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lundi, 23 novembre 2009

Terra libra

 

 

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"Sortie de bain" - Peinture de Sara 

 

 

Je cherche une terra libra, je cherche ma terra libra 
 

Où vivre grande et forte et belle, plantée sous les étoiles du soir, plantée sur la terre au zénith, les bras tendus vers le ciel et les cheveux bardés de vent. 
 

Terra libra, tes rivages dorment au fond d’une mer inexplorée,
 

Et tes enfants croquent aux fruits des arbres, leurs jambes ruissellent de l’eau des sources et leurs yeux songent avec sérieux 
 

Terra libra, je te rejoins quelquefois. 

 

 

Ta musique fait peur et fait du bien, elle réveille toutes les images qui dormaient dans mon cœur, je laisse partir les maux de ma vie d’adulte, je laisse partir les mots de l’administration, les mots de la soumission, et je rejoins ta latitude splendide, d’où pleuvent des montagnes encore vierges.

 

 

Ta musique fait trembler et tes rythmes nous entraînent, nous sommes fascinés, emmenés dans ton monde ex mundo. 
 

Des joues amies se tendent pour être embrassées ; des mains s’approchent de mon visage et prennent mes mains ; des meutes de loups hurlent et courent à perdre haleine dans tes collines peuplées de forêts. Et nous plongeons dans tes lagons aux deux crépuscules du jour. Ta longitude s’allonge infiniment, tes cotes se déploient indéfiniment, tu es la terre des êtres libres, tu es la terre des rêves morts nés, ils ont trouvé refuge dans tes cheveux d’herbe folle, dans les bras de terre glaise, dans tes chemins de cendre et de galets. 

 

 

Et quelque fois il neige, quelque fois la neige te recouvre entièrement, Terra libra. Alors tu deviens blanche comme aux premiers temps du monde et tu purifies tes entrailles. Tu ressembles à une terre sainte, à un poisson géant étendu sur une mer de sel, le ventre au ciel crevé. Des guitares dans le ciel tintent, des flocons tombent, terra libra, je siffle sur tes routes et mes pas ne laissent aucune trace. 
 

 

Et quelques fois tes flûtes s’en mêlent et papillonnent un air de danse qui fait tomber des éclats de rire !

 

 

Tes enfances sont douces et elles sont éternelles. Elles font pleurer souvent, quand la chair des pommes est pourries ou qu’on rencontre une souris morte. Elles font rire quand les jeux se prolongent bien au-delà du jour, bien au-delà du temps, là où il n’y a plus de bornes à l’espace.
Et qu’ils sautillent, ces doux enfants, dans leurs habits de pourpre et de fumée ! Ils enjambent, ils tournent, ils dansent sans chercher à danser. Ils savent comment on prie sans prier. Ils ne connaissent pas les rivages pourris des quérulences et des sexualités. Ils n’ont que leurs jolis manteaux d’étonnement, leurs doux sourires d’hiver, leurs mains petites et malhabiles qui apprennent à créer. 
 

Tes enfances poussent et elles sont éternelles. 

 

 

Mais j’entends une voix. C’est sur terra libra qu’elle chante. Elle habille le paysage d’un chant qui conte le temps des temps qui n’en finit pas, le conte des contes, le matin des matins, l’ultime monde, celui qu’on cherche tous au fond de notre prison de larmes et de sueurs, ce monde du jour perdu, le jour parfait qui nous habite et nous traverse sans jamais nous dévorer, le jour où nous sommes enfin guéris de la douleur d’amour. 
 

Violons, accompagnez parfois la voix libre de Terra libra. C’est une voix de femme et les mains qui tiennent vos archers sont masculines. Mais seuls les enfants frôlent de leurs pieds parfaits le sol immaculé de Terra Libra. 

 

édith de CL 

 

 

dimanche, 22 novembre 2009

Du théorème de Bolzano au théorème de Brouwer

 

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En mai de l'an 2007, Laurent Moonens nous proposait un article mathématique intitulé "du théorème de Bolzano au théorème de Brouwer". Le voici en pédéhaif ici :

Les amis Bolzano, Brouwer et leurs théorèmes

 

Pour en apprendre plus sur Laurent Moonens, voici sa page ; et quelques vidéos de lui sont visibles ici.

samedi, 21 novembre 2009

Canada Valentina

 

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Valentine morning se souvient de son enfance montréalaise dans cet enregistrement à la radio bordure de 2062. La nièce d'Edith Morning y raconte sa vie montréalaise après la mort de ses parents, chez sa tante qui les avait recueilli, elle et ses frères. Elle chante ensuite la chanson que leur mère bordure leur chantait pour les endormir, en leur parlant de son lointain pays. 

Nous remercions l'institut de conservation des archives radiophoniques de Bordurie de nous permettre cette (rare) retransmission. 


podcast

vendredi, 20 novembre 2009

L’eau de vie de pomme (et les archives d’AlmaSoror)

 

 

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Photo de Sara


 

Sais-tu que je bois de l’eau de vie, le soir, en dégustant mes bons fruits cuits, en écoutant le piano tendre de Ludovico Einaudi, mp3 volés à ma soeur un jour où je squattais son ordinateur, et sais-tu que je repense aux amitiés blessées, brisées, et aux rêves que je faisais lorsque j’avais quinze ans ? Et le piano accompagne ces moments lents et beaux et le feu crépite dans la vieille cheminée du vieil appartement du 13. Et la voix de mon frère dans ma mémoire, et le rire de ma soeur dans ma mémoire, et la présence-tension de mon père dans ma mémoire flottent autour de moi alors que leurs corps et leurs coeurs vivent leurs vies dans leurs villes. 


Et le caméscope filme : car je succombe aux règles de l’art individualiste qui ne chante plus son Dieu, mais son image dans le miroir. J’installe la caméra et je dîne aux chandelles, seule avec le film que je suis en train de faire et qui dévoilera ce que fut une vie anodine, esthétisée par goût et par nécessité. 


Et la musique se balance, nostalgique, tandis que mon regard intérieur remonte le temps, traverse ces années écoulées, retourne au Pérou, à la Casa Elena. Souvenir de visages et de voix si éloignées de ceux qu’on trouve par ici. 

Quelquefois j’ai l’impression que la vraie solitude, la plus belle, la plus pure, la plus déroutante, la plus dangeureuse, est une invention européenne. Une des grandes découvertes qui ont détruit et construit le monde.


C’est au creux de cette drôle de solitude, frustration créatrice en mouvement insaisissable, que sont nées certaines photos et certains textes qu’AlmaSoror a publiés, depuis sa naissance en septembre de l’an 2006.


Et je voudrais me ressouvenirs des jours où je reçus, dans mon électro-boite aux lettres, ces textes qui firent le miel d’AlmaSoror et qui demeurent ses fondations. 

Il y eut l'épiphanie d'Esther Mar : sa quête d'intemporel. 
Il y eut ce mail, pas si vieux, de Katharina FB, que nous traduisimes, Kyra et édith, pour le rendre lisible ici. Ce mail qui parlait d'Anne-Pierre Lallande, l'ami parti.
Il y eut l'énervement de Nadège Steene, après un apéro chez ses voisins...
Le mélange de littératures sur les Italiennes, de Sara, court encore.
Le tout premier numéro d'AlmaSoror, celui qui sortit le 20 septembre 2006, contenait un hommage à Alan Turing, l'assassiné.
Laurent Moonens s'essayait aux "articles vidéo" pour la première fois en nous expliquant pourquoi on ne peut pas réaliser une carte géographique parfaite.
AlmaSoror a publié la première interview au monde de Fredy Ortiz, le chanteur du groupe péruvien Uchpa, en langue quechua. La traduction en espagnol est disponible pour d'éventuels non quechuaphones parmi les visiteurs d'AlmaSoror. 
Un SOS virtuel qui n'avait jamais trouvé de réponse a trouvé, au moins, une oreille ici.
Les manuels scolaires français n'éprouvent pas le besoin de la commémorer, cette journée. Pourquoi ? Cette photo pose la question.
Et merci aux deux Black Agnes de hanter le monde et les cerveaux des enfants noyés dans les corps des grands.
Terminons ce voyage avec une porte sur le grand voyage que pourrait être, pour toi, la lecture de Guerre et Paix.

 

François-Joseph Westermann

 

La rubrique Exterminator rappelle que certains hommes sont fous et qu'ils obtiennent souvent un grand succès. 
 

L'extermination d'autrui a toujours été une activité prisée.

AlmaSoror crée aujourd'hui la rubrique EXTERMINATOR en hommage aux exterminés ; nous espérons aussi, par cette série de courtes citations des bourreaux, contribuer à mettre au jour les méandres intérieurs de ce personnage très présent dans l'histoire des hommes : Exterminator. 

 

Qui est Exterminatator ? Après avoir présenté Exterminator Sennacherib, qui massacra la population de Bablylone, voici Exterminator Westermann, l'homme qui écrasa la Vendée, en éventrant, incendiant, passant les chairs à la baïonnette.

 

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Phot de Sara

 

 

« Il n’y a plus de Vendée. Elle est morte sous notre sabre libre, avec ses femmes et ses enfants. Je viens de l’enterrer dans les marais et dans les bois de Savenay. Je n’ai pas un prisonnier à me reprocher. J’ai tout exterminé ».

 

(lettre au comité de salut public)

 

F-J Westermann, Révolutionnaire français, surnommé le boucher de la Vendée, a une rue dans le vingtième arrondissement de Paris.

jeudi, 19 novembre 2009

Dictionnaire de la délivrance psychique 2

 

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photo de Sara pour VillaBar

 

 

Fonctionnaire : nom commun hermaphrodite. Rouage de l'Etat. Fonctionne entre l'obtention du concours et la mise à la retraite.

 

Sous la direction de Conan Kernoël

mardi, 17 novembre 2009

L'amour en trois volets

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photo Sara

 

 

"le bonheur ne saurait se trouver qu'aux deux pôles des
relations humaines, - là où les mots n'existent pas encore et là où
ils n'existent plus - dans le regard et dans l'étreinte. Là seulement
se situent l'inconditionnel, la liberté, le mystère, l'élan
irrépressible"

Thomas Mann

 

 

 

Lutte contre le soliloque mental perpetuel

 

la vie intellectuelle polémique est comme une tentation du démon. Elle veut nous détourner de la bonne bouffe, des relations agréables avec les humains, les chats et les chiens qui nous entourent, des étoiles qui scintillent à l’écart des villes et de la construction d’une belle oeuvre suivie au long cours. Elle brandit de séduisants hameçons auxquels il est difficile de ne pas prendre et la plupart de ces hameçons sont pourvus de vers pêchés dans l’actualité. 
 

Ne plus penser, étouffer la profusion de mots afin que surgisse le silence. Les mots qui coulent dans la tête toute la journée, pollution mentale, nous tuent. Le mental est pollution, il devrait se taire la plupart du temps. 

 

II

noyade et délivrance

(écoutez  La voix vibrante de Loreena Mc Kennit)

 

L’homme écoutait sans cesse la voix de l’Irlandaise chanter “tango to Evora”. Il sombrait dans la folie de se noyer dans une voix inconnue et cela rappelait la bande dessinée pour les enfants, en deux volumes : Marion Duval et La voix d'Elisa Beauchant ; Athaque à Ithaque (un autre homme y sombre pour une autre voix).
 

La voix faisait taire tout ce qui parle et pense et laissait monter les sensations. la voix était sensation, et se fondre en elle, c’était retrouver le chemin de la petite enfance, l’époque de l’observation des fourmis loin des autres enfants, et surtout, loin des grands. Quand le temps et l’argent n’avaient pas encore mangé le rêve de la vie. 

 

III

L'amour, la fumée

 

...et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour. Nous voulons nous noyer dans un être plus beau et plus grand que les autres. Nous voulons oublier les détails qui tuent. Nous cherchons à broyer nos biles pour entrer dans la lumière, la belle lumière du monde incréé. 

... et c'est ce que nous recherchons, tous, dans l'amour : la fumée des premiers jours.

 

XY, alias José Vengeance Dos Guerreros

 

lundi, 16 novembre 2009

Effigies

 

Par Marin Dupondt-M

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phot Sara pour VillaBar

 

 

A ma soeur bleue marine

 

Je t’aime, je te quitte, ta guitare m’a trahi en chantant ce sommeil qui nous tint à l’écart, qui nous tint éloignés l’un de l’autre, l’un de l’autre, trop de temps. 
 

Je viens, tu repars, et les drogues qu’on achète n’éssuient plus ce chaos, ce chaos qui oppresse, qui opprime nos poitrines en roulant sur les bords des instants. 
 

Toi, tu regardes dans la brise nos écarts et les chiens te comprennent, et les chiens te soutiennent et je reste, bien trop seul bien trop cuit, bien trop noir pour tes chants. 
 

Rire, dans le ciel, pleurer, dans les vagues, crier dans le drame des corps qui cherchent l’éclaboussure de joie, et c’est toi, ma tendresse qui disais, qui disait il fait froid, il fait faim, prends moi dans tes bras. Et c’est toi, ma tendresse, qui disais, qui disait il fait froid, il fait faim, prends-moi dans tes bras. 

 

Marin Dupondt

 

dimanche, 15 novembre 2009

L'Occident

 

 

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... Et l'astre qui tombait de nuage en nuage,

Suspendait sur les flots son orbe sans rayon,

Puis plongeait la moitié de sa sanglante image,

Comme un navire en feu qui sombre à l'horizon ;

 

Et la moitié du ciel pâlissait, et la brise

Défaillait dans la voile, immobile et sans voix,

Et les ombres couraient, et sous leur teinte grise

Tout sur le ciel et l'eau s'effaçait à la fois ;

 

Et dans mon âme aussi pâlissant à mesure,

Tous les bruits d'ici-bas tombaient avec le jour,

Et quelque chose en moi, comme dans la nature,

Pleurait, priait, souffrait, bénissait tour à tour ! ...

 

Ô lumière ! où vas-tu ? Globe épuisé de flamme,

Nuages, aquilons, vagues, où courez-vous ?

Poussière, écume, nuit ; vous, mes yeux ; toi, mon âme,

Dites, si vous savez, où donc allons-nous tous ?

 

À toi, grand Tout, dont l'astre est la pâle étincelle,

En qui la nuit, le jour, l'esprit vont aboutir !

Flux et reflux divin de vie universelle,

Vaste océan de l'Etre où tout va s'engloutir !

 

 

 

Alphonse de Lamartine

Du prisme de Sennacherib

La rubrique Exterminator rappelle que certains hommes sont fous de sang et de destruction ; et qu'ils obtiennent souvent un grand succès. 
 

L'extermination d'autrui a toujours été une activité prisée.

AlmaSoror crée aujourd'hui la rubrique EXTERMINATOR en hommage aux exterminés ; nous espérons aussi, par cette série de courtes citations des bourreaux, contribuer à mettre au jour les méandres intérieurs de ce personnage très présent dans l'histoire des hommes : Exterminator. 

Qui est Exterminatator ? Nous commençons avec Sennachérib, l'homme qui se vanta d'avoir rasé Babylone sans laisser de survivants. 

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"Dans les rues et sur les places traînaient des corps, que personne n’enterrait. La ville a été prise par la famine. Alors commença la tuerie. Je n' ai pas épargné les habitants, ni vieux, ni jeunes. J’ai couvert de leurs corps tous les quartiers. J' ai tout raflé et tout détruit, les maisons ont été ravagées par le feu des fondations aux toits. J’ai creusé des fossés le long de la ville, j’ai inondé ce lieu, j’ai détruit les bâtiments jusqu'aux fondations. J'ai anéanti (Babylone) plus que le déluge ne l’avait fait"

 

Sennacherib (vers 700 avant Jésus Christ)

Propos extrait du prisme de Sennacherib, conservé au musée de Chicago.

 

( On peut lire, en anglais, les ouvrages de Daniel David Luckenbill ; en polonais, celui de Piotr Biziuk)

samedi, 14 novembre 2009

Une éducation en l’an mille quelque chose

 

Un passage émouvant du livre de l’historienne Joan Evans, La civilisation en France au Moyen Âge (1930)

 

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phot Sara

 

 

« Guibert de Nogent, né en 1053, nous a laissé un petit tableau très triste de son éducation d’enfant élevé par un gouverneur particulier.
 

« Quand on me mit à l’étude, j’avais déjà, en vérité, commencé les rudiments, mais je pouvais à peine assembler les éléments les plus simples, lorsque ma mère aimante, préoccupée de me voir étudier, songea à me mettre à la grammaire… L’homme, à qui ma mère projetait de me confier, avait commencé à apprendre la grammaire à un âge avancé, et il était d’autant moins versé dans cet art qu’il en avait eu très peu dans sa jeunesse. Cependant il était si modeste que son honnêteté remplaçait son absence de savoir… Donc, lorsque je fus confié à ses soins, il m’enseigna avec une telle pureté et me garda avec un tel zèle… Qu’il m’empêcha complètement de prendre part aux jeux communs, ne me permettant jamais de sortir sans être accompagné, ni de manger hors de la maison, ni d’accepter aucun présent sans sa permission… Tandis que les autres enfants de mon âge allaient partout à leur guise… Pour ma part, j’étais enchaîné par des contraintes incessantes, et je restais assis dans mon petit manteau de clerc, regardant comme un animal apprivoisé les bandes d’enfants qui jouaient. Mais tandis qu’il m’importunait tant, et que ceux qui nous connaissaient pensaient que mon esprit d’enfant s’affilait à l’extrême, grâce à ces douleurs continuelles, tous les espoirs n’en furent pas moins déçus. Car il ignorait lui-même complètement l’art de la composition, en poésie comme en prose ; si bien que j’étais en butte à une grêle pénible et presque quotidienne de reproches et de coups, lorsqu’il voulait me forcer à apprendre ce qu’il ne savait pas lui-même… La nature fatiguée devrait parfois trouver un remède dans la diversité du travail. N’oublions pas que Dieu forma le monde non pas uniforme, mais avec les changements du jour et de la nuit, du printemps et de l’été, de l’automne et de l’hiver, nous ranimant ainsi par le changement des saisons ». 
 

 

AlmaSoror avait déjà cité cet homme, ici

 

A propos de l’éducation des enfants à cette époque, Joan Evans ajoute : « Saint Anselme est le seul que l’on entende rappeler au maître que les enfants sont des êtres humains comme lui, et qu’ils ont besoin de « miséricorde, de douceur, de pitié, de paroles joyeuses, de patience charitable, et de beaucoup de réconfort de ce genre ». 
 

 

Ainsi, l’homme qui a dit « fides quaerens intellectum » était aussi un frère des enfants…

 

vendredi, 13 novembre 2009

itequint

 

 

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ITEQUNT


Par Jérémie Gallois 


 

AH ! Que j’aimerais me laisser totalement aller, ne plus penser aux petits tracas quotidiens ! Il faut que je prenne des vacances, c’est çà... les vacances que j’ai passé chez mon oncle étaient parfaitement relaxantes, aux Antilles. Si je pouvais me replonger dans un bon bouquin interminable au fond d’un hamac, sur la plage, et m’endormir à l’ombre d’un palmier pour ne me réveiller que la nuit tombée à l’odeur des langoustes grillées.... Concentration, attention, ne te disperse pas... Il est sûrement en train de fourbir un mauvais coup ! Je n’aime pas du tout l’attitude qu’il a depuis quelques minutes, toujours à dévier les yeux, à faire mine de se gratter le nez sans en avoir l’air, à la limite de la décence. Je ne sais pas mais ces mains volubiles ne me disent rien. Elles sont trop pataudes et rondes pour être aussi rapides, cela tient du prodige. Non, pas de doute, cet état d’excitation ne peut provenir que d’un enthousiasme faramineux et vulgaire. De toute façon, je parviendrai à m’en sortir quoi qu’il arrive, j’en ai vu d’autres comme on dit... Les forces et les faiblesses des hommes se voient au quotidien. Cet homme là est et restera fondamentalement un faible. Aucun éclair de génie ne peut le toucher, aucun dieu ne lui insufflera son inspiration créatrice, son brio stratégique, jamais ! Je le vois même quand je croise dans le couloir. Cette manière de descendre les escaliers, tel un métronome, petit à petit, posant l’ensemble de la plante des pieds méticuleusement en prenant garde à chaque marche de ne pas trop aller en avant, de ne pas faire dépasser tous les orteils dans le vide pour ne pas que ses souliers noir, fraîchement vernis et polis à crème protectrice, ne glissent contre le rebord métallique de la marche incurvée le long du long escalier en colimaçon. Bref rien à craindre. Mais je ne comprends pas tout de même comment cela peut être aussi difficile et long! 

 

Il pose enfin, lentement,  les mains sur les lettres, en prend six, quand même et au fur et mesure aligne avec peine le mot « SEVREE » et ânonne de la tête avec un grand sourire satisfait, béât « mot compte double ». Sevrée... sevrée, il a pris tous les « e »... « sevrée »... je me serais bien servi de ce « s »...sevré... et même pris un petit verre. J’ai rien chez moi, depuis des mois, mais peut-être que lui garde une bonne bouteille de réserve chez lui. C’est vrai çà ! On n’arrive pas chez les gens sans rien apporter, sans prévenir, à deux heures et demi du matin, même entre voisins. J’allais me coucher, lire un bon livre, toujours le même, mon petit compagnon au travers des nuits les plus froides et les plus seules, depuis des années : Le vieil homme et la mer, où le flux et le reflux marin de ma respiration enrouée et de mes pensées ratiocinantes trouvent un exemple, un élan. Cela ne m’étonne même pas en fait, il est déjà venu il y a un mois et il n’avait rien apporté, déjà. Sauf de œufs... des œufs... crus, dans leur coquille. A croire qu’il n’avait plus de gaz pour les faire cuire. Il avait tout de même eu la gentillesse de les cuisiner : une assiette chacun de salade avec un œuf parfaitement mollet posé délicatement dessus et parsemé de persil. « Deux minutes quinze secondes dans une eau salée tout juste frémissante ! » avait-il préconisé doctement. Quel maniaque ce type finalement ! Il faut que je me méfie, et que je commence à réfléchir. « REAUBID»...Beau....raidi... bride...Ce n’est pas avec ça que je vais le mater...  et si je me sers de son « R » ? ...raidir... brider, brider, brider... et  vlan rideau ! Avec huit points, c’est nul ! Je ne vois pas pourquoi il me lance un regard aussi pointu, genre j’ai un mot qui va te faire décoller, te retourner comme une crêpe et te plaquer à la paroi ! Ma chute s’annonce dans ce regard coupant, acéré. Le mot compte triple, je dois absolument le prendre, il s’est trahi ! Trop basique... Rideau.... non, « baudrier », ah ah ! Et je lui prends la place, lui coupe l’herbe sous le pied, remonte la pente, et le pousse à bout. On va voir sa réaction, on va voir s’il est toujours aussi calme, méthodique et théâtreux ! 

« Baudrier ! Mot compte triple, dans les dents, maniaque »! Aucune réaction, quel flegme, quelle morgue... ce n’est pas la peine de me lancer mollement ce regard vitreux de poisson mort. On va essayer de le piquer un peu, de lui titiller le nerf optique avec des lettres compte triple, de relever la sauce d’un jeu que je commence à trouver un peu fade... sans compter que je déteste voir les gens se balancer nonchalamment sur mes chaises de rotin.  

« Quintet ! Scrabble ! », lance mon débonnaire et énervant partenaire. Et là tombe sous mes yeux, un peu sur la droite, à portée de main si j’évite prudemment le sac de lettres et si le décolle un peu le fessier, la fiole de Tabasco qui traînait là, vestige presque sec de mes beuveries mondaines passées, des apéro cocktails du vendredi vingt heures après le boulot,  dont le bloody mary bien chargé avait fait ma renommée. D’un geste vif, assuré, voire félin sans me vanter, je l’attrape sans bruit et en une seconde mon bras s’élance de rage pour asperger le visage en face de moi et rayer le sourire qui le barre. Mais la fiole s’arrache de  mes phalanges moites quelques peu replètes pour venir s’écraser quelques mètres plus loin, sur le miroir qui me fait face et le briser net.

 

Jérémie Gallois

 

jeudi, 12 novembre 2009

L'intégrale pour présenter quelques fonctions usuelles

 

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Photo d'Edith de Cornulier par Sara, prise il y a quelques années au défunt café le Cosmos, boulevard Montparnasse.

C'est une contribution mathématique proposée par Laurent Moonens en avril de l'an 2007. Pour la (re)lire, il faut cliquer sur le lien du document pédéhaif :

L'intégrale (pour présenter quelques fonctions usuelles, marrantes mais pas méchantes)

 

 

Pour en apprendre plus sur Laurent Moonens, voici sa page ; et quelques vidéos de lui sont visibles ici.

mardi, 10 novembre 2009

Rémy de Gourmont à propos du célibat

 

 

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phot Sara

 

On s'est efforcé, depuis une centaine d'années, d'identifier deux états qui n'ont pourtant que peu de rapports ensemble, l'état d'amour et l'état de mariage. C'est tout à fait nouveau dans l'histoire des mœurs. Les anciens n'y avaient jamais songé ; les modernes, non plus. Il a fallu, pour permettre une telle association d'idées, la renaissance chrétienne qui a caractérisé ce siècle fameux par ses incohérences. Cela permet de parodier quelque peu le dire de Pascal sur la justice et sur la force. Les moralistes, ne pouvant vaincre l'amour ni faire qu'il devînt chrétien, l'ont mis dans le mariage où ils étaient sûrs de le déshonorer et même de l'assassiner. Certes, il serait plus commode et peut-être plus agréable même de trouver l'amour dans le mariage plutôt que d'aller le chercher au hasard des chemins de la vie, mais s'il s'y rencontre quelquefois il n'y fait que de brèves stations pour laisser ensuite fort désemparés ceux qui se sont laissé prendre à un tel piège.

L'amour est passager et le mariage est permanent. Ce sentiment et cette institution sont à peu près contradictoires. D'ailleurs l'amour n'est délicieux que dans ses commencements, ou bien il faut avoir le génie d'aimer pour en renouveler constamment la ferveur. Des amants parfois prennent en eux cette volonté, ils reçoivent cette grâce, à force de la désirer, mais les époux, confiants dans leur sécurité, croient d'abord qu'elle est une des conséquences du mariage et sont fort étonnés de voir qu'elle leur échappe. Ils s'ennuient, l'un en face de l'autre, à regarder des yeux qui ne parlent plus, des bouches sans baisers. L'amour ne dure pas, il se renouvelle. Or, le mariage s'oppose à ce renouvellement. Donc l'amour et le mariage sont incompatibles.

Le mariage a d'autres buts et d'autres mérites.

 

Rémy de Gourmont

 

lundi, 09 novembre 2009

Ainsi parla Germaine Dulac en 1932

 

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On peut qualifier d'expérimental tout film dont la technique, utilisée en vue d'une expression renouvelée de l'image et du son, rompt avec les traditions établies pour rechercher dans le domaine strictement visuel et auditif, des accords pathétiques inédits. Le film expérimental ne s'adresse pas au simple plaisir de la foule. Il est à la fois plus égoïste et plus altruiste. Égoïste, puisque manifestation personnelle d'une pensée pure ; altruiste, puisque dégagé de tout souci autre que le progrès. Le film expérimental d'inspiration sincère a cette qualité primordiale de contenir en germe, sous une apparence parfois inaccessible, les découvertes susceptibles d'acheminer les films vers la forme cinématographique des temps futurs. 

 

Germaine Dulac, cinéaste