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lundi, 27 mai 2013

Le fils de Madeleine

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 Tu démbules peut-être dans les rues de ton quartier au hasard, hagard, les yeux dans le vide intersidéral de ton existence éteinte depuis si longtemps. Tu ne penses à rien. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers instants à Paul Brousse. Tu te liquéfies lorsque tu entends les sirènes des samus, tu trembles quand dans les vitres des bars se reflètent les gyrophares. Quelques moments d'une enfance incomprise te bercent, et tu penses à cette femme que tu aimes. Elle est là-bas, à l'autre bout du monde, de l'autre côté du périphérique, rieuse ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle fréquente. Elle possède une voiture vert foncé qu'elle gare au bout de la rue, sa cuisine n'est jamais impeccablement lavée. Elle t'a éconduit comme une grande repousse un petit garçon qui exagère, ne sachant pas qu'elle hantait tous tes rêves depuis huit années. Tu lui as déplu, en insistant avec des mots déposés ici et là, et elle t'a frigorifié en troquant son sourire de condescendance pour une moue énervée. Mais tu lui as pardonné et désormais c'est à elle que tu penses, chaque soir quelques minutes, lors de la promenade des jours sans pluie. 
C'est drôle, quelque fois tu te demandes ce que l'adolescent que tu étais dirait s'il te voyait, si mal habillé. Tu n'es pas comme les hommes des entreprises, ceux qui passent par l'ascenseur et qu'on voit attablés aux bistrots à l'heure du déjeuner. Tu te demandes aussi s'il croyait vraiment en regardant les grandes personnes qu'il aurait lui aussi, à son tour, une femme à tenir par la main, une voiture à conduire sur la route, des enfants à emmener à l'école.

Je t'ai connu un peu à l'époque où nous étions tous mélangés, dans ce quartier en construction. Tu sais, bien que nous soyons différents, il me semble avoir touché ton coeur, le jour où tu as effleuré ma main. Tu déambules certainement comme avant, dans les rues de ton quartier, hagard, entrouvrant ta bouche par où passe toute la surprise naïve des choses qui nous dépassent. Tu penses à des choses sans importance. Tu as rompu le contrat qui consistait à ressasser, chaque soir quelques minutes, les derniers moments à Paul Brousse. C'était trop difficile, de toujours penser que tu as perdu celle qui te maintenait digne. Quelques moments d'une journée incomprise te peinent, et tu penses à cette femme qui te fascine. Elle est là-bas, à l'autre bout du réel, de l'autre côté des administrations, songeuse, ce soir, sûrement, au milieu de ceux qu'elle régente.


ECL

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