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samedi, 08 juin 2013

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«Cet organe intérieur est le sens d'intuition pour le monde transcendental ; et avant que ce sens d'intuition soit ouvert en nous, nous ne pouvons avoir aucune objectivité de vérité plus élevée.

... Dans l'ouverture de ce sensorium spirituel est le mystère du nouvel homme, le mystère de la renaissance et de l'union la plus intime de l'homme avec Dieu».

D'Eckhartshausen, La Nuée sur le Sanctuaire, p.10

vendredi, 07 juin 2013

Standards

standards, meursault


à Christine, qui hait les standards, en souvenir d'une conversation tenue sous un érable.


Je fais face à mes limitations.

Des phrases syntaxiquement pauvres entrecoupées d’onomatopées ou de vulgarités tentent de signifier ce que ma grammaire défaillante peine à exprimer.

J'appose sur mon corps des fringues à moitié bien choisies, à moitié repassées, qui s'allient assez mal à mes chaussures.

D'obscurs efforts visent, parfois à embrasser une œuvre qui ne verra sans doute jamais le jour, parfois à tenter d'attraper dans mon escarcelle de quoi combler un découvert qui s'est creusé.

Je squatte un lieu qui s'enfuit.

Mon esprit ressemble à une masse informe traversée çà et là par de brillants soleils qui n'éclairent que l'Inutile.

J'erre dans des zones de solitudes dont je sors pour donner deux ou trois coups d'éclats où l'onde de choc tient lieu de vérité, et le sourire rouge tient lieu de chaleur, dans une petite société qui s'en passerait.

Changer ? Il faudrait augmenter mes standards.

 

(Billets à venir : Standards II ; Standards III ; Standards IV).

 

Navré d'avoir dérangé une si belle soirée
Je suis venu avant tout pour te demander
Non pas de revenir, seul'ment de n'pas sourire
Sourire, ne pas sourire

vendredi, 31 mai 2013

Fragments d'un discours suicidaire

In memoriam Erika

Elle s'endort chaque soir dans un espoir réchauffé au vin, au développement personnel et flouté par la fatigue.

Elle s'éveille tous les matins avec l'idée plus nette, plus calme que la veille, du suicide.

Elle sonde son incapacité à travailler, à gagner sa vie, à vivre d'une manière autonome et l'âge fatidique qui approche a des airs de guillotine.

L'irrésolution de son art, l'échec de la transmission sont deux griffes qui pincent son coeur de façon toujours plus aigüe.

Le souci de santé qui la hante, heure après heure, jour et nuit, l'entraîne dans des affres de peur, de malêtre et de honte qui rongent sa vitalité comme la rouille érode le métal.

La bancalité des rapports sensuels, les amitiés disloquées ou insatisfaisantes, la dépendance infantile vis-à-vis de ses proches baignent une vie qui ressemble de moins en moins au rêve de l'enfant.

L'horizon semble barré par le rétrécissement de l'espoir personnel, professionnel et social.

Extérieurement, elle fait la fête. Intérieurement, elle implose sous la pression de la défaite.

Le mensonge enrobe tout ce qu'elle touche. Elle ne se ment pas (trop) à elle même, elle ment aux autres, et quand elle ne ment pas, elle sombre. Là où il y a mensonge, il y a possibilité de faire semblant de vivre. Là où il y a vérité, monte le désespoir.

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("Déjà je ne puis plus offrir
Une seule parcelle des trésors de mon âme.
Qui en voudrait ?

Jurij Galanskov, IN Le manifeste humain" Trad par Jil Silberstein)

jeudi, 30 mai 2013

Conseils amoureux

conseils amoureux

à Julien,
qui buvait sa bière rue de Picpus tandis que je déambulais dans la rue de l'Université, en ce soir du 30 mai 2013.

 

Avertissement

Il va de soi que je ne conseille à personne de suivre mes conseils.

Mais on m'a expressément demandé de les mettre par écrit. Les voici.

 

Refus

Refuser quoi qu'il arrive, la maltraitance, l'intrusion, le mensonge, l'impolitesse.

Assurer et exiger le minimum syndical : hygiène, autonomie personnelle, courtoisie quotidienne.

 

Dispositions

Ne rien attendre de l'autre. Autrement dit, combler ses manques soi-même :

si tu cherches de l'affection, ne l'attends pas d'un seul être mais reçois la de chacun, et surtout, génères-en, distribue ta propre affection aux gens qui t'entourent ;

si tu cherches une compagnie, multiplie tes activités sociales de façon autonome ;

si tu cherches plus d'argent, gagnes-en plus ou guéris cette obsession ;

si tu cherches plus de confiance en toi, fais une thérapie pour l'obtenir ;

si tu cherches des contacts physiques, une vie corporelle plus riche, il existe les massages ayurvédas, le catamaran, la natation, la méditation... ;

si tu cherches un projet personnel, réveille ceux que tu as enfouis depuis longtemps en toi.

Etc.

Cela ne veut pas dire que tu ne dois rien attendre d'une relation amoureuse, mais plutôt que tu n'as pas à plaquer des attentes universelles et préfabriquées sur une personne dont ces attentes ne dépendent pas (puisqu'avant même de l'avoir rencontrée tu as besoin de tout cela, c'est que ces besoins n'ont rien à voir avec cette personne particulière).

 

Renoncer à plaire à tout prix. Ça rend fou. Ça ne marche même pas.

Savoir qu'une rencontre, même bouleversante, ne te décharge pas de ta responsabilité sur ton propre destin. Aucune personne ne dépend d'une autre personne précise pour survivre ou pour connaître le bonheur. Tant qu'il y a des êtres sur cette terre, il y a des rencontres merveilleuses possibles.

Garder ses temps de solitude, ses temps familiaux, ses temps amicaux comme ils ont toujours été. Comment pourras-tu exiger la fidélité de quelqu'un si, pour lui, tu as trahi tes amis, tes proches qui t'accompagnaient depuis si longtemps, les reléguant aux arrières-gardes à cause d'une nouvelle rencontre ?

 

Cap

Connaître le cap de sa vie et s'y tenir, quitte à aménager les moyens de l'atteindre pour s'adapter à quelqu'un. Mais sans cap personnel, comment rester soi à travers les tracas et les enthousiasmes ?

 

Horizons

Une fois qu'on n'a pas voué sa propre personne, son propre destin à l'anéantissement volontaire dans le sentiment océanique amoureux, pourquoi ne pas ouvrir toutes les portes de la liberté et de la tendresse pour se laisser transformer et découvrir de nouveaux mondes ?

lundi, 27 mai 2013

Le fils de Madeleine

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 Tu démbules peut-être dans les rues de ton quartier au hasard, hagard, les yeux dans le vide intersidéral de ton existence éteinte depuis si longtemps. Tu ne penses à rien. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers instants à Paul Brousse. Tu te liquéfies lorsque tu entends les sirènes des samus, tu trembles quand dans les vitres des bars se reflètent les gyrophares. Quelques moments d'une enfance incomprise te bercent, et tu penses à cette femme que tu aimes. Elle est là-bas, à l'autre bout du monde, de l'autre côté du périphérique, rieuse ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle fréquente. Elle possède une voiture vert foncé qu'elle gare au bout de la rue, sa cuisine n'est jamais impeccablement lavée. Elle t'a éconduit comme une grande repousse un petit garçon qui exagère, ne sachant pas qu'elle hantait tous tes rêves depuis huit années. Tu lui as déplu, en insistant avec des mots déposés ici et là, et elle t'a frigorifié en troquant son sourire de condescendance pour une moue énervée. Mais tu lui as pardonné et désormais c'est à elle que tu penses, chaque soir quelques minutes, lors de la promenade des jours sans pluie. 
C'est drôle, quelque fois tu te demandes ce que l'adolescent que tu étais dirait s'il te voyait, si mal habillé. Tu n'es pas comme les hommes des entreprises, ceux qui passent par l'ascenseur et qu'on voit attablés aux bistrots à l'heure du déjeuner. Tu te demandes aussi s'il croyait vraiment en regardant les grandes personnes qu'il aurait lui aussi, à son tour, une femme à tenir par la main, une voiture à conduire sur la route, des enfants à emmener à l'école.

Je t'ai connu un peu à l'époque où nous étions tous mélangés, dans ce quartier en construction. Tu sais, bien que nous soyons différents, il me semble avoir touché ton coeur, le jour où tu as effleuré ma main. Tu déambules certainement comme avant, dans les rues de ton quartier, hagard, entrouvrant ta bouche par où passe toute la surprise naïve des choses qui nous dépassent. Tu penses à des choses sans importance. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers moments à Paul Brousse. C'était trop difficile, de toujours penser que tu as perdu celle qui te maintenait digne. Quelques moments d'une journée incomprise te peinent, et tu penses à cette femme qui te fascine. Elle est là-bas, à l'autre bout du réel, de l'autre côté des administrations, songeuse, ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle régente.


ECL

vendredi, 24 mai 2013

Hommage à Miles, par sa soeur Joan

Miles Yufitran, Joan Yufitran, trompette, sommet de l'Etat, idéaux trahisPhot Sara

Extrait d'une lettre de Joan Yufitran publiée dans la gazette de Saint-Jean en Ville, le mois précédant la mort du grand trompettiste.
 
Je sais que vous n'aimez pas ce monde des combats interdits, auquel je succombe si facilement. Moi, je le préfère à votre douceur hypocrite. Vous êtes perché au sommet de l'Etat. Vous êtes donc tout aussi vendu que moi. Mais moi, j'en suis consciente.
Et puis j'ai une douleur bien plus grande que celle d'avoir trahi mes frêles idéaux de jeunesse.
J'ai perdu un frère. Oh, bien sûr, il est toujours vivant, et il erre, de ville en ville, de port en port, traînant sa trompette, ses yeux de poète insomniaque et ses souffrances vides. Mon frère était mon seul amour, depuis toujours et à jamais.
Miles, tu me hais. Pour combien de temps encore ?
 
Joan Yufitran
 
 
Suit ce témoignage, datant de l'an 2007, d'Alicia-Pilar « la matadora » Desdemone-Cajas sur Miles Yufitran, compagnon de route d'AlmaSoror, frère blessé, amant perdu, ami enfui :

J’erre à Santa Marina sans savoir à quels saints me vouer
Je me rappelle des deux filles avec qui j’ai travaillé pendant plus de quinze ans dans un bar de Saint-Jean en Ville, en Louisiane française : Anita F.C. Trosh et Oriane Siette.

Nous savions rire ! Nous savions pleurer ! Deux dons qui ne sont réservées qu’à des âmes d’élite. Le Rire et les Pleurs sont un Art que peu de gens pratiquent avec hauteur.

Quel ennui en ce bas monde si mal peuplé. Riches et pauvres se rejoignent dans cette médiocrité qui les atteint tous. Nous ne sommes que quelques uns à nous élever au-dessus de cette bassesse, par la grâce de Dieu. Il y en a quelques uns par ici, Dieu soit loué. J’ai rencontré une jeune femme amusante, qu’on appelle Yeux Noirs. Elle semble s’élever au dessus des pensées et des actions habituelles.
Il y a un jeune homme qui passe me voir pour pleurer et parler de musique. Quelle élégance, quelle soledad, quelle dolor étoilée dans ses yeux béants ! Quelle divine musique quand il prend sa trompette ! Un vrai poète, mi irlandais mi berbère, qui s'appelle Miles Yufitran.
 
 
Et enfin, un des derniers textes de Miles, écrit, sans doute, quelques jours avant sa mort :
 
Ma trompette fait la gueule. Alors je la laisse tomber et je bois. C’est dur d’être un musicien. On est des poètes du sable, à la moindre vague notre œuvre est détruite, effacée à jamais. On balance du vent dans les oreilles des gens et ils nous remercient en ne comprenant pas le fond de notre âme. On zone, on boit, on crève jusqu’à l’aube, et on se réveille avec une mélodie qui pince le cœur. Alors on attrape la trompette, on souffle nos douleurs dedans et ya un voisin qui crie : «Ta gueule ! »
Mais on continue quand même.
La rue est belle, les poubelles aussi sont belles, tout peut être beau quand on a les yeux remplis de ciel. Ma musique, mon amour, tu m’entraînes loin des hommes, alors parfois je te hais. Puis je me souviens que si tu m’entraînes si loin des hommes, c’est pour m’emmener plus près des étoiles.
 
Miles Yufitran

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Photo KPM

Pour en savoir plus sur Miles Yufitran, voir par ici...

 

mercredi, 22 mai 2013

Adieu ma concubine

 Celui qui se perd dans sa passion est moins perdu que celui qui perd sa passion
Saint Augustin

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Par V.A.

Et si l'indicible était inexprimable ? En fait j'ai peur de te faire peur avec mes mots. Quelquefois mon langage s'emballe comme un cheval fou, qui n'en peut plus d'être bridé et voudrait enfin courir comme il le sent, n'est-il pas né pour cela ?

Il faut pourtant que tu saches, que tu comprennes ce léger tremblement de la paupière qui parfois t'étonne, entre deux portes.

Tu sauras – et peut-être, tu t'en iras en courant.

 

J'ai l'impression d'avoir été, comme tant d'enfants, conscients ou inconscients, programmée par des êtres morbides pour une vie dont mon âme ne voulait pas. Comme tant d'enfants, souffrants et désolés, scandalisés au sens où il est dit dans l'évangile de Saint Matthieu, « Mais si quelqu'un scandalise un de ces petits qui croient en Moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendit à son cou une de ces meules qu'un âne tourne, et qu'on le plongeât au fond de la mer ».

Alors, grandie dans la souillure et la laideur, comment reprendre ma liberté ? En changeant le Mal par le mal. Satan m'offrait la Dépravation dorée ; je me détournais de lui et choisissais la dépression marronnasse. Le Diable me proposait des tombereaux d'espèces sonnantes et trébuchantes ; je me détournais de lui et plongeait dans l'indigence. Lucifer m'attirait vers les hautes sphères du pouvoir ; je me détournais de lui et sombrais dans les zones dénuées de puissance et de liberté. Belzébuth me tendait les diplômes qui m'ouvraient les trônes où des domestiques servent ; je m'en allais les poings dans mes poches crevées.

Sur cette route sans joie du détournement majeur de mon détournement de mineur, je m'arrachais lentement aux susurrements des Crimes et des Dominations.

Un risque me guettait pourtant : celui de vêtir l'habit mesquin, râpeux, grisâtre de l'amertume.

Abstinence, abstention, voie étroite, jeûne, ce carême illimité auquel je me soumettais défaisait les fils avec lesquels des êtres malfaisants m'avaient attachée et qui m'auraient entraînée au fond des bouges, là où les adultes se défont de toute leur dignité pour sombrer dans l'horreur crue des passions sordides. Je me débarrassais des scories et des leurres, des troubles et des distorsions qui m'auraient perdue, qui m'auraient emportée jusqu'au crime un soir de beuverie, jusqu'à l'humiliation volontaire un soir d'ennui ou jusqu'au suicide un soir de conscience. Je me délivrais du mal.

 

Mais j'endossais la bure aride du pénitent. Je remplaçais la tentation par l'aigreur.

Je buvais du vinaigre pour ne pas tremper mes lèvres au nectar sensuel de la perdition. Dans ce combat contre l'ange du vice, je gagnais la vertu, mais je perdais mon cœur.

Je me disais : « on m'a arraché l'innocence et je suis perdue à jamais pour la découverte charmante et fraîche des arbres autorisés. Même les fruits permis se détournent de moi, parce que j'ai perdu le goût de tous les jus en m'éloignant du Serpent ».

Amertume, tu me recouvrais comme une vague. Mes lèvres, nées jolies comme celles des petites filles naïves, avaient failli connaître la moue mouillée des luxures. Elles se serraient maintenant comme de petits fils secs qui ne veulent ni sourire ni partager. Oui, mes lèvres s'asséchaient pour ne plus jamais désirer des bouches.

Car la bouche attire la langue ; puis la langue éveille les feux des enfers du cerveau ; et le cerveau allume les ventres insatiables.

 

Voilà : je n'ai jamais été attachée dans la salle arrière d'une luxueuse boite de nuit, au milieu d'êtres funestes et sans intelligence. Cela m'a coûté très cher : des bouteilles d'amertume, des années de dépression, des échecs choisis au dernier moment, juste avant d'approcher la réussite. Des pans de vie à l'ombre des plénitudes, à cause d'un ver qu'on m'avait mis. Pour se sauver, il faut parfois accepter de mourir à tout ce qu'il y a d'attirant dans le monde.

Mais après ? Tant que l'on vit, le salut n'est jamais acquis ; l'amertume, si fade, si vide, si pète-sec, comporte ses pentes douces qui raidissent et ne se remontent plus. Alors il a fallu éclore à nouveau. Comme un enfant s'éveille au monde sous les mains protectrices d'êtres emplis de bienveillance, il a fallu accepter de renaître et accueillir les gestes de l'échange sans serrer les dents. Il a fallu plonger dans les fontaines aux eaux trop froides et recevoir les coups involontaires des nageurs sympathiques. Il a fallu rire et partager, sans trop juger, sans trop penser. Il a fallu surtout briser le cercle de loyauté. Trahir encore, trahir celle qui s'était trop protégée. Il a fallu trahir cette héroïne traquée qui s'était sauvée.

 

Toi, toi qui a jeûné, qui t'es abstenue, qui a creusé de tes doigts la voie étroite dans la pierraille, qui a prié et lutté dans les ténèbres sans saveur et sans repos, je te trahis. Je laisse ta dépouille sur le chemin marron des forçats solitaires pour rejoindre la route de lumière. Je te demande pardon, je te dis merci et je t'abandonne pour toujours.

 

Venexiana

Venexiana sur AlmaSoror :

J'entendais ta guitare pleurer

Combattre et vivre libre

Celle qui ne m'a jamais aimée

La saga des voix lactées - 40 ans d'art européen

Et pour elle, une dédicace

 

Venexiana dans VillaBar

Le retour de Bob Mushran

Que la mort nous rassemble

Le chevalier de l'amour

La dernière auberge

Les 7 péchés capitaux

Dunkerque, des années après

Dunkerque, Laure Tesson

Moi, je me souviens de Manuel à Ostende et de longues marches sur les plages du Nord, mais c'est de Dunkerque que Laure m'a envoyé deux photos cette semaine.

Elles parlent d'une autre marche, d'une autre personne de ma jeunesse, sur une autre plage du Nord.

Comme le temps passe et comme la désespérance est fascinante, qui nous prend aux veilles des anniversaires. Les visages partis ou quittés se dressent face à vous au détour d'une impasse d'Insomniapolis.

Des visages du lycée Buffon, perdus dans la décennie de la vingtaine ; des projets morts un soir d'hiver où tout était trop lourd. Des voix aimées qui tintent parfois dans le vacarme quotidien d'un trajet de métro ; des mains qu'on avait senti contre nos hanches. Et le vent ?

Le vent du Nord souffle toujours plus tristement sur les joies passagères, mais il offre, avec la tristesse, la mélancolie qui la pare d'une teinte miraculeuse.

Edith

Dunkerque, Laure Tesson

Lire, sur AlmaSoror, Une jeunesse dunkerquoise

(photos Laure Tesson)

dimanche, 19 mai 2013

Sur la musique de film : Maurice Jaubert

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Citons aujourd'hui un compositeur de musique de films (14 juillet ; Le jour se lève ; Zéro de conduite) et de théâtre (La chanson de Tessa)

« Rappelons les musiciens à un peu plus d’humilité. Nous ne venons pas au cinéma pour entendre de la musique. Nous demandons à celle-ci d’approfondir en nous une impression visuelle. Nous ne lui demandons pas de nous expliquer les images, mais de leur rajouter une résonance de nature spécifiquement dissemblable. Nous ne lui demandons pas d’être expressive et d’ajouter son sentiment à celui des personnages ou du réalisateur, mais d’être décorative et de joindre sa propre arabesque à celle que nous propose l’écran. Qu’elle se débarrasse enfin de tous ses éléments subjectifs, qu’elle nous rende enfin physiquement sensible le rythme interne de l’image sans pour cela s’efforcer d’en traduire le contenu sentimental, dramatique ou poétique. C’est pourquoi je pense qu’il est essentiel pour la musique de film de se créer un style qui lui soit propre. Si elle se contente d’apporter à l’écran un souci traditionnel de composition ou d’expression, au lieu de pénétrer comme associée dans le monde des images, elle créera à l’écart un monde distinct du son, obéissant à ses lois propres (…). Libérée de toutes ces contingences académiques (développement symphonique, effets orchestraux…), la musique, grâce au film, nous révèlera un nouvel aspect d’elle-même. Elle a encore à explorer tout le domaine qui s’étend entre ses frontières et celles du son naturel. Elle redonnerait leur dignité, à travers les images de l’écran, aux formules les plus usées, en les présentant dans une lumière nouvelle : trois notes d’accordéon, si elles correspondent à ce que demande une image particulière, seront toujours plus émouvantes, en l’occurrence, que la musique du Vendredi Saint de Parsifal… »

Maurice Jaubert, en 1936

 

Après sa mort, au front, en 1940, Prévert & Clair décorent Jaubert de leurs compliments :

« A l’époque où le cinéma jouissait encore du splendide privilège d’être totalement méprisé de l’élite, Maurice Jaubert écrivait déjà, exprès pour le cinéma, une musique tendre et heureuse, triste et gaie, simple et belle, une véritable musique populaire. Populaire, c’est-à-dire une musique pour tout le monde, une musique pour tous ceux qui aiment la musique ». 

Jacques Prévert

« Il avait compris que le cinéma pouvait ouvrir un champ nouveau à l’art du compositeur. Quel que fût son amour de la musique pure, s’il travaillait à un film, il s’y donnait sans réserve et acceptait de subordonner son inspiration personnelle à l’œuvre collective sur laquelle il se penchait avec l’enthousiasme d’un créateur et le soin d’un artisan. »

René Clair

samedi, 18 mai 2013

Québec

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Je me souviens du Labrador

De Trois Rivières et Montréal

De Vancouver et du décor

De ton paysage natal

 

Des marches froides dans la neige

Des marches chaudes dans le vent

De ta guitare et ses arpèges

Des chiens qui gambadent au-devant

 

Ceux qui sont nés à Natashquan

Ont à l'âme une plaie béante

Et quittent un jour leurs beaux enfants

Pour suivre l'ombre qui les hante

 

C'est ce qu'on nous disait le soir

Pour qu'on dorme après la lecture

Pour qu'on abandonne l'espoir

De deviner ton aventure

 

Je me souviens de quelques lettres

écrites à la main dans un bar

Qu'on accrochait sur la fenêtre

Et qui berçaient nos grands cafards

 

Le silence vint peu à peu

Couvrir de honte nos jeunesses

Nous n'avions pas su de tes yeux

Obtenir un jet de tendresse

 

Ceux qui sont nés à Natashquan

Ont au cœur une flamme rouge

Qu'aucun amour de leurs enfants

N'empêche de hanter les bouges

 

C'est ce qu'on a compris à l'aube

De l'âge adulte et quelque fois

Je crois voir flotter dans des aubes

Deux communiants qui pensent à toi

 

Ils attendent près de l'église

Que la prière qu'ils ont faite

S'exauce dans la joie exquise

Et de voir surgir ta silhouette

 

Un père au fond je ne sais pas

Si tu savais que tu étais

Père, pleuré aux jours de froid

Père pleuré les nuits d'été

 

Un père attendu tous les ans

Un père haï de temps en temps

Tu t'en fichais éperdument

Héros natif de Natashquan

 

Paroles Edith Morning (sur une musique de Valentine Kawaï)

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 AlmaSoror conseille d'aller écouter la chanson Labrador par ici...

La ballade des enfants de la nuit

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Phot Mavra

Voici la scène V de l'acte I, celle de la fameuse ballade des enfants de la nuit, de l'opéra de Daniel-Esprit Auber Les Diamants de la couronne, sur un livret saisissant du cher Eugène Scribe et de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges.

Vous admirerez La crédibilité des personnages, vous succomberez à la délicatesse de l'intrigue, vous serez pénétré par la vérité profonde de la manière dont est dépeint le coeur humain, et saisi de l'extrême modernité du thème et du style.

Et la prochaine fois que vous prendrez le RER à Auber ou que vous arpenterez la rue Scribe, vous chantonnerez : Pan pan pan pan ! Tin tin tin tin ! Une chef de brigands qui veut du chocolat !


(On peut écouter cette ballade et lire l'article percutant de David Le Marrec sur Carnets sur sol. C'est amusant d'écouter en lisant le texte ci-dessous...)


Acte I - Scène V

Catarina, Don Henrique, Muñoz, Barbarigo, tous les faux-monnayeurs, sortant du souterrain à droite.

Les faux monnayeurs

Amis, dans ce manoir
Noir,
Narguant les Alguazils
Vils ;
Et jamais fatigués,
Gais ;
Frappons, d'un même effort
Fort !
Pan ! pan ! pan ! pan !
Oui, notre bras, et sans crainte et sans terme,
S'il faut frapper ou boire, est toujours ferme !

(On a dressé autour du souterrain des tables, où ils sont tous assis ; ils boivent et trinquent).

Catarina, les regardant

J'aime leurs cris joyeux, ce bruit et cet éclat !

Rebolledo s'approchant d'elle avec respect

La Señora veut-elle à cette table
Qu'on lui serve son chocolat ?

Catarina

Pas maintenant ; plus tard !

Don Henrique, riant, à part

C'est admirable !
Une chef de bandit qui prend du chocolat !...


Les faux monnayeurs

La nuit, et dans l'ombre,
Toujours travaillant,
Sous la voûte sombre,
Nous allons frappant :
Pan pan pan pan pan !
Pour moi, je préfère
Au bruit des marteaux
Le doux choc du verre,
Signal du repos !


Mugnoz, à table, buvant et élevant la voix

Je demande, en l'honneur d'un retour qui m'enchante,
Que la Catarina nous chante
Notre air...

Catarina

Lequel ?

Mugnoz

Celui des Enfants de la nuit !

Tous

C'est dit !

Catarina

Ronde
Premier couplet

Le beau Pédrille, amoureux, pauvre et tendre,
Dans la forêt, un soir, allait se pendre !
Sans fortune ici-bas,
Il cherchait le trépas.
Quand il croit tout à coup entendre sous ses pas...


Les faux monnayeurs, à voix basse

Voici, minuit, voici minuit !
Dans l'ombre de la nuit,
Travaillons, frère !
L'or qui brille et qui luit,
Seul, nous éclaire.

Catarina

Brave, et sans être ému,
Pédrille s'élance...
Téméraire, où vas-tu ?...
Sous la voûte immense,
Franchis avec crainte
Cette sombre enceinte,
C'est là le terrible réduit
Des enfants de la nuit.

Deuxième couplet

Que fit Pédrille et quel fut le mystère
Qui le retint dans le sein de la terre ?
Chacun l'ignore, hélas !
Mais il ne mourut pas !
Et le soir, on l'entend qui chante aussi tout bas :


Les faux monnayeurs

Voici minuit !
Dans l'ombre de la nuit,
Travaillons, frère !
L'or qui brille et qui luit,
Seul, nous éclaire.

Catarina

Mais dès le lendemain,
Ô surprise extrême !
De sa maîtresse,
Riche, il obtint la main.
Et discret et sage,
Dans son doux ménage,
À chaque instant, son coeur bénit
Les enfants de la nuit !

Tous

Brava ! Brava !
La Catarina !...

Barbarigo apporte une petite cassette, qu'il pose sur la table. Rebolledo tire de sa poche la clef qu'il présente à Catarina, qui la prend, ouvre la cassette, et examine avec attention ce qu'elle contient.

Don Henrique, les observant

Eh quoi ! Le même lien rassemble
Ces traits si doux, ces coeurs de fer !
D'honneur, on croirait voir ensemble
Et le paradis et l'enfer !...

Rebolledo, à Catarina, qui examine ce que contient la cassette.

Êtes-vous satisfaite ?

Catarina

C'est bien, très bien !

À Rebolledo

D'une telle conquête,
À toi l'honneur !

Don Henrique, qui jette un regard sur la cassette, à part.

Oh ! les beaux diamants !
Quel immense trésor ! D'où vient-il ? Je comprends !
Volé par ces bandits que sa voix encourage.
Ah ! Quelle horreur !

(Regardant Catarina)

Ah ! Quel dommage !


Les faux monnayeurs, à table, et trinquant.

La nuit et dans l'ombre,
Toujours travaillant
Sous la voûte sombre,
Nous allons frappant :
Pan pan pan pan pan !
Pour moi, je préfère
Au bruit des marteaux
Le doux choc du verre,
Signal du repos !
Tin tin tin tin tin !
Repos et bon vin,
Voilà notre refrain !

Rebolledo, passant au milieu du théâtre

Ecoutez, maintenant, écoutez, mes amis !
De la Catarina, voici l'avis suprême :
Les ordres sont donnés... vous êtes poursuivis ;
Dans quelques jours... Demain, peut-être aujourd'hui même,
Ces lieux seront cernés par de nombreux soldats.
Il faut mettre à l'abri vos trésors et vos têtes,
Chercher un autre ciel et de lointains climats
Où vous puissiez, en paix, couler des jours honnêtes ;
Pour cela, compagnons, il faut fuir !

Mugnoz

Mais comment ?

Rebolledo, montrant Catarina

Préparé par ses soins, un vaisseau vous attend.

Tous

Viva Catarina ! ...

Barbarigo

Mais jusqu'à la frontière,
Et pour gagner le port, comment pourrons-nous faire ?

Rebolledo

Ne craignez rien pour nous, nos trésors et nos gens,
Le ministre nous donne un sauf-conduit.

Don Henrique

J'entends !
C'est le mien !

Catarina, le leur donnant

Le voilà !

Tous

Viva Catarina !

Rebolledo

Et de peur d'accidents, partons, à tout hasard,
Dès aujourd'hui... Disposez le départ !

Tous

Préparons-nous pour le départ !
Allons, allons !

Don Henrique, à part

Ah ! C'est grand dommage !
Quoi ! pour des brigands
Ce joli visage,
Ces accents charmants !
Pour moi, je préfère
Aux traits les plus beaux
Son allure fière,
Son air de héros !

Les faux monnayeurs

Pour nous, plus d'ouvrage :
Que d'heureux instants !
Quand, après l'orage,
Brille le beau temps,
Gaiement, je préfère
Au bruit des marteaux
Le doux choc du verre,
Plaisir et repos !

Catarina et Rebolledo

Ah, quel noble ouvrage,
Changer des brigands
En d'honnêtes gens !
Pour eux, plus d'orage,
Chacun d'eux préfère
Au bruit des marteaux,
N'avoir rien à faire
Et vivre en repos.

Tous les faux Monnayeurs sortent.

mardi, 14 mai 2013

vestiges textuels d'un lundi noyé

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Combien d'instants (senti)mentaux abandonnés dans les espaces du vide ?
Ce ciel mental m'a accompagnée quelque temps ; au bout du jour je l'ai éclaté dans le néant.
 
En voici des lambeaux.
 
Edith CL

edith de cornulier lucinière, blogspot, blogger

Levée à six heures et tenté de me ressouvenir des cloches de l'église de Saint-Christophe du Ligneron, des avions qui passent au-dessus du Pont-Hus. Recouchée avec un café noir et rêvé au lit. Puis, écouté le Miserere d'Allegri, interprété de façon très priante par un chœur anglais au sein duquel un ange soprano luit. Que faut-il vivre pour laisser le temps passer sans se consumer de rage ? Faut-il se brûler à nos plaisirs, faut-il apprendre à renoncer aux tentacules du Désir ?
Il est huit heures lorsque je sors de la salle de bains, prête à affronter le jour qui commence. Les petits bruits qui émanent de mon téléphone portable annoncent les premières communications, mais je ne les regarde pas encore. Je vais marcher à travers le septième arrondissement sans croiser personne, sans regarder au-dehors, juste pour me fatiguer déjà avant de m'atteler à mon bureau. Une énorme dépression flotte autour de moi comme un nuage, elle me harcèle mais je détourne sans cesse les yeux pour ne pas qu'elle m’attrape.
Au bout de la rue de l'université, retour en fanfare de la joie de vivre.
 
10h. Depuis ce matin déjà, combien de fois ai-je écouté le Miserere ? Je n'ai encore parlé à personne du monachisme secret que je conçois et qui m'aide à mener ma barque dans le couloir bourbeux du monde apparent.
Mais voilà que j'arrache au temps quelques lignes pour un mail, quelques pages pour un rapport que je dois rendre bientôt, quelques coups de fil pour des rendez-vous à venir. Et j'ai sauvé le jour : les cases sont cochées.
Souvenirs récurrents des vins d'Alsace d'hier soir, goûtés dans un bar de la rue du Jour, à l'instigation de Frédéric-Etienne, qui connaît l'organisateur de ces vinicôteries. Je suis revenue avec un pinot blanc, un Gewurtztraminer et un Riesling Kanzlerberg.
Un dîner à préparer : ce soir, nous serons huit autour de deux tables rassemblées en une. Et nous reparlerons de ces gentilshommes de fortune ?
 
En attendant, fête de petits légumes grillés à l'italienne, absence de vins.
 
Après le déjeuner, une sieste dans les bras de Sainte Thérèse d'Avila. Merci à la grande doctoresse de l'extase, celle qu'il faut lire, et relire, pour comprendre cette phrase d'un homme qui a souffert et joui comme elle, quelques siècles après elle :

"Nous, êtres limités à l'esprit infini, sommes uniquement nés pour la joie et la souffrance. Et on pourrait presque dire que les plus éminents s'emparent de la joie par la souffrance".
Ludwig van Beethoven

Par la souffrance et par l'étreinte fantôme, ils atteignent la joie suprême.

Assoupissement, qu'une rêverie trouble : il me reste de cette unique nuit, ta voix, ton souffle, tes reins, les gestes de tes mains. Et me reviennent, quand je plisse les yeux dans les moments d'oubli du monde, la peur en ombre sur ton visage, le scintillement des lumières sur ton corps.
 
Après-midi bercée par les merles, qui piaillent ! Grand amour de la vie : promenade, et travail à nouveau : encore des lignes, des mails, des appels, des confirmations et des circonvolutions qui ne seront plus à l'ordre du jour d'un jour à venir. Baisse de tension, désir de mort : toute la beauté du monde se défend de m'aimer. Toutes les passions du monde se meuvent au creux de moi. Toutes les morts du monde surgissent en renaissance.
 
Chute de l'après-midi. Un vent frais nous appelle. Quelqu'un, dehors, quête une présence.

Ragots dans la cour de l'immeuble, alternativement ensoleillée ou menaçant d'un orage. Nous cancanons comme les merles, avec moins de musicalité.

Flics, assistants sociaux, inspecteurs des impôts, chefs, sous-chefs de bureaux et tous vos acolytes, nos cerveaux ne sont pas à vos ordres. Mécontents, vous nous donnez des formulaires ou des médicaments. à quoi ressemble le ciel mental d'un sbire de l'Etat ? N'ayez pas peur. Le ciel amental est infini.
 
Premières taches du soir sur la cour. Encore une promenade pour saluer la ville. Coups de téléphone d'amitié - et un dernier, professionnel (mon Dieu quelle efficacité !)
 
Dîner de huit voisins, dîner rapide. Visite et présence expresses d'amis rares.
 
Conversation chuchotée entre deux fenêtres : que recherches-tu à travers tes histoires d'amour ? (Réponse de mon bel ami : la douceur chaude et enivrante des caresses, la profondeur des rencontres du coeur, la jouissance physique extrêmement agréable, le charme du partage quotidien, l'impression de vivre intensément, l'admiration mutuelle, le charme des jours qui passent tranquilles, l'honnêteté, l'élégance au bout de la rue, le flou d'un visage humide. Et toi ?).
Moi ? Je ne sais pas. De toute façon, tu n'écoutes plus, tu repars de ton côté de la rue.
 
Il y eut enfin quelques textos avec l'insaisissable (in)connue de l'autre bout de la ville, et Axel est venu me chercher pour faire un tour en voiture. On a tourné deux heures dans la nuit, cette fois j'ai payé l'essence.
 
E.


lundi, 13 mai 2013

Contes du Purgatoire

VillaBar

Toute la poussière du monde

Au Confessionnal du coeur

La dernière auberge

vendredi, 10 mai 2013

Mur

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«Se plaindre est une honte et soupirer un crime».
Pierre Corneille
(In Horace)

 

Je ne vous avais pas demandé de me tirer du néant, je ne vous avais rien demandé puisque je n'étais pas. Mais vous pensiez sans doute avoir le droit de poursuivre vos errances et vos malheurs à travers d'autres que vous. Me voilà donc, en apparence assez réussie, dans le fond complètement ratée, sujet de droits et de devoirs qui me dépassent. Il suffit de jeter un regard sur l'horreur du monde pour me mettre à genoux et me répandre en actions de grâces pour toutes les chances qui pleuvent sur ma vie. Mais aujourd'hui je ne le ferai pas : je serai plus franche. Je dirai que le monde dans lequel, par ennui, par dépit ou par inconscience, vous m'avez invitée, ne me plait pas. Je ne m'y sens pas mieux que vous, et force est de constater que je m'y débrouille moins bien. Le Christ cloué à la croix des points cardinaux m'a peut-être sauvée, la vie n'en est pas moins une crucifixion dont je suis presque sûre, en dépit de certains efforts que j'ai pu faire, de tirer plus de damnation que de salut. La fête païenne m'attire, mais je n'ai pas assez de force dans les bras et dans mon coeur pour y tenir un rôle digne plus de quelques quarts d'heure. Bien vite il me faut rentrer me cacher pour panser les plaies béantes. Chaque jour apporte son cortège de mauvaises nouvelles, tortures d'enfants et d'animaux, destruction de la nature sauvage et des trésors de la culture. La course aux places est longue, ardue, il y a beaucoup de coureurs acharnés et peu de vrais gagnants. La vie simple et tranquille nécessite des capacités d'adaptation dont je n'ai pas encore fait preuve, en dépit de fréquentes tentatives. J'ai même trouvé trop dur de posséder et de conduire une voiture. L'amitié est belle, mais intermittente ; les amis sont tout aussi blessés que moi et qui sait quelle rencontre apportera une caresse ou un coup de poignard ? La famille est l'unique source du mal et la seule source de réconfort : paradoxe quelque peu lassant à vivre. Les chants des oiseaux, peut-être, bercent nos pleurs et sèchent nos chagrins de l'aurore. Mais bientôt, le bruit machinal des autoroutes les recouvre. Il faut donner sa vie, ne rien chercher pour soi, soit. J'essaie de temps en temps. J'essaie encore de temps en temps de partir sur cette belle route de rêve qu'on nous décrit dans les films, dans les chansons et dans les livres qui se vendent à des millions d'exemplaires : le mauvais conducteur se retrouve assez vite dans le fossé. Je vais sortir dans la rue tout à l'heure, et chaque présence étrangère, corps allongé à même le sol, infirme, travailleur fatigué ou lobotomisé, homme battu, femme trompée, coeur solitaire, chien volé, me criera à la figure toute l'abondance de joie, de paix et d'amour qui m'assaille. Ce qui achèvera de me miner le moral.

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mercredi, 08 mai 2013

Mélancolie

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Instance au milieu d'une journée, quand le vent chasse les rayons pâles du soleil. Une fenêtre dans un quartier où les déménagements se succèdent. Un immeuble à moitié vide, dans lequel Dylan, âgé de sept ans et demi, joue du piano sans que personne l'écoute. Sa composition étonne un peu le chat qui crâne sur le radiateur.

Aux étages identiques, des silhouettes restent immobiles. Chacun espère une autre vie, ou une autre lumière sur celle-ci ; mais le temps présent se fait pesant pour les déçus des grandes rêveries. Ainsi s'accumulent mille souvenirs, mille images sans couleurs vives, dans les mémoires mortelles des solitudes qui passent ici.

On se croise quelque fois, on se croit les uns les autres et des enfants naissent à la veille d'une rupture mitigée. C'est la vie des temps modernes qui berce nos âmes mortes-nées. Dans la pièce où le linge sèche, au piano désaccordé, l'enfant joue sans public sa chanson désenchantée.

 

Edith de CL