Hétérosapiens ? Amour, sexe, filiation et liberté (jeudi, 29 avril 2010)

J’ai eu une discussion très vive hier avec plusieurs excellents amis qui sont venus me voir à l’hôpital. Nous parlâmes de ce nouveau mot étrange : homoparentalité.

 

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Amour, Sexe, Filiation & Liberté

 

J’ai eu une discussion très vive hier avec plusieurs excellents amis qui sont venus me voir à l’hôpital. Nous parlâmes de ce nouveau mot étrange : homoparentalité.

Mes amis Sauveur et Tatiana défendent quant à eux les « droits des gays », bien qu’ils ne sont pas concernés par cette « communauté ».

Mon amie Esther est intersexuée (je ne sais pas à quel point) ; elle a cependant un point de vue très traditionaliste, catholique et conservateur – je rappelle qu’intersexué est le mot moderne pour hermaphrodite.

Mon amie Hélène est lesbienne mais déteste toute forme de communautarisme et souhaite une société libérale, sociale, universaliste.

Ils ont poursuivi la dispute jusque tard dans la nuit à l’hôtel Saint-Sylvestre où ils étaient descendus. N’ayant pu participer, j’ai poursuivi ma réflexion seul et je voudrais partager mes interrogations ici.

 

Un mot de fortune sans grande fortune

 

Selon l’Association des Parents et Futurs Parents Gays et Lesbiens, l’homoparentalité englobe tous les types de situations dans lesquelles un des parents se dit homosexuel. C’est donc un mot qui ne concerne pas le type de filiation, mais la vie amoureuse des parents.

Si deux parents homosexuels ont eu un enfant ensemble, c’est de l’homoparentalité, bien que la filiation soit hétérosexuelle. Ce type d’homoparentalité est loin d’être nouveau : ce n’est que depuis quelques siècles qu’on tente de marier la vie amoureuse et le mariage. Ce qui est nouveau en revanche, c’est d’imaginer une filiation sans hétérosexualité.

 

Deux choses m’étonnent. La première, c’est de considérer la parentalité du point de vue de la sexualité et de la vie amoureuse des parents.

La seconde, c’est de penser que le fait d’être un parent qui mène une vie privée homosexuelle tranche plus avec la tradition que, par exemple, les familles recomposées, ou encore la famille nucléaire.

 

L’hétéroparentalité n’a rien à voir avec l’homosexualité

 

L’homoparentalité, selon ses promoteurs, c’est le fait d’être homosexuel et parent, quel que soit le type de filiation. Selon cette définition, la vie amoureuse des parents prime pour définir la parentalité plutôt que sur le type de filiation.  Or, en quoi la vie amoureuse des parents doit concerner la filiation ?

Et pourquoi ne s’en occuper que dans le cas de l’homoparentalité ? Si un parent couche avec deux partenaires à la fois, il est donc triosexuel. Doit on parler de trioparentalité ?

D’ailleurs, on parle depuis longtemps de monoparentalité : s’agit-il de la solitude du parent ou son asexualité ?

Que fait la sexualité dans la parentalité, quand elle ne fait plus les enfants ?

Je trouverais plus cohérent de parler d’homoparentalité quand la filiation est homoparentale (on escamote un parent biologique pour le remplacer par un parent du même sexe que le premier parent), et d’hétéroparentalité quand les parents sont un homme et une femme, même si ces deux parents vivent chacun en couple homosexuel. En effet, l’enfant a un père, une mère, l’arbre généalogique se fait de la même façon que pour ses ancêtres, dans la continuité. Qu’importent que les parents soient amoureux ou coparents ?

 

 

La famille recomposée et l’homofiliation : deux vraies ruptures.

 

Ce qu’on appelle la « famille recomposée » hétérosexuelle (le fait d’avoir des enfants avec plusieurs partenaires non simultanément) et l’escamotage paternel ou maternel (recours à une banque de sperme ou une mère porteuse) ont en commun de détruire la famille traditionnelle occidentale (un père, une mère et autant que possible des enfants tous de la mère fratrie, un arbre généalogique-type), tandis que l’homosexualité d’un ou des deux parents n’a aucune incidence sur la famille traditionnelle.

La famille recomposée brise beaucoup plus la filiation traditionnelle (fratrie unie, de même origine sociale, au même héritage) que le couple parental formel sans aucune vie amoureuse, où l’enfant est le centre, l’héritier (matériellement et moralement).

 

Consommation parentale et structure familiale

Si l’on définit la parentalité en fonction de la vie amoureuse parentale, on se base d’un point de vue du parent consommateur. Si l’on définit la parentalité du point de vue de la filiation, on se place du point de vue de la structure familiale, tournée vers l’enfant.

La structure familiale peut laisser libres les choix individuels. L’erreur n’est pas de privilégier une sexualité sur une autre, mais de mettre la vie amoureuse au centre du débat – au lieu de la structure familiale qui entoure l’enfant. Si l’on pouvait revenir à un mode de vie où le couple ne serait pas la structure fondamentale de la société, tant sur le plan économique que psychologique et social, l’homosexualité et tous les autres types de sexualité seraient possibles sans qu’ils interfèrent avec la construction d’une famille. En quoi un homosexuel peut se permettre d’escamoter une mère pour son enfant ? En quoi deux personnes sont obligées d’être amoureuses pour fonder une fratrie ?

 

Le couple tentaculaire

 

Ce n’est pas la vie amoureuse qui établissait traditionnellement la filiation, mais la reproduction hétérosexuelle monogame (deux humains de deux sexes différents avaient des enfants ensemble et si possible seulement ensemble).

On a heureusement détruit le modèle unique couple hétérosexuel. Mais pourquoi garder l’idée de couple ? Il semble que le couple s’est incrusté dans tous les cerveaux pour devenir la norme, qu’il soit hétérophile ou homophile. Le couple serait indispensable à une vie adulte heureuse, à l’éducation des enfants, au bon fonctionnement des entreprises. N’est-ce pas aberrant ? Qu’est-ce qu’un couple ? En quoi l’agglutinement financier, amoureux, sexuel et matériel de deux personnes en un foyer serait le fondement de notre société ?

 

Entériner tout ce qui se vit ?

 

L’Etat officialise. Que doit-il entériner ? La Vérité révélée ou la structure extérieure de la vie des gens ?

La deuxième solution, pour hypocrite et arbitraire qu’elle soit, est moins totalitaire…

Je reconnais que l’Etat commet une violence quand il refuse d’entériner une situation vécue (refus d’héritage entre homosexuels, par exemple). Mais selon moi il commet une violence aussi grosse quand il entérine toutes les situations vécues puisqu’il est alors omniprésent dans les moindres détails de la vie des gens.

Les mentions Féminin/Masculin, Célibataire/vie maritale/divorcé qu’on nous demande de cocher sur les papiers administratifs publics et privés sont des mentions totalitaires. La plupart du temps, elle ne servent à rien d’autre qu’à cerner le profil de l’individu pour mieux le surveiller.

 

Souffrance et quête d’acceptation sociale

Les couples homosexuels demandent une reconnaissance sociale, voire une approbation.

Mais si tout le monde la demandait ? Les célibataires ? Les traditionalistes catholiques, souvent tout autant malmenés que les homosexuels ? 
Les SadoMasochistes ? Les monosexuels ? Les colocataires élevant ensemble un enfant d'un copain mort ? Les végétariens ? Les mangeurs de viande crue ?

Ne vaudrait-il pas mieux lutter ensemble pour la libéralisation psychologique, affective et sexuelle plutôt que pour un entérinement par l’Etat de toutes les situations vécues ? Ne vaut-il pas mieux diminuer le contrôle social plutôt que de le resserrer ?

Quant au rejet dont certaines communautés sont victimes, il faut le condamner en tant que rejet d’êtres humains libres, non en tant que rejet d’un groupe qui pourrait être représenté en tant que tel dans des instances politiques. Car alors l’individu seul perd de sa valeur et doit se fondre dans un groupe donné pour la retrouver.

La vie sera toujours un combat individuel contre la dictature collective. Si la violence est contrôlable dans une certaine mesure, elle est inéluctable. Vouloir éliminer le problème de la violence sociale, c’est vouloir l’étatiser. On sait ce que ça donne… Les hôpitaux psychiatriques et les prisons deviennent obèses.

 

Axel Randers, 2006

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