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samedi, 10 avril 2010

Rosachay, une chanson andine en quechua

Rosachay, une chanson andine en quechua.

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Deux adolescents amoureux s’enfuient ensemble pour vivre leur amour.

 

 

Nous vous proposons de traduire cette chanson ensemble.

Le quechua est une langue magnifique et incroyablement différente des langues indo-européennes ! Comprendre une chanson en quechua, c’est ouvrir une fenêtre sur un univers imaginaire et intellectuel réellement autre et réellement beau.

 

C’est une chanson qui est connue dans une bonne partie des Andes quechuaphones (parlant le quechua) et elle raconte quelque chose de typiquement andin et de complètement universel.

Elle raconte une histoire bien connue dans les Andes. Deux jeunes sont amoureux mais leur relation n’est pas vraiment possible (elle n’arrange personne…). Alors ils s’en vont tous les deux. Ils partent ensemble, et quand ils reviendront un an plus tard – s’ils reviennent – ils auront gagné leur union aux yeux de tous.

 

 

Quelques indications.

 

1 Vous verrez que les emprunts à l’espagnol ne sont pas rares, puisque depuis 1625 (date du débarquement de Pizarro sur les côtes péruviennes), l’espagnol est parlé dans les Andes.

 

2 Le quechua est une langue agglutinante. De nombreux suffixes s’ajoutent à la racine des mots (s’agglutinent !) et tout le charme de la grammaire quechua réside dans le choix des suffixes. Ils permettent en effet de donner des variations de sens subtiles aux mots.

 

3 En quechua, on possède des suffixes qui donnent des indications sur la façon dont l’interlocuteur connaît ce qu’il dit. Ainsi, si je suis certaine de ce que je dis, que je l’ai appris d’une manière sûre, j’accolerai le suffixe assertif (mi-m) au mot principal de la phrase.

 

Je l’ai mangé. Mikhuni-m

C’est maintenant ! Kunan-mi !

 

Si je ne sais ce que je dis que par ouï dire, ou bien que… J’emploierai le suffixe citatif (si-s).

Sumaq-si… C’est beau (il paraît)…

 

Quand je raconte un rêve, j’emploie également ce suffixe. De même, quand je raconte des choses qui me sont arrivées alors que j’étais ivre. Ces états, l’ivresse et le rêve, ne permettent pas, en effet, de parler des événements avec l’assurance de l’assertion.

 

Si, enfin, je ne suis pas sûre du tout de mon affirmation, je le note par le ? chà. On peut aussi noter par ce biais un agacement ou une indifférence…

 

Ça doit être là-bas ! Haqay-chà !

Qu’il y aille ! Ripunchà !

 

Dans les chansons, on entend toujours le suffixe « si », de même que dans les contes. En effet, le statut de la fiction fait qu’on ne peut utiliser l’assertif « mi » comme si j’affirmais quelque chose de certain !

 

Il faut noter que ces suffixes, qui servent à indiquer la façon dont on connaît l’information qu’on donne, posent un problème lorsque les auteurs andins veulent créer une littérature moderne, semblable à notre littérature de fiction. Comment en effet se décider entre les suffixes ? Si l’on voulait écrire un roman comme en français, le narrateur devrait employer l’assertif, puisque le roman fait comme s’il s’agissait de la réalité (Emile Zola ne nous répète pas toutes les pages : « j’invente, c’est de la fiction, ce n’est pas quelque chose qui a eu lieu !)

Or, faire comme pour un roman français, n’est-ce pas entamer sérieusement l’existence de ces suffixes qui donne tant de sel au quechua ? Pourtant, mettre le citatif –si pendant un long roman coupe l’effet de la fiction en rappelant toujours qu’elle est fictionnelle… Voilà un problème passionnant qui montre à quel point l’adoption de larges pans d’une culture par une autre modifie profondément la pensée, les modes de communication et la culture, et à quel point ces modes de penser et de dire le monde peuvent être incompatibles.

 

Commençons !

 

Rosachay, Rosalinachay,

Clavelchay, clavelinachay,

Chiqachus sapayki kanki ?

Chiqachus solayki kanki ?

 

Rosachay, Rosalinachay

Clavelchay, clavelinachay

 

Rosa vient de l’espagnol Rosa (Rose).

-cha est un diminutif. Rosa-cha : petite rose.

-y est la marque du possessif de première personne.

Exemple : wasi = maison. Wasiy = ma maison

 

Clavel vient de l’espagnol clavel, œillet.

 

Nous avons donc : ma petite rose, ma petite rosette, mon petit œillet, mon petit œillet,

 

Chiqachus sapayki kanki ?

Chiqachus solayki kanki ?

 

Chiqa signifie vrai. -chu est la marque de l’interrogation. –s est le suffixe ? dont nous avons parlé plus haut.

 

Ainsi, chiqachus  signifie : est-ce vrai ?

Sapa est un mot passionnant, qui veut dire seul, unique, chaque. Un mot « indivisualisant ».

 

Exemples :

Sapa p’unchaw = chaque jour (p’unchaw = jour)

Lorsqu’il s’emploit pour dire seul, on ajoute un possessif. Ainsi on dit : mon seul je suis.

 

Sapa-y kani = mon seul je suis.

 

Kay est un verbe qui correspond à nos deux verbes être et avoir.

 

Ainsi

Wasi-y kan, littéralement : ma maison elle est. Traduction : j’ai une maison.

Mais : sumaq kani = belle je suis. Traduction : je suis belle.

 

Dans le cas de notre strophe :

Sapayki kanki : ton seul tu es.

 

Arrêtons nous ici pour donner la conjugaison entière de kay au « présent ». (Il ne s’agit pas vraiment de présent, mais de temps non marqué. On ne marque le temps que quand c’est essentiel à la compréhension).

 

Kani Je suis

Kanki tu es

Kan il est/c’est

Kayku nous (exclusif) sommes

Kanchik nous (inclusif) sommes.

Kankichik vous êtes

Kanku ils sont

 

Nous inclusif = nous, nous tous

Nous exclusif = nous (et pas vous !)

 

Sola vient de l’espagnol Sola (seul). Comme il est « quechuisé », il est traité comme sapa, c'est-à-dire que l’on dit solay kani (seul-mon je suis).

 

La répétition n’est pas lourde en quechua. Elle participe au contraire à la beauté du rythme de la langue.

 

Cette première strophe pourrait se traduire ainsi. Ma petite rose, ma petite rosette, mon petit œillet, mon petit œillet, est-ce vrai que tu es seul ? Est-ce vrai que tu es seul ?

 

Entamons la deuxième strophe !

 

Ñuqapis sapaysi kani,

Ñuqapis solaysi kani,

Hakuchu compañakusun,

Hakuchu contratakusun.

 

Ñuqa signifie moi. –pis/pas s’accole à un mot et signifie aussi. Ainsi, ñuqapis veut dire moi aussi. Maintenant que nous savons cela, nous devrions être capable de traduire les deux phrases.

 

Ñuqapis sapaysi kani,

Ñuqa-pis sapa-y-si ka-ni

Moi-aussi seul-mon-suffixe citatif (on dit que…) je suis

 

Moi aussi, je suis seul. Moi aussi, je suis seul.

 

Hakuchu ! c’est une expression figée qu’on peut donner par « allons-y ! on y va ! »

Compaña vient de l’espagnol compaña compagne, et est traité en quechua comme un verbe (le quechua a verbalisé ce qui en espagnol est un nom). Il est donc conjugué : compañakusun.

 

Compaña-ku-sun

« être compagnon »-ku-sun

le suffixe ku est réflexif et affectif à la fois. Il a un sens réflexif (nous nous mettons ensemble ; je m’habille…).

-sun est un futur et impératif de première personne du pluriel.

 

Exemple du verbe mikhu au futur :

 

Mikhusaq

Mikhunki

Mikhunqa

Mikhusun

Mikhunchik

Mikhunkichik

Mikhunku

 

Contrata- vient de l’espagnol « contratar », et est pris pour « se marier ».

 

Traduction de la seconde strophe :

Moi aussi, je suis seule,

Moi aussi, je suis seul(e)

Allons-y, mettons-nous ensemble

Allons-y, épousons-nous

 

La troisième strophe, maintenant !

 

Sangararamantas kani,

Aqumayumantas kani,

Hakuchu urpi ñuqawan,

Hakuchu sunqu ñuqawan.

 

Sangarara : nom de lieu

-manta : de

 

Parisiens, vous pouvez dire : Parismanta kani ! Je suis de Paris.

(-manta s’emploie aussi ainsi : rumi-manta wasi, une maison en pierre (rumi = pierre ; franciasimimanta rimani francia-simi (en langue française) rimani (je parle)).

 

Aqumayu = nom de lieu (aqu = sable ; mayu = rivière)

 

Je suis de Sangarara, je suis d’AquMayu (rivière de sable)

 

Hakuchu ! nous l’avons vu précédemment, signifie allons-y

Urpi = colombe. (urpichay = ma petite colombe). En français on dirait mon amour…

-wan = avec. Nous avions déjà vu « ñuqapis » = moi aussi. Ñuqawan = avec moi.

Sunqu = cœur. Je pense qu’appeler quelqu’un cœur est une façon hispanisée de considérer le mot sunqu (cœur, force vitale), mais peut-être que non.

 

Traduisons donc :

Je suis de Sangarara,

Je suis d’Aqumayu

Allons ! colombe, (viens) avec moi

Allons ! cœur (viens) avec moi

 

La famille intervient à la quatrième strophe :

 

Mamanchik maskawaptinchik,

Taytanchik maskawaptinchik,

Ñachà karupiña kasun,

Ñachà Limapiña kasun.

 

Mamanchik maskawaptinchik

 

Mama = mère. Ce n’est pas un emprunt ! C’était déjà « mère » en quechua, avant l’arrivée des Espagnols…

Maska = chercher.

Courage, entrons dans le verbe émaskawaptinchik ». Maska est la racine « chercher. –wa- signigie me/nous et va avec le dernier suffixe du verbe –nchik-. –wa…nchik dans un verbe signifient la relation sujet objet : « ils nous ». (me chercher, nous chercher). –pti- indique que le sujet de ce verbe n’est pas le sujet du verbe principal de la phrase. Maskawaptinchik signifie donc : ils nous chercheront, ou nous cherchant, ou encore pendant/tandis qu’ils nous chercheront.

 

Deuxième vers : Taytanchik maskawaptinchik

tayta-nchik.

Tayta = père, monsieur. –nchik = notre, nos

 

Ñachà karupiña kasun

Ña = déjà

-cha = suffixe dont nous parlions en introduction. Ici on pourrait traduire par « Nous serons sans doute déjà loin »…

karu = loin

-pi = indication de lieu (wasiypi = dans ma maison. Franciapi = en France. Haqay=là-bas, haqay-pi = là-bas.)

 

Ñachà Limapiña kasun

Lima = la grande et mythique ville de Lima. La métropole de perdition. La ville lointaine, dont on entend parler, dont on rêve et que l’on ne voit jamais.

 

Traduction de cette strophe

Nos mères nous chercheront (ou quand nos mères nous chercherons, ou nos mères nous cherchant)

Nos pères nous chercheront, (idem)

Nous serons sans doute déjà loin,

Nous serons sans doute déjà à Lima !

 

Notes sur le genre et le pluriel

Les promoteurs du quechua actuels sont très influencés par l’espagnol. S’ils se battent pour la reconnaissance du quechua au même titre que l’espagnol, ils considèrent toujours la grammaire espagnole comme la norme, et sans même s’en rendre compte ils passent leur temps à dénaturer le quechua en le calquant sur l’espagnol.

Exemple : ils marquent systématiquement le pluriel, comme si c’était une faute de ne pas le marquer. Ils appliquent, d’une manière générale, les règles rabachées de grammaire espagnole à la langue quechua !

 

 

Merci d’avoir accompagné nos deux amants dans leur désir de fugue. Fermons les yeux, imaginons les hautes montagnes des Andes et pleurons en relisant la chanson… Ou bien imaginons-nous au marché, car sur les marchés des villages, des garçons et des filles chantent ce type de chansons accompagnés de musiciens. C’est ainsi que commença le chanteur Fredy Ortiz, du groupe Uchpa (cendres), déjà interviewé en quechua dans AlmaSoror. Il est aujourd’hui rocker connu au Pérou, et continue de chanter dans sa langue maternelle mais avec de la batterie et des guitares électriques.

 

 

Katharina Flunch-Barrows et Edith de Cornulier-Lucinière

dimanche, 04 avril 2010

L'âme soeur et la soeur nourricière

 

 

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Le manoir de Wolfcrag, par Sara

 

AlmaSoror est née en 2006, grâce à une soeur humaine dont le prénom contient le mot "anges", en hommage à une soeur canine dont le prénom contient le mot "ange".

 

Maison de production  indépendante, label de musique indépendant et blog, AlmaSoror s'attache à se détacher du temps administratif, du temps politique, de l'Empire psychologique et social pour entrer dans la Nuit sociétale. Là, émerge une zone imaginaire, où se tissent nos oeuvres.

 

Une des particularités d'AlmaSoror est d'être imparfait(e) : tout ce qu'AlmaSoror fait est imparfait. Alors, plutôt que de lutter contre les échecs et les ratages, activité qui nous paraissait équivalente à celle de dresser un barrage contre le pacifique, nous nous sommes dit(s) : chevauchons cette imperfection, puisque elle s'ébroue sans cesse entre nos mains et notre esprit. Chevauchons-là sans bride ni selle et voyons où elle nous mène.

 

Je crois qu'elle nous mènera au pays de Crin Blanc. Mais ce n'est qu'une supposition. Pour l'instant, nous chevauchons, la peau tendue, les yeux brûlés, les cheveux au vent glacé de l'hiver qui approche.

Peu à peu vous avancez vers nos zones d'action imaginaire

 

mercredi, 31 mars 2010

à propos d'une phrase mal-pensante

 

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Ooooh ! Comment peut-on laisser quelqu'un dire une chose pareille dans un pays qui prône la liberté d'expression !

 

lundi, 29 mars 2010

Lettre d'amour de gauche

Un amour de gauche, par un homme qui fut de gauche avant de se disloquer dans l'alcool et le dédoublement de personnalité.

Merci Axel Randers, pour ce que tu fus.

Et merci pour cette lettre d'amour de gauche que tu nous avais offerte, il y a longtemps, alors qu'Esther Mar nous avait proposé une lettre d'amour de droite.

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Chansons, luttes et baisers d’extrême gauche. Une lettre-requiem


 

 

Zurich, Octobre 2007

 

 

Mon amour,

Cela fait dix ans que je ne t’ai écrit.

Je viens de tomber malade, et cette idée sans cesse ressassée, puis reportée à plus tard, écrire à Julie, écrire à Julie – s’impose désormais comme une urgence.

Ecrire à Julie. Lui redire des choses… Lui raconter quelques uns des événements importants de ces dix dernières années.

Depuis notre rupture, vois-tu, j’ai continué à vivre comme je vivais, mais le rire intérieur qui rendait belle la lumière sur la Terre est mort.

 

J’ai su par Marc N que ton frère est devenu aveugle. Une rixe à la fin d’une manifestation, c’est bien cela ? Pourquoi voulait-il toujours se castagner ? Nous nous disputions souvent à ce sujet. J’espère qu’il va bien aujourd’hui. Je pense que ton père est mort et que cela a dû être difficile. J’aurais aimé être là, près de toi, pour toi.

Savais-tu Julie que la plupart des lettres écrites marquent leurs destinataires plus qu’aucune forme de communication ? Quand elles sont lues… Je voudrais que la mienne trouve le chemin de Julie et que sa lecture fasse rejaillir le souvenir des étreintes dans la chambre sale. Ce matin je fredonnais la chanson que nous apprenions aux enfants quand nous animions les dimanches du peuple.

Que tu as de belles filles, Giroflé, Girofla. Savais-tu que c’est un air traditionnel ? Rosa Holt écrivit les paroles en 1935, au moment de l’arrivée de Hitler au pouvoir.

Je te les reproduis. La mélodie résonnera à tes oreilles et un pan entier de ton existence ressurgira du passé.

 

Que tu as la maison douce
Giroflée Girofla
L'herbe y croît, les fleurs y poussent
Le printemps est là.
Dans la nuit qui devient rousse
Giroflée Girofla
L'avion la brûlera.


Que tu as de beaux champs d'orge
Giroflée Girofla
Ton grenier de fruits regorge
L'abondance est là.
Entends-tu souffler la forge
Giroflée Girofla
L' canon les fauchera.


Que tu as de belles filles
Giroflée Girofla
Dans leurs yeux où la joie brille
L'amour descendra.
Dans la plaine on se fusille
Giroflée Girofla
L' soldat les violera.


Que tes fils sont forts et tendres
Giroflée Girofla
Ca fait plaisir d' les entendre
A qui chantera.
Dans huit jours on va t' les prendre
Giroflée Girofla
L' corbeau les mangera.


Tant qu'y aura des militaires
Soit ton fils soit le mien
Y n' pourra y avoir sur terre
Pas grand-chose de bien.
On te tuera pour te faire taire
Par derrière comme un chien
Et tout ça pour rien.

 

 

Et je pense à une autre chanson, une italienne, celle que nous entonnions lors des manifestations pour les prisonniers de GFKL et de SINERTA. Bella ciao… Une chanson populaire, elle aussi. Je n’ai jamais pu l’entendre depuis sans sentir à nouveau tes boucles rousses sous mes lèvres et sans voir tes yeux verts noyés de larmes, de belles larmes de la révolte et de la jeunesse. Je sais que ni la révolte, ni la vraie jeunesse ne t’ont abandonée.

 

E questo é il fiore del partigiano
O bella ciao, o bella ciao, o bella ciao ciao ciao
E questo é il fiore del partigiano
Morto per la libertà


Qu’es tu devenue ? Question abyssale. Je voudrais être certain que quelqu’un te réchauffe et te protège.

 

Moi, j’ai combattu pour mes frères humains, et depuis que j’ai compris que les animaux n’étaient pas moins conscients que nous de leur vie propre, j’ai combattu pour eux aussi. Au sein de plusieurs groupuscules anarchistes et antispécistes j’ai pu réaliser à quel point aucune lutte humaniste n’atteindra ses buts si elle ne s’étend pas à toute la conscience du monde, c'est-à-dire à l’animalité. L’animalisme est un humanisme.

 

J’ai tenté la liberté et la fraternité. Depuis mon lit d’hôpital, je souffre et je ne regrette rien. J’ai vécu une vie d’homme.

 

Nos amitiés sont mortes. Elles ont rejoint la prison, la mort ou la bourgeoisie. J’ai revu Jean-Scholastique l’année dernière. Que faisait-il à Zurich ? Je l’ignore. Nous parlâmes dans la rue, quelque quart d’heure. Il ne citait plus Malcolm X (tu aimais cette phrase, Julie : «Vous ne pouvez pas parler de paix à quelqu’un qui ne comprend pas la paix. Vous ne pouvez pas parler d’amour à quelqu’un qui ne comprend pas l’amour. Et vous ne pouvez pas parler de non-violence à quelqu’un qui ne comprend pas la non-violence. Vous perdez votre temps ».) ; il ne citait plus Frantz Fanon ("Je n'ai pas le droit, moi homme de couleur, de souhaiter la cristallisation chez le Blanc d'une culpabilité envers le passé de ma race. Vais-je demander à l'homme blanc d'aujourd'hui d'être responsable des négriers du XVIIe siècle ? Je ne suis pas esclave de l'esclavage qui déshumanisa mes pères.")– il était fier d’être député de Guyane et me parla de sa lutte pour la discrimination positive. Les temps changent et les hommes en vieillissant ne ressemblent plus à leur rêve.

 

Homme sans courage, homme sans douceur, homme sans souplesse, je suis pourtant l’homme d’un seul amour, Julie. Je t’aime, comme je t’aimais il y a vingt ans lors de notre rencontre, comme je t’aimais il y a dix ans lors de notre déchirure. Personne n’a remplacé ma Julie et dans quelques mois quand je mourrai – les médecins me prédisent cela – c’est l’image de ton visage qui m’accompagnera. Tu as été la lumière de ma vie, je retournerai au Néant dont nous venons tous guidé encore par ces yeux verts et ce sourire si vivant.

 

Je t’ai fait mal, quelquefois. J’en ai eu honte. J’ai compris mes coups de sang dans un bistrot de gare - la radio du bar passait « like a bird » de Leonard Cohen – et je me suis pardonné.

 

Like a bird on a wire Comme un oiseau sur un fil

Like a drunk in a midnight choir... Comme un homme ivre dans un choeur de minuit

I have tries in my way to be free... J’ai tenté à ma façon d’être libre

 

Like a baby still born Comme un bébé mort né

Like a beast with his horn Comme une bête encornée

I have torn everyone who reached out for me... J’ai déchiré toute personne qui m’a tendu la main

 

Sois heureuse. Continue d’être belle, belle de révoltes, d’enfances et de rires.

 

Je ne te dis pas Adieu, je n’y crois pas. Je te dis à nous, mon amour. A nous et à ce que nous avons partagé.

 

Ton Axel.

 

 

 

Nota Bene :  nous avons décidé (Axel et Edith) de reproduire la conversation que nous eûmes au moyen de divers outils de communication, principalement les messages écrits envoyés par téléphone portable et les mails.

 

- Puisque l’amour n’existe pas mais que tout le monde y pense, je propose une nouvelle série au sein d’AlmaSoror. Veux-tu faire partie des auteurs qui écriront une lettre d’amour allégorique, une lettre d’amour cliché qui relatera l’expérience d’une vie à travers le prisme de ce que tout le monde semble vouloir et qui n’existe pas : l’amour amoureux.

 

- Comment peux-tu dire que l’amour n’existe pas ?

 

- L’amour entre les êtres existe, bien sûr. Le sentiment amoureux est une illusion, un leurre, c’est ce que je voulais dire.

 

- Je ne suis pas d’accord avec toi.

 

- C’est une sorte de fanatisme plus ou moins agréable, plus ou moins partagé, qui puise à la fois dans notre besoin de nous fondre avec autrui et dans la publicité de la société.

 

- Je ne conçois pas comment tu peux dire une chose pareille. N’as-tu jamais aimé ?

 

- J’aime des êtres. J’ai aimé – et j’aime toujours, au-delà de sa mort - ma chienne. J’aime des gens, mais cet amour est une fraternité déclinée.

 

- Tu n’as jamais été amoureuse de quelqu’un ? A part ces fanatismes dont tu parles, très adolescents.

 

- Je ne crois pas.

 

Elle m’assura que non et me donna des exemples qu’elle ne veut pas que je reproduise ici.

 

- Permets-moi de te dire que j’accepte d’écrire une lettre d’amour pour AlmaSoror, mais ce sera une lettre dans laquelle je croirai profondément. Pas une allégorie.

 

- Bon.

 

- Cela ne te dérange pas ?

 

- Non, pas du tout. Tu crois à ton expérience amoureuse ?

 

- Oui, j’y crois ! Sache que ma seule vraie histoire d’amour – je t’en ai déjà parlé – est intimement liée à mes luttes politiques. En cela je te rejoins, l’amour amoureux rejoint l’amour fraternel que l’on ressent pour d’autres êtres.

 

- Julie ?

 

- Oui, ce sera une lettre à Julie.

 

Cette fois c’est moi qui censure et coupe un passage de notre conversation qui ne concerne personne. Nous échangeâmes quelques mots sur Julie, dont je ne parle plus beaucoup bien que son visage flotte constamment autour de moi, où que j’aille, quoi que je fasse, depuis notre séparation.

 

- Ce sera donc, repris-je, une lettre à Julie, une lettre profondément amoureuse et profondément de gauche.

 

Elle ne répondait pas. Je sais dans ce cas qu’elle est en train de réfléchir.

Elle eut ainsi l’idée de demander à des auteurs ayant eu une vie politique engagée de leur écrire une lettre d’amour ayant trait à leur engagement.

 

Elle appela Esther ensuite. Esther est mon amie de cœur et d’esprit, et mon ennemie en idées. Je la respecte, l’admire et suis catastrophé par tout ce qu’elle pense. Jamais je n’aurais cru que je pourrais un jour avoir une amie qui pense des choses pareilles. Elle écrira donc la seconde lettre d’amour engagé d’AlmaSoror : une lettre d’amour de droite. La droite d’Esther est encore plus épouvantable que toutes les droites que je connais. La droite d’Esther est latiniste et catholique, contre-révolutionnaire, infiniment conservatrice et antiprogressiste. Mais j’aime profondément Esther. C’est en grande partie grâce à elle qu’en plus de croire à l’amour, je crois à l’amitié.

vendredi, 26 mars 2010

L'incendie de Mars

L'incendie de Mars

par une voix d’outre tragédie.

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La voix coulait dans l’appartement, dans la maison aux trois étages, dans la rue, dans le quartier. La voix profonde et chaude qui berça mes années de jeunesse, si jeunesse il y a. J’ai gardé les disques ; je n’ose plus les réécouter.

Le bras malade du tourne-disque brisé tournait sans lassitude, et les disques râlaient, crachaient leurs mystères chamaniques, leurs cris sourds et rythmés. Parfois, un tango gémissait des choses anciennes qu'on ne comprenait déjà plus. Les gens de la petite ville se moquaient de moi, de mes machines démodées. « Son tourne-disque est une antiquité ! » Aujourd’hui que le monde technique n’est plus, que nous n’avons plus que nos bras et nos champs meurtris, je ne regrette plus ma différence.

C’était l’époque où il pleuvait. Il pleuvait des nuées de gouttelettes qui tapotaient nos visages et nos cheveux, trempaient nos vêtements tissés industriellement de matières que nous ne connaissons plus. Plus que la possibilité de marcher tête nue et yeux nus sous le soleil, sans combinaisons de protections, plus que la possibilité merveilleuse d’entrer nus ou presque dans l’océan et de jouer avec les vagues, c’est la pluie que je regrette, la douce pluie que nous évitions, demeurant enfermés en nos maisons et appartements, cette pluie ruisselante qui rafraîchissait et ressemblait à la vraie vie.

De la fenêtre qui me fut attribuée à la dernière péroraison commune, j’observe les mots et les choses qui passent, passent, passent sous les panneaux d’énergie. Dans quelques centaines d’années, nos futures générations pourront, retirer ces panneaux. Alors dans sa splendeur dont la mémoire fait frissonner mes nuits, dans sa splendeur immodérée apparaîtra le ciel, et ils verront, et ils crieront, fous de joie, la merveilleuse beauté du monde.

La merveilleuse beauté du monde que nous avons détruit.

 

Je me souviens du jour où j’entendis que Mars avait pris feu. Entre ce jour et la catastrophe peu de semaines passèrent, mais les gens du commun n’étaient pas inquiets – ceux qui criaient au drame étaient pris pour des niais. Pourtant, en haut lieu comme en lieu scientifique, les personnes ne pouvaient ignorer ce qui attendait la planète terre.

Les gens regardaient la télévision, lisaient les journaux, cliquaient sur leur clavier d’ordinateur pour chercher des informations, mais peu reconnûrent que la planète allait mourir… De fait, elle n’est pas morte.

Nous étions presque sept milliards d’êtres humains à cette époque. Les endroits aujourd’hui sinistrés étaient habitables, les mers et les montagnes représentaient une partie infime du globe. Il n’y avait d’ailleurs pas de montagnes géantes.

La catastrophe fut un événement insupportable. Beaucoup ne se sont pas remis de la disparition des trois quarts de l’humanité, de l'effondrement des civilisations… L’avant catastrophe leur paraît un âge d’or et d’innocence enviable. Peu se souviennent de l’horreur. En ce qui me concerne, le jour de l’horreur fut un jour de purification. Je comprends beaucoup mieux le monde tel qu’il est aujourd’hui. Je m’en sens plus proche.

L’humanité grouillante colonisait chaque endroit de la planète, mettant à mort des milliards et des milliards d’animaux chaque année. Nous n'étions pas plus solidaires entre humains qu'envers les autres animaux.

Aujourd’hui, je me sens solidaire. La catastrophe fut un drame monumental, effrayant, criminel ; mais la sinistrose était là avant – c’est elle qui provoqua la catastrophe, et désormais nous faisons attention à notre vie, à nos frères humains et animaux, à nos objets, à notre terre.

 

L’incendie de Mars – je n’ai osé le dire à personne - je veux l’écrire aujourd’hui pour qu'un lecteur, un jour, sache à quel point ce fut beau.

Je me souviens de la mer d’un bleu vert profond et scintillant, du rougeoiement invisible qui enveloppait le paysage au fur et à mesure que l’incendie se développait et que Mars se consumait. Je ne voyait que ce rouge diffus, n’apercevais pas la planète embrasée. L’annonce de la catastrophe ajoutée à la beauté étrangement nouvelle du paysage me mit dans une sorte de transe spirituelle impalpable, calme, état dans lequel je demeurai pendant tout le drame.

Je vis tant de gens mourir lors de cette tragédie. Lorsque les voix de la radio se turent, je crus à l’imminence de ma propre fin, que j’attendais depuis quelques jours. La mer montait, la mer montait jusqu’à nous, en une vague lente, incroyablement lente, invisible. Telle une marée, la mer montait. J’attendais, allongée avec d’autres sur un grand matelas au rez de chaussée, à hauteur de la terrasse, regardant arriver la mer qui allait nous recouvrir et nous noyer. Je ressentais cette future noyade plus comme un étouffement progressif, parce que malgré qu’elle s’approchait la mer ensevelissante me paraissait irréelle. L’incendie de Mars avait plongé depuis quelques heures la Terre dans un état de chaleur confuse, il me semblait que l’eau ne serait ni mouillée, ni violente, simplement une fraîche couverture bleue qui nous prendrait tous et nous ferait disparaître en son sein, jusqu’à ce que notre existence cesse.

J’attendais la mort, patiemment, me félicitant de la beauté du spectacle et de la gentillesse résignée et tranquille de mes compagnons. J’aurais pu être comme tant d’autres perdue d’angoisse au milieu des tours que les assassins-architectes construisaient alors en masse, ou j’aurais pu être isolée, en prison…

Dans les villes, ils devaient être au bistrot, dans les rues…

Moi, j’étais face à la mer qui venait lentement, avaleuse et silencieuse, sans vent. Dans la chaleur de l’incendie de la planète voisine, je me sentais bercée par des pensées passionnantes et profondes. Je me demandais pourquoi, alors que tant de gens avaient vécu jusqu’à leur mort en prenant la planète et la vie qui l’habite comme une évidence, fallait-il que nous voyions s’effondrer la grande entreprise de construction, c’est à dire de destruction, qu’avait été l’humanité depuis son réveil technique.

J’étais allongée sur un matelas, et la mer prenait possession de la colline, et montait. Elle arriverait bientôt sur la terrasse. Peut être que nous serions soudainement pris par la peur et la rage vaine de vivre. Pour l’instant, malgré l’imminence de la destruction ultime et son aspect inéluctable, dans un calme songeur, nous contemplions, et moi, prise dans mon rêve-pensée, je vécus le moment le plus beau de ma vie.

 

Je sais comment j'ai survécu, non pourquoi. J’ai vu des choses depuis.

Je n’ai plus honte de mes frères d’espèce. Dans chacun de leurs actes, dans chacun de leurs gestes et jusque dans chacun de leurs mots, le respect de la vie est ancré. Le respect de l’air et de l’animal, de la plante et de l’espace, du silence et du temps qui s’écoule au rythme qu’il veut ; le respect des choses qui naissent et des êtres qui poussent. Le respect des corps dans leur immatérialité, des esprits dans leur matérialité. Nous ne tuons plus : nous préservons, avec tendresse, crainte et attention. Nous qui avons tout perdu, nous ne ressemblons plus du tout à ceux que j’appelle désormais nos prédécesseurs, bien que j’en aie fait partie.

Nos descendants reverront le ciel. Quelle splendeur que d’avoir la liberté qui flotte au dessus de nos têtes, vaste, aux couleurs changeantes. Le ciel était notre principale image, notre seule vision de l’infini. Cette vision n’empêcha pas l’humanité de détruire ciel et terre. Nos descendants, quand ils verront le ciel, seront à nouveau vraiment humains : ils seront redevenus des animaux. D’ici là, chaque génération doit œuvrer à guérir le monde, pour qu’il puisse vivre à nouveau tout seul.

Nous espérons que nous avons dépassé le problème de la transmission de l’expérience. Nous espérons que l’expérience humaine passée puisse être partagée et ressentie dans ses profondeurs par tous, sans quoi nous craignons la fin de la vie pour toujours.

La civilisation dévastée, c’est le résultat du corps dévasté, de l’animalité dévastée, de la terre dévastée.

 

Edith de Cornulier Lucinière, 2005

Anvioù tud, Anvioù ar merc’hed, Anvioù-lec’h

 

Il était temps. AlmaSoror n'avait pas encore publié d'article en breton. C'est chose faite. Merci à Emmanuel de Kerdrel pour ce texte qui nous parle des noms et des prénoms en Bretagne.

Photo05LesSablesd'Olonne6.jpg
photo Sara

 

 

Un diforc’h bras a zo etre Breizh ha Bro C’hall diwar-benn an dra-mañ. A-benn ar fin, d’am soñj, pa voe embannet al lezenn diwar-benn anvioù ar merc’hed dindan gouarnamant Edith CRESSON, e oa diwezhat evit ar vretoned dre m’hon eus-ni graet dalc’hmat an diforc’h etre anvioù ar baotred hag anvioù ar merc’hed.


Da skouer : an aotroù Mikeal KORNEG a zo dimezet gant Annaig AR GALL. Gant lezenn Cresson e oa posubl kemm an anvioù. Mat e oa. Met e Breizh, dimezet pe get, Mikeal KORNEG a chom Mikeal KORNEG. Ha, dreist-holl, Annaig AR GALL a chom Annaig AR GALL.


Da laret eo e Breizh, ar merc’hed dimezet a vir o anvioù. Hag an dud a lare gwechall :

- Penaos ‘mañ ar bed ganeoc’h Annaig AR GALL ?

Gwir eo, hiziv eo cheñchet an traoù un tammig evel e pep lec’h :

- Demat Annaig.


Ha pa zivize an dud etrezo diwar he fenn, ne fazïent ket : “Annaig AR GALL” an hini e oa, ha n’eo ket “Annaig KORNEG”. Ha memestra eo hiziv, dalc’hmat.


Bez ez eus ivez un dra all, gant anvioù-lec’h e plas anvioù an dud. Da laret : Huberzh AODREN* deus un ti-feurm anvet Kermorvan a zeu da vezañ « Huberzh deus Kermorvan ». Pe  Aziliz LOSSOUARN dimezet gant Pêr AR BIHAN deus kêriadenn Kerbrug a zo “Aziliz deus Kerbrug”


Dont a ra soñj din eus ur gentel bennak e Skol-Veur Roazhon II, gant Yann Bêr PIRIOU pe Lukian KERGOAT n’ouzon ket dre just piv e oa, se a oa er bloavezhioù ’90, a gontas deomp kement-mañ : gwechall e veze graet gwernioù al listri gant gwez a gresk e lagennoù ar gwernioù. Cheñch o deus graet anvioù an dud dindan levezon** ar galleg. Evel-se an dud a oa “Gwern” o anv, pe “Ar Wern” pe ”Penwern”…. Ya, gwernioù al listri a dalvez e galleg “Le mat des navires”. Anvioù an dud a oa cheñchet evit dont da vezañ petra …. « Le Mat », « Ar Mat ». Ar ger « mat » a zo e brezhoneg « bon » e galleg, anvioù an dud a voe cheñchet a-nevez  e galleg e « Le Bon » dindan levezon ar galleg. Hag ez eus ivez stummoù a-ziforc’h c’hoazh, evel « Guern », « Penguern » distaget  <<gwerneu>> pe <<peñ-gwerneu>>…


Er penn kentañ, an dud a oa “Gwern” o anv, da laret eo e galleg “l’Aulne” a zo deuet a-benn ar fin da vezañ anvet gant ar stumm gallek “Le Bon” eta. Ar skouer-mañ a ro mat da gompren ar pezh a zo c’hoarvezhet e Breizh abaoe an Dispac’h bras.


 

Emmanuel de Kerdrel (13/3/10)


*Aodren a zo ur raganv ar paotred… evel Hoel


**Michel NICOLAS a oa skrivet ul levr mat-kenañ e galleg, a zo e dalbenn : “Histoire de l’Emsav” a gomze “rouleau compresseur de l’Etat français et de véritable ethnocide


 

jeudi, 25 mars 2010

Sara et les trésors livresques

Il est 22h34 et je reviens des Sables d'Olonne. La mer était bleue, si sage que la tempête récente paraissait impossible. Pourtant, les rochers et la jetée défoncés témoignaient. 
Retrouver Paris est toujours difficile : la grande ville fait peur, elle rappelle que le monde tourne comme un bal fou. Sur le site de Livres au trésor, la revue de Bobigny,  on peut lire une entrevue avec Sara en regardant certaines de ses images.

SARA 1.jpg

 

 

Comment est né votre 1 er album, À travers la ville ?



À la réflexion, je crois que À travers la ville est né de ma fascination pour les films muets, pour Huston, Fellini et pour certains auteurs ou films dont les images m'ont éblouie. Le jour où j'ai commencé ces images, je n'avais ni l'intention ni l'idée de faire un album pour la jeunesse. Seulement la nécessité de créer des images. Ce jour-là, il me manquait du matériel pour peindre. J'ai pris ce que j'avais : du papier C anson , du papier recyclé, du papier journal et je les ai déchirés. J'avais besoin de me montrer que les images portent leur sens en elles-mêmes, sans que des mots les accompagnent. Bien sûr, ce sens de l'image est au-delà de sa représentation : l'arrangement des formes, des couleurs, le trait sur la feuille, la façon de déplacer le pinceau parlent. Déchirer, c'est créer une forme aléatoire, un trait incertain, que l'œil termine, finit d'imaginer, se décide à interpréter. C'est comme une écriture.
Un souvenir a guidé cette histoire : celui d'un clochard enchanté par la présence de son chat sur un banc du boulevard Sébastopol, à Paris. J'ai imaginé la rencontre de cet homme avec ce chat. J'ai fait là une sorte de petit film sur papier.

 

On peut lire la suite ici

 

mercredi, 24 mars 2010

Ostende-Biarritz

Quelqu'un m'avait posé les premières questions à Ostende, la ville qui me rappelait la fantastique Ciudad de la bande dessinée Nolimé Tangéré.

Un autre homme m'a posé les deux dernières questions à Biarritz, longtemps après. Mais "longtemps" ne veut rien dire. Dans les deux villes j'ai eu l'impression d'être suspendue entre le rêve et le désir, hors du temps.

Quand on se laisse aller à répondre du coeur, le résultat est surprenant pour soi-même.

 

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photo Sara

 

 

 

Qu'est-ce qui vous révolte le plus au monde ?

La maltraitance des corps ; puis celle des coeurs ; la laideur des choses "fonctionnelles".

Ce qui vous fait frémir pour la génération qui vient... ?

La surpopulation, la surcolonisation de la terre. Le manque d'espace, de culture, d'élégance, de raffinement.

Qu'est-ce qui vous rend le plus heureux dans votre vie ?

La lumière. Le bien-être. la beauté des oeuvres. La cuisine partagée. Un petit resto de temps en temps. La liberté de penser, de vivre, de ressentir. La tranquillité entre deux êtres. Les bonnes nouvelles. La beauté des lieux et des atmosphères. La facilité de la vie. Les projets.

Les choses accomplies qui vous rendent le plus fier... ?

AlmaSoror

Avoir appris des langues rares et avoir compris des choses au Pérou

Connaître et écrire de la poésie

La robe rouge de Dana

Ma prise de conscience sur les animaux

Toutes les chansons que je connais par coeur

mardi, 23 mars 2010

à Venise après Giorgione Édith et les pigeons

Il fait nuit à l'heure où j'écris et je repense à ce séjour vénitien, dont la photo est issue. Nous avions claqué tout notre argent pour un aller-retour à Venise dans la journée, car il y avait pour la première fois depuis très longtemps tous les tableaux de Giorgione rassemblés. Venise était belle et depuis ce fameux saut de puce de 2003, mon oreille "déconne". Merci, Venise ! Et j'ai ri jaune en lisant la Mort à Venise, de Thomas Mann. Pourtant, je crois que la "maladie" passera un jour, quand je n'aurai plus besoin d'elle - ou, peut-être, quand elle n'aura plus besoin de moi.

 

edith et rue d'eau.jpg
Édith & des pigeons à Venise, par Sara

 

 


 

lundi, 22 mars 2010

Tout autour de la tombe

J'aurais mis plus de dix ans à lire intégralement les mémoires de Chateaubriand. Je reproduis quelques passages, où il tourne autour de sa tombe... 3 passages d'outre tombe. (Bien avant lui Eschyle disait... "un viellard est une ombre errante à la clarté du jour").

Il fait un grand soleil d'hiver et je trouve que ce sont les plus beaux. Ils donnent une lumière blanche qui tombe en nappes éclatantes, mais diffuses. Cette lumière m'enthousiasme et lorsqu'elle un vent léger la traverse, alors la vie vaut la peine d'être vécue. Joseph Campbell disait que ce n'est pas "un sens à la vie" que nous cherchons tous, comme des loups affamés. C'est la sensation d'être vivant.

Merci aux froids soleils d'hiver et au vent léger de me donner l'impression éclatante de vivre.

cesaret momo.jpg

 

"Cette société, que j'ai remarquée la première dans ma vie, est aussi la première qui ait disparu à mes yeux. J'ai vu la mort entrer sous ce toit de paix et de bénédiction, le rendre peu à peu solitaire, fermer une chambre et puis une autre qui ne se rouvrait plus. J'ai vu ma grand-mère forcée de renoncer à sa quadrille, faute des partners accoutumés; j'ai vu diminuer le nombre de ces constantes amies, jusqu'au jour où mon aïeule tomba la dernière. Elle et sa soeur s'étaient promis de s'entre-appeler aussitôt que l'une aurait devancé l'autre; elles se tinrent parole, et madame de Bedée ne survécut que peu de mois à mademoiselle de Boisteilleul. Je suis peut-être le seul homme au monde qui sache que ces personnes ont existé. Vingt fois, depuis cette époque, j'ai fait la même observation; vingt fois des sociétés se sont formées et dissoutes autour de moi. Cette impossibilité de durée et de longueur dans les liaisons humaines, cet oubli profond qui nous suit, cet invincible silence qui s'empare de notre tombe et s'étend de là sur notre maison, me ramènent sans cesse à la nécessité de l'isolement. Toute main est bonne pour nous donner le verre d'eau dont nous pouvons avoir besoin dans la fièvre de la mort. Ah ! qu'elle ne nous soit pas trop chère ! car comment abandonner sans désespoir la main que l'on a couverte de baisers et que l'on voudrait tenir éternellement sur son coeur ?"

 

 

"En ce temps-là, la vieillesse était une dignité; aujourd'hui elle est une charge".

 

 

 

"Toute notre vie se passe à errer autour de notre tombe ; nos diverses maladies sont des souffles qui nous approchent plus ou moins du port. Le premier mort que j'aie vu, était un chanoine de Saint-Malo ; il gisait expiré sur son lit, le visage distors par les dernières convulsions. La mort est belle, elle est notre amie ; néanmoins, nous ne la reconnaissons pas, parce qu'elle se présente à nous masquée et que son masque nous épouvante".

 

 

dimanche, 21 mars 2010

Les "mariages républicains" de Jean-Baptiste Carrier

Qu'y a-t-il de plus émouvant que les massacrés qui n'ont pas passé la porte des livres d'histoire ? Dans les pays de l'Ouest (de la France), la mémoire circule sous le manteau. J'y songe, car j'ai renoncé à lire dans le TGV.

Le train file et les champs cultivés défilent.

Il y a encore des bêtes dans les champs. Mais que cachent les grands bâtiments fermés, hermétiques, là-bas ?

 

« Pour toutes ces créatures, tous les humains sont des nazis ; pour les animaux, cest un éternel Treblinka »

Isaac Bashevis Singer, écrivain

Carrier_la_loire.jpg

 

 

samedi, 20 mars 2010

Djinns illustrés

 

Les Djinns

Dans l'église 2.jpg

Murs, ville
Et port,
Asile
De mort,
Mer grise
Où brise
La brise
Tout dort.

Oncle Luc et jean de Soos.jpg

Dans la plaine
Naît un bruit.
C'est l'haleine
De la nuit.
Elle brame
Comme une âme
Qu'une flamme
Toujours suit.

 

WEB.Roll1_STGl'A-12.jpgLa voix plus haute
Semble un grelot.
D'un nain qui saute
C'est le galop.
Il fuit, s'élance,
Puis en cadence
Sur un pied danse
Au bout d'un flot.

Roll1_B004671-R1-00-0.JPGLa rumeur approche,
L'écho la redit.
C'est comme la cloche
D'un couvent maudit,
Comme un bruit de foule
Qui tonne et qui roule
Et tantôt s'écroule
Et tantôt grandit.

Roll1_Eul, Mar-12.jpgDieu! La voix sépulcrale
Des Djinns!... - Quel bruit ils font!
Fuyons sous la spirale
De l'escalier profond!
Déjà s'éteint ma lampe,
Et l'ombre de la rampe..
Qui le long du mur rampe,
Monte jusqu'au plafond.

Roll1.Fouillis vert33.jpgC'est l'essaim des Djinns qui passe,
Et tourbillonne en sifflant.
Les ifs, que leur vol fracasse,
Craquent comme un pin brûlant.
Leur troupeau lourd et rapide,
Volant dans l'espace vide,
Semble un nuage livide
Qui porte un éclair au flanc.

Roll1.Chardon4.jpgIls sont tout près! - Tenons fermée
Cette salle ou nous les narguons
Quel bruit dehors! Hideuse armée
De vampires et de dragons!
La poutre du toit descellée
Ploie ainsi qu'une herbe mouillée,
Et la vieille porte rouillée,
Tremble, à déraciner ses gonds.

Roll1.Christ10.jpgCris de l'enfer! voix qui hurle et qui pleure!
L'horrible essaim, poussé par l'aquilon,
Sans doute, o ciel! s'abat sur ma demeure.
Le mur fléchit sous le noir bataillon.
La maison crie et chancelle penchée,
Et l'on dirait que, du sol arrachée,
Ainsi qu'il chasse une feuille séchée,
Le vent la roule avec leur tourbillon!

Roll1_garipaudière27.jpgProphète! Si ta main me sauve
De ces impurs démons des soirs,
J'irai prosterner mon front chauve
Devant tes sacrés encensoirs!
Fais que sur ces portes fidèles
Meure leur souffle d'étincelles,
Et qu'en vain l'ongle de leurs ailes
Grince et crie à ces vitraux noirs!

Roll1.Barque32.jpgIls sont passés! - Leur cohorte
S'envole et fuit, et leurs pieds
Cessent de battre ma porte
De leurs coups multipliés.
L'air est plein d'un bruit de chaînes,
Et dans les forêts prochaines
Frissonnent tous les grands chênes,
Sous leur vol de feu pliés!

Roll1_mainscroisées-26.jpgDe leurs ailes lointaines
Le battement décroît.
Si confus dans les plaines,
Si faible, que l'on croit
Ouïr la sauterelle
Crier d'une voix grêle
Ou pétiller la grêle
Sur le plomb d'un vieux toit.

gange aulit 1.jpgD'étranges syllabes
Nous viennent encor.
Ainsi, des Arabes
Quand sonne le cor,
Un chant sur la grève
Par instants s'élève,
Et l'enfant qui rêve
Fait des rêves d'or.

concarneau 4.jpgLes Djinns funèbres,
Fils du trépas,
Dans les ténèbres
Pressent leur pas;
Leur essaim gronde;
Ainsi, profonde,
Murmure une onde
Qu'on ne voit pas.

page12_i_N&B Boris+Ondine.jpgCe bruit vague
Qui s'endort,
C'est la vague
Sur le bord;
C'est la plainte
Presque éteinte
D'une sainte
Pour un mort.

victor hugo,djinns,saraOn doute
La nuit...
J'écoute: -
Tout fuit,
Tout passe;
L'espace
Efface
Le bruit.

Victor Hugo

Photos de Sara

 

jeudi, 18 mars 2010

Sara

Il fait beau et frais. Paris s'est éveillé depuis quelques heures. Les rideaux palpitent un peu et le vent des voitures s'entend comme un bruit de mer lointaine. Je me souviens de cette biographie que j'avais écrit sur Sara, il y a deux ans. Je crois que c'est le jour idéal pour la mettre à l'honneur sur le blog d'AlmaSoror.
sara rose.jpg


(Avertissement : Je me permets de relater ici (plus bas) la rencontre entre Sara et Chateaubriand, parce que j'ai eu le privilège, non pas d'y assister, mais d'en recevoir des poussières de bribes).

Sara écrit pour AlmaSoror.
Elle publie des livres pour enfants en papier déchiré, peint, écrit du théâtre et réalise des films d'animation.

Nous présentons ici les articles et photos qu'elle a publié sur AlmaSoror. Puis nous présentons un éventail de son œuvre.
Enfin, voici le lien vers son propre site : Univers de Sara



Quand Sara a fini de peindre, elle descend par la fenêtre, sous l'œil renversé de Mousse :

sara par la fenêtre+mousse.jpg

Et un jour, à Venise, Sara réfléchissait :

sara.jpg
Elle rêvait que Chateaubriand passait dans la rue, juste en bas. Ils se souriaient. Elle lui offrait la ballade de la mer salée, de Hugo Pratt.
"Ce sont des mémoires d'outre-océan, lui disait-elle.
- Je l'avais deviné à la gravité de votre visage, répondait-il.
Ils se souriaient et se séparaient. Mais ils ne s'oublieraient jamais.
Cela se passait à Venise en deux-mille quelque chose. Il faisait froid. Giorgione était le plus grand des peintres. Et le café, comme le café était bon ! Mais cela, c'est une autre histoire.

Quelques années plus tard, l'été finissait dans une ville qui ressemblait à Panamaribo.
- Sais-tu danser ? Demanda El Diablo à son interlocutrice rêveuse. 
- Non, répondit-elle. Sara (car c'était elle) se leva et posa un pourboire sur la table.
- Adieu, dit-elle en partant vers l'autre côté de la place.
El Diablo resta seul, en silence, dans la tiède chaleur de l'été. Il vit Sara disparaître derrière la petite église blanche de Santa-Catalina.

Sara longea les bords des maisons en regardant les ombres se balancer sur les feuilles des arbres. Cela lui rappelait l'époque où les jeunes hommes venaient danser sous les fenêtres du palais ressuscité des Doges.
SARA 1.jpg


Depuis, Sara a vécu une expérience mystique aux Sables d'Olonne. Un soir, au casino. Elle a rencontré dans les luxueuses toilettes une personne qu'elle avait cru peindre, trente ans auparavant. Aucun mot ne les départagea. Ce fut un duel silencieux.
Voici le film de cette rencontre mémorable :



Pour effacer cette scène étrange de sa mémoire déjà trop tangible, Sara accepta la proposition de Daniel Bireix-Steinman : ils organisèrent une exposition de ses toiles qui devait durer dix ans au Musée des Arts Antiquo-Futuristes de Jei Kan, au pied du mont Fujiyama. Depuis que le Japon est fermé au monde, l'exposition est invisible. Mais nous avons quelques photographies de ces trente toiles qui dorment au Japon depuis maintenant longtemps, trop longtemps.

mercredi, 17 mars 2010

Mort : l'accepter

Esther va mieux. Elle a un nouvel objectif : déchiffrer le linéaire A. Je lui souhaite bon courage. Ce serait effectivement un grand pas pour l'humanité.

En attendant et avec son autorisation - je me fie à son "oui, tu publieras  ce que tu veux de moi et tu ne m'en feras pas part" du mémorable 8 juin 2007, après la messe pour la mémoire du petit Louis XVII et des enfants maltraités, en attendant donc, je recopie quelques phrases d'une lettre reçue à Paris quand j'étais à Biarritz, la semaine dernière.

Edith bizarre_NC.jpg
Edith par Esther, Sucy en Brie

"Mort : il faut l'accepter.

L'accepter sans regret.

Et pouvoir se dire :

qu'on a amélioré la vie des gens.

qu'on a vibré, chanté, créé de la beauté.

qu'on a cru en Christ.

Qu'on a eu confiance dans la vie et dans la mort".

 

Voilà. Esther, tu as amélioré ma vie. Merci.

mardi, 16 mars 2010

SATUMAA Tango finlandais

 

 

Lennä laulu sinne missä siintää satumaa

Sinne missä mua oma armain odottaa

Vole, ma chanson, là où brille le pays imaginaire

Là où mon chéri m’attend

 

 

Trouville sur le quai .jpg
Gare de Trouville, par Sara

 

 

Aujourd’hui, je me souviens du voyage en Finlande, pour retrouver Manuel. Il vivait dans un foyer étudiant à la périphérie d'Helsinki et il était le seul parmi les centaines d'étudiants du foyer à apprendre et parler le finnois au quotidien. Il adorait ce pays qu'il découvrait. Toutefois, certaines choses le gênaient, et parmi elles le fait que les Finlandais ne mettent pas de parfum. Manuel, jeune homme élégant qui avait hanté les hauts lieux du Paris nocturne, se mettait trois fois plus de parfum en Finlande qu'à Paris, pour conjurer le sort. Il n'en détonnait que plus.

Un jour, avec un autre ami, nous prîmes le bateau pour aller à Tallin, la très jolie capitale estonienne, qui ressemble à une ville de poupées. Dans le bateau, les Finlandais si sombres et silencieux le jour se mirent à danser. C'était une danse valsante, différente de toutes les valses que j'avais connues. Et Manuel m'expliqua que c'était le tango finlandais. Un tango volé par la Finlande à l'Argentine, un tango devenu nordique. Cette soirée à glisser sur la mer glacée en observant les Finlandais s'ajoute à tous mes autres souvenirs de bateau. J'en parlerai à d'autres moments - pour le moment, voici, proposées par Manuel, les paroles d'un tango finlandais :


"je vous propose de découvrir l’un des tangos finlandais les plus célèbres. Imaginez que l’on y danse sur un rythme lent et avec des pas simples. Les couples s’enlacent sans se regarder. Il faut se laisser envahir par la mélodie et les paroles et oublier qu’il fait froid et sombre l’hiver. Les relations humaines sont difficiles à cette période-là. Le sentiment d’être « prisonnier de la terre » et de porter un lourd fardeau est assez répandu chez nos amis finlandais. Comment peut-on être léger quand le climat est si hostile ? Comment peut-on être de bonne humeur quand il fait nuit toute la journée pendant presque deux mois ?

 

Je vous laisse donc découvrir cette chanson que j’ai traduite pour vous".

Aavan meren tuolla puolen jossakin on maa

Missä onnen kaukorantaan laine liplattaa

Missä kukat kauneimmat luo aina loistettaan

Siellä huolet huomisen saa jäädä unholaan

 

 

Oi jospa kerran sinne satumaahan käydä vois

Niin sieltä koskaan lähtisi en linnun lailla pois

Vanki olen maan

Vain aatoksin mi kauas entää

Sinne käydä saan

 

 

Lennä laulu sinne missä siintää satumaa

Sinne missä mua oma armain odottaa

Lennä laulu sinne lailla linnun liitävän

Kerro että aatoksissain on vain yksin hän

 

 

Le pays imaginaire

 

Au large, il existe un pays

Où une vague caresse la lointaine rive du bonheur

Où les plus belles fleurs toujoursgardent leur éclat

Où les soucis du lendemain peuvent rester dans l’oubli

 

 

Oh si seulement un jour quelqu’un pouvait aller dans ce pays imaginaire

Alors je ne le quitterais jamais comme un oiseau

Mais sans ailes, je ne peux pas voler

Je suis prisonnier de la terre

C’est à l’aide de mes pensées voyageuses

Que je peux y accéder

 

 

Vole, ma chanson, là où brille le pays imaginaire

Là où mon chéri m’attend

Vole, ma chanson, comme un oiseau glissant

Dis-lui qu’il est le seul dans mes pensées

 

 

 

Traduction et présentation de Manuel Gerber

Bruxelles

manuelgerber@gmail.com