vestiges textuels d'un lundi noyé (mardi, 14 mai 2013)

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Combien d'instants (senti)mentaux abandonnés dans les espaces du vide ?
Ce ciel mental m'a accompagnée quelque temps ; au bout du jour je l'ai éclaté dans le néant.
 
En voici des lambeaux.
 
Edith CL

edith de cornulier lucinière, blogspot, blogger

Levée à six heures et tenté de me ressouvenir des cloches de l'église de Saint-Christophe du Ligneron, des avions qui passent au-dessus du Pont-Hus. Recouchée avec un café noir et rêvé au lit. Puis, écouté le Miserere d'Allegri, interprété de façon très priante par un chœur anglais au sein duquel un ange soprano luit. Que faut-il vivre pour laisser le temps passer sans se consumer de rage ? Faut-il se brûler à nos plaisirs, faut-il apprendre à renoncer aux tentacules du Désir ?
Il est huit heures lorsque je sors de la salle de bains, prête à affronter le jour qui commence. Les petits bruits qui émanent de mon téléphone portable annoncent les premières communications, mais je ne les regarde pas encore. Je vais marcher à travers le septième arrondissement sans croiser personne, sans regarder au-dehors, juste pour me fatiguer déjà avant de m'atteler à mon bureau. Une énorme dépression flotte autour de moi comme un nuage, elle me harcèle mais je détourne sans cesse les yeux pour ne pas qu'elle m’attrape.
Au bout de la rue de l'université, retour en fanfare de la joie de vivre.
 
10h. Depuis ce matin déjà, combien de fois ai-je écouté le Miserere ? Je n'ai encore parlé à personne du monachisme secret que je conçois et qui m'aide à mener ma barque dans le couloir bourbeux du monde apparent.
Mais voilà que j'arrache au temps quelques lignes pour un mail, quelques pages pour un rapport que je dois rendre bientôt, quelques coups de fil pour des rendez-vous à venir. Et j'ai sauvé le jour : les cases sont cochées.
Souvenirs récurrents des vins d'Alsace d'hier soir, goûtés dans un bar de la rue du Jour, à l'instigation de Frédéric-Etienne, qui connaît l'organisateur de ces vinicôteries. Je suis revenue avec un pinot blanc, un Gewurtztraminer et un Riesling Kanzlerberg.
Un dîner à préparer : ce soir, nous serons huit autour de deux tables rassemblées en une. Et nous reparlerons de ces gentilshommes de fortune ?
 
En attendant, fête de petits légumes grillés à l'italienne, absence de vins.
 
Après le déjeuner, une sieste dans les bras de Sainte Thérèse d'Avila. Merci à la grande doctoresse de l'extase, celle qu'il faut lire, et relire, pour comprendre cette phrase d'un homme qui a souffert et joui comme elle, quelques siècles après elle :

"Nous, êtres limités à l'esprit infini, sommes uniquement nés pour la joie et la souffrance. Et on pourrait presque dire que les plus éminents s'emparent de la joie par la souffrance".
Ludwig van Beethoven

Par la souffrance et par l'étreinte fantôme, ils atteignent la joie suprême.

Assoupissement, qu'une rêverie trouble : il me reste de cette unique nuit, ta voix, ton souffle, tes reins, les gestes de tes mains. Et me reviennent, quand je plisse les yeux dans les moments d'oubli du monde, la peur en ombre sur ton visage, le scintillement des lumières sur ton corps.
 
Après-midi bercée par les merles, qui piaillent ! Grand amour de la vie : promenade, et travail à nouveau : encore des lignes, des mails, des appels, des confirmations et des circonvolutions qui ne seront plus à l'ordre du jour d'un jour à venir. Baisse de tension, désir de mort : toute la beauté du monde se défend de m'aimer. Toutes les passions du monde se meuvent au creux de moi. Toutes les morts du monde surgissent en renaissance.
 
Chute de l'après-midi. Un vent frais nous appelle. Quelqu'un, dehors, quête une présence.

Ragots dans la cour de l'immeuble, alternativement ensoleillée ou menaçant d'un orage. Nous cancanons comme les merles, avec moins de musicalité.

Flics, assistants sociaux, inspecteurs des impôts, chefs, sous-chefs de bureaux et tous vos acolytes, nos cerveaux ne sont pas à vos ordres. Mécontents, vous nous donnez des formulaires ou des médicaments. à quoi ressemble le ciel mental d'un sbire de l'Etat ? N'ayez pas peur. Le ciel amental est infini.
 
Premières taches du soir sur la cour. Encore une promenade pour saluer la ville. Coups de téléphone d'amitié - et un dernier, professionnel (mon Dieu quelle efficacité !)
 
Dîner de huit voisins, dîner rapide. Visite et présence expresses d'amis rares.
 
Conversation chuchotée entre deux fenêtres : que recherches-tu à travers tes histoires d'amour ? (Réponse de mon bel ami : la douceur chaude et enivrante des caresses, la profondeur des rencontres du coeur, la jouissance physique extrêmement agréable, le charme du partage quotidien, l'impression de vivre intensément, l'admiration mutuelle, le charme des jours qui passent tranquilles, l'honnêteté, l'élégance au bout de la rue, le flou d'un visage humide. Et toi ?).
Moi ? Je ne sais pas. De toute façon, tu n'écoutes plus, tu repars de ton côté de la rue.
 
Il y eut enfin quelques textos avec l'insaisissable (in)connue de l'autre bout de la ville, et Axel est venu me chercher pour faire un tour en voiture. On a tourné deux heures dans la nuit, cette fois j'ai payé l'essence.
 
E.


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