mardi, 08 février 2011
Deutsche Grammophon : Concerto n°1 pour piano en ré mineur, op 15. Le texte de la pochette (II)
Nous poursuivons notre entreprise de recopiage des pochettes de certains disques 33 tours, parce que ces textes étaient intéressants et bien écrits, et qu'ils risquent de tomber aux oubliettes.
Voici le texte de la pochette du disque Deutsche Grammophon, collection PRESTIGE, « Johannes Brahms, Concerto n°1 pour piano en ré mineur », interprété par le pianiste Émile Guilels et dirigé par Eugen Jochum (orchestre philharmonique de Berlin).
1972
Voici la seconde partie du texte. La première présentait l'oeuvre ; voilà maintenant annoncé le pianiste, le grand Emil Guilels.
(Photos : Mavra Nicolaievna Vonogrochneïeva)
L'enregistrement des Concertos de Brahms par Emile Guilels a été précédé de celui du Quatuor pour piano en sol mineur du même compositeur. Dans cette oeuvre Guilels révélait déjà les profondes affinités qui existent entre lui et le langage musical de Brahms. Son interprétation est remplie d'une forte tension, d'un dynamisme vigoureux et d'une intelligente bravoure, caractéristiques qui conviennent parfaitement à ce quatuor de jeunesse où une sombre gravité le dispute aux explosions de tempérament à la hongroise.
Emile Guilels, fils d'un comptable, naquit à Odessa. Son premier professeur de piano fut Yakow Tkach, un élève de l'illustre Raoul Pugno. À l'âge de treize ans Guilels donna son premier récital. Au Conservatoire d'Odessa il eut ensuite pour professeur Berta Ringold, une émigrante formée à la technique pianistique de l'école viennoise. Soutenu et encouragé par le système d'éducation soviétique, Guilels ne tarda pas à acquérir une solide réputation dans les compétitions pianistiques. Il se concentra d'abord sur la virtuosité pure. Arthur Rubinstein disait alors de lui qu'il avait le diable dans les doigts. En 1933 il remporta le Prix de Musique de l'Union Soviétique à Moscou. Il mit à profit ce succès pour poursuivre ses études auprès de Heinrich Neuhaus, le légendaire pédagogue soviétique, professeur de Svjatoslav Richter. Un poste d'enseignement à Moscou lui permit de se préparer à aborder la carrière internationale. Le nom d'Emile Guilels commença alors à se répandre dans les pays de l'Ouest ; en 1936, le jeune pianiste remporta le second prix d'un concourt à Venise, le premier de deux autres concours à Bruxelles et à Vienne en 1938. En 1939, il devait se produire à l'exposition mondiale de New York mais la seconde guerre mondiale vint ruiner tous les espoirs qui lui étaient permis.
Il lui fut pourtant donné en 1955 d'accéder à la renommée internationale : il joua pour la première fois aux États-Unis, avec l'orchestre de Philadelphie et avec l'orchestre philharmonique de New York. En 1969, il entreprit sa première tournée en Allemagne ; en 1969 il joua à Hambourg les cinq concertos de Beethoven ; en 1970 il participa à Bonn à la célébration du deux centième anniversaire de la naissance de Beethoven. Depuis quelques années Guilels apparaît à Salzbourg comme la personnalité majeure des plus célèbres instrumentalistes du festival.
Par l'intermédiaire et au-delà de son professeur Neuhaus, Guilels se sent lié au « paradis de la maîtrise pianistique » qui s'instaura vers la fin du siècle dans les Conservatoires de Russie et avec lequel, pour citer ses propres paroles, « commença le style pianistique moderne purement russe ». L'ampleur du répertoire est caractéristique de cette école et, par là, de Guilels également. Il possède un répertoire s'étendant de Bach jusqu'aux compositeurs russes contemporains. Il a le souffle nécessaire aux grands concertos aussi bien que l'intensité d'expression que requièrent les partitions de dimensions plus modestes. Mais, dans les oeuvres les plus opposées, il conserve inchangés son sérieux artistique et sa capacité d'aller au fond des choses. Une méditation propre à sa nature est constamment sensible et les termes de routine ou de superficialité lui sont étrangers.
Il élucide avec des soins infinis la logique interne d'une composition. La discipline qu'il apporte à aborder les partitions confère à chacune de ses interprétations un caractère définitif et exemplaire. La virtuosité de sa technique n'est plus perceptible que comme moyen d'expression. Son jeu offre cette évidence irrésistible qui convainct d'emblée l'auditeur, que chaque oeuvre qu'il interprète, quelle que soit sa place dans les trois siècles qu'embrasse son répertoire, ne peut être abordée et comprise autrement.
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lundi, 07 février 2011
Deutsche Grammophon : Concerto n°1 pour piano en ré mineur, op 15. Le texte de la pochette (I)
Phot E.T.
Nous poursuivons notre entreprise de recopiage des pochettes de certains disques 33 tours, parce que ces textes étaient intéressants et bien écrits, et qu'ils risquent de tomber aux oubliettes.
Voici le texte de la pochette du disque Deutsche Grammophon, collection PRESTIGE, « Johannes Brahms, Concerto n°1 pour piano en ré mineur », interprété par le pianiste Émile Guilels et dirigé par Eugen Jochum (orchestre philharmonique de Berlin).
1972
Voici la première partie du texte, celle qui traite de Brahms. Une autre, que nous recopierons ultérieurement, traite du fabuleux pianiste Émile Guilels et du chef d'orchestre Eugen Jochum.
Les deux concertos pour Brahms occupent une place à part dans l'histoire du genre, non seulement à cause de leur valeur intrinsèque mais aussi par leur rôle dans l'évolution artistique du compositeur.
Avec celui en ré mineur terminé en 1857, le jeune Brahms se libérera des conflits qui l'oppressaient depuis la fin de ses années d'études à Hambourg. Il avait pris, non sans atermoiement, la résolution d'être un créateur plutôt qu'un interprète, c'est-à-dire un compositeur plutôt qu'un pianiste, pensant ainsi pouvoir réussir bien que – ou contraire parce que – s'unissent indissolublement dans l'élaboration d'une oeuvre musicale problèmes personnels et problèmes techniques. La genèse du concerto reflète clairement les tourments qui présidèrent à la domination de ces conflits. Il en résultat une oeuvre non exempte certes de scories mais dont la sincérité passionnée ne pouvait laisser personne indifférent, une oeuvre dont l'ambition était d'élever le concerto au niveau de la symphonie et apporter ainsi un ton nouveau au genre. Si cette ambition se réalisa pleinement sur le plan émotionnel, ce ne fut que partiellement sur celui technique et formel. Les réactions du monde musical furent partagées. Accueilli jusque là favorablement sans toutefois être reconnu comme le génie annoncé par Schumann en 1853 dans un article retentissant, Brahms se vit pour la première fois placé au centre de controverses artistiques passionnées. Pour la première fois aussi, il devint évident qu'on avait à faire à un compositeur dont dépendrait l'avenir de la musique.
À l'origine, le Concerto en ré mineur devait être une sonate pour deux pianos. Brahms commença à y travailler en avril 1854. Deux mois plus tard, il écrivait à son ami Joseph Joachim qu'il voulait l'abandonner car deux pianos ne lui suffisaient plus. En juillet 1854, il essaya d'en remanier le premier mouvement sous une forme symphonique mais dut bien vite reconnaître que ses connaissances de l'orchestre étaient encore trop limitées pour réussir un tel travail. L'oeuvre resta donc en souffrance. C'est seulement six mois plus tard qu'il trouva la solution du conflit existant entre sonate et symphonie et son manque de connaissance dans ce domaine, solution qui lui apparut en rêve : « Imaginez ce que j'ai rêvé cette nuit, écrivit-il à Clara Schumann, « j'avais fait de ma symphonie avortée un concerto pour piano ». Il était à prévoir cependant que d'autres problèmes allaient à plus forte raison s'accumuler autour d'un tel projet. C'est seulement après trois ans et demi de travail pénible entrecoupé de crises de doute et de désespoir que Brahms pouvait dire fin décembre 1857 que ce travail était « enfin terminé ».
La création de l'oeuvre eut lieu le 22 janvier à Hanovre et reçut un accueil favorable mais, lors de la première exécution à Leipzig, fief du conservatisme, cinq jours plus tard, elle connut un échec total : un critique anonyme la massacra de fond en comble, ne voyant en elle que des déchaînements chaotiques de sonorités nouvelles. Des critiques plus compréhensifs, qui surent ultérieurement apprécier l'oeuvre comme « symphonie avec piano obligé », ne changèrent pas grand'chose à l'attitude du parti conservateur : Brahms était catalogué « progressiste » ; c'est seulement quand il se fut nettement désolidarisé de Liszt et de Wagner et que les composantes classiques de son oeuvre se furent clairement dégagées, que les partis devaient changer de front.
Que le concerto en ré mineur ne puisse pas renier sa genèse n'est guère étonnant : la sonorité orchestrale souvent surchargée et les problèmes formels du premier mouvement parlent assez clairement dans ce sens et les tendances configuratives de l'ensemble, souvent contradictoires et non entièrement clarifiées, ne font pratiquement corps que par la grandiose puissance de la conception initiale, que par la subjugante et débordante profusion des thèmes. « Symphonique », l'oeuvre l'est principalement par cette grandeur d'intentions, par les ambitions externes et internes et aussi par le fait que la virtuosité pianistique y est entièrement subordonnée au travail symphonique ; d'autre part elle se désolidarise de la forme du concerto « symphonique » en quatre mouvements (avec scherzo), établie par Litolff et Liszt, en faveur des trois mouvements traditionnels.
Le premier mouvement constitue sur le plan formel une grandiose tentative pour résoudre d'une manière nouvelle le problème fondamental du concerto, à savoir l'union de la forme sonate et du principe concertant. Cette solution ne réside pas, comme chez Mendelssohn et Schumann, en un dialogue permanent du tutti et du soliste, mais dans l'extention de l'exposition, dans la combinaison de la reprise de l'exposition au piano avec le développement thématique, dans la variation thématique progressive et dans la superposition à l'ensemble formel d'un dialogue largement développé entre tout l'orchestre et le piano. Du fait de la multiplicité de ses thèmes et de son extension, ce premier mouvement ne laisse que difficilement reconnaître la logique musicale ; son sens ne se révèle clairement que lorsqu'on l'aborde sous l'optique du caractère des thèmes. La grandiose gestique du début domine la forme et le caractère de l'ensemble : tout ce qui y succède est une confrontation thématique avec ce motif dont la puissance fatidique, symbolisée par les points d'orgue menaçants, reste finalement victorieuse. La forme musicale, tout à fait dans le courant de la conception beethovénienne qui a marqué la musique symphonique du milieu du siècle, est une « mise en action « dramatique des thèmes.
C'est ce à quoi répond l'Adagio qui, présentant comme le finale de multiples attaches thématiques avec le premier mouvement, fait succéder au drame une atmosphère de tranquillité lyrique et un sentiment de résignation dans l'épisode médian en si mineur. Dans la partition autographe, Brahms a placé sous les cinq premières mesures des cordes les mots « Benedictus qui venit in nimine Domine », allusion directe tant à la parenté du thème avec celui de la « Missa Solemnis » de Beethoven qu'au caractère expressif qu'il a voulu donner au mouvement.
Le Finale, rondo en forme sonate de dimensions gigantesques, conclut en résolvant les conflits dans une héroïque activité et une détente bucolique. Là encore, le parrainage de Beethoven est manifeste et ce n'est pas par hasard si la coda en ré majeur, qui célèbre la victoire remportée, est introduite par une cadence du piano à la fin de laquelle apparaît une nette allusion au passage «wo dein sanfter Flügel weilt » de la 'Neivième Symphonie ».
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mardi, 18 janvier 2011
Apernox
Urville, par Sara
(un billet d'Edith)
Ouvrir la nuit à la fenêtre de la cuisine : c'est ce que je viens de faire.
Tout s’épouse : la nuit suspendue aux étoiles, mes lèvres suspendues à une bière et ton nom qui flotte dans la mémoire de notre jeunesse. C’est l’heure de songer à la vie que j’aurais menée, si j’avais fait d’autres choix, aux carrefours que j’ai traversés.
J’ai suivi des sentiers du milieu, ne sachant opter entre la route des autres et l’effrayant chemin des douaniers. J’avais des idées idéales, des besoins vitaux : j’ai eu peur de l’absolu et j’ai eu ma part de chances et de guignes.
Comme Zénon, ne pas chercher à éclairer la foule qui ne veut pas savoir, à déstabiliser des manipulateurs qui n’auront aucun scrupule à écraser des Saint Jean Bouche d’Or.
Mais penser avec tranquillité, penser seule, et, quelquefois, rencontrer d’autres fantassins détachés du bataillon de la pensée unique, d’autres vagabonds sans autre guides que les étoiles trop hautes pour être bâillonnées.
Boire des bières sans chercher à convaincre, renoncer au monde sans abandonner le courage de penser.
Se demander : quelles sont les idées interdites ? Y a-t-il des choses que je n’aurais pas droit d’écrire ou de prononcer en public ?
En faire une liste, et s’habituer à les considérer dans le calme, ces choses indicibles. Certaines nous plairont. D’autres nous dégoûteront. D’autres nous laisseront perplexes. Si l’on ne peut les considérer en paix, ces idées, les suivre mentalement jusqu’au bout sans les haïr, c’est qu’on est toujours retenu par les brides des maîtres-penseurs, qui sont parfois avoués tels, parfois hypocritement déguisés en libertaires ou en amis.
Se demander encore toutes les choses laissées libres, tous les possibles qui nous sont offerts, toutes les voies incontrôlées par la société, ou même inconnues d’elle, inexplorées. S’ouvrira la porte sur de vastes déserts à traverser, des routes à suivre, des océans à naviguer.
Le pouvoir ne veut pas être « agacé ». Nicolas Fouquet n’était pas trop riche (il était très endetté) ; ce n’est pas l’argent que le Roi lui reprocha, mais son apparence de richesses. C’est l’insolence, pas le fond réel des situations, qui vexe les tenants du pouvoir et les pousse à sévir sans pitié. Or, c’est l’insolence qui nous donne envie de vivre. Dilemme.
La bière tiédit dans le soir. L’hiver est doux ici, frais ; jamais froid. Les jeunes gens là bas fument du cannabis en attendant de décider ce qu’ils feront ce soir. Ils ne feront sans doute rien.
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samedi, 15 janvier 2011
Rorate Caeli
Photo Sara
(Un billet d'Esther Mar)
Je recopie l'intérieur du 33 tours que j'écoutais pendant l'Avent à une époque révolue. J'étais jeune. J'habitais en province.
Monastères
Choeurs des moines trappistes
33 tours artistique SM 33-11
Les moines ne sont pas des chanteurs traditionnels, leur chant est tout entier l'expression de leur prière. Aussi, quelle que soit leur qualité ces disques ne sont pas des documents seulement destinés aux amateurs de musique ancienne et de chant grégorien.
Spécialisés dans le reportage, dépassés peut-être par cette ambiance unique de la Trappe, nous avons voulu faire de ces disques le reflet fidèle de notre propre émotion.
Plus que jamais nous avons voulu faire vrai, et capter quelque chose de l'ambiance monastique.
C'est pourquoi les chants de procession ont été enregistrés pendant que la Communauté marchait dans le cloître... Le SALVE fut enregistré le soir pendant l'office... Toutes les cloches du monastère accompagnent le chant du MAGNIFICAT solennel... La mate sonorité dans le "plein air" du cimetière conventuel contraste avec celle de l'église cistércienne... Le GLORIA LAUS (spécialement retenu par l'Académie Charles CROS) fut enregistré dans le réalisme de l'opposition des plans sonores : solistes dans l'église et choeurs dans le cloître.
"MONASTERES" ne constitue pas un échantillonnage de morceaux grégoriens, mais un reportage discret et suggestif sur le "silence chantant" d'une abbaye de Trappistes.
Nous sommes heureux de présenter sur microsillon la collection "MONASTERES" qui, à l'unanimité des Membres du Jury, a obtenu le "GRAND PRIX DU DISQUE" en 1949.
S.M. ROBREAU
Cette collection est à l'origine de notre existence d'éditeurs, nous l'avons dit souvent : c'est notre enfant chéri.
Ce report sur microsillon nous a été beaucoup demandé, nous y avons apporté tous nos soins afin que non seulement vous ne soyez pas déçu mais que votre joie soit égale à la nôtre en retrouvant ces "émotions nobles" que nous ont procurées, respectés avec la plus grande fidélité, ces chants parfois rudes d'une si parfaite santé.
FACE A
Le Salve Regina de Citeaux
Le salve de la Trappe. Antienne du 1° mode.
Pièce justement célèbre. A coup sûr une des plus belles du répertoire grégorien. Particulièrement émouvante lorsqu'on l'écoute dans l'ambiance recueillie d'une église cistércienne.
C'est la fin de la journée, l'office des Complies s'achève. Tous les moines se sont assemblés pour ce dernier chant en l'honneur de Notre-Dame : l'église est dans l'obscurité, seule, la statue de la Vierge qui domine le maître-autel est illuminée.
Huysmans a noté en des pages devenues classiques l'impression que fit sur lui, l'audition du Salve Regina.
On retrouve gravés dans la cire l'émotion, la ferveur, l'élan, la tendresse, le respect qui caractérisent cette prière...
Alleluia : Magnificat
Mon âme exalte le Seigneur, Alleluia !
C'est la réponse de Marie à sa cousine Elisabeth.
C'est le chant de joie - paisible et tout intérieur - d'un coeur immaculé vers son Dieu.
La mélodie est celle de l'Alleluia : DOMINE IN VIRTUTE TUA du V° dimanche après la Pentecôte, merveilleusement mise au service de ce chant d'humble gratitude.
Tierce au monastère
Fragments de l'office de Tierce, dans la Liturgie cistércienne
L'occupation principale des moines est le chant de l'office.
Ce disque donne des fragments d'un office qui est chanté avant la messe.
Psalmodie... Chant de l'antienne "APERTIS THESAURIS SUIS" de la fête de l'Epiphanie, suivi d'un texte appelé Capitule et d'un dialogue entre le célébrant et le choeur.
La cloche qui se fait entendre annonce la Grand'Messe qui doit suivre immédiatement.
C'est, traduit avec fidélité, l'ambiance d'un office à la Trappe.
Libera Me - Répons (I° mode)
Procession de la levée du corps, dans le cloître. Texte de la liturgie cistércienne.
Le LIBERA ME est une mélodie de la liturgie des funérailles. Elle accompagne, dans le rite cistércien, la levée du corps.
Le défunt, reposant sur une simple civière, vient d'être amené dans le cloître de l'abbaye. Le cortège s'organise vers l'église au chant de cette prière si calme, si consolante, même dans les passages où la mélodie s'efforce de traduite l'épouvante du jugement dernier : "Quando coeli movendi sunt et terra, dum veneris judicare soeculum per ignem" (délivrez-moi, Seigneur, de la mort éternelle en ce jour terrible où les cieux et la terre sont ébranlés, jour où vous viendre juger le monde par le feu).
Nous avons respecté fidèlement cette ambiance de procession et de prière ardente.
Chorum Angelorum (VIII° mode)
Clementissime (III° mode)
Antiennes de la Sépulture dans la liturgie cistércienne
Ces deux antiennes marquent l'instant le plus émouvant de la sépulture dans la liturgie cistércienne.
Le défunt porté par les moines est conduit au cimetière au son des cloches et des psaumes. Toujours au son des psaumes la cérémonie de la sépulture se déroule. Sur la fin, alors que le défunt vient d'être descendu dans la fosse, retentit l'antienne CHORUS ANGELORUM chantée sur un mode joyeux.
Vient ensuite l'admirable prière CLEMENTISSIME : humble supplication que soulève un souffle d'espérance, de certitude, d'ardeur.
Tous les moines se sont prosternés et c'est l'appel à la miséricorde du Seigneur :
DOMINE MISERERE SUPER PECCATORE (Seigneur ayez pitié de ce pêcheur)
Ce disque enregistré au cimetière contraste étrangement avec le LIBERA ME chanté et gravé en procession dans le cloître. Ici aucune résonance, seules la prière monastique et la plainte de la cloche.
FACE B
Magnificat
Ton solennel - VI° mode. Antienne : VERBUM CARO FACTUM EST
Antienne "verbum caro factum est..." (le Verbe s'est fait chair puis il vint habiter parmi nous).
Magnificat : Chant de joie, où les moines blancs exaltent la gloire de Notre-Dame, Reine de Citeaux, et auquel vient s'ajouter la voix vibrante des cloches de l'abbaye.
Sanctorum Meritis
Du Commun des Martyrs - II° mode
Jesu, Corona Virginum
Du Commun des Vierges - VIII° mode
Deux hymnes : la première empruntée à l'office des Martyrs, célébrant sur une mélodie du II° mode, simple mais pleine d'allant et de joie, le triomphe des martyrs.
La deuxième, empruntée à l'office des Vierges : mélodie du VIII° mode plus ornée que la précédente, moins triomphante, mais plus fraîche, plus tendre, plus ardente.
Ave Maria
Offertoire du IV° dimanche de l'Avent - VI° mode
Je vous salue Marie pleine de grâce...
C'est un salut enveloppé de vénération profonde, chanté ici avec beaucoup de ferveur.
C'est celui de l'Ange et, groupé en un seul texte, celui d'Elisabeth.
C'est le message de Dieu à Notre-Dame, c'est le FIAT de Marie.
C'est l'Eglise, épouse, vierge et servante ; c'est - dans le Corps Mystique - l'âme virginale, terre bénie, dépouillée, en qui va naître le Sauveur.
Pueri Hebraeorum (I° mode)
Gloria Laus (I° mode)
Texte de l'édition vaticane
Deux pièces empruntées à la Liturgie des Rameaux. La première : antienne du I° mode, à la ligne mélodique simple, mais fraîche, et légère.
Le GLORIA LAUS est un cantique où alternent refrain et couplets. Il est chanté à la fin de la procession qui précède la messe des Rameaux. Le cortège s'est immobilisé dans les Cloîtres de l'Abbaye, pendant que deux solistes entrent dans l'église (dont la porte est aussitôt refermée) et font entendre ce cantique aux accents de la victoire, tandis que le choeur, massé dans le cloître, répond par l'acclamation : "GLORIA LAUS !" (A vous, la gloire, la louange, l'honneur) !
Rorate
Mélodie pour le temps de l'Avent
Mélodie très connue du temps de l'Avent, pour solistes et choeurs. Elle se chante au Salut du Saint-Sacrement et traduit admirablement les sentiments de l'avant-Noël : attente, espérance.
"PECCAVIMUS" (Nous avons péché, nous sommes tombés comme la feuille...), mais envoyez Qui vous devez envoyer : "Et mitte quem missurus es".
Puis c'est la promesse de pardon et de paix : CONSOLAMINI (console-toi, mon peuple).
Tout le choeur reprend une dernière fois cette supplique RORATE... "Ô Cieux, versez d'en haut votre rosée et que les nuées fassent pleuvoir le Juste".
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dimanche, 09 janvier 2011
Culpabilité et béatitude
Le soleil d'hiver baigne la ville froide. Les papiers administratifs sont faits. Une certaine somme s'est abattue sur le compte en banque, suite au rachat d'un livre par une maison d'édition étrangère.
Depuis une semaine, alors que la ville grouille et que ses habitants turbinent, s'activent, travaillent..., elle, elle se lève vers 9 heures du matin, prend une douche et un grand petit déjeuner, puis se recouche.
Au lit, elle lit, durant deux ou trois heures, quelquefois des encyclopédies, ou des auteurs grecs ou latins, quelquefois la bibliothèque de son enfance : les bandes dessinées (Black & Mortimer, Victor Sackville, Tintin), les romans de la bibliothèque de l'amitié, des livres d'aventure du début du siècle.
Puis l'appel du ventre la mène à la cuisine, où, avec plaisir, sans hâte, elle cuisine un déjeuner original et soigné, qu'elle déjeune au coin d'un feu. Elle attend ensuite dans la douce chaleur que le feu s'éteigne en buvant un café et en réfléchissant à des événements passés.
Quand la cheminée a fini de crépiter, elle retourne à sa chambre et se remet au lit. Enfin elle écrit. Vers six heures, quand l'inspiration sera tarie, elle fera une longue promenade dans la ville. Il fera nuit quand elle rentrera. Ainsi passe l'hiver.
Observatoire de la culpabilité
Fond des lectures
Lors d'une lecture de Zozime, la culpabilité est basse. Lors d'une lecture de Tintin ou de la Comtesse de Ségur, la culpabilité est très élevée. Trouve-t-elle que les auteurs classiques sont plus brillants, plus intelligents, plus culturels que Hergé ou la Comtesse de Ségur ? Non ! La culpabilité n'est donc pas due à un jugement interne sur les lectures acceptables, mais sur l'échelle de valeur qu'elle croit objective.
Positions
L'indice de culpabilité monte avec la position couchée et chute avec la position assise ou debout. Lire ou écrire assise sur un fauteuil donne moins de culpabilité que lire ou écrire assise dans son lit. Or, lit-elle mieux dans un fauteuil que dans un lit ? Non. La culpabilité ne monte pas en fonction de la réalité de sa concentration, mais en fonction de l'échelle de valeur qu'elle croit objective.
Sommes-nous faits pour la béatitude ou pour la culpabilité ? La souffrance est-elle mesure de la vertu ? A-t-on le droit moral de vivre dans la douceur et la béatitude ?
Edith
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lundi, 27 décembre 2010
Esther, Esther !
Edith de CL répond à Esther Mar
Esther, Esther ! Ton exil du bord de la Marne, ne le trompes pas. Pourquoi t’es tu levée pour dire quelque chose ? Cachée au fond de ta maison tes prières étaient plus utiles que cette prise de parole presque publique, que cette contribution à l’édification du réel-prison.
Ne pas s’exciter car tous les camps trop tranchés sont voués à l’exagération et au crime. La politique existe depuis des milliers d’années et elle est toujours violente. Le pacifisme est violent quand il se fait politique. Tout le malheur des hommes vient du fait qu’ils ne savent rester assis tranquillement dans leur chambre et la vraie liberté c’est être soi même quel que soit le monde qui nous entoure, plus que se jeter dans le combat dont d’autres ont défini les termes et les règles. Je ne ferai pas la guerre, ni dans un clan, ni dans un autre. Je ferai la route vagabonde dans les paysages inventés de mon imagination, là où ne peuvent entrer que ceux, amis et frères, sœurs et spectres, que j’invoque.
La politique est de ce monde et mon royaume en est trop loin pour que je puisse faire des allers et retours. Ne m’attendez pas dans les rangs de vos armées ; ne me souhaitez pas parmi vos chœurs et vos rassemblements. Car je suis seule, seule au milieu de mes rêves, de mes ruines et de mes souvenirs. Je suis seule au milieu d’un monde qui n’existe que par mon esprit. Me traiterez-vous de lâche que je n’en blêmirai pas. De quel droit décrétez-vous les héros et les méchants ? Qu’avez-vous vécu que vous sachiez mieux qu’autrui ce qui se trame sous son crâne ? Psychiatres, Juges, Intellectuels, Militants, Chefs de file, Journalistes, vous êtes de la même étoffe, celle qui dispose du réel comme si c’était une propriété privée.
Mais moi, je marche loin de vous. Vous dessinez sur le sable de l’Histoire des ronds et des carrés et vous placez vos pions dedans. Je ne suis pas votre pion. Je ne suis ni de la gauche, ni de la droite, ni du christianisme, ni du paganisme, je ne suis ni de l’amour ni de la haine, je suis du rêve et je souffle sur vos constructions et vos architectures pour les rendre à la poussière. Je n’ai signé de contrat social à ma naissance et vous m’engueulez au nom du contrat social qui nous lie. Je n’ai pas pris parti parce que vos partis sont les faces d’une même pièce que je déplore et vous m’incendiez parce que n’étant pas de votre clan vous m’accusez d’être complice avec celui d’en face, votre ennemi qui vous ressemble comme un frère. Je n’ai pas crié avec les loups, je n’ai pas aidé les chasseurs, je ne suis ni des loups ni des hommes, je suis l’errante au milieu des arbres, celle qui vous sait et qui vous fuit.
Edith, en réponse au dernier billet d'Esther
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mercredi, 15 décembre 2010
Toute la poussière du monde
(un billet d'Edith)
Une lumière, un visage d’ombre. Le claquement d’une porte. La noire hérésie pour laquelle mon frère fut condamné m’avait amené dans ce lieu désert perdu au milieu de la ville grouillante. Le réverbère, dehors, en éclairait l’entrée. On était entre chien et loup. La guillotine s’était tue. A travers les allées de piliers, des halos de lumières enveloppaient les statues. Tout était à demi mort ; tout me rappelait la mort. Celle de mon frère, tant aimé à l’enfance, tant craint depuis. Celle de mes parents, qui reposaient là bas, au village du malheur. Celle qui m’attendait, tapie dans l’ombre, et que je ne voulais pas voir en face. Les pas de l’autre pèlerin résonnaient sur les dalles. Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit, prononçait en geste la main de l’inconnue. Je murmurai en moi-même : ainsi soit-il. Tant que l’on prononce les mots, la langue et la vision qui les ont enfantés ne sont pas mortes. Voilà pourquoi il faut parler. Tant que l’on invoque les morts, leurs yeux qui regardaient le monde ne sont pas complètement éteints. Voilà pourquoi il faut prier. L’architecture des lieux ressemblait au monde que la foule, dehors, dans la ville grouillante, détruisait. Et si la guillotine s’était tue, à la fin du jour d’ardent labeur, les sanglots des amis et des parents mouillaient les linges des maisons, à l’heure qu’il était.
L’odeur de notre dernière conversation me revint : la verveine. Au milieu de la petite table où nous jouions à un jeu de hasard nos tasses émanaient la senteur chaude de l’herbe des soirs d’automne. Nous nous étions peu parlés ce soir là. Nous ignorions que nous partagions nos dernières instances fraternelles – moi, je l’ignorais. Les événements avaient commencé, pourtant. Mais on n’y pensait pas. On n’imaginait pas qu’un monde vieux, immuable, installé, puisse être renversé en quelques jours. Je déambulais toujours entre colonnes et piliers glaçants, hauts comme les inspirations qui les élevèrent. Soudain, le Christ apparut dans un écrin, au milieu de la nef. Aussitôt ses disciples et ses évêques penchèrent la tête en signe de révérence. Je demeurai coi. Mes yeux brouillés par la myopie, par la fatigue, se plissèrent pour mieux le voir. Alors j’aperçus les tâches brunes qui salissaient son visage.
- Ainsi, vous apparaissez toujours aux hommes tels qu’ils sont, non tels que vous êtes. Merci, notre Seigneur, de vous être revêtu de la lèpre.
Le Christ sourit.
- Je suis le frère de ceux qui souffrent dans la vérité.
Des rangées de chaises un murmure se souleva. Les hommes les avaient délaissées : ce furent elles qui dirent les prières.
- Tu vois que je suis mieux servi par d’humbles objets que par les hommes, dit la voix pure du Christ.
- Maître, seriez-vous en train de dire que ces chaises ont une âme ?
- Elles ont l’âme que leurs créateurs leur ont influé, tout comme toi, mon frère. Mais je t’appelle frère, et justement tu es venu pleurer un frère.
- Oui, Maître. Ils l’ont guillotiné hier.
Ma voix se brisa. Je crus que le Christ n’avait pas entendu. Mais le Christ entend tout. Il me regarda avec une compassion telle que des vagues de larmes apparurent aux portes de mes yeux. Dans un ultime sursaut, je les refoulai et elles repartirent d’où elles venaient. Il est loin le temps de l’enfance où je pleurais sans relâche et sans entrave. Je me l’interdis depuis et ne sais ce qu’il adviendrait de moi si, un jour, je les laissais sortir, tous les sanglots d’homme méprisés.
Je sentis des yeux sortir de tous les endroits de l’église, qui regardaient le Christ. Un fauteuil rouge épuisé se redora. On sentait des présences là où le regard scrutait en vain. Quelque chose avait lieu.
- Est-ce un miracle, mon Maître, ou un rêve, que je vis là ?
- Tous les rêves sont des miracles, mon fils. Et la voix du Christ était toujours pure, mais moins imberbe, et je reconnus la présence de Dieu, son Père.
Est-ce que tous les miracles sont des rêves, interrogeai-je en moi-même, alors que le frisson s’évaporait. Une sensualité avait parcouru l’église. Les jambes des saints s’étendaient. Je vis que nous étions dans un monde où les mères sont plus jeunes que leurs Fils et elles les prennent dans les bras quand elles les retrouvent morts après les batailles inégales. Et le Fils est grandi par l’amour de sa mère et la mère est rajeunie par la grandeur du Fils. Aucune clef n’ouvre la porte des cœurs de ces piétas remplies d’amour. Les trousseaux fusent ; aucun ne sert. Seules les paroles christiques et les regards d’enfant peuvent enfreindre le blindage de l’Immaculée conception. Une sincérité avait parcouru l’église. Un homme empierré levait les bras et récitait des cantiques au soleil. Et Jésus souriait.
- Maître, avez-vous vu mon frère, demandai-je, tout imprégné de terreur et d’espoir.
- Maître, avez-vous vu ses frères, demandèrent les médiateurs et les têtes couvertes d’une mitre. Car chacun avait vu mon visage de lépreux et chacun savait que mon cœur lui-même était en lambeaux. Un silence se fit. Le vide des lieux réapparut. Le Christ sembla évaporé. Un vent glacial fendit l’air. Je crus qu’il allait me déchirer.
- Ton frère intercède pour toi, parla le vent.
La voix n’était pas assez charnelle pour que sa pureté étonne. C’était une voix d’élément – de montagne, de vent, la voix des nuages immobiles. Et je reconnus que c’était la voix du Saint Esprit. Des lueurs suivaient le vent sur les dalles, dans les allées, parmi les piliers et sur les surfaces des vitraux.
Je reconnus, derrière son casque et sa robe de fer, la Sainte ultime des Français. Elle souriait à l’Europe en tenant son épée. Elle semblait radieuse, ouverte à l’avenir, offerte au glaive de demain.
Des coups retentirent. C’était vers la sacristie. Je courus. J’avais peur de perdre des membres en m’agitant ainsi. J’arrivai dans la pièce mystérieuse, qui était à moitié découverte. Les barbares, la veille, avaient arraché le toit. Une chaise, une colonne, une porte dérobée. En haut, moitié de plafond, moitié de ciel. En bas, les dalles et toute la poussière du monde qui ondulait dans un bruissement. Je regardai autour : qui avait frappé ? Personne n’apparaissait. Le bruit s’était tu.
- C’est moi, mon frère.
Je fus pétrifié. C’était la voix de Thierry.
Je ne pus m’empêcher : je poussai un râle, un gémissement de gisant.
- Mon frère !
- Ton frère.
- Où es-tu ???
Cette, fois, j’avais crié avec rage. Et je recommençai : où es-tu ? où es-tu ? où es-tu ?
J’étais fou. Sa voix ! Cette voix ! Pourquoi résonne-t-elle encore ? Il est mort ? Il n’est pas mort ? Pourquoi ?? Pourquoi !
- Calme-toi, mon frère.
Il avait parlé à nouveau. Oui, je me calmerai, Thierry. Je tâchai de respirer, je m’accrochai à mon manteau. Je m’appuyai contre le mur de la sacristie vandalisée. J’aperçus dans l’église la lumière d’un lustre appuyé debout sur la dalle. Cette lumière m’apaisa : la lumière existe. Je vois toujours. Je distingue. Je ne suis pas mort.
- Tu as donc peur de la mort ?
- Hein ??
Il rit.
- Tu es disloqué comme un trop vieux cheval. Ton corps se décompose. Ton cœur halète, sanglant de souffrance. Les hommes ont pourchassé le frère que tu aimais, ils détruisent les lieux de ta culture. Et tu as peur de la mort.
- Où est le Christ ? L’as-tu vu ? Il était là tout à l’heure. Il m’a parlé dans l’église.
- Il se repose. Je suis venu te voir. Ne t’inquiète pas.
Je fis quelques pas.
- Comment se fait-il que je t’entende ? Tu es mort. Ils t’ont tué.
- Tu m’entends parce que tu as ouvert les yeux. Cette nuit, ou hier, ou aujourd’hui, à un moment tu as ouvert les yeux.
Je ne compris pas. Je ne me souvenais pas. Je marchais dans l’église et le froid de la demi sacristie s’éloignait dans mon dos. Mes os glacés me faisaient moins mal, bien que je les sentisse tous distinctement se tordre dans l’effort. Marcher devenait héroïque.
Puis j’arrivais face à deux portes, deux chemins qu’éclairait un halo de lumière virginale. Une étrange hésitation se fit sentir. Je sus qu’une de ces portes serait ma destinée.
Laquelle choisir ? Se demandait mon cœur.
- L’une mène à Dieu ; l’autre à Satan, fit la voix de mon frère.
- Et comment savoir ?
- On ne sait pas avant.
- Et si on se trompe ?
- On ne se trompe jamais.
C’était trop dur. Je m’arrêtai. La fatigue me prit. Les deux portes me faisaient face, le halo de lumière avait dessiné un tapis de roi pour mon passage. Je n’irai pas, pensais-je. Je vais rester mourir ici. Ils m’emmèneront où ils veulent. Moi, je ne choisis pas comme ça, sans rien savoir.
Les minutes passèrent, peut-être des heures. Aucune voix n’avait brisé le silence, ni celle de mon frère bien aimé, ni celle du Christ, ni aucune autre voix.
Quand mon corps arriva de l’autre côté de l’épuisement, j’entendis ma voix réclamer :
-Seigneur, mon maître, pourquoi m’as-tu abandonné ?
Aussitôt mon frère apparut, dans un linge blanc, par une des deux portes. Mes yeux brouillés par l’exténuation avaient mélangé les deux portes en une et je ne sus par laquelle il apparaissait.
- Thierry. Te revoilà.
Je me sentis sourire. Il tendait les mains, comme une image sainte.
Je tendis les mains aussi, vers lui.
- Thierry. Moi aussi je meurs. Pourquoi le Christ ne revient pas ?
- C’était moi.
- Toi !
- Je reviens souvent. Tu as été le frère du Christ et je vais te prendre dans mes bras pour te remercier.
- Toi ? Tu étais le Christ ? Mon frère Thierry ?
- Moi, je suis le Christ et j’ai eu beaucoup de prénoms depuis le début du monde.
- Mais tes coups ? Tes colères ? Le vol du vélo ? L’enfant de Sandra ? La… La…
- C’est toi qui ne m’as pas reconnu. Tu as ouvert les yeux hier, ou cette nuit, ou aujourd’hui. Depuis que la guillotine m’a tué tu as pensé à moi comme on pense au Fils éternel. Tu as retrouvé la foi de ton enfance, quand tu m’aimais envers et contre tout.
- En grandissant, Thierry, j’ai…
- Il ne faut jamais accepter de grandir.
Ses bras m’enveloppèrent. Ainsi j’avais vécu une vie d’homme, triste et morne, avec pour frère humain, Notre Seigneur Jésus Christ. Nous nous étions peu vus dès l’âge adulte, et l’ochlocratie l’avait condamné à l’échafaud, comme tant d’autres. J’avais suivi son histoire à travers la presse haineuse qui sévissait, cachant mon visage en lambeaux depuis que l’hospice qui nous enfermait, moi et mes compagnons de misère, avec tombé sa surveillance. J’avais marché vers le lieu où la tête de Thierry était tombée. J’avais ressenti à nouveau l’amour fraternel et l’admiration de l’enfance… Et J’étais entré dans l’Eglise blessée, désertée. Et Thierry était venu me chercher. Et Thierry était le Christ, et le Christ était Thierry. Et j’allais rentrer dans la mort comme j’était venu au monde : faible, peureux, accompagné.
Edith de Cornulier-Lucinière - Ecrit dans la nuit du 17 au 18 avril 2009
En pédéhaif : Toute la poussière du monde illustré par des photos de Sara
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mardi, 07 décembre 2010
Le ministère des libertés
Mois de novembre de l'an 2010, une affiche, gare Montparnasse...
J'ai pris cette photo avec mon HTC androïd.
"Surveillant pénitentiaire, Quelle société peut se passer de nous ?" demande l'affiche.
Une société qui n'aurait pas de "ministère des libertés", répond le passant qui ne dira rien, car il a lu une nouvelle d'un Allemand déprimé intitulée "Mein trauriges Gesicht". L'histoire d'un homme arrêté et emprisonné parce qu'il n'a pas l'expression du visage souhaitée par l’État.
"Le respect au cœur de notre métier", poursuit l'affiche. Alors faut-il se battre avec Yves Bonnardel pour un monde sans respect ?
Lien vers le Ministère de la Justice et des libertés
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mardi, 09 novembre 2010
A Quai, de Sara
Voulez-vous voir ou revoir le film de Sara ? Avec la musique de Radikal Satan, deux musiciens argentins désargentés rencontrés dans le métro par la cinéaste et embauchés comme ça, sous la terre, sous la place de la Bastille exactement ? Storyboardé par Karine Nayrac ? Avec des déchireuses hors pair qui déchirèrent chien et dame, capitaine, marins et paquet de clopes ? Sabine Algan, Aurélie Lambert, Laure de Rostolan... Avec aussi l'ingénieur du son Adrian Riffo et la coréalisation de Pierre Volto ? Produit, enfin, par le Centre de la première oeuvre, aux Gobelins.
A quai, un capitaine rencontre une femme, un chien. Âmes-soeurs ?
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samedi, 06 novembre 2010
Lovers are gone
"Lovers are gone
their memory shine
they have a throne
under my dying spine".
Edith Morning
(photo : Walker Evans)
Les amants sont partis, par la porte arrière. Il n'y a plus ni deltaplanes ni montgolfières dans leur ciel si fier. Il n'y a plus que l'océan bleu et ses vagues de nuages au-dessus de notre ville sans chef et sans bagages.
Les amants sont partis sans emmener les enfants. Ceux-ci sont assis dans les écoles, sur les bancs. Seuls au monde et seuls à souffrir sans le savoir, ils existent encore, sans mots, sans jeux, dans leur doux brouillard.
Les amants sont partis sans prévenir personne. Les cuisines laissées en plan exhalent les casseroles qui frissonnent. Plus rien n'a lieu aux alentours. Si l'amour est une trahison, la ville a mis ses beaux atours pour subir le vide et l'abandon.
Les amants sont partis hier avant midi. Ils ont assassiné leurs époux et n'ont rien dit aux enfants. Enfuis sur des machines volantes, ils ne reviendront plus. Je reste mère adoptive, ange gardien, soeur nourricière, du peuple des enfants perdus.
Edith de CL
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samedi, 16 octobre 2010
apache !
Le film
La réalité
Amélie Hélie, orléanaise devenue une grande apache parisienne (dont le film Casque d’Or s’est inspiré), vantait ainsi les avantages de sa profession de prostituée (elle parle d’elle à la troisième personne, comme Jules César) :
Elle fournissait du rêve aux hommes qui en avaient un urgent besoin.
Elle soulageait bien des épouses qui lui en savent gré aujourd'hui, c'est évident.
Elle ne faisait de mal à personne, au contraire.
Elle recueillait les jeunes commis tirant la langue et les dorlotait cinq minutes dans ses bras.
Elle était un mode de circulation pour la richesse publique.
Elle évitait que les belles concierges fussent à tout instant culbutées dans les escaliers.
Elle était l'oie du pauvre, le riche gardant jalousement pour lui la dinde du parc Montsouris, ce qui ne l'empêche pas d'ailleurs de goûter parfois à l'oie du pauvre.
Elle consolait le veuf de son veuvage, le prêtre de ses vœux
Elle faisait aimer à l'homme le beau, le bien, le juste, et sauvait bien des familles
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dimanche, 10 octobre 2010
Aléas toi R
Photo Sara
(un billet de David-Nathanaël Steene)
à K.
Fais de beaux rêves et ne reviens jamais. Tes jambes sur le tapis et ta chemise de nuit de soie ne sont presque plus là. Tu pars. Tu entends des voix venues d'ailleurs, elles font une bulle de son dans laquelle tu entres et t'envoles. Tu vas survoler les immeubles de l'aube et les champs qui les suivent. Tu oublieras ma voix trop faible et mon corps trop malingre dans tes voyages sonores. Tactiles seront tes sensations, quand derrière les montagnes apparaîtra le paysage de l'enfance, de neige et de feu glacé, pur. Au confluent de toutes nos enfances, il y a le garçon enchanté, qui souffle pour voir la fumée sortir de sa bouche. Mais ne t'y trompe pas : dans ce rêve où tu pars, nul ne t'attend. C'est à toi de te frayer une voie irréelle à travers les voix des herbes et des gouttes de rosée, et toutes les choses infimes de la nature, qui fascinent et qu'on oublie vite dès que la ville est là, enfermante.
Fais de beaux rêves puisque tes yeux sont déjà ailleurs, que tes oreilles tendent vers l'inconnu, que ma présence ne te dérange même plus.
DN Steene
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samedi, 04 septembre 2010
Noire est la nuit dépsychisée
(Un billet d'Esther)
Noire est la nuit. Je m’enfonce dans l’imaginaire, loin des psychoflics, de l’armée grise des fonctionnaires de la société mentale : professeurs, médecins de la tête et du cœur, juges, penseurs agréés par des diplômes. Leur psychoflicage ne passe pas la frontière du rêve. Qu’il est bon de désexister, et de commencer, enfin, à vivre !
Je sais que les nuages descendent à pas mousseux nous chuchoter des limbes de ciel et des crachats de pluie. Je vivais dans une acropole ; je l’ai perdue. Alors, de ma fenêtre et le long de la nuit, je l’attends.
Je pense qu’elle passe parfois au-dessus des hautes tours de fer, l’acropole des enfances emprisonnées, la ville de verre aux cœurs meurtris, et je sais qu’en son sein les animaux et les enfants suçotent leurs rêves, paisibles et soulagés.
Ne donnez pas trop vite leurs nécropoles aux choses que vous croyez oubliées. Car les nuits sont longues, et les pensées vagabondes.
Esther Mar, in Chant de poussière
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mercredi, 25 août 2010
Soliloques de l’errance
I le van,
II la route
III la ligne
I Le van
Nous écoutons la radio dans le van
Le vent s’engouffre par les vitres baissées
Et j’ai pris le volant, je conduis vite
A droite comme à gauche le paysage est mystérieux
Magnifique
Etrangement coloré
Nous voyageons avec une femme enceinte
Elle dort dans le van
Je vais passer le volant à quelqu’un
A l’homme qui se tait
Qui rit de temps en temps
L’autre femme est âgée
C’est la plus belle
Elle a quelque chose de différent
Son pull-over tombe, on voit toujours un peu ses seins
Ses cheveux longs et doux flottent dans la lumière
D’immenses champs de blé mûr
De très grands oiseaux bleus
Telles sont les images qui nous entourent
J’ai arrêté le van
Nous sommes seuls sur la route
La route abandonnée
La belle femme différente ôte ses boucles d’oreilles
Elle s’approche de moi
Son pull-over tombe, on voit ses seins comme d’habitude
Ses cheveux longs et doux volent dans la lumière
Son souffle est effrayant
Elle veut souvent montrer qu’elle peut choquer,
Qu’à son âge elle aime encore rigoler
Elle nous emmène si loin
Elle va nous entraîner au-delà des champs de blé
Le ciel bleu-rose s’étend sans fin
Où serons-nous demain ?
Le vent détruit les pensées
La femme enceinte s’est éveillée
Lorsque je voulais être quelqu’un
Avant de quitter mon pays
Je ne savais pas que je mentais
Après ma fuite j’ai rencontré des vrais amis
Et j’ai pu contemplé des visages authentiques
Les paysages splendides
Dans lesquels nous évoluons
Ont brisé les idées, brûlé la raison
Et la vie est devenue dense
Et la vie devient une danse
Un grand soleil multicolore caresse les blés ondulants
Quelqu’un a éteint la radio
Je sors les bières du van
J’en propose à l’homme silencieux
A la belle différente
Au garçon aux yeux verts
J’aime la belle différente
La bière coule dans ma gorge
Et cela pique un peu
Et cela désaltère
On remonte dans le van
Le van va partir
Le van va repartir
Ce voyage finira-t-il un jour ?
J’attends une réponse…
II La route
La route est étroite, la saab roule lentement. La chienne est inquiète, elle ne dort plus.
Le soir se pose, arriverons-nous quelque part avant que le soleil ne disparaisse totalement ?
Peut-être avons-nous fait une erreur en partant si loin. C’est toi qui as voulu, tu te sentais bien.
Mais voilà que ton ventre te fait mal, il ne faudrait pas que le bébé arrive avant deux ou trois jours.
Les hautes montagnes s’étendent à l’horizon. La route devient vraiment dangereuse. Les derniers rayons de soleil se dissipent. Tu me demandes si nous allons mourir.
Donne à manger à la petite chienne, s’il te plait, elle semble avoir faim. Il reste de l’eau et de la bière. Je ne vois aucun village à l’horizon.
Les cimes des montagnes couvertes de soleil rose s’assombrissent et la route est presque impraticable. Nous allons dormir ici, près du gros rocher. Pourvu que ton bébé n’arrive pas cette nuit… J’arrête la voiture.
Allume ton briquet. Il y a des couvertures dans le coffre. S’il y a des dangers, ma chienne aboiera. Donne-lui à boire, et toi aussi, sers toi.
Je n’aurais pas dû te suivre depuis le début. J’aurais dû m’éloigner quand je t’ai rencontrée. Tu suis ton destin, c’est ce que tu dis. Tu devrais plutôt suivre les conseils de tes docteurs. Un voile sombre enveloppe le paysage aride ; on distingue un lac au creux des montagnes. Ne vois-tu pas des poissons sauter hors de l’eau ?
Tu dis que je dois t’aider à sortir ton bébé. Que sommes-nous venues chercher, loin de toute habitation ? Tu devras me dire un jour la vérité. Nous devons survivre pour ton bébé, et pour ma petite chienne qui respire ton ventre.
Il fait complètement noir, maintenant. Les étoiles scintillent comme s’il neigeait dans le ciel. Tu frissonnes et tu souris, tu sembles heureuse.
Sans la chienne, je n’y serais pas arrivée. La chienne est près de toi, elle souffle sur le bébé, et le bébé s’endort, je crois qu’il n’a pas froid. Entre mes mains, je l’ai tenu quelques instants. Entre mes mains, j’ai senti sa vie.
Sans la chienne, je n’y serais pas arrivée. Elle m’ordonnait avec ses yeux. Elle savait exactement les gestes qu’il fallait. Elle a tiré avec sa gueule. Elle a soufflé sur le petit corps. Elle a mordu pour faire crier. Elle a coupé l’amarre. Elle a léché pour nettoyer. Et je t’ai donné ton bébé. Tu l’as installé dans tes bras.
Le briquet ne s’allume plus. Il nous faut attendre le matin. Le vent souffle dans les montagnes et je retiens les couvertures.
Je ne crois pas à ton destin. Je ne sais pas pourquoi je t’accompagne.
Nous roulons vite sous le soleil. La route s’est élargie. La route s’est aplanie. Tu souris, tu nourris ta petite fille. La chienne vous contemple d’un œil sage. Je n’ai pas dormi cette nuit.
Que veux-tu donc trouver en haut de la montagne ? Vas-tu m’abandonner en haut de la montagne ? Je comprends vaguement que tu voulais quelqu’un pour t’emmener…
Nous serons ce soir au sommet de la montagne. Les rayons de soleil chargés de vent, le vent chargé de rayons de soleil, le lac tout en bas qui s’éloigne, tout est calme.
Je sais que ce soir, tu nous diras adieu, à ma chienne et à moi, et nous redescendrons. J’ai peur que tu me laisses ton bébé.
Que vas-tu chercher en haut de la montagne ? Tu nous diras adieu, à la chienne et à moi. J’ai peur que tu nous laisses ton bébé…
III La ligne
Il fut un temps où je vivais dans une ville.
Je travaillais et j’avais planifié ma vie.
Comme c’est drôle d’y penser aujourd’hui :
J’avais planifié ma vie.
Un certain temps que je demeure sans bouger
Sur ce transat, sur cette place ensoleillée.
C’est l’été, il a la mer au bout de la rue.
Ce pays est vraiment beau.
Je bois des verres de jus de fruits frais étranges,
Des gens traversent la place, jamais pressés.
Ici, j’ai une chambre dans le seul hôtel.
Que j’aime être de passage.
Je songe à l’enfance lointaine quelquefois,
Enfance contrainte, enfance triste, enfance malade,
J’ai abandonné tout ce qu’on voulait m’apprendre.
J’ai cessé d’être quelqu’un.
Ma vie est une étrange suite de sensations,
Des sensations douces, subtiles, corporelles.
J’aime les gens que je croise et qui m’accompagnent.
Parfois, je fais des rencontres.
Dans des motels ou sur des routes ou sur des plages,
Des rencontres, parfois de vagues amitiés,
On fait un peu de route ensemble, on fait l’amour,
On m’invite dans des familles.
Ma vie est-elle un long détour ou un destin ?
Ces longues promenades sur des plages vides.
Ces voyages dans des trains ou dans des bateaux.
Y a-t-il une ligne ésotérique ?
Ce jus de fruits frais et moelleux m’emplit de paix.
Parfois, j’envoie des lettres aux gens du temps passé.
C’est l’été, la mer m’appelle au bout de la rue.
Ici, j’ai une chambre d’hôtel.
Après mon bain, dans la mer tiède, ce matin,
Je suis allée dans une grande bibliothèque
Me renseigner sur le passé de cette ville.
Les maisons sont belles ici.
Je suis arrivée hier par le dernier train.
Je remonte le pays, je suis toujours la cote.
Je compose dans les motels pendant la nuit
Pour gagner de l’argent.
Je compose des musiques pour des films incertains.
Une très vieille femme hier soir dans le train
A tiré les cartes et lu les lignes de ma main,
Mais je n’ai pas très bien compris.
J’avais des habitudes et quelques certitudes,
Et puis un jour d’hiver, j’ai compris tout à coup.
La viande était moins cuite, l’assiette pleine de sang,
J’étais une criminelle.
J’ai hurlé, tout le monde a ri, je suis partie.
J’ai voulu oublier la pensée, les idées,
J’ai voyagé et je n’ai plus voulu rentrer.
Et puis, j’ai vendu ma musique.
Sur la plage de sable fin, au petit matin,
Au cours de la balade j’ai rencontré quelqu’un.
Nous avons bu des boissons fraîches sous le soleil,
Nous nous sommes caressées.
Elle est descendue elle aussi dans le motel.
On va rester un mois pour boire de cette ville.
Cette femme avait des secrets et des mystères.
Ai-je des secrets ?
Ai-je des secrets,
Ai-je des secrets…
Edith de CL, 1999-2003
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lundi, 23 août 2010
après-midi augustienne
(un billet d'Edith)
J'ai beau être, comme tant d'autres, un petit être rabougri, replié sur mes peurs, mes doutes et mes inconfiances, de temps en temps cette existence m'appelle à grands cris ! Je voudrais y faire quelque chose, de belles choses, avec mes mains, mes yeux, mon coeur. Je voudrais savoir donner de la force et de la confiance aux gens que je rencontre. Je voudrais allumer les vies qui m'entourent et me croisent. Je voudrais faire rire les autres au plus profond d'eux mêmes, les vivifier ; par des mots ou par des gestes, ou simplement par mon regard, leur rendre leur héritage, leurs symboles, leur parole, leur puissance. Qu'ils aient la foi que leur vie est libre, belle, intelligente.
Et vis à vis de moi ? Devenir l'hôte attentive de ma vie, non plus sa passive invitée. Tenir la chandelle au portail de mon coeur, veiller sans cesse, accueillir, protéger, vaincre.
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