vendredi, 04 juin 2010
La Croix du Sud
La ville est morte. Il ne reste plus que les salamandres. Les derniers habitants sont partis par la route du Sud. Ils vont rejoindre le nouveau pays. Moi, j'attends seule. J'ai déjà quitté la terre d'une enfance, j'avais tout recréé ici. Je ne recommencerai plus. J'attends les chiens. Hier soir, au moment où le soleil orange enveloppe nos remparts et nos tours de garde, j'ai vu venir une cohorte. Au début, je n'entendis que le brutal silence des oiseaux. Bientôt, les sons vaporeux d'une mélopée vinrent à mon ouïe. Je montai sur le toit de la maison où j'ai trouvé refuge, la mienne s'étant en partie écroulée. Je vis la longue colonne avancer comme en procession vers la porte occidentale de la ville. Debout, ma silhouette dessinant dans le soleil couchant une ombre géante qui déchirait la terrasse du toit, je regardai venir les étrangers.
Leur ensemble se précisait à mesure qu'ils s'approchaient. Ils tapaient en rythme, lentement, dans leurs mains, pour accompagner leurs voix qui s'élevaient et se mêlaient en mélopées harmoniques : bruit chanté qui rappelait le son des sources dans les montagnes, celui des pierres entrechoquées et des arbres craqués par le vent. Ils chantaient et leurs sandales fleuries, comme des percussions, scandaient le long son.
Il y avaient des enfants parmi eux. Les femmes et les hommes portaient des croix sur la poitrine, les enfants étaient tous vétus de blanc. Ils sont passés sous la maison et certains m'ont vus. Alors, le sourire qu'il m'envoyaient me fit peur, sourire d'hommes et de femmes qui ont tout oublié de la pensée pour s'abandonner à Dieu.
Y a-t-il d'autres êtres laïcs dans la ville ? Tout le monde est-il parti ? Cela paraît impossible que je sois la seule à avoir renoncé à me sauver. Peut-être, dans les quartiers éloignés, y a-t-il quelques ilots de résistance, des groupes ou des solitaires qui sont restés et qui tentent de survivre depuis cinq jours. J'ai soif. J'ai faim. Les moines et les moniales et leurs enfants avaient des gourdes autour du cou, des sacs remplis de noix. Ils attendent certainement que je les rejoigne.
J'avais entendu, comme tout le monde, parler de ces êtres qui ont quitté le monde pour fonder la Croix du Sud : moines et moniales dont les enfants sont consacrés à Dieu à la naissance, et qui vivent de prière sur les routes. On ne sait d'où ils tirent leur subsistance. On ne sait où ils dorment. Ils ne demandent pas l'aumone, ils la font, offrant noix et vinaigre de noix. Je n'avais pas cru à leur existence, mais ce soir j'entends leurs chants emplir la ville. Je discerne les psaumes d'un genre antique, d'un mode nouveau. "Si je t'oublie, Saint Jean en Ville, que ma cervelle fonde. Que ton Christ en bois et en pierre s'ébranle et me fracasse contre ton sol".
Demain, qui sait ? J'aurais rejoint la communauté, où je serai morte sous un éboulement ou sous un coup de folie. J'ai faim et j'ai soif. Le chant là bas, parle des cyprès d'un pays où les salamandres ne dévorent pas tout. Qui sait ? Qui sait si les fins du monde et les résurrections sont individuelles et collectives. Dans la solitude de la ville morte, un chant m'attire. Une paix m'inonde. Une solitude m'emporte.
Edith de Cornulier-Lucinière, vendredi 4 juin 2010, 18h47, heure de Paris.
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jeudi, 03 juin 2010
Dans la ville où tu t’en vas
Dans la ville où tu t’en vas,
nul n’a plus de cœur de pierre :
les eaux qui t’ont sauvé
t’emportent vers le Père.
Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui nous a tant aimés !
Au jardin où tu t’en vas,
notre corps n’est plus poussière.
La sève de l’Esprit
t’emporte vers le Père.
Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui est le Dieu de vie !
Au royaume où tu t’en vas,
toute nuit devient lumière :
le sang du Christ en croix
t’emporte vers le Père.
Nous te disons à Dieu,
mais c’est à notre Dieu
qui a tout fait pour toi !
Didier Rimaud
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mercredi, 02 juin 2010
Combattre et vivre libre
2082. Il est tard, ce siècle. Le froid tombe. Stella Mar interroge la diva Venexiana Atlantica :
Stella Mar : Venexiana Atlantica, tu as parcouru tant de routes et cueilli tant de fleurs qu’aujourd’hui, la jeunesse ouvre les yeux et se dit : « cette femme, est-ce une déesse » ?
VA : je n’ai pas cueilli de fleurs. J’ai semé des graines.
SM : et ces graines ont donné des fruits ?
VA : et ces graines ont donné des fruits. Et si le grain n’a pas lâché la vie il n’a pu se poursuivre. Tout est évangélique.
SM : Tes chansons parlent d’amour et de profondeur, d’espoir et de combats. Pourquoi ?
VA : mes chansons ne parlent pas d’espoir, mais d’espérance.
SM : tu as eu de nombreux amours et de nombreux amis. Que sont ces êtres devenus ?
VA : tous les amours sont des amis. Il n’y a ni père, ni mère, ni frère, ni sœur, ni amant, ni amante s’il n’y a pas d’amitié. Ces êtres ont muté et nos chemins se sont éloignés, nos liens se sont brisés ou distendus. Il reste Stacyo, mon père adoptif, un chien husky, et un homme dont je ne veux pas parler.
SM : Il ne reste plus de femme ?
VA : non, depuis que la femme qui m’était chère est devenue l’homme dont je ne veux pas parler.
SM : avez-vous souffert de cet épisode ?
VA : Quand elle a changé de sexe, j’ai cru devenir folle. Puis nous réécoutâmes Bartok et tout redevint clair.
SM : Bartok ?
VA : Bartok.
SM : Bela Bartok, le pianiste ?
VA : Bela Bartok. Le pianiste.
SM : ta musique lancine dans toutes les oreilles du monde. Mais toi, quelle musique écoutes-tu ?
VA : celle du silence, quand elle se fait entendre. Et celle de Miles Yufitran, le trompettiste. J’aime réécouter ses disques. Alors je repense à celui qui me fut proche, un temps.
SM : Miles aussi s’est éloigné de toi ?
VA : nos déprimes se repoussaient mutuellement. Nos joies se faisaient mal. Nous nous aimions à l’envers. Mais j’ai pleuré le 7 ventôse de l’an 2078, quand j’ai appris sa mort, à l’aube. J’ai songé à sa sœur qu’il avait tant aimé et dont il s’était éloigné. J’ai prié pour eux.
SM : nous allons parler maintenant de cette période de ta vie qui suit l’ère éphémère, où tu dansais et chantais à New York II, et qui précède ta rencontre, dans le pôle Nord de la terre, avec le chien Stacyo, qui t’adopta.
VA : nous ne parlerons pas de cette période.
SM : que pourrais-tu nous dire, belle Venexiana ?
VA : j'ai toujours accepté de combattre, dans la solitude et dans l'échec, dans le rêve et la douleur, dans la joie et la réussite. J'ai toujours choisi de combattre et vivre libre. Il s'agissait de sauver ma tête, sauver mon coeur, sauver mon corps, sauver mon âme. J'ai fui le salariat au risque de devenir la lèpre de la société. Car, comme le servage et l'esclavage, le salariat n'est point digne de l'homme. J'ai repoussé avec violence les médias qui prostituaient leurs espaces à la publicité ; je me suis tenue éloignée de tout supermarché, de toute multinationale, de toute usure. J'ai chômé le dimanche, et parfois j'ai prié. J'ai combattu. Je ne dirai plus rien. J'ai tout dit.
SM : Comme tu le veux, Venexiana Atlantica. Tu es notre idole ; notre rêve ; notre double ; et nous t’adorons ad vitam aeternam.
VA : ne cessez jamais de m’adorer, mes frères. Adieu.
SM : Adieu, déesse.
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mardi, 25 mai 2010
DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME
DE L INCOMPREHENSION NOTOIRE DE L'HOMME QUANT A L'EVOLUTION DE LA HIERARCHIE DES ESPRITS DU MONDE
Par S.Barynsflook
Pas de questions sur l'évolution de tout un chacun, l'histoire des peuples, l'histoire des communautés, l'histoire des individus... Toutes les erreurs notables sont déjà notées quelque part. Et pourtant ils s'obstinent, ça les excite de revivre ces passes palpitantes de l'histoire, de la vie, de l'histoire de la vie. Incalculables vertus causant d'incalculables torts, indénombrables vices pour le plaisir de tous. L'arbre se courbe devant celui qui voudra bien chercher à lui faire courber l'échine, et bien peu malins mais nombreux ceux qui en sont capables.
Accalmie des bons jours, dangereuses bourrasques de ceux pendant lesquels tu règnes... Du sentir au toucher, le dictat de toujours, tu t'es toujours trompé, rien jamais ne te perdra et pourtant tu as déjà perdu.
J'ai créé l'armée du désespoir afin de te détrôner immonde parasite du monde des gentils. Seuls les grands ont pu observer la vérité, car cette dernière ne se sait jamais, elle s'observe... Tu aurais du comprendre, tu aurais du m'entendre. Tu verras la lumière quand tes fautes expiées tu auras renoncé à rejoindre ce gué. Le gué de l'astre mort le gué du mirador noir à cent lieues des humains, moi je t y attendrai, et tu pourras crier, forcer ou attaquer mais le soleil jamais ne te laissera passer. Ainsi, tu vois, sans même lever d'armée, sans trop de vies renier, sans les faire soupirer, j'ai ressaisi ma chance d'être de ces grands esprits, qui, dans l'histoire des Mondes ont su harmoniser les émotions, les vies, celles la même que tu t'évertuais à annihiler, aigri par la longueur des ères.
Barynsflook
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lundi, 24 mai 2010
Oh ! Nue virtuelle
Serge Sur, sur l'ONU, dans son manuel "Relations Internationales", édité chez Montchréstien et conseillé par toutes les facultés :
"En dépit des vicissitudes, voire des carences des mécanismes de sécurité qu'elle institue, elle a survécu, réalisé une véritable universalité, et son système de sécurité conserve une pleine efficacité, au moins virtuelle".
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dimanche, 23 mai 2010
Sérénade triste
photo Sara
Comme des larmes d'or qui de mon coeur s'égouttent,
Feuilles de mes bonheurs, vous tombez toutes, toutes.
Où je vais, les cheveux au vent des jours mauvais.
Vous tombez de l'intime arbre blanc, abattues
Ça et là, n'importe où, dans l'allée aux statues.
Couleurs des jours anciens, de mes robes d'enfant,
Quand les grands vents d'automne ont sonné l'olifant.
Et vous tombez toujours, mêlant vos agonies,
Vous tombez, mariant pâles, vos harmonies.
Vous avez chu dans l'aube au sillon des chemins;
Vous pleurez de mes yeux, vous tombez de mes mains.
Comme des larmes d'or qui de mon coeur s'égouttent,
Dans mes vingt ans déserts vous tombez toutes, toutes.
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jeudi, 20 mai 2010
Second Souper de Saturne
Photo de Sara
Il est minuit et vingt-six minutes à Paris. Le second souper de Saturne vient d'avoir lieu.
L'idée des Soupers de Saturne est venue après la lecture de Chez le prophète, de Thomas Mann.
Là, c'était chez votre servante, au fond d'une cour à Duroc. Vincent S avait amené le champagne. Il y avait, donc, Vincent St, Mathieu G, Anne-Claire L, Mathilde M, Jérémie G, Caroline M, Vincent Sc, Alban de Ch et Francis C. Nous lûmes Le Héros, de Gracian, publié aux éditions Le Promeneur.
Le troisième rendez-vous soupatoire des Saturniens aura sans doute lieu en juillet. Nous y lirons sans doute Hildegarde, qui vécut à Bingen...
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mercredi, 19 mai 2010
néerlandisme, par Manuel Gerber
Saviez-vous que le néerlandais était une langue très imagée ? Contrairement au français, dont certains mots sont incompréhensibles si l’on ne connaît ni le latin ni le grec, le néerlandais, quant à lui, préfère souvent décrire ce qu’il désigne. Aujourd’hui, nous verrons quelques termes grammaticaux de cette langue. Ils sont de toute beauté et nous aident à comprendre certaines notions de grammaire. Ce court texte se présentera sous la forme de quatre devinettes traduites littéralement du néerlandais. Les réponses se trouvent à la fin.
Woordenschat van de spraakkunst
Trésor (schat) des mots (woorden) de l’art (kunst) de la parole (spraak)
1. Wat is een zelfstandig naamwoord?
Qu’est-ce qu’(wat is) un (een) mot (woord)-nom (naam) indépendant (zelfstandig)?
2. Wat is een werkwoord?
Qu’est-ce qu’un mot qui travaille (werk)?
3. Wat is een lijdend voorwerp ?
Qu’est-ce qu’un objet (voorwerp) qui souffre (lijdend)?
4. Wat is een meewerkend voorwerp?
Qu’est-ce qu’un objet qui collabore (mee : avec, werkend : qui travaille)? Autrement dit, qu’est-ce qui soutiendra l’objet qui souffre?
Réponses:
Vocabulaire grammatical
1. un nom
2. un verbe
3. un complément d’objet direct
4. un complément d’objet indirect
PS : En voilà deux autres pour le plaisir !
5. Wat is een schildpad ?
Qu’est-ce qu’un crapaud (pad) à carapace (schild)?
6. Wat is een handschoen ?
Qu’est-ce qu’une chaussure (schoen) pour la main (hand)?
Réponses :
5. une tortue
6. un gant
Manuel Gerber, Bruxelles
Photo de Sara
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lundi, 17 mai 2010
La neuvième hérésie
"Toute tentative de s'en sortir apparaît comme une hérésie à ceux qui suivent la religion du désespoir".
Esther Mar, in Chant de poussière
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samedi, 15 mai 2010
Passages volés sur le musicien Verdi
Pont-Hus
Voici deux jolis passages sur Verdi, tirés d'Une histoire de la musique, de Rebatet, publiée par Bouquins-Robert Laffont.
À propos du bal masqué :
"Des fontaines mélodiques jaillissent vers le ciel, se mêlent ou bien se répandent en nappes surabondantes. Et sans jamais cesser d’être voluptueuse, séduisante, cette musique sait exprimer le sarcasme, l’effroi, la douleur, le désespoir".
À propos d'Aïda :
"Et c’est une des idées les plus exquises et les plus poétiques, en même temps qu’un beau dédain pour les effets réputés obligatoires, que la mort amoureuse de Radamès et d’Aïda, ce duo decrescendo jusqu’au pianissimo qui ferme l’œuvre et pose comme une auréole tendrement funèbre au-dessus de ses fastes et de ses fracas.
« Le triomphe mondial d’Aïda porte au pinacle la célébrité de Verdi. Aucun musicien, depuis la Renaissance, n’aura accumulé autant d’honneurs, en les ayant moins recherché. Bien qu’il soit resté de goût simple, sa vie devient seigneuriale.
« Tutto nel mondo è burla ! », tout en ce monde est une blague, phrase du dernier acte de Falstaff, de Verdi".
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mercredi, 12 mai 2010
Un coup de poing
Soutien aux êtres qui pleurent ce soir, seuls dans l'abandon ou ensemble autour d'une misère commune.
Quand la vie bascule, mon amour, mon frère, mes amis, mes pères, un soir un coup de téléphone, un coup au coeur, un coup de poing, un coup de batte de fer, un coup sur la tête,
quand les certitudes et les sécurités se brisent et laissent l'être seul devant le vide du néant, à quoi faut-il se raccrocher pour continuer à être un individu qui se lève au petit matin et sait son nom et marche dans la ville et va vers la mer ? Quand la vie bascule, quelles sont les choses de l'enfance qui peuvent nous garder vivants et capables encore de bonheur ?
C'est la question qui se pose face à un mur, face à une mort, face à un pronostic médical, face à une lettre d'huissier, face à un mandat d'arrêt, face à madame l'horreur.
Il faudrait avoir appris à prier, peut-être ? Tout à une fin, même la souffrance. Amen.
Édith de CL, pendant qu'elles parlent au téléphone
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samedi, 08 mai 2010
"jours étranges"
Mercredi 5 mai 2010
Journal de bord "jours étranges" du site d'Edith de CL
J'ai joué au coup des "dix livres". La question est floue : faut-il faire la liste des dix livres qui m'ont le plus marquée ? Ceux que j'ai préférés ? Ceux que je trouve les meilleurs ? Cela ferait déjà trois listes différentes. La liste idéale, composée en fait des livres que j'aimerais préférer, est facile à établir.
La liste des livres que je préfère est plus difficile. Et qu'est-ce qu'un livre ? Les bandes dessinées Les scorpions du désert, La Ballade de la mer salée et Suite Caraïbéenne, d'Hugo Pratt, font assurément partie des livres que je préfère.
Ma liste idéale - celle des livres que ma tête aime :
L'Iliade et l'Odyssée - Homère
L'œuvre d'Aristote
Le Nouveau Testament - Saint Luc, Saint Marc, Saint Matthieu, Saint Jean, Saint Paul
La saga du roi Arthur -
La Divine Comédie - Dante
Les Mémoires de Saint-Simon
Guerre et paix - Tolstoï
Les Mémoires d'outre-tombe - Chateaubriand
Les fleurs du mal - Baudelaire
Tao te King - Lao Tseu
Ma liste charnelle - celle des livres que mon cœur aime :
Imitation de Jésus Christ - auteur incertain
Andromaque - Racine
Les fleurs du mal - Baudelaire
Guerre et Paix - Tolstoï
Jude Allan - Paul d'Ivoi
Mort à Venise - Thomas Mann
Les sept pilliers de la sagesse - Lawrence d'Arabie
Citadelle - Saint-Exupéry
Grammaire et littérature de la langue aztèque, tome I, la grammaire - Michel Launay
La ballade de la mer salée - Hugo Pratt
Je composerai bientôt la liste des livres qui me paraissent les meilleurs - les mieux écrits, les mieux pensés, les mieux rêvés. La liste des livres que mon âme estime...
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vendredi, 07 mai 2010
La gloire orange et rouge
Un jour, je serai célèbre comme personne n'a été célèbre depuis la nuit des temps.
Alors, la foule des rapaces fouinera pour écrire des biographies qui contribueront à l'histoire. Et que feront-ils, ces chercheurs et journaleux des siècles à venir ? Ils trafiqueront du code. Ils chercheront, avec l'appui des serveurs, moteurs de recherche, hébergeurs, gestionnaires de boites électroniques, à travers la grande toile électronique pour reconstituer tout ce que je n'aurai pas voulu rendre public.
Et cette quête aboutira à l'exhibition de mes plus noirs démons. Car, comme tant d'autres de mes semblables, j'ai suivi le flux et me suis inscrite sur des sites. J'ai usé d'ordinateurs dont les adresses IP ont laissé des empruntes d'autant plus indélébiles qu'elles sont intangibles. Les lettres d'amour et de haine que j'ai envoyé en cliquant à tout de doigts depuis les adresses électroniques que j'ai possédé, ne sont pas perdues. Elles nagent dans les interstices inextinguibles du web et elles seront retrouvées, une par une, et mises en exergue des livres d'histoires donnés aux enfants.
A partir d'aujourd'hui, je cacherai tout. Le moindre mail que j'envoie fera l'objet d'une censure par les gardes du coeur que je paye, trop cher, pour limiter la casse privée. Et mes courriers seront, comme les lettres de Madame de Sévigné, sous le prétexte de l'intime de véritables déploiements de mes pensées publiques.
Internet nous a tous eus. A nous de lui rendre la monnaie de sa pièce frelatée.
Esther Mar
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jeudi, 06 mai 2010
Le dédain sur la bouche
Dédicace d'Alfred de Vigny à l'actrice Marie Dorval, avant leur rencontre,
écrite sur l'exemplaire qu'il lui offrît de son Othello.
Quel fut jadis Shakespeare ? - On ne répondra pas.
Ce livre est à mes yeux l'ombre d'un de ses pas.
Rien de plus. - Je le fis, en cherchant sur sa trace
Quel fantôme il suivait de ceux que l'homme embrasse,
Gloire - fortune - amour - pouvoir ou volupté !
Rien ne trahit son coeur, hormis une beauté
Qui toujours passe en pleurs parmi d'autres figures
Comme un pâle rayon dans les forêts obscures,
Triste, simple et terrible, ainsi que vous passez,
Le dédain sur la bouche et vos grands yeux baissés.
(Cité par Maurice Allem dans sa biographie d'Alfred de Vigny, publiée au sein de la collection "la vie anecdotique et pittoresque des grands écrivains", aux éditions Louis-Michaud)
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mercredi, 05 mai 2010
Vendée, 1794 - Rwanda, 1994
Quand l’étendard sanglant se lève…
Des frères qui tuent leurs congénères à la machette, violent les femmes, embrochent les bébés et les poulets ensemble, avec des baïonnettes, des haches et des mains furieuses : c’est le point commun entre le populicide vendéen et le génocide rwandais. Les guerres civiles sont les plus monstrueuses, et malheur, malheur aux vaincus !
Mais d’où vient qu’un être humain qu’on a aimé au berceau, qu’on a élevé dans une communauté et qu’on énerve soudain par des discours, se change en assassin dès que les lois le lui permettent ?
On dit que l’homme est libre… Ainsi Rousseau disait : « L’homme est né libre, et partout il est dans les fers ». Et quand il n’y est pas, il se débonde jusqu’à ce qu’on l’y remette.
Croire au libre arbitre, c’est considérer comme coupables tous ceux qui, dans les mouvements de foule, assassinent sans se rendre compte de ce qu’ils font. Or, ces coupables forment l’immense foule humaine.
On dit que l’homme est libre… Ainsi Saint-Exupéry disait : « On croit que l’homme est libre. On ne voit pas la corde qui le rattache au puits, qui le rattache, comme un cordon ombilical, au ventre de la terre ».
Et lorsqu’on coupe ce fragile cordon, au nom de l’Idée, d’un homme idéal, la férocité des hommes transforme la terre en carnage.
La liberté est trop belle, trop grande pour la petitesse des hommes. Si vous l’imposez, ils deviendront fous et tomberont dans l’horreur jusqu’à ce que de nouveaux carcans les oppresse et les rassure.
La liberté s’installe dans le cœur des hommes qui les appelle, elle leur offre d’être au dessus de leurs semblables et leur fait payer le lourd tribut de la solitude, cette solitude née de l’animosité des hommes esclaves, ceux qui attachent les bêtes et dressent les enfants parce qu’ils respirent au rythme de la peur.
La liberté est une ascèse. La liberté est une délivrance. La liberté est une crucifixion.
Esther Mar
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