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lundi, 01 mars 2010

René Lalou : les témoignages sur la Guerre V

 

 

J'ai trouvé le tome I de ce livre dans les affaires de mon grand-père. Publiée en 1946, L'histoire de la littérature française et contemporaine (1870 à nos jours) , de René Lalou, comporte d'assez beaux passages. 
En voici un, que je recopie à l'usage de ceux qui trouvent amusant de lire un critique du milieu du XXème siècle sur la littérature "contemporaine".


Le chapitre « les témoignages sur la guerre » est émouvant, guirlande des traumatisés de 14-18 (cette guerre votée par des députés qui ne la firent point, mais continuèrent leur tranquille vie tandis que la jeunesse masculine française était envoyée à la boucherie).
Des soldats revenants, beaucoup écrirent, sans espoir.

 

La guerre de 14-18 a brisé beaucoup d’œuvres de jeunes écrivains qui commençaient, comme Alain-Fournier et son Grand Meaulnes ; elle a ensuite donné des raisons d’écrire à ceux qui n’en auraient pas eu l’idée sans elle.

Fragments précédents :

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Photo Sara "le monde vu à travers un tesson de bouteille"

 

 

 

V Fin des témoignages des garçons sacrifiés

« Cette guerre a tué le romantisme de la guerre ».

 

Un moment arriva pourtant où il fut admis par la majorité des éditeurs que le public ne s’intéressait plus aux ouvrages sur la guerre.  La riposte fut le prodigieux succès, en 1929, de la traduction du livre de Remarque, À l’Ouest rien de nouveau.



Vers le même temps Norton Cru provoquait un scandale en publiant ses Témoins : les âpres reproches qu’il adressait aux auteurs de livres de guerre étaient souvent justifiés ; mais il méconnaissait le droit qu’a l’artiste de faire des peintures, non des photographies et il refusait d’admettre que le vrai n’est pas toujours vraisemblable. Parmi les livres qui échappaient à ses critiques citons les Carnets d’un fantassin, de Charles Delvert, l’un des défenseurs du fort de Vaux.



Sous le bombardement Delvert écrivait : « cette guerre a tué le romantisme de la guerre ». La phrase pourrait servir d’épitaphe aux trois témoignages parus en 1930 : l’inexorable Ce qui fut sera d’Henri Barbusse, épilogue et synthèse du Feu ; la Peur, de Gabriel Chevallier où l’accumulation des « petits faits vrais », jugés par un disciple de Stendhal, aboutissait au plus cruel réquisitoire ; les tragiques « prises de vue » qui font ressembler le Noir et Or d’André Thérive au film de Pabst, Quatre de l’Infanterie, et laissent la même impression d’une atroce épreuve subie par les hommes mais reniée par l’esprit.
« Le Feu, c’est un beau bouquin. Il est presque vrai. Y a qu’une chose, c’est trop romantique, trop en théâtre » : ainsi parle un des personnages d’Henry Poulaille dans l’hallucinante et minutieuse reconstitution du Pain de Soldat (1937). En nous livrant, la même année, ses Souvenirs de Guerre, le philosophe Alain affirme que ces expériences renforcèrent sa conviction que la tâche la plus urgente était, selon les exemples de Socrate et Descartes, de « massacrer d’abord les lieux communs ».

 


Assurément tous les anciens combattants n’exprimeraient point aujourd’hui le sentiment d’une gigantesque duperie avec la verdeur rabelaisienne que déploie Jolinon dans Fesse-Mathieu et l’Anonyme (1936). Mais on ne saurait étudier la littérature des années 1920-35 sans tenir compte de ces deux faits : elle est pour la plus grande partie d’hommes qui ont connu les souffrances de la guerre ; l’immense majorité de ces hommes est arrivée tôt ou tard à la conclusion que leurs souffrances auraient pu être évitées et qu’elle n’avaient même pas assuré le triomphe des idées pour lesquelles ils avaient lutté.



René Lalou

 

 

 

Fragments précédents du même chapitre du livre de René Lalou :

 

 

dimanche, 28 février 2010

Mouvement brownien et fonctions harmoniques

 

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Manuel et édith par Sara

 

Laurent Moonens nous propose un voyage très romantique, aux confins mathématiques, là où se rencontrent les probabilités et l'analyse. Lui-même, pourtant souveraienement serein, s'exclame, bluffé, à la fin de son article : « Finalement, voici presque qu'une expérience de physique nous aiderait à résoudre un problème mathématique ! » Voilà qui nous coupe le souffle !

 

Mouvement et fonctions (brownien et harmoniques !)


(Cliquez sur le lien ci-dessus pour lire l'article en pédéhaif)

 

à propos de Laurent Moonens

samedi, 27 février 2010

la phrase qui ouvrit l'année 2010

 

 

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Image Science and Analysis Laboratory, NASA-Johnson Space Center.
 
 

"Les animaux ont beaucoup de grandeur. Dans leur silence intérieur,
ils sont animés par de grands sentiments".

 

Sara, Premier janvier 2010

 

vendredi, 26 février 2010

In Memoriam Gange

Ma chère Gange est partie en novembre 2002 voir ailleurs si on y était. Pour le dire plus brutalement : novembre 2002 est le mois de sa mort. Dès les jours suivants, on nous demandait : "et vous allez prendre un autre chien ?"

Il y a quelques jours, ce fut le tour de Lune de quitter ce monde, laissant Catherine, son humaine, et Têtue, sa fille, seules face à face dans la douleur partagée. La grande Lune qui hanta l'appartement du 13, boulevard M. quelques jours et qui faisait si peur aux voisins.

Perdre un être cher : qu'il soit homme ou chien, une seule chose change : le regard d'autrui. Le degré de légitimité qu'il accorde à notre peine.

Et c'est au fond assez amusant de savoir que les gens mettent des notes aux tristesses des autres.

"Everybody got this broken feeling
Like their father or their dog just died"

Leonard Cohen in Everybody knows

gange,blason,in memoriam

Mais je sais que nous sommes un poisson

Toi et moi quelque part nous nageons dans l'océan

Tu es je ne sais où, je suis toujours ici

Mais au fond nous sommes un poisson

 

Ton départ a tout effacé, sauf ta présence.

Tes cendres frémissent dans leur boite,

Sur le piano.

Et je ris lors des grands dîners,

Je ris derrière mon masque.

Car je sais que nous sommes un poisson.

 

Tu as quitté ton corps,

Dans la mort.

Et j'ai quitté le mien, (l'air de rien)

Pour te suivre.

Voilà comment nous sommes devenues poisson.

 

Comme toujours, silencieuses,

Et comme toujours, amoureuses

De cet océan seul et immense,

Salé et sans souci

Qui nous noie inlassablement.

 

Seules certaines musiques

Endiablées mais lentes

Seules quelques musiques

Lancinantes

Laissent le poisson

Coloré

Nager dans l'air chaud du salon

 

Certains yeux nous voient

Je le vois

Certains yeux nous voient

Faire phe phe phe

Dans les vagues de fumée

 

Et sans drogue

Soeur de coeur

Sans alcool ni opium

Rien que le souvenir

De ton regard sans fond

Coeur de soeur

Pour rejoindre les fonds

Bas fonds

Tréfonds

De l'océan universel

Dans lequel

Toi et moi,

Le poisson,

Nous nageons.

 

Oui je sais que nous sommes un poisson

Toi et moi quelque part nous nageons dans le néant

Tu es je ne sais où, je suis je ne sais qui

Et c'est fou, nous sommes un poisson...

 

Au fond de mes yeux astrologues

Mon amour soeur

De mon ventre océanographe

Mon amour chienne

De mon coeur astrophysicien

Mon amour Gange

Au creux de mes mains géographes

 

La planète, petite comme une bulle

Ronde comme une pastille dans un tube

Danse

Et l'univers immense et nébuleux

Mène la transe

C'est ainsi que je sais

Que je sens

Que toi que moi que nous

Sommes Une

Nageant

Dans l'océan

Qu'importe que je parle à d'autres gens ?

Que je sois quelque part, à quelque moment ?

Puisque le temps n'est qu'un mirage

Et l'espace invisible...

Si le réel n'est que la vérité,

Nous ne faisons qu'une

Et nous faisons phe phe phe

 

Ton départ a tout effacé

Sauf mon absence

Et les cendres de mes cigarettes

Près du piano.

Et je ris lors des grands dîners

Je ris derrière mon casque.

Car je crois que nous sommes un poisson.

 

Certains yeux nous voient

Je le vois

Certains yeux nous voient

Faire phe phe phe

Dans l'écume-fumée.

 

 

Edith de Cornulier-Lucinière

 

jeudi, 25 février 2010

Fightclub : l'avertissement

Fightclub, quelques mots avant un film

 

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photo Sara

 

 

"Si vous lisez ceci, alors cet avertissement est pour vous. Chaque mot que vous lisez de ce texte inutile est une autre seconde perdue dans votre vie. N'avez-vous rien d'autre à faire? Votre vie est-elle si vide que, honnêtement, vous ne puissiez penser à une meilleure manière de passer ces moments? Ou êtes-vous si impressionné par l'autorité que vous donnez votre respect et vouez votre foi à tous ceux qui s'en réclament? Lisez-vous tout ce que vous êtes supposés lire? Pensez-vous tout ce que vous êtes supposés penser? Achetez-vous ce que l'on vous dit d'acheter? Sortez de votre appartement. Allez à la rencontre du sexe opposé. Arrêtez le shopping excessif et la masturbation. Quittez votre travail. Commencez à vous battre. Prouvez que vous êtes en vie. Si vous ne revendiquez pas votre humanité, vous deviendrez une statistique. Vous êtes prévenu..."

 

FightClub, avertissement au début du DVD

mercredi, 24 février 2010

René Lalou : les témoignages sur la Guerre IV

 

J'ai trouvé le tome I de ce livre dans les affaires de mon grand-père. Publiée en 1946, L'histoire de la littérature française et contemporaine (1870 à nos jours) , de René Lalou, comporte d'assez beaux passages. 
En voici un, que je recopie à l'usage de ceux qui trouvent amusant de lire un critique du milieu du XXème siècle sur la littérature "contemporaine".


Le chapitre « les témoignages sur la guerre » est émouvant, guirlande des traumatisés de 14-18 (cette guerre votée par des députés qui ne la firent point, mais continuèrent leur tranquille vie tandis que la jeunesse masculine française était envoyée à la boucherie).
Des soldats revenants, beaucoup écrirent, sans espoir.

 

 

La guerre de 14-18 a brisé beaucoup d’œuvres de jeunes écrivains qui commençaient, comme Alain-Fournier et son Grand Meaulnes ; elle a ensuite donné des raisons d’écrire à ceux qui n’en auraient pas eu l’idée sans elle.

 

Les premiers fragments de ce chapitre, publiés sur ce blog :

 

I Henri Barbusse, le Feu

II Georges Duhamel, la Vie des martyrs

III Roland Dorgelès, les Croix de bois

 

 

foot tesson.jpg

 

 

 

IV Voix d’hommes meurtris et panorama pêle-mêle d’après-guerre.


… "une attitude originale de l’homme façonné par la guerre".

 

Après ces œuvres maîtresses, le lecteur accueillant ne refusera pas d’entendre d’autres témoignages. La Flamme au poing d’Henry Malherbe lui apportera les notes d’un combattant cultivé groupées autour de trois thèmes : Souvenir, Amour et Mort.
Dans Nach Paris, Louis Dumur, auparavant connu pour d’amusantes peintures du calvinisme genevois, a dressé un réquisitoire contre les atrocités allemandes.


Jean des Vignes Rouges a voulu, dans André Rieu, officier de France, exposer le point de vue des chefs, tandis que Raymond Lefebvre et Paul Vaillant-Couturier, auteurs de la Guerre des soldats, renchérissaient sur l’antimilitarisme de Barbusse.
Adrien Bertrand, dans les récits et conversations de l’Appel du sol ainsi que dans les dialogues de l’Orage sur le jardin de Candide a livré les confidences d’un agrégé de philosophie, disciple d’Anatole France, qui se sent « une cellule de la nation », entend « l’appel de la terre française » et meurt en héros « pour que la France continue ».
Paul Reboux, dont l’inspiration versatile s’était tournée successivement vers Paris, Naples, la Bretagne et l’Espagne, composa en deux volumes les Drapeaux, œuvre de propagande antimilitariste qui tente d’annexer au roman la science des statistiques : peut-être y apporta-t-il à piper les dès un peu de cette adresse qui le fit baptiser « roman nègre » son Romulus Coucou, dont le héros est un mulâtre.
Dans Indice 33, Alexandre Arnoux a construit un récit dramatique ; sa verve de conteur s’atteste aussi bien dans les histoires militaires du Cabaret que dans La Nuit de Saint-Barnabé, alerte document sur l’imagination des gosses parisiens de 1920.
Marcel Berger, dont l’Homme enchaîné avait traité gauchement mais loyalement un problème complexe, raconta dans Jean Darboise la vie en grisaille des hommes du service auxiliaire ; avec les Dieux tremblent, il essaya de matérialiser la haine vengeresse d’un blessé pour ceux que la tourmente a épargnés mais noya cette idée intéressante sous des péripéties mélodramatiques.



Paul Géraldy avec cet art de ramener tout haut sujet à un dialogue de salon dont ses Noces d’argent font la démonstration, décrivit dans
la Guerre, Madame
, une journée à Paris pendant l’automne 1915, suggérant la grandeur des événements, représentant avec une fidèle facilité le snobisme de certains milieux ; il n’épuisa point son sujet puisque Maurice Level put écrire Mado ou la Guerre à Paris, qui tient ce que promet son titre.
On aurait pu attendre de l’expédition à Salonique un renouveau d’orientalisme : À Salonique, sous l’œil des Dieux, de J.-J. Frappa ne nous leurre d’aucun mirage poétique. Quant au passage des Anglo-Saxons en France, Marcel Prévost prit soin qu’il en demeurât au moins un souvenir comique : Mon cher Tommy leur légua une image de jeune fille française à leur usage, en n’omettant point, il est vrai, de leur apprendre qu’en de certaines épreuves « on a besoin de faire appel à toute sa fermeté britannique pour se raidir contre l’arrêt de sa volonté divine ».
Benjamin Vallotton est le créateur de Potterat, commissaire de police en retraite, porte-parole du bon sens vaudois, de sa révolte contre la violation de la neutralité belge et contre la consigne de neutralité suisse. Outre À tâtons, roman sur les aveugles de guerre, il a décrit, dans Ceux de Barivier, l’histoire tragique d’un village savoyard pendant la lutte. On retrouve l’humeur narquoise de Ce qu’en pense Potterat dans son Achille et Cie, satire d’une famille de nouveaux riches installés dans un château historique avec leur singe symbolique. Les ouvrages de Vallotton sont des articles d’exportation.



Il y a dans ces derniers livres beaucoup de littérature, parfois assez inutile. On en rendra donc mieux justice au sobre réalisme du caporal Georges Gaudy dans l’Agonie du Mont-Renaud, au mélange aimable d’humour et d’esprit des Silences du Colonel Bramble, et Discours du Docteur O’Grady par André Maurois, à la verve savoureuse de Pierre Chaine, auteur des Mémoires d’un rat et des Commentaires de Ferdinand, et aux ironiques récits de la vie dans un dépôt que Jean Gaultier-Boissière, l’un des rédacteurs du Crapouillot, a réunis dans Loin de la Rifflette.


Parmi les récits de combattants, signalons encore Ma Pièce de Paul Lintier et Sous Verdun de Maurice Genevoix ; on pourra ajouter, pour les territoriaux, les Pépères la Victoire du critique Jean Valmy-Baysse et l’Héroïque pastorale de Louis Vuillemin, variations d’un musicien au grand air de la guerre.
La vie populaire pendant la guerre a été peinte dans la Maison à l’abri par Marcel Martinet qui est aussi un poète véhément et l’apôtre d’un « art prolétarien » ; les problèmes moraux de l’immédiate après-guerre ont été évoqués avec une rare loyauté par Jean Schlumberger dans le Camarade infidèle. Mais il faut tirer hors de pair cet extraordinaire manuel d’attention morale qu’est le Guerrier appliqué de Jean Paulhan : devant ce livre où le décor de la guerre apparaît renouvelé par une totale absence d’interprétation, par une exacte vision de ce qui fut, non colorée d’enthousiasme ou de découragement, plus d’un lecteur confessera que son esprit, esclave de trop de préoccupations étrangère, a véritablement manqué la guerre et sentira se réveiller en lui la faculté d’observer précise que tous possèdent et que nul n’a su exercer avec cette infaillible maîtrise.



Au surplus, pendant les années qui suivirent, les échos de la guerre n’ont pas cessé de retentir dans la sensibilité contemporaine, témoin le Sel de la terre, de Raymond Escholier, carnet de route féroce et mystique sous la morne lumière de Verdun, ou cet implacable cauchemar,
Ils étaient quatre
, d’Henry Poulaille. Avant les reportages romancés et précis des Captifs et des Cœurs purs, Joseph Kessel avait prêté, dans l’Equipage, un intense relief dramatique au roman de l’aviation.
Joseph Jolinon a conduit ainsi un héros qui fut d’abord un jeune athlète à travers l’enfer, évoqué dans l’atmosphère de cauchemar sarcastique du Valet de gloire, jusqu’aux vilenies de l’après-guerre stigmatisées dans la Tête brûlée. Les nouveaux problèmes ont encore inspiré à Léon Bocquet son émouvant Fardeau des jours, reprise de la vie dans un village des Flandres, à André Lamandé la grande fresque des Enfants du siècle et Ton pays sera le mien qui peint avec une généreuse loyauté, dans une demeure familiale du haut Quercy, le poignant débat d’un cœur allemand et de l’esprit français.

 

Thierry Sandre a été lui aussi marqué par la tourmente : heureux traducteur ou renouveleur d’ouvrages injustement oubliés, éditeur de l’anthologie des écrivains morts à la guerre, il a conté avec une sobre sincérité ses souvenirs de prisonnier dans le Purgatoire. Surtout, il a réussi à démêler et exprimer dans Mienne, confession d’un être en qui les ressorts de la volonté sont brisés, et dans le Chèvrefeuille, douloureux monologues sur la fragilité de l’amour, une attitude originale de l’homme façonné par la guerre.

 

 

RENÉ LALOU

 

mardi, 23 février 2010

Brouillard de mots, dans la brume des maux

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Phot : Frère Samuel de la Sainte-Cigarette, par Sara

 


podcast

lundi, 22 février 2010

Le Docteur Porstmann, la Reine d'Angleterre et racine carrée de 2

 

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Image Science and Analysis Laboratory, NASA-Johnson Space Center.

Une contribution mathématique à AlmaSoror datant du début de l'an 2008. à charger en pédéhaif ci-dessous...

Laurent Moonens descend de son nuage abstrait, charmé par sa récente compréhension du format du papier. Il nous fait partager (mathématiquement quand même) sa récente découverte. Le mathématicien belge en profite abusivement pour blaguer le mariage royal du président français.

 

Le format A : hommage au docteur Porstmann, à la reine d'Angleterre et à racine carrée de 2

 



 

à propos de Laurent Moonens

 

dimanche, 21 février 2010

Oui !


Dire oui en finnois, par M.G.

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Louvre par Sara



Chère lectrice, cher lecteur,




Saviez-vous qu’en finnois il existait différentes manières de dire « oui »? Je ne parle pas ici de transformations dérivées de « oui » et de « non » telles que « ouais » ou «ouaip ». En finnois, il existe des mots vraiment différents. Des « oui » plus ou moins sûrs, des « oui » d’écoute ou de compréhension, des « oui » de surprise ou d’assentiment.




1) L’interlocuteur est sûr de ce qu’il dit. Il reprend seulement le verbe et le conjugue, ou ajoute joo/ kyllä (plus littéraire que joo) en début de phrase



A :Oletko Mika ? (Es-tu Mika ?)

B: Olen. (Je suis)



A) Oletko Mika ?(Es-tu Mika?)

B) Joo, olen. (Oui, je suis)



A) Oletko Mika ? (Es-tu Mika?)

B) Kyllä, olen. (Oui, je suis)



2) L’interlocuteur écoute et le montre en disant ”niin”, sans forcément être d’accord avec ce qu’il entend



A: Mika on mies. (Mika est un homme)

B: Niin. (oui)

A: Marja on näinen. (Marja est une femme)

B: Niin. (oui)

A : Mika ja Marja ovat hyviä ystäviä. (Mika et Marja sont bons amis)

B: Niin. (oui)



3) L’interlocuteur est tout à fait d’accord



A:Mika ja Marja ovat hyviä ystäviä

B: Aivan ! (oui, tout à fait)



4) L’interlocuteur est surpris

A. Mika ja Marja ovat hyviä ystäviä

B. Aivan? (Ah oui ?)



Voilà, pour cette petite explication sur les différentes manières de dire « oui » en finnois. Pouvoir jouer avec ces différents « oui » peut être un véritable régal pour le Français qui ne connaît que oui et si. A bientôt !



Manuel Gerber


Bruxelles

manuelgerber@gmail.com

 

samedi, 20 février 2010

La derrota del césar

 

 

arbres se refletant .jpg

 

 

Dejó en el lecho a la tierna gacelilla, paladeando aún el eco de sus últimos gemidos. La luz del aseo le devolvió, al otro lado del espejo, una reminiscencia de brillo depredador que insuflaba algo de vida a los ojillos oscuros y algo enrojecidos que le miraban, cercados por incipientes arrugas. La ceja ligeramente arqueada, aunque despeinada, establecía una sutil complicidad autosatisfecha con la leve contracción en la comisura izquierda de los finos y apretados labios. Cierta dilatación en las fosas de la pequeña nariz aportaba algo de intensidad al conjunto. Sin embargo, ajenos del todo a esa conexión, los prominentes y sonrosados mofletes prestaban a aquel ensayo de mirada un inesperado envoltorio de redondez que encontraba en la parte superior cierta coherencia o hasta plenitud en una extensa y reluciente calva blanca. A los lados de la esfera, subrayando la separación entre el hemisferio encendido y el pálido, unas azarosas greñas grises de considerable extensión aspiraban a una tortuosa horizontalidad, a modo de excesiva e indisciplinada corona de laurel. Entonces, de manera casi imperceptible, la ceja descendió, cesó la dilatación nasal, se entreabrieron los labios y el rubor se intensificó en las mejillas. Apagó la luz.

 

Antonio Zamora

vendredi, 19 février 2010

Les sacrifiés

Marin Dupondt nous envoie cette réflexion étrange, écrite sur son I-Phone
sous un bigaradier portugais.

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Princesse Florence, par Sara

 

 

Les monarchies européennes actuelles ne respectent pas la dignité de certaines personnes : les rois. 
Les rois ont un pouvoir symbolique qui les prive de leur pouvoir citoyen (la plupart n'ont pas le droit de vote) sans leur donner de pouvoir monarchique. Ils n'ont donc aucune voix ! Mieux vaut donc être un citoyen dans le plein exercice et dans la jouissance de ses pouvoirs qu'un monarque castré, privé des biens et des pouvoirs du monarque et du citoyen !

Les honneurs ne relèveront jamais personne d'un déshonneur.

 

 

NB : Dieudonné Beanclair me fait part d'une idée : ce sont des sacrifiés, qui représentent l'ancien monde. Ils jouent le rôle du poids mort de l'horloge dont parlait Bernadette Soubirous.

 

Marin Dupondt

jeudi, 18 février 2010

Un père

 

Souvenirs d'enfance de Chateaubriand : la présence du père.

 

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Les soirées d'automne et d'hiver étaient d'une autre nature. Le souper fini et les quatre convives revenus de la table à la cheminée, ma mère se jetait, en soupirant, sur un vieux lit de jour de siamoise flambée ; on mettait devant elle un guéridon avec une bougie. Je m'asseyais auprès du feu avec Lucile ; les domestiques enlevaient le couvert et se retiraient. Mon père commençait alors une promenade, qui ne cessait qu'à l'heure de son coucher. Il était vêtu d'une robe de ratine blanche, ou plutôt d'une espèce de manteau que je n'ai vu qu'à lui. Sa tête, demi-chauve, était couverte d'un grand bonnet blanc qui se tenait tout droit. Lorsqu'en se promenant, il s'éloignait du foyer, la vaste salle était si peu éclairée par une seule bougie qu'on ne le voyait plus ; on l'entendait seulement encore marcher dans les ténèbres : puis il revenait lentement vers la lumière et élergeait peu à peu de l'obscurité, comme un spectre, avec sa robe blanche, son bonnet blanc, sa figure longue et pâle. Lucile et moi, nous échangions quelques mots à voix basse, quand il était à l'autre bout de la salle : nous nous taisions quand il se rapprochait de nous. Il nous disait, en passant : « De quoi parliez-vous ? » Saisis de terreur, nous ne répondions rien ; il continuait sa marche. Le reste de la soirée, l'oreille n'était plus frappée que du bruit mesuré de ses pas, des soupirs de ma mère et des murmures du vent.

 

Dix heures sonnaient à l'horloge du château : mon père s'arrêtait ; le même ressort, qui avait soulevé le marteau de l'horloge, semblait avoir suspendu ses pas. Il tirait sa montre, la montait, prenait un grand flambeau d'argent surmonté d'une grande bougie, entrait un moment dans la petite tour de l'ouest, puis revenait, son flambeau à la main, et s'avançait vers sa chambre à coucher, dépendante de la petite tour de l'est. Lucile et moi, nous nous tenions sur son passage ; nous l'embrassions, en lui souhaitant une bonne nuit. Il penchait vers nous sa joue sèche et creuse sans nous répondre, continuait sa route et se retirait au fond de la tour, dont nous entendions les portes sse refermer sur lui.

Le talisman était brisé ; ma mère, ma soeur et moi, transformés en statues par la présence de mon père, nous recouvrions les fonctions de la vie. Le premier effet de notre désanchantement se manifestait par un débordement de paroles : si le silence nous avait opprimés, il nous le payait cher.

 

François-René de Chateaubriand in Les mémoires d'outre-tombe

 

mercredi, 17 février 2010

La nouvelle religion

Humanité, être humain
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Florence & Édith by Sara

 

Le politiquement-correct et la sacralisation de l'humanisme, devenu non plus seulement une volonté positiviste, mais une croyance, mènent à l'idolâtrie.

De cela surgit le rétablissement du blasphème, l'interdiction de la pensée iconoclaste.

Puiqu'il y a blasphème lorsqu'on remet en question une certaine idée de l'homme, de l'humanité, cet humanisme ne peut pas être considéré comme une pensée athée, bien qu'elle ne croit pas en Dieu. Car l'athéisme ne reconnait pas de blasphème.

Nous voyons donc l'éclosion d'un humanisme religieux.

Toute religion suppose un culte. Le culte de cet humanisme religieux est d'abord un culte linguistique. Toute parole exprimant le recul vis à vis de cet humanisme est assimilé à son objet. C'est à dire que la parole d'une personne est assimilée à une croyance : dire une idée, c'est y être assimilée.

Ceci implique le retour des imprécations magiques : on ne peut prononcer des idées en désaccord avec l'humanisme religieux sans précautions oratoires. Ces précautions oratoires visent à éloigner de soi l'essence de l'idée qu'on va relater. Avec force répétitions, on exprime des imprécations et condamnations des idées qu'on mentionne, pour s'assurer la bienveillance du clergé. Le clergé, c'est toute la société.

La peur de la déviance crée un retour de l'exorcisme. L'exorcisme a lieu comme un lavage  de cerveau, par une rhétorique accompagnée de supports visuels insérés partout, dans les lieux et les documents publics et semi-publics.

Nous sommes revenus à l'interdit verbal. Toutes les idées ne sont pas prononçables, ou alors elles doivent être accompagnées d'imprécations.

Le politiquement-correct et la sacralisation de l'humanisme, devenu non plus seulement une volonté positiviste, mais une croyance, mènent à l'idolâtrie.
C'est pourquoi notre société renoue depuis quelques années avec le blasphème, le culte, les imprécations, l'exorcisme et l'innomable.

La difficulté de cerner cette nouvelle religion vient du fait qu'elle ne se reconnaît pas comme une religion, ni comme une théologie, mais comme la vérité morale indépassable.

 

Axel Randers, Édith de Cornulier-Lucinière et Esther Mar

(Cet article est issu du Dictionnaire de la délivrance psychique (inachevé), supervisé (voire hypervisé) par Conan Kernoël.

 

lundi, 15 février 2010

Chutes et créations des civilisations

 

Texte & photo par Sara

 

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Édith & Laure à Saint-Georges de Didonne

 

 

La Gaule, au VI° siècle.
Cela fait un siècle que les francs ont déferlé sur la Gaule avant et après d'autres peuples barbares, venus du nord et de l'est. L'empire romain d'occident s'est écroulé doucement. Les structures anciennes tiennent tant bien que mal : les sénateurs restent les personnages importants du pays.
Le christianisme s'installe. Les évêques sont souvent choisis dans les vieilles familles gallo-romaines. C'est le cas de Grégoire de Tours, l'auteur de "L'histoire des francs".

Cependant, le faste, la haute culture romaine, elle-même héritée des grecs, s'effondre. Les gens, issus de famille autrefois cultivées, le savent : cela les inquiète, ils s'en plaignent. Conscient de l'insuffisance de sa propre instruction, Grégoire de Tours décide cependant d'écrire ce qu'il voit, ce qu'il vit. C'est grâce à lui que les historiens connaissent cette période mieux que celles qui vont suivre.

"Le culte des belles lettres est en décadence et même il se meurt dans les villes de Gaule. Aussi tandis que de bonnes et mauvaises actions s'accomplissaient, que la barbarie des peuples se déchaînait, que les violences des rois redoublaient, que les églises étaient attaquées par les hérétiques et protégées par les catholiques ;(…) on ne pouvait trouver un seul lettré assez versé dans l'art de la dialectique pour décrire tout cela en prose ou en vers métriques. Souvent beaucoup se lamentaient en disant : "Malheur à notre époque parce que l'étude des lettres est morte chez nous et qu'on ne trouve dans le peuple personne qui soit capable de consigner par écrit les événements présents". Or comme je ne cessais d'entendre ces réflexions et d'autres semblables, je me suis dit que pour que le souvenir du passé se conservât, il devait parvenir à la connaissance des hommes à venir même sous une forme grossière. (…) Mais tout d'abord je prie les lecteurs de m'excuser si dans les lettres et les syllabes, il m'arrive de transgresser les règles de l'art de la grammaire que je ne possède pas pleinement."

Un millénaire auparavant, Thucydide, l'historien grec, écrit une œuvre inachevée sur les guerres qui ont provoqué la chute d'Athènes. Toute la différence est là, dans le style. A travers les traductions, on sait que Thucydide est un auteur d'une civilisation accomplie, qu'il bénéficie d'une haute culture. Pourtant lui aussi raconte la détresse des hommes de son pays :

"Il est clair que le pays appelé aujourd'hui Hellade n'était pas autrefois habité de façon stable. Il fut à l'origine le théâtre de migrations et les populations abandonnaient sans résistance les terres qu'elles occupaient, sous la pression des nouveaux arrivants qui se trouvaient être chaque fois plus nombreux. Le commerce était inexistant. Par terre comme par mer, les communications étaient peu sûres. On ne tirait du sol que ce qui était strictement nécessaire pour subsister et il n'y avait pas d'excédent qui permit de capitaliser. On ne faisait pas de plantations, car on se demandait toujours s'il n'allait pas survenir à un moment ou à un autre quelque intrus qui s'en approprierait le produit et cela d'autant plus facilement qu'il n'y avait pas de murailles. Comme on pensait pouvoir trouver n'importe où la subsistance journalière, on décampait sans difficulté."


Seulement, pour lui c'est du passé. Il vit dans la plus ville la plus célèbre et la plus enviée de son temps. Il ne sait pas qu'il décrit le début de la chute de sa civilisation. De même que Grégoire ne sait pas qu'il raconte les débuts d'une grande civilisation, en croyant décrire la fin de celle dont il est issu.

Deux livres pour inciter à méditer sur notre civilisation.

 

Sara

 

dimanche, 14 février 2010

Vol de pluie

 

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Vol de nuit fut une de mes lectures favorites et j’en rêve la nuit quand je vole. Mais avant de voler de nuit j’ai volé de pluie. Et la première expérience était imprévue : j’ai décollé au sec ; je me suis pris la flotte, averse sévère, au bout d’une demi heure de vol. J’ai cru que j’allais mourir au début, et j’avais peur. Et puis j’ai adoré.

La pluie à terre c’est déjà pas mal. La pluie dans un lac ou dans la mer c’est une expérience magique. La pluie dans le ciel : indescriptible. Les sensations s’effacent toutes, sauf celle de se déployer à travers les gouttes. Bruits, mouvements, tout est goutteux. On est tout mouillé et on voudrait devenir EAU.

 

Siobhan H