu de la Renaissance pécheresse, honore la Vie qui vainc toutes les morts. Mais le sculpteur (dont le nom m'est inconnu) du Poiré-sur-Vie rappelle que cette Vie exultante coûte cher, très cher.

La lumière a besoin de l'obscurité. Pour illuminer les nations, la Renaissance devait sortir du Moyen-Âge. Et pour renaître à notre propre génie, nous devrons puiser aux deux sources de l'art : Lux et Nox. Le Moyen-Âge et la Renaissance. Tous, les celtes, les latins et les grecs, fécondent infiniment cette lumière et cette nuit.

Ah, la pieta du Poiré sur Vie : elle est belle comme elle est triste.

Et ce n'est pas l'horreur de la mort de l'aimé qu'elle regarde, c'est le gouffre insondable du deuil personnel.

Mère privée de son seul bien, Marie du Poiré sur Vie contemple le vide horrifiant de la vie qui lui reste à vivre, privée de tout ce qui faisait sa valeur, sa motivation, sa raison d'être. Elle a la mort sur ses genoux, lourde et laide, et la souffrance indicible s'étend tout au fond de son horizon.

Endeuillée, Marie du Poiré-sur-Vie a besoin de vos prières. Si son âme de reine connaît le destin glorieux de son fils, son cœur de mère saigne de longs sanglots rouges et noirs.

Pour danser, corps déliés, coeurs légers, sur les résurrections, combien a-t-il fallu d'engoncements et de douleurs lourdes ?

Ne jugez pas que ces pietas s'opposent, ne condamnez pas l'une au nom de la piété ou l'autre au nom de la joie, car elles sont soeurs et se comprennent au-delà de toutes les certitudes.

Pieta, le Poiré sur Vie, Michel-Ange
Photo volée ici

 

E CL